Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TOD-415

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 54 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 9 décembre 2021, à 15 h 35, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’UES et lui a fourni les renseignements suivants.

Le vendredi 29 octobre 2021, à 4 h 27 du matin, le SPT a reçu un appel signalant un coup de feu dans le secteur de Kennedy Road et d’Ellesmere Road. Un agent est arrivé sur les lieux à 4 h 33, a fait le tour du secteur et a repéré un homme « à terre ». L’agent a pensé que l’homme était en état d’ébriété et n’était pas lié à l’appel de service. Après l’arrivée sur les lieux de trois autres agents, ils se sont rendu compte que l’homme avait été abattu. [1]

Les agents en cause ont été désignés comme étant les agents impliqués (AI no 1, AI no 2 et AI no 3).

Les enregistrements du système de caméra à bord du véhicule de police avaient depuis lors révélé que les agents étaient restés dans les environs sans administrer les premiers soins au blessé qui était conscient et respirait au moment où ils l’ont découvert.

Des ambulanciers paramédicaux sont arrivés à 4 h 40 et ont conduit l’homme à l’hôpital où il est décédé plus tard.

Le SPT a indiqué que des enquêteurs sur les homicides du SPT avaient examiné les circonstances de l’incident et s’étaient inquiétés du fait que les agents qui étaient intervenus n’aient pas administré les premiers soins. De ce fait, la « section des plaintes » du SPT avait alors examiné les circonstances de l’incident et avait exprimé les mêmes préoccupations. L’affaire avait ensuite été renvoyée à la Direction des normes professionnelles, qui avait partagé ces préoccupations. L’UES a alors été avisée.

Le défunt a été identifié comme étant le plaignant.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 10 décembre 2021 à 11 h 35

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 10 décembre 2021 à 12 h 31

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 54 ans, décédé


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 7 février 2022 et le 7 avril 2022.
 

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 11 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 12 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 13 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 30 décembre 2021 et le 11 janvier 2022.


Témoins employés du service (TES)

TES no 1 A participé à une entrevue
TES no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
TES no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
TES no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
TES no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

Le témoin employé du service a participé à une entrevue le 31 décembre 2021.


Retard dans l’enquête

Cette enquête a été retardée jusqu’à la rédaction et la réception du rapport d’autopsie.

Éléments de preuve

Les lieux

Cet incident a été signalé à l’UES environ six semaines après l’incident. De ce fait, il n’y avait pas de scène à examiner.

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments pertinents qui avaient été recueillis dans le cadre de sa propre enquête sur l’homicide. Ces éléments comprenaient des enregistrements de caméras à bord de véhicules de police, des photographies prises par les enquêteurs spécialisés en sciences judiciaires du SPT ainsi que des vidéos de caméras de surveillance du secteur où l’incident s’est produit.

Les événements en question se sont produits devant l’entrée du dépanneur Circle K au 1480 Kennedy Road, à Scarborough. Le dépanneur est situé à l’angle sud-ouest de Kennedy Road et d’Ellesmere Road et fait partie d’une station-service Esso.

L’enquête a révélé qu’à son arrivée sur les lieux, l’AI no 2 a garé son véhicule de patrouille devant le dépanneur, face à l’entrée. L’AI no 1 a garé son véhicule de patrouille à droite de celui de l’AI no 2.

Éléments de preuves médicolégaux

Un pathologiste, le TC no 4, a effectué une autopsie le 30 octobre 2021.

L’UES a reçu son rapport le mercredi 30 mars 2022.

Selon le rapport, [traduction] « une balle avait pénétré dans la partie supérieure gauche de la poitrine et parcouru un trajet dans les cavités thoraciques gauche et droite, y compris le lobe supérieur du poumon gauche, l’œsophage et le lobe inférieur du poumon droit, et était ressortie par le haut du dos, du côté droit.

Les blessures connexes comprenaient des lésions à des organes internes, des hémorragies, environ 2000 cc de sang dans la cavité thoracique droite et 250 cc dans la cavité gauche, ainsi que des traces hémorragiques de plaies dans les poumons gauche et droit et dans l’œsophage.

Des examens toxicologiques ont révélé que le sang du plaignant contenait du fentanyl, de la méthamphétamine, de l’amphétamine et du flualprazolam.

Le TC no 4 a conclu que le plaignant était décédé d’une blessure par balle à la poitrine. La blessure mortelle a provoqué une hémorragie importante et inhibé la respiration normale. Malgré la présence de fentanyl et de méthamphétamine à des concentrations possiblement toxiques et le fait que le flualprazolam ait pu contribuer aux effets dépressifs du fentanyl, le TC no 4 a noté qu’il y avait un chevauchement entre les concentrations de ces drogues considérées comme étant accessoires à la cause du décès et les concentrations dans des décès attribués à la toxicité de drogues ou de médicaments et que, compte tenu des antécédents, des circonstances et des résultats de l’autopsie, ces substances n’ont pas contribué à la cause du décès.

Lors de sa rencontre avec l’enquêteur principal de l’UES, le TC no 4 a précisé qu’il n’y avait aucune blessure à l’aorte.

En ce qui concerne le volume de sang dans la cavité thoracique du plaignant, le TC no 4 a expliqué qu’il était important de noter que la cavité thoracique gauche du plaignant avait été ouverte lors d’une intervention chirurgicale et que, par conséquent, il ne pouvait pas déterminer la quantité de sang perdue à cause de la blessure ou à cause de l’intervention médicale. Le TC no 4 a noté qu’il y avait des taches de sang sur les vêtements du plaignant, mais il n’a pas pu préciser combien de sang le plaignant avait perdu sur les lieux.

En ce qui concerne les premiers soins qui auraient pu être administrés sur les lieux, le TC no 4 a déclaré que cela dépendait du niveau de formation des agents impliqués et de leur capacité à fournir des soins de réanimation immédiats. Le TC no 4 se souvenait que le patient était alerte et parlait lors du contact initial avec les agents et que rien n’indiquait alors que des efforts de RCR étaient nécessaires. Le TC no 4 a jugé que puisque le blessé était alerte et parlait, rien n’indiquait qu’il fallait lui administrer la RCR, mais que lorsqu’il a perdu connaissance à l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, ces derniers étaient formés « pour une intervention de plus haut niveau ». Cette intervention – une thoracotomie à l’aiguille – devenue nécessaire quand le patient a perdu toute réaction « nécessite un niveau de formation plus élevé » et n’aurait pas été effectuée sur un patient alerte et réactif.

Le TC no 4 a estimé qu’étant donné la nature et la gravité de la blessure, il n’y avait pas grand-chose qu’on aurait pu faire, si ce n’est de conduire le blessé rapidement à l’hôpital où une intervention médicale et chirurgicale de niveau supérieur aurait pu être exécutée. De plus, le TC no 4 n’était pas certain qu’on aurait pu faire quoi que ce soit, car le patient était conscient, et qu’il aurait donc fallu reconnaître la gravité de la situation et s’assurer d’obtenir des soins médicaux.

Le TC no 4 ignorait le niveau de formation en secourisme de la police, mais jugeait que mis à part de panser les plaies externes, les agents n’auraient pas pu faire grand-chose pour traiter les blessures internes. Il était donc crucial d’obtenir une intervention médicale le plus rapidement possible.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Photographies

Parmi les photographies remises par le SPT à l’UES, sept semblaient avoir été prises par l’AI no 3. Quatre de ces photos avaient été prises lors de l’interaction des AI avec le plaignant, avant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux. D’après les données du fichier numérique associées à ces photos, elles avaient été prises à 4 h 37.

Ces photographies montrent le plaignant accroupi sur ses genoux sur la dalle de béton devant l’entrée du dépanneur.

Les autres photographies comprenaient des photographies du défunt au Centre Sunnybrook des sciences de la santé (“hôpital Sunnybrook »), des photographies de l’autopsie et des photographies prises dans ce qui semblait être une résidence.


Enregistrements de caméras à bord de véhicules de police

Les caméras des véhicules de police des AI ont enregistré leur interaction avec le plaignant avant l’arrivée des services médicaux d’urgence. La caméra du véhicule de l’AI no 2 avait une vue dégagée, avec une bonne réception audio de son microphone sans fil. La caméra du véhicule de l’AI no 1 n’a pas enregistré de son pendant l’incident. La vidéo de la caméra du véhicule de l’AI no 3 ne montrait pas le plaignant parce que le champ de vision était obstrué par le véhicule de l’AI no 1.

Les vidéos des caméras des véhicules de police ont révélé que l’AI no 2 et l’AI no 1 sont arrivés ensemble sur les lieux vers 4 h 33 min 14 s Ils ont garé leurs véhicules de patrouille respectifs avec la caméra orientée vers l’entrée du dépanneur. Les agents sont arrivés près du plaignant vers 4 h 33 min 30 s.

À 4 h 34 min 10 s, sur la vidéo de la caméra du véhicule de l’AI no 2, on voit l’AI no 1 s’approcher du plaignant. Il ne touche pas le plaignant, qui est en boule, les genoux et la tête contre le sol. Les deux agents, debout à ses côtés, lui posent des questions au sujet du suspect. L’AI no 1 entre ensuite dans le dépanneur; l’AI no 2 reste à l’extérieur. Après plusieurs autres questions au sujet du suspect, le plaignant crie [traduction] : « Merde, je ne sais pas », et dit à l’AI no 2 que l’événement aurait été filmé. Lorsque l’AI no 2 lui demande s’il a besoin de s’allonger sur le dos, le plaignant répond qu’il ne sait pas.

À 4 h 35 min 50 s, le plaignant dit qu’il va mourir. L’AI no 2 s’éloigne et commence à parler dans le microphone de sa radio portable. Il donne au répartiteur une mise à jour sur la situation, avec une description du suspect, et lui dit que la victime s’est fait voler son chèque du POSPH. [3]

Quand l’AI no 3 arrive, l’AI no 2 s’approche du plaignant qui crie [traduction] « Aidez-moi » à trois reprises. L’AI no 2 se baisse et demande au plaignant de le regarder. Le plaignant se tourne sur le côté droit pendant que l’AI no 2 se baisse. L’AI no 3 est debout à côté, puis se baisse à son tour.

Les deux agents se relèvent ensuite, au moment où l’AI no 1 sort du dépanneur. Les agents font quelques pas en s’éloignant du plaignant qui crie [traduction] « Aidez-moi » cinq fois de plus, en ajoutant : « J’ai une famille ». À plusieurs reprises, il dit qu’il va mourir. À 4 h 37 min 30 s, l’AI lui dit [traduction] : « Tu ne vas pas mourir, d’accord », tout en lui demandant à plusieurs reprises où l’incident s’est produit.

L’AI no 1 dit ensuite [traduction] « Voyons ton portefeuille », et demande au plaignant s’il a des pièces d’identité. Il lui demande ensuite de confirmer son nom. L’AI no 2 dit au plaignant de s’allonger sur le dos ou sur le côté. Au lieu de cela, le plaignant change de position et s’accroupit en prenant appui sur ses genoux. Au même moment, on peut voir sur la vidéo une série d’éclats lumineux près de l’endroit où se trouve le plaignant. [4]

L’AI no3 court vers son véhicule, puis on le voit, sur la vidéo la caméra du véhicule de l’AI no 1, revenir sur les lieux à 4 h 37 min 50 s L’AI no 3 prend alors quatre photographies du plaignant, qui est recroquevillé à genou devant les portes du dépanneur.

À ce moment-là, le plaignant continue de crier [traduction] « Aidez-moi » et « Je vais mourir », tout en hurlant de douleur. Il se rallonge sur le côté gauche et l’AI no 2 se penche vers lui en lui disant d’essayer de ne pas bouger. Quand le plaignant dit de nouveau qu’il va mourir, l’AI no 2 lui demande s’il sait qui lui a tiré dessus. Le plaignant dit qu’il n’arrive pas à respirer et qu’il va mourir. L’AI lui répond qu’il ne va mourir et lui dit de respirer profondément. L’AI no 2 dit ensuite au plaignant qu’une ambulance est en route. Le plaignant répète qu’il va mourir à trois reprises.

L’AI no 2 lui dit qu’une ambulance est là et qu’il doit s’allonger parce que les ambulanciers paramédicaux auront besoin de voir son ventre. À 4 h 40 min 26 s, le plaignant, qui est allongé sur le dos, semble cesser complètement de bouger. À partir de ce moment-là l’AI no 2 demande au plaignant comment il s’appelle 12 fois pendant que l’ambulancière paramédicale (la TC no 3) s’approche. Immédiatement après, les agents et la TC no 3 essaient de réveiller le plaignant, en lui demandant son nom et en lui disant : [traduction] « Allez. Reste avec nous » et « Allez mon pote. Réveille-toi. »

À partir du moment où la TC no 3 est arrivée, il semble que le plaignant est resté immobile et sans réaction.


Autres vidéos de caméras de surveillance

Le SPT a également remis à l’UES des vidéos de caméras de surveillance obtenus en faisant le tour du secteur dans le cadre de l’enquête sur homicide. Les vidéos de 15 locaux voisins, dont le dépanneur Circle K, ont été examinés. Elles ne contenaient aucun élément à valeur probante.

Sur la vidéo du dépanneur Circle K, on peut voir le plaignant dans le magasin environ deux heures avant qu’il soit abattu. Le plaignant est dans le magasin avec l’employé et achète trois canettes de boisson et d’autres articles avant de partir.

Le plaignant revient dans le magasin environ deux heures plus tard. Cette fois, sans le manteau bleu, les lunettes et le masque chirurgical bleu qu’il portait auparavant. En entrant dans le magasin, il s’effondre immédiatement par terre.

Le plaignant reste par terre, se tortille et rampe jusqu’à la porte tandis que l’employé reste derrière le comptoir de vente, les bras croisés. Le plaignant reste sur le seuil de la porte ouverte, avant que la porte se referme environ deux minutes et demie après son entrée.

La première voiture de police arrive devant le dépanneur environ deux minutes plus tard.

Malheureusement, une caméra fixée sur la façade du magasin n’a pas capturé le plaignant quand il était par terre devant le magasin parce que le champ de vision de la caméra était obstrué par un contenant rouge pour le bois de chauffage/petit bois en vente au magasin.

Éléments obtenus auprès du service de police

Le SPT a remis les documents suivants à l’UES entre le 14 décembre 2021 et le 17 janvier 2022 :
  • Dossiers de recherches dans les bases de données de la police (x7) ;
  • Système de répartition assisté par ordinateur (RAO) – rapport de détails d’événement (x2);
  • Résumé de la déclaration de témoin civil (x2);
  • Certificat de formation en secourisme et RCR de l’AI no 1 ;
  • Courriel du SPT concernant les rapports de recherches dans le secteur (x2);
  • Rapport de message narratif de RAO (x3);
  • Rapport général d’incident;
  • Liste des agents concernés;
  • Historiques d’emploi des AI;
  • Renseignements sur le plus proche parent, tirés du carnet de notes de l’AT no 12;
  • Notes des ATs et des TES;
  • Rapport de feuille de service;
  • Critères d’embauche du Service de police de Toronto ;
  • Norme de formation du SPT – Programme de formation en cours d’emploi ;
  • Norme de formation du SPT – Formation préalable des recrues au Collège de police de l’Ontario (CPO);
  • Norme de formation du SPT – Formation des recrues après le CPO;
  • Formulaires de plainte pour conduite interne (x3) ;
  • Politique – Intervention d’urgence en cas d’incident ;
  • Politique – Caméras à bord de véhicule de police;
  • Politique – Voies de fait graves ;
  • Vidéos;
  • Dossiers de formation des AI.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a reçu les éléments suivants provenant d’autres sources :

  • Rapport d’autopsie daté du 22 février 2022 et transmis à l’UES le 30 mars 2022 par le Bureau du coroner en chef.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec les ambulanciers paramédicaux et les vidéos des caméras des véhicules de police qui ont enregistré la majeure partie de l’incident. Les agents impliqués n’ont pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de leurs notes, comme c’était leur droit.

Le 29 octobre 2021, peu avant 4 h 30 du matin, le SPT a reçu un appel au 9-1-1 d’un chauffeur Uber qui signalait avoir entendu un coup de feu dans le secteur de Kennedy Road et d’Ellesmere Road. Des agents ont été envoyés sur les lieux pour enquêter.

Le plaignant avait été blessé par balle dans la partie supérieure gauche de la poitrine. Après avoir reçu le coup de feu, il est allé au dépanneur Circle K, au coin sud-ouest de Kennedy Road et d’Ellesmere Road, où il a demandé à l’employé de l’aider avant de s’effondrer par terre. Le plaignant est sorti du magasin et les premiers agents de police arrivés sur les lieux l’ont trouvé juste devant la porte d’entrée.

L’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 sont arrivés sur les lieux vers 4 h 33 du matin. Ils ont d’abord cru qu’il n’y avait aucun lien entre le plaignant et l’appel de service, mais ont rapidement constaté que le plaignant avait réellement été blessé par balle. Ils l’ont signalé à leur centre de communication et ont demandé une ambulance vers 4 h 34.

Pendant qu’ils attendaient l’ambulance, le plaignant se tordait de douleur et a répété à plusieurs reprises qu’il allait mourir. L’AI no 2 lui a dit qu’il n’était pas en train de mourir et qu’il devrait rester immobile. L’AS no 3 a pris plusieurs photos du plaignant pendant qu’il était par terre. Aucun des agents ne lui a prodigué de soins pour sa blessure.

La première ambulancière paramédicale sur les lieux était la TC no 3. Elle est arrivée à 4 h 40, rejointe peu après par les pompiers. Le plaignant a perdu connaissance à peu près à ce moment-là. On l’a conduit en ambulance à l’hôpital.

L’ambulance est arrivée à l’hôpital Sunnybrook à 5 h 07. Le décès du plaignant a été constaté à 5 h 45.

Le pathologiste qui a effectué l’autopsie a attribué le décès du plaignant à une blessure par balle à la poitrine.

Dispositions législatives pertinentes

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 220 du Code criminel -- Le fait de causer la mort par négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé à Toronto le 29 octobre 2021. Comme il avait interagi avec des agents du SPT peu avant de perdre connaissance, l’UES a été informée de l’incident et a ouvert une enquête. Trois agents ont été identifiés comme agents impliqués (l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les agents impliqués aient commis une infraction criminelle en lien le décès du plaignant.

Les infractions à prendre en considération en l’espèce sont le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, en contravention de l’alinéa 215(2)(b) et de l’article 220 du Code criminel, respectivement. Pour la première, s’agissant d’une infraction de négligence criminelle, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances. La deuxième correspond aux cas encore plus graves de négligence, à savoir les cas qui font preuve d’un mépris déréglé ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autres personnes. Pour que cette infraction soit établie, il faut notamment que le comportement en question constitue un écart marqué et important par rapport à une norme de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut donc déterminer si les agents impliqués ont fait preuve de négligence et mis la vie du plaignant en danger ou causé son décès, et si cette négligence était suffisamment flagrante pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les agents exécutaient leurs fonctions légales lorsqu’ils se sont rendus à l’intersection de Kennedy Road et d’Ellesmere Road à la suite d’un appel signalant un coup de feu dans le secteur. Après avoir repéré un homme dans le besoin et réalisé qu’il avait été blessé par balle et avait besoin de soins médicaux, les agents ont agi de manière appropriée en demandant rapidement l’aide d’ambulanciers paramédicaux.
Je suis aussi convaincu que les agents se sont comportés avec la diligence et l’attention voulues pour le bien-être du plaignant tout au long de leur intervention. Même si les agents auraient pu s’efforcer davantage de réconforter le plaignant avec des paroles ou des gestes appropriés alors qu’il souffrait de douleur aigüe et criait de détresse, le fait est qu’ils ne pouvaient rien faire sur le plan médical pour aider le plaignant, à part d’appeler une ambulance, ce qu’ils ont fait. La preuve indique que la RCR n’était pas nécessaire puisque le plaignant était alerte et parlait jusqu’à l’arrivée de la première ambulancière paramédicale.

Par la suite, quand le plaignant a perdu connaissance, la TC no 3 et les pompiers arrivés sur les lieux se sont chargés des soins. Les circonstances n’exigeaient pas non plus un traitement immédiat de la blessure par balle, car le plaignant ne semblait pas beaucoup saigner. Enfin, compte tenu de la nature de la crise médicale du plaignant à ce moment-là, à savoir une hémorragie interne et des lésions aux organes internes résultant du coup de feu, les agents n’avaient tout simplement pas l’expertise ou l’équipement nécessaires pour lui prodiguer les soins médicaux et chirurgicaux de haut niveau nécessaires.

Il est regrettable qu’un ou plusieurs des agents impliqués n’aient pas fait davantage pour rassurer le plaignant ou dialogue avec lui pendant qu’il était par terre. Toutefois, cette omission n’a pas mis le plaignant en danger ni causé sa mort. À cet égard, les agents ont fait la seule chose à leur disposition – demander rapidement une intervention médicale plus poussée. Par conséquent, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués aient transgressé les limites de la diligence prescrite par le droit criminel, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles en l’espèce.


Date : 24 août 2022


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Cette enquête a révélé que deux agents supplémentaires sont arrivés, et non trois, comme initialement déclaré par le SPT. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces éléments de preuve sont résumées ci-après. [Retour au texte]
  • 3) Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. [Retour au texte]
  • 4) Après examen de la vidéo de la caméra du véhicule de l’AI no 3 et des photographies prises par l’AI 3, on sait maintenant que ces éclats lumineux provenaient des photographies du plaignant que prenait l’AI no 3 à ce moment-là. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.