Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFP-393

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la décharge d’une arme à feu par un agent de police en direction d’un homme de 52 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 novembre 2021, à 18 h 46, le Service de police régional de Halton (SPRH) a signalé qu’une arme à feu avait été déchargée en direction du plaignant à une résidence située sur Millcroft Park Drive, à Burlington.

Selon ce qui a été rapporté, le 17 novembre 2021, à 16 h 3, des agents du SPRH ont répondu à un appel relatif à la santé mentale effectué par la thérapeute du plaignant, qui a fait savoir que le plaignant s’automutilait chez lui. Le plaignant avait dit à sa thérapeute qu’il avait consommé beaucoup d’alcool toute la journée et qu’il allait s’enlever la vie avec un couteau à lame rétractable. Un appel de suivi a révélé que la femme et la fille du plaignant avaient quitté la résidence.

Puisque le plaignant ne répondait pas aux appels du SPRH sur son téléphone cellulaire, les agents ont localisé le téléphone au moyen d’une sonde par PING; le téléphone se trouvait à la résidence du plaignant.

À 17 h 28, des agents de l’équipe tactique du SPRH sont entrés dans la résidence du plaignant et l’ont trouvé tenant un couteau à lame rétractable contre sa gorge. Les agents ont tiré avec une arme antiémeute (ARWEN), atteignant le plaignant à la jambe droite. Toutefois, ce dernier a pu s’infliger une coupure profonde à la gorge avant d’être mis sous garde et emmené à l’Hôpital général de Hamilton.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 17 novembre 2021, à 19 h 9

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 17 novembre 2021, à 21 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 52 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 19 novembre 2021.

Témoin civil (TC)

TC N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)

Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées.

Agents témoins (AT)

AT no 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

L’agent témoin a participé à une entrevue le 29 novembre 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé à la résidence située sur Millcroft Park Drive à 22 h 15 le 17 novembre 2021; l’AI no 2 lui a donné accès à l’intérieur de la résidence et l’y a accompagné.

L’incident s’est produit dans le sous-sol de la résidence. Une salle de jeu se trouvait dans le sous-sol. La porte de cette salle, une porte formée d’un cadre de bois et de 15 panneaux de vitre, était ouverte et endommagée. Une partie du cadre de la porte se trouvait sur le plancher, tout près du seuil de celle-ci, et cette partie du cadre provenait de l’intérieur de la salle. Le panneau de vitre du coin supérieur gauche de la porte était fracassé, et la vitre brisée était éparpillée sur le plancher près de l’entrée.

À l’intérieur de la salle de jeu, il y avait des taches de sang sur le tapis, à 1,53 mètre au sud de la porte d’entrée et à 1,22 mètre à l’ouest du mur est. Le fil d’une cartouche d’arme à impulsions se trouvait à 1,52 mètre au sud de la porte d’entrée et à 1,83 mètre à l’ouest du mur est. Des portes de décharge d’arme à impulsions se trouvaient également à 1,52 mètre au sud de la porte d’entrée et à 1,83 mètre à l’ouest du mur est. Des dépôts d’AFID (Anti Felon Identification Tag) étaient dispersés à 1,52 mètre au sud de la porte d’entrée et à 1,83 mètre à l’ouest du mur est. Un couteau dont la lame dentelée mesurait 22,86 centimètres se trouvait à 1,52 mètre au sud de la porte d’entrée et à 2,13 mètres à l’ouest du mur est. Plus loin dans la pièce, à 3,78 mètres au sud de la porte d’entrée, se trouvait un couteau à lame rétractable dont la lame était sortie et qui présentait, sur la poignée, ce qui semblait être des taches de sang.

Tous les articles susmentionnés ont été photographiés et recueillis.

Éléments de preuve matériels

Le 19 novembre 2021, à 7 h 35, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu aux installations du SPRH situées au 2485, route North Service Ouest, à Oakville, pour récupérer les articles suivants, qui se trouvaient au Bureau des normes professionnelles du SPRH :
  • une arme ARWEN;
  • un sac contenant cinq projectiles d’ARWEN et cinq douilles de projectiles d’ARWEN vides;
  • une arme à impulsions [1];
  • une arme à impulsions [2];
  • six sondes d’arme à impulsions.
Aucune des armes à impulsions ne contenait de cartouches lorsqu’elles ont été récupérées par l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires.



Figure 1 – ARWEN


Figure 2 – Cinq projectiles d’ARWEN


Figure 3 – Arme à impulsions de l’AT no 2


Figure 4 – Arme à impulsions de l’AT no 3


Figure 5 – Le couteau à lame rétractable


Figure 6 – Le couteau ou la scie à élaguer

Éléments de preuves médicolégaux

Données des armes à impulsions

À 17 h 29 min 54 s [3], l’arme à impulsions de l’AT no 3 a enregistré une activation de la gâchette. La première cartouche a été déployée, et de l’énergie a été transmise aux sondes. À 17 h 30 min 2 s, une deuxième activation de la gâchette, causant le déploiement de la deuxième cartouche, a été enregistrée. De l’énergie a été envoyée aux sondes. Neuf secondes plus tard, une troisième activation de la gâchette a été enregistrée. À 17 h 30 min 31 s, le mécanisme de sécurité de l’arme a été activé, et l’arme a été éteinte.

L’arme à impulsions assignée à l’AT no 2 a enregistré de l’activité à compter de 17 h 31 min 13 s, lorsque le mécanisme de sécurité de l’arme a été désactivé et que l’arme a été allumée. La première et la deuxième cartouches étaient prêtes à être déployées. Dès l’arme prête à être employée, sa gâchette a été activée et la première cartouche a été déployée; de l’énergie a été envoyée à ses sondes. La deuxième cartouche était toujours prête à être déployée. À 17 h 31 min 17 s, l’arme a été sécurisée, puis éteinte; la première cartouche avait été déployée et la deuxième était prête à l’être.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [4]

Appels non urgents au SPRH

La psychothérapeute du plaignant a appelé le SPRH à plusieurs reprises le 17 novembre 2021 au sujet de son patient, le plaignant. Voici un résumé de ces appels.

À 15 h 54 min 38 s, la thérapeute appelle et révèle son identité; elle indique que le plaignant ne va pas bien et dit vouloir « en finir ». Elle fait savoir au téléphoniste qu’elle avait appelé le SPRH l’été précédent au sujet du même patient, et que des agents l’avaient alors trouvé au lac Ontario. La thérapeute n’a pas accès à ses dossiers et n’est pas en mesure de donner l’adresse du plaignant. À cette occasion, elle ne sait pas à quel point elle doit prendre au sérieux les menaces du plaignant, mais elle précise que celui-ci lui a dit qu’il « en a assez » et qu’il a ensuite raccroché. Elle dit que le plaignant a suivi un entraînement militaire.

Le téléphoniste demande à la thérapeute si le plaignant a dit comment il comptait se faire du mal, et elle répond que non. Il lui a toutefois dit par message texte qu’il avait une veste de kevlar, et a fait savoir qu’il « en avait assez » et voulait en finir une fois pour toutes. Il lui a également envoyé des photos de ses mains qu’il avait blessées en frappant des objets. Sur ces photos, ses mains étaient enflées et ses doigts semblaient fracturés.

Le téléphoniste demande à la thérapeute si le plaignant a des armes. Elle répond qu’elle n’en a aucune idée. Elle dit qu’il est au bord du gouffre. Après avoir dit cela, elle informe le téléphoniste que le plaignant essaie de l’appeler, et à 15 h 59, elle raccroche pour pouvoir répondre à l’appel du plaignant.

À 16 h 0 min 57 s, la thérapeute rappelle le SPRH et parle à une deuxième téléphoniste. Elle dit qu’elle rappelle pour informer la police que le plaignant menace de se tuer si la police passe devant chez lui parce que sa femme est à la maison. Elle signale ensuite avoir reçu un message texte de la part du plaignant, dans lequel il lui indiquait avoir quitté sa résidence parce qu’elle lui avait dit que la police arrivait. La téléphoniste demande si le plaignant lui a dit où il allait, et elle répond « il est trop intelligent pour cela ». Lorsque la téléphoniste lui demande si le plaignant a une voiture, elle répond qu’elle n’en est pas certaine.

La thérapeute dit qu’elle a peur que si la police se présente à la résidence du plaignant et qu’il n’y est pas, il n’y retournera pas et « passera à l’acte ». La téléphoniste dit à la thérapeute qu’elle comprend et prend note de ses préoccupations, mais elle ajoute que la police est légalement tenue de s’assurer du bien-être du plaignant et envoie donc des agents à la résidence même s’il se peut qu’il n’y soit pas. Les agents devront aussi chercher dans les environs, faire de leur mieux pour trouver le plaignant et s’assurer qu’il reçoit les soins dont il a besoin.

La thérapeute indique quelle est la couleur du véhicule du plaignant et dit qu’elle croit que si le véhicule ne se trouve pas dans l’entrée de sa résidence, alors le plaignant n’est pas là.

Le répartiteur assure à la thérapeute que la police prendra bien connaissance de la situation et l’invite à rappeler si elle a d’autres renseignements. La thérapeute dit qu’elle rappellera le plaignant et tentera de le convaincre de ne pas se faire du mal. Elle ne sait pas ce qu’il attend d’elle, mais elle sait qu’elle a le devoir légal de signaler ses menaces d’automutilation. La téléphoniste dit à la thérapeute que lorsqu’une personne en crise communique avec une autre personne, cela est bon signe.

À 16 h 18 min 24 s, la thérapeute effectue un troisième appel et dit à un troisième téléphoniste qu’elle a parlé avec le plaignant au téléphone et qu’il donnait l’impression d’avoir abandonné. Il lui a dit « je ne peux pas continuer, je vais prendre une mesure permanente », puis il a raccroché et n’a plus répondu aux appels ni aux messages textes. La thérapeute ne sait pas où se trouve le plaignant, mais précise qu’il lui a dit qu’il s’est fracturé cinq doigts en donnant des coups de poing sur les murs et qu’il lui a envoyé des photos. Elle a peur de ne pas pouvoir répondre à ses appels s’il tente de la joindre au cours des prochaines heures, puisqu’elle doit voir d’autres patients. Le téléphoniste lui dit que des agents sont en route vers la résidence du plaignant et sont presque arrivés. La thérapeute dit au téléphoniste qu’elle vient de recevoir un message texte du plaignant disant qu’il a raccroché lorsque la police lui a téléphoné, puis elle dit qu’elle croit qu’un agent l’appelle. À 16 h 21 min 24 s, le téléphoniste raccroche pour la laisser prendre cet appel.

À 16 h 46 min 43 s, la thérapeute appelle une quatrième fois le SPRH et dit au téléphoniste que le plaignant a menacé de se couper la main avec une scie à chaîne, et qu’elle est certaine qu’il possède effectivement une scie à chaîne. Elle dit au téléphoniste qu’il a menacé de s’enlever la vie d’ici le jour de Noël, et qu’elle lui a parlé au téléphone pendant 15 minutes, mais qu’il venait de raccrocher.

Le téléphoniste demande si le plaignant a fait mention de la police et s’il est chez lui. La thérapeute dit qu’elle ne sait pas où il est. Le téléphoniste demande si le plaignant a mentionné avoir vu la police ou si le fait de les voir a déclenché une réaction chez lui. La thérapeute indique que le plaignant lui a dit que des véhicules de police étaient devant chez lui, qu’il était à des kilomètres de là, mais que son fils aimait beaucoup les voir sur place. Elle informe également le téléphoniste qu’elle parlait avec un autre agent avant ce dernier appel avec le plaignant. Le téléphoniste lui dit qu’il a mis l’appel à jour et lui demande de rappeler si elle a du nouveau. L’appel prend fin à 16 h 50 min 21 s.

À 16 h 53 min 39 s, la thérapeute appelle une cinquième fois le SPRH et lit un message texte qu’elle a reçu du plaignant. Le message est le suivant : « La police veut-elle voir ma femme et mon fils en personne maintenant? Merci beaucoup. Ma décision est maintenant prise. » La téléphoniste met l’appel à jour et dit à la thérapeute qu’il semble que des agents sont sur les lieux et tentent de régler la situation. Elle demande à la thérapeute de continuer de rappeler s’il y a du nouveau, et l’appel prend fin à 16 h 54 min 59 s.

À 16 h 59 min 54 s, la thérapeute appelle une sixième fois le SPRH et dit qu’elle a parlé au téléphone avec le plaignant, qui regardait les agents depuis un endroit situé près de sa résidence. Il lui a dit qu’il a compté neuf agents de police à sa résidence et qu’il était « très en colère » parce que son fils était maintenant impliqué, ajoutant qu’il s’inquiétait du fait que les voisins puissent voir ce qui se passe. Il voulait se trancher la gorge. Il n’avait nulle part où aller. Le téléphoniste confirme que beaucoup d’agents se trouvent sur les lieux, qu’ils ont un contact visuel avec le plaignant et qu’ils tentent de gérer avec la situation le mieux possible. Cet appel prend fin à 17 h 2 min 14 s.

À 17 h 9 min 1 s, la thérapeute appelle une septième fois le SPRH pour dire qu’elle vient de parler au plaignant, qui lui a dit que les agents ont placé sa famille dans un véhicule de police. Il lui a dit qu’il avait un couteau et allait se trancher la gorge. Il a ajouté qu’il ne veut pas aller à l’hôpital, car il y a déjà subi des abus dans des hôpitaux et a peur que cela se reproduise. La thérapeute dit au téléphoniste que le plaignant est furieux, qu’il perçoit la situation comme un affrontement avec la police et qu’il ne répond pas bien aux ultimatums. Cet appel prend fin à 17 h 11 min 6 s.

À 17 h 24 min 42 s, la thérapeute appelle une huitième fois le SPRH pour signaler que le plaignant vient de lui dire qu’il tient un couteau contre sa gorge. Elle lui a dit de l’enlever parce qu’elle voulait qu’il vive. Il a alors marmonné quelque chose, puis a dit « je n’en peux plus », et a raccroché. Le téléphoniste dit qu’il a ajouté cette mise à jour à l’appel. Ensuite, à 17 h 25 min 32 s, la thérapeute dit qu’elle rappellera lorsqu’elle aura du nouveau, puis elle raccroche.

À 20 h 35 min 58 s, la thérapeute appelle une neuvième fois le SPRH et dit à la téléphoniste qu’un agent de police était censé l’appeler. Elle veut savoir si le plaignant est à l’hôpital. La téléphoniste dit qu’elle va demander à quelqu’un de l’appeler. Cet appel prend fin à 20 h 36 min 48 s.

Enregistrements des communications du SPRH

Des agents ont été dépêchés pour intervenir dans une tentative de suicide à une résidence située sur Millcroft Park Drive, à Burlington. Le répartiteur a dit que la personne ayant fait l’appel, une psychothérapeute, a signalé que son patient, le plaignant, disait vouloir « en finir ». Plusieurs agents de police ont répondu à l’appel, y compris des membres de l’unité d’intervention tactique et une unité canine, qui se sont placés près de la résidence.

À 4 min 57 s dans l’enregistrement, un agent dit au répartiteur qu’il a parlé au téléphone avec le plaignant, qui refusait de dire où il se trouvait. À 9 min 50 s, l’agent no 1, le maître chien, fait savoir qu’un autre agent et lui ont sécurisé l’arrière de la résidence et qu’ils ont établi un contact visuel avec le plaignant, qui se trouve au deuxième étage de la maison.

À 13 min 36 s, l’AT no 2 a transmis la mission : procéder en toute sécurité à l’arrestation du plaignant à sa résidence aux termes de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. À 14 min 33 s, il signale qu’il a des outils pour forcer la porte, une arme ARWEN et un bouclier.

À 15 min 32 s, le répartiteur fait savoir que la thérapeute a parlé au téléphone avec le plaignant, qui lui a dit qu’il tient un couteau contre sa gorge et qu’il n’en peut plus, puis qui a raccroché.

À 15 min 55 s, on fait savoir que les agents pourraient devoir entrer dans la résidence comme mesure pour préserver la vie. Treize secondes plus tard, on indique que les agents entrent dans la maison.

À 16 min 21 s, l’AT no 2 signale que le plaignant est dans le sous-sol et tient un couteau contre sa gorge.

À 16 min 26 s, un agent signale que la présence d’ambulanciers des Services tactiques d’aide médicale d’urgence (STAMU) est nécessaire. Sept secondes plus tard, l’agent no 1 insiste et indique que les STAMU sont nécessaires immédiatement.

À 16 min 38 s, un agent signale que le plaignant est sous garde, qu’il a plusieurs lacérations à la gorge et qu’il est conscient et qu’il respire. Il demande une estimation de l’heure d’arrivée des STAMU.

À 17 min 1 s, on communique de l’information à savoir que le plaignant a une coupure d’environ 9 centimètres à la gorge, que de la pression et des bandages ont été appliqués et que certains des vêtements du plaignant ont été retirés en préparation de l’arrivée des ambulanciers.

À 17 min 30 s, on signale que des ambulanciers s’occupent du plaignant et que des agents vérifient le reste de la maison.

À 17 min 49 s, on fait savoir que le plaignant est dans une ambulance avec un agent et qu’on l’emmène à l’hôpital.

À 21 min 53 s, on donne des précisions sur les blessures du plaignant, à savoir des blessures au couteau à la gorge et l’impact de projectiles d’ARWEN à la jambe droite.

À 22 min 9 s, l’ambulance arrive à l’hôpital, et le plaignant est conscient, il respire et il parle aux ambulanciers.

À 22 min 55 s, l’AT no 2 communique pour demander si l’agent qui se trouve à l’hôpital avec le plaignant sait combien de sondes d’arme à impulsions le plaignant a sur lui. On répond à l’agent que la question qu’il a transmise était inaudible à la radio de police à l’hôpital, et l’agent qui se trouve à l’hôpital demande à l’AT no 2 de lui téléphoner. À 24 min 19 s, l’AT no 2 fait savoir que toutes les sondes d’arme à impulsions ont été trouvées.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPRH entre le 20 novembre 2021 et le 16 décembre 2021 :
  • Rapport sur les données téléchargées de l’arme à impulsions – AT no 3;
  • Rapport sur les données téléchargées de l’arme à impulsions – AT no 2;
  • rapport chronologique des événements;
  • notes de l’AI no 2;
  • notes de l’AI no 1;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 5;
  • rapport d’incident;
  • formulaire – personne en crise;
  • directive – recours à la force;
  • directive – arrestation et remise en liberté de personnes;
  • directive – intervention de la police auprès d’une personne en crise;
  • directive – prise d’otage et personnes barricadées;
  • rapport sur les lieux de l’incident rédigé par un agent;
  • enregistrements des communications;
  • rapport sur le recours à la force – arme à impulsions – AT no 3;
  • rapport sur le recours à la force – arme à impulsions – AT no 2;
  • rapport sur le recours à la force – unité d’intervention tactique.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’une autre source et les a examinés :
  • dossiers médicaux – Hôpital général de Hamilton.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits en fonction des éléments de preuve recueillis par l’UES; de même, le tout peut être résumé brièvement. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES. Toutefois, ils ont accepté que l’on communique leurs notes.

Tard dans l’après-midi du 17 novembre 2021, des agents du SPRH ont entrepris de se rendre à la résidence du plaignant, située sur Millcroft Park Drive. Ils se rendaient à cet endroit en réponse à de multiples appels au 9 1 1 effectués par la thérapeute du plaignant, qui craignait que le plaignant soit sur le point de se faire du mal. Le plaignant avait fait des allusions en ce sens dans plusieurs de ses communications avec la thérapeute ce jour-là.

L’AI no 1 et l’AI no 2 faisaient partie d’un groupe d’agents qui se sont rendus à la résidence, soit une maison simple à deux étages. À la lumière de l’information transmise par la thérapeute, les agents ont décidé qu’ils procéderaient à l’arrestation du plaignant aux termes de la Loi sur la santé mentale.

Vers 17 h 30, après une période où l’on a tenté à de multiples reprises de négocier avec le plaignant, une équipe d’agents a été autorisée à entrer dans la résidence. L’équipe, dont faisait partie l’AI no 2, muni d’un ARWEN, est entrée par la porte de devant et a commencé à chercher le plaignant. Les agents ont appris que le plaignant était dans le sous-sol – la thérapeute, qui était toujours au téléphone avec un téléphoniste du 9 1 1, a dit à la police que le plaignant entendait les agents au-dessus de lui.

Le plaignant s’est réfugié dans la salle de jeu du sous-sol lorsqu’il a vu les agents arriver au sous-sol. Il a fermé la porte vitrée de cette salle derrière lui, puis il a fracassé l’un des panneaux de vitre avec une scie d’élagage qu’il tenait dans une main. Il avait un couteau à lame rétractable dans l’autre main.

Dirigés par l’AT no 2, armé d’une carabine C8, les agents sont entrés dans la salle de jeu et ont fait face au plaignant. Le plaignant tenait le couteau à lame rétractable contre son cou et se coupait lorsque l’AI no 2, qui est entré dans la salle derrière l’AT no 2, a tiré les cinq projectiles de son arme ARWEN dans sa direction. Le plaignant a réagi en baissant le couteau, puis il a reçu plusieurs décharges d’armes à impulsions, qui l’ont fait tomber au sol.

Après une lutte au sol, pendant laquelle on a donné au plaignant une autre décharge d’arme à impulsions et on lui a enlevé le couteau à lame rétractable, les agents ont pu menotter le plaignant, les mains derrière le dos. Ils lui ont ensuite donné les premiers soins pour les lacérations qu’il s’était infligées au cou.

Des ambulanciers se sont présentés sur les lieux, ont pris le relais et ont transporté le plaignant à l’hôpital. On a constaté qu’il avait deux lacérations au cou et on a traité celles-ci. Ensuite, le plaignant a subi une évaluation psychiatrique. Il avait également des ecchymoses causées par l’impact des projectiles d’ARWEN.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 17 novembre 2021, le plaignant a subi des blessures graves dans sa résidence, à Burlington. Puisque des agents du SPRH se trouvaient dans la propriété et autour de celle ci au moment où le tout s’est déroulé, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont été désignés comme agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Puisque la thérapeute avait informé les agents de la détresse mentale et des idées suicidaires du plaignant, je suis convaincu que l’arrestation du plaignant était légitime aux termes de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

Je suis également convaincu que la force employée pour procéder à l’arrestation du plaignant, soit de multiples décharges d’ARWEN et d’armes à impulsions, était justifiée. Le plaignant était en crise de santé mentale et n’était pas sain d’esprit au moment des événements. Il s’était muni de deux armes à lame et avait l’intention de se faire du mal, ce qu’il a commencé à faire lorsque les agents lui ont fait face dans le sous-sol de la résidence. Il était évident que les agents devaient agir vite pour empêcher le plaignant de se blesser gravement ou de se suicider. Dans ces circonstances, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que les cinq tirs de projectiles non létaux d’ARWEN et les déploiements d’armes à impulsions étaient excessifs, puisqu’ils visaient à immobiliser immédiatement le plaignant sans lui infliger de blessure grave. C’est effectivement ce qui s’est produit. Le plaignant a rapidement éloigné de son cou la main qui tenait le couteau à lame rétractable. De plus, les décharges d’arme à impulsions ont porté le plaignant au sol, puis, comme il était dans une position relativement désavantageuse, les agents ont pu s’en approcher de manière sécuritaire pour le mettre sous garde. De même, compte tenu de la résistance montrée par le plaignant au sol, il semble que la décharge d’arme à impulsions supplémentaire, cette fois en mode « contact », était également raisonnable, puisqu’il était nécessaire d’immobiliser rapidement le plaignant et de lui prodiguer des soins pour ses blessures graves.

En ce qui concerne la conduite des agents dans la résidence et près de celle-ci avant l’arrestation du plaignant ainsi que leur décision d’entrer dans la résidence au moment où ils l’ont fait, aucun élément de preuve n’indique que les agents impliqués ou tout autre agent présent pendant l’incident ont agi autrement qu’en tenant dûment compte de la santé et du bien-être du plaignant. Puisqu’ils avaient reçu des renseignements de la part de la thérapeute du plaignant qui s’inquiétait pour la sécurité de ce dernier, les agents avaient le devoir de se présenter à la résidence du plaignant et de prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter qu’il soit blessé. Sur les lieux, ils ont tenté de négocier une résolution pacifique de l’incident, mais sans succès, et ils sont entrés seulement après avoir raisonnablement conclu, sur la base de ce que leur avait dit la thérapeute, qui communiquait avec le plaignant à ce moment-là, que le plaignant était sur le point de se faire du mal. Dans cette affaire, je suis convaincu que les interventions de la police ont davantage contribué à sauver la vie du plaignant qu’aux graves blessures qu’il s’est infligées au cou.

En conclusion, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués ont agi autrement qu’en toute légalité pendant leur intervention auprès du plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 9 mars 2022

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) L’AT no 3 avait cette arme en sa possession et l’a utilisée. [Retour au texte]
  • 2) L’AT no 2 avait cette arme en sa possession et l’a utilisée. [Retour au texte]
  • 3) Les heures proviennent des horloges internes des armes, qui ne sont pas nécessairement synchronisées d’une arme à l’autre ni avec l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 4) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

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