Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCD-188

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 38 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 juin 2021, le service de police des parcs du Niagara (SPPN) a avisé l’UES d’un incident concernant un homme suicidaire près des chutes du Niagara. Deux agents des infractions provinciales du SPPN sont arrivés en premier et ont commencé à parler à un homme. Quand deux agents en uniforme du SPPN sont arrivés, l’homme a marché jusqu’à la berge, a sauté dans l’eau et a été emporté par le courant dans les chutes.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 21 juin 2021 à 11 h 52

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 21 juin 2021 à 12 h 17

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 38 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 Proche parent
TC no 2 Proche parent

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 5 juillet 2021.


Agents témoins

AT N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.


Témoins employés du service (TES)

TES no 1 A participé à une entrevue
TES no 2 A participé à une entrevue

Les témoins employés du service ont participé à une entrevue le 24 juin 2021.





Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé à Niagara Falls.


Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [fn]1[fn]

Le SPPN a quatre caméras de surveillance. Le Service de police régional de Niagara (SPRN) en a une qui est fixée sur la façade d’un bâtiment (le centre des opérations en temps réel).

Les caméras du SPPN ont capturé l’événement à partir de 14 h 17 min 1 s, heure à laquelle on voit l’AI et l’AT passer devant le bâtiment du Table Rock Center en marchant vers le sud. Le TES no 1, vêtu d’une veste jaune, marche vers le sud le long du garde-corps de la rivière en direction du TES no 2, qui est debout, le dos tourné vers le garde-corps.

À 14 h 17 min 15 s, l’AI et l’AT continuent d’avancer vers le sud sur l’allée, directement devant le bâtiment.

À 14 h 17 min 26 s, l’AT commence à courir vers l’endroit où le TES no 1 a disparu du champ de vision de la caméra.

À 14 h 17 min 28 s, on peut voir le plaignant courir vers le nord sur l’aire gazonnée du côté est du garde-corps en pierres (côté rivière du garde-corps). Le plaignant fait cinq pas en courant avant de s’élancer depuis la berge et de tomber en avant vers la rivière Niagara.

À 14 h 17 min 30 s, les quatre membres du SP marchent vers le nord, du côté ouest du garde-corps.

À 14 h 17 min 36 s, on peut voir le plaignant flotter, la tête hors de l’eau, en direction des chutes. Les membres du SPPN marchent dans la même direction, à l’ouest du garde-corps.

À 14 h 17 min 40 s, le plaignant est poussé contre un mur de pierres sur la rive ouest de la rivière. Il se relève et tente de s’agripper au mur avant d’être emporté par le courant vers les chutes.

À 14 h 17 min 51 s, le plaignant atteint le bord des chutes et sort du champ de vision de la caméra.

Sur la caméra du centre des opérations en temps réel, on peut voir, à 14 h 18 min 21 s, l’AI, l’AT et le TES no 1 courir vers le nord le long du côté ouest du garde-corps en pierres et regarder par-dessus le garde-corps en direction de la rivière.

À 14 h 18 min 33 s, on peut voir plaignant dans la rivière, en haut des chutes, puis passer par-dessus les chutes, emporté par le courant.


Rapport du système de répartition assistée par ordinateur (RAO)

Le 23 juin 2021, à 12 h 11, l’UES a reçu une copie du dossier de RAO. Le dossier comptait deux rapports de RAO du SPRN. Le SPRN était l’organisme hôte des systèmes de répartition et de RAO utilisés par le SPPN.

Le 20 juin 2021, à 14 h 06, le SPRN reçoit un appel signalant un homme possiblement suicidaire dans le secteur de Niagara Falls. Cette information est diffusée à tous les membres du SPRN et du SPPN.

À 14 h 17 min 30 s, le TES no 1 avise le centre de répartition qu’ils pensent avoir repéré l’homme suicidaire à côté du garde-corps, juste en amont des chutes.

À 14 h 19 min 30 s, l’AI dit qu’un homme a sauté dans la rivière après avoir vu des membres du SPPN et a été emporté dans les chutes par le courant.

À 14 h 21 min 29 s, le centre des opérations en temps réel du SPRN confirme (via une surveillance vidéo) qu’un homme est tombé dans les chutes.

À 14 h 23 min 30 s, l’AI annonce par radio qu’il a des témoins avec lui. Les TES no 1 et no 2 se tiennent près du sommet des chutes pour voir si l’homme émerge dans la rivière en contrebas.

Des recherches sont lancées par des membres du SPPN et du SPRN le long de la berge et un bateau tente de repérer l’homme dans la rivière en aval des chutes. Un appel est aussi lancé aux bateaux d’excursion Maid of the Mist du côté américain de la rivière pour leur demander d’essayer de repérer l’homme.

À 16 h 05, l’homme qui faisait l’objet de la recherche initiale est retrouvé sain et sauf par un agent du SPRN.


Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES examiné les dossiers suivants que lui ont remis le SPRN et le SPPN :
• Notes des TES et de l’AT;
• Liste de témoins civils du SPPN;
• Copie papier de l’appel au SPRN (x2) ;
• Enregistrements vidéo de caméras de surveillance;
• Rapport d’incident du SPRN;
• Rapports supplémentaires;
• Déclarations de témoins.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Résultats ADN du Centre des sciences judiciaires;
• Résultats préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit :

Dans l’après-midi du 20 juin 2021, le plaignant était à Niagara Falls. Il était assis du côté terre d’un mur de pierres qui borde la rivière Niagara, juste au sud des chutes. De l’avis de certains témoins, le plaignant semblait déprimé.

À peu près au même moment, des agents du SPPN étaient à la recherche d’un homme suicidaire qu’on pensait se trouver dans le secteur. Les TES no 1 et no 2 étaient en patrouille lorsqu’ils ont rencontré le plaignant et ont pensé qu’il s’agissait de l’homme suicidaire qu’on recherchait. Le TES no 2 a demandé au plaignant comment il allait; il a répondu qu’il allait bien. Le TES no 2 a dit par radio à son centre de communications que le plaignant était probablement la personne qu’ils recherchaient.

L’AI et l’AT – son partenaire ce jour-là – ont entendu le message radio. Ils étaient dans les environs et ont décidé de se rendre sur place. Au moment où les agents approchaient des lieux, le plaignant a escaladé le garde-corps et a atterri sur la berge, dans l’herbe. L’AI et l’AT ont réagi en courant vers l’endroit où le plaignant avait escaladé le garde-corps et en lui criant [traduction] : « Ne le fais pas ! »

Le plaignant a traversé en courant l’étroite bande d’herbe et est entré dans la rivière où le courant est très rapide. Quelques secondes plus tard, il est tombé dans les chutes. Il était alors 14 h 17.


Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie était d’avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à la noyade et que l’homme avait subi des blessures contondantes.

Dispositions législatives pertinentes

Analyse et décision du directeur

Le 20 juin 2021, le plaignant a été emporté par le courant dans les chutes du Niagara. Son corps a été retrouvé échoué sur les quais de Queenston six jours plus tard. Comme le plaignant avait brièvement interagi avec un agent du SPPN avant d’entrer dans l’eau, l’UES a été avisée et a ouvert une enquête. L’AI a été identifié en tant qu’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

Aucun des éléments de preuve recueillis par l’UES ne suggère que l’AI, ou tout autre membre du personnel du SPPN qui s’est trouvé brièvement en présence du plaignant, n’a pas exercé un niveau raisonnable de diligence, ou a autrement causé le décès du plaignant ou y a contribué. Les TES no 1 et no 2 ont eu un échange de paroles aimables avec le plaignant. L’AI et l’AT étaient encore à quelques mètres de lui lorsque le plaignant a rapidement escaladé le garde-corps et est entré dans l’eau. Les agents n’avaient tout simplement aucun moyen d’empêcher le plaignant d’agir comme il l’a fait. Une fois le plaignant dans l’eau, les agents ne pouvaient pas non plus faire quoi que ce soit pour l’empêcher d’être entraîné dans les chutes par le courant.

Il semblerait que le plaignant était déprimé et avait l’intention de se suicider le jour en question. L’information reçue par l’UES suggère que la date du décès du plaignant pouvait avoir eu une signification particulière pour lui. Quoi qu’il en soit, comme je suis convaincu que l’AI a agi avec la diligence et le respect nécessaires à l’égard du plaignant durant cet événement tragique, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 18 octobre 2021


Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.