Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OVI-136

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 22 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 27 avril 2021, la Police régionale de York (PRY) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.

La PRY a signalé que, le 29 mars 2021, vers 12 h 25, des membres de la PRY menaient une enquête en matière de stupéfiants sur Riverhead Drive, à Etobicoke. Ils ont tenté d’arrêter le véhicule que conduisait le plaignant. Le véhicule a pris la fuite et a ensuite été impliqué dans une collision avec un véhicule de la PRY sur Fallowfield Road, après quoi le plaignant a été arrêté. Le plaignant s’est blessé à la main lors de la collision.

Les services médicaux d’urgence sont arrivés sur les lieux et le plaignant a refusé de recevoir des soins. Puisqu’aucune blessure grave n’a été constatée, l’UES n’a pas été avisée.

Le Service de police de Toronto (SPT) a rédigé le rapport d’enquête sur la collision.

Le 8 avril 2021, le plaignant a envoyé un courriel à la PRY dans lequel il a joignait une photo de sa main plâtrée et indiquait qu’il s’était cassé la main lors de la collision.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 27 avril 2021 à 15 h 1

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 27 avril 2021 à 16 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 22 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 28 avril 2021.


Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 6 mai 2021 et le 7 mai 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

La collision s’est produite sur Fallowfield Road, une rue résidentielle à deux voies.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Communications radio de la PRY

Le titre du premier enregistrement semble indiquer que les communications relatives à l’interaction qui nous concerne ont eu lieu entre 12 h 30 et 13 h 5, sur un canal régulièrement utilisé par la police à des fins de répartition radio. Une voix, que l’on croit être celle de l’AT no 1, indique qu’un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] a été appréhendé. L’AT no 1 indique le lieu de l’appréhension à Toronto et demande qu’on dépêche un superviseur du SPT et les services d’incendie. Une autre personne, soit l’AI ou l’AT no 3, demande au répartiteur de faire une recherche sur la plaque d’immatriculation du véhicule du plaignant.

Le deuxième enregistrement est une compilation des transmissions effectuées par les membres de l’équipe de la PRY pendant qu’ils surveillaient la cible de leur opération. Cet enregistrement révèle que la voiture Audi dont, comme on le sait maintenant, le plaignant était au volant, s’est engagée dans une rue puis s’est garée. La cible a ensuite quitté son domicile, s’est rendue sur cette même rue et s’est garée devant l’Audi. Un homme (probablement l’AI) déclare qu’il a une bonne vue sur la transaction en cours entre le plaignant et la cible. Il fournit une description du plaignant et des vêtements qu’il porte. L’AI signale que le plaignant est de nouveau à bord de l’Audi. Il fournit le numéro d’une plaque d’immatriculation et indique qu’il est très confiant, qualifiant cela de « good deal » (une bonne transaction).

Les membres de l’équipe ont suivi l’Audi et ont indiqué où elle se trouvait. Un membre de l’équipe déclare que, lorsqu’il serait possible de le faire en toute sécurité, il faudrait appréhender le plaignant, lequel venait de s’arrêter sur le bord de Fallowfield Road. Un membre de l’équipe est passé près de l’Audi en voiture et a signalé que le plaignant était en train de consommer quelque chose. Il a été décidé que l’AT no 2 annoncerait le moment où l’équipe devrait se mettre en branle pour s’approcher de l’Audi. Une voix d’homme a dit : « Bleu, bleu, bleu ». L’enregistrement prend fin peu après cette transmission.

Vidéo du système de caméra intégré au véhicule (SCIV) du SPT

À 12 h 42, un agent du SPT arrive sur les lieux de la collision. Il active ses gyrophares et l’enregistrement audio commence à ce moment-là. Un camion de pompiers du Service des incendies de Toronto est garé et obstrue complètement la vue sur la scène de la collision. La zone générale où la collision s’est produite correspond aux descriptions fournies par le plaignant et les agents témoins lors des entrevues. Un véhicule est garé du côté nord, sur le bord de la route, et fait face à l’ouest. Ce semble être un VUS noir, ce qui correspond au véhicule utilisé par l’AT no 1.

L’agent du SPT sort de son véhicule, se dirige en direction est sur Fallowfield Road, vers la scène de la collision, et rencontre l’AT no 1, lequel porte un jean et un gilet pare-balles arborant la mention POLICE. L’agent du SPT informe le répartiteur qu’il parle avec un détective de la PRY et que deux agents de police cherchaient à se faire examiner, car leurs coussins gonflables s’étaient déployés.

La route est dégagée et sèche et le temps est plutôt ensoleillé. La rue résidentielle est très calme, avec très peu de circulation, tant routière que piétonnière.

L’agent du SPT indique qu’une personne a été appréhendée et que la PRY se chargerait du transport elle-même.

Enregistrement provenant de la caméra d’intervention

L’enregistrement provenant de la caméra d’intervention concorde avec l’enregistrement provenant du SCIV susmentionné.

Entrevue vidéo de la PRY avec le plaignant

À 15 h 15 min 36 s, l’AI entre dans la salle d’interrogatoire, s’assoit et se présente. Il indique qu’il va interroger le plaignant dans le cadre d’une enquête en matière de stupéfiants. Il quitte ensuite la salle d’interrogatoire. À 15 h 20 min 1 s, le plaignant entre et s’assoit sur un banc. L’AI entre dans la pièce et fourni au plaignant un masque en raison de la COVID.

L’AI indique que deux caméras vont enregistrer l’entrevue et qu’il est agent de police à la PRY. L’AI demande au plaignant s’il comprend qu’il est en état d’arrestation, s’il a parlé à un avocat, et s’il comprend qu’il a le droit de garder le silence. Le plaignant répond par l’affirmative. L’AI demande au plaignant si l’un ou l’autre des agents de police qui ont interagi avec lui ce jour-là lui ont fait des menaces pour l’inciter à parler. Le plaignant répond par la négative. L’AI demande au plaignant comment il se sent après la collision de voiture et ce dernier répond qu’il a mal. L’AI déclare qu’il était à bord du VUS [on sait maintenant qu’il s’agissait d’une Mazda CX5] qui avait été impliqué dans la collision avec le véhicule du plaignant. Le plaignant demande : [traduction] « Pourquoi m’avez-vous heurté si fort? ». L’AI répond : « ... vous avez essayé (inaudible) de fuir ». Le plaignant dit : « Ce n’est pas vrai, j’étais arrêté ».

Le plaignant dit : « Ce n’était pas nécessaire de me heurter si fort, je n’essayais pas de m’enfuir, j’étais arrêté ». L’AI demande au plaignant si quelqu’un l’a forcé à lui parler. Le plaignant répond par la négative. Il demande au plaignant ce qu’il a en tête et ce dernier demande de parler à l’AI ou à une autre personne sans que leur conversation soit filmée par les caméras. L’AI explique que la conversation doit être enregistrée et que le plaignant n’est pas obligé de continuer à lui parler. Le plaignant répond que son avocat lui a conseillé de ne rien dire. L’AI dit au plaignant que l’on a trouvé du fentanyl mauve dans sa voiture. Le plaignant répond qu’il n’a pas de fentanyl mauve et que son avocat lui a conseillé de ne rien dire. L’AI demande au plaignant où il s’est procuré la drogue et s’il en vend ou s’il a de l’argent sur lui. Le plaignant répond par la négative et demande de nouveau qu’on lui permette de parler officieusement. L’AI déclare qu’il n’a pas trouvé d’argent liquide sur le plaignant, répète qu’il a trouvé du fentanyl et demande au plaignant s’il consomme du fentanyl. Le plaignant répond qu’il ne veut pas s’incriminer en répondant à ces questions.

L’AI demande au plaignant ce qu’il fait dans la vie. Le plaignant répond qu’il est au chômage. L’AI interroge le plaignant sur une récente accusation de conduite avec facultés affaiblies et ils discutent du processus de suspension du permis de conduire. L’AI dit au plaignant qu’ils ont trouvé des morceaux de papier d’aluminium brûlés et des briquets dans son véhicule. Le plaignant demande de parler officieusement, mais l’AI refuse. L’AI demande au plaignant ce qu’il faisait sur le bord de la route. Le plaignant répond qu’il le lui dirait s’il éteignait les caméras. L’AI refuse. Il demande si les boules, les morceaux de papier d’aluminium et les briquets trouvés partout provenaient de consommations de drogue antérieures ou de ce jour-là (29 mars 2021). Le plaignant n’a pas voulu répondre.

L’AI demande au plaignant s’il vend de la drogue. Le plaignant répond par la négative et indique qu’il ne veut pas répondre. Le plaignant demande de parler officieusement, mais l’AI refuse de nouveau. Il dit au plaignant qu’il a été arrêté pour conduite dangereuse et possession d’une substance désignée. Le plaignant demande : « En quoi ma conduite était elle dangereuse? » L’AI répond : « La façon dont vous conduisiez, à une vitesse excessive lorsque la police essayait de vous contenir et ... (inaudible) ... dans nous ». Le plaignant demande : « À quelle vitesse excessive? » L’AI répond : « Dans les voitures de police, et vous ne vous êtes pas arrêté quand nous tentions de vous contenir ». Le plaignant répond : « J’étais arrêté quand vous m’avez heurté ». L’AI dit : « Vous avez dit que nous vous avions foncé dedans et que vous n’aviez pas bougé du tout ». Le plaignant reconnaît qu’il a dit cela et dit qu’il est certain que les agents avaient des caméras témoins. Le plaignant dit qu’il était arrêté sur le bord de la route lorsque la police l’a heurté de plein fouet. L’AI répond que la police ne l’a pas heurté de plein fouet et qu’il était au beau milieu de la route. Le plaignant indique qu’il ne conduisait pas dangereusement et qu’il était sorti de sa voiture. Le plaignant rajoute : « Il n’était pas nécessaire de me sortir de la voiture comme vous l’avez fait ». Le plaignant réitère sa demande de parler à l’AI de façon officieuse.

L’AI sort de la salle d’interrogatoire, revient avec une bouteille d’eau et la remet au plaignant. Ce dernier dit à l’AI : « Ce qui était dangereux, c’est que je vous ai heurté, mais je veux seulement comprendre. Pourquoi ferais-je ça? Ça ne fait aucun sens. C’est vous qui m’êtes rentré dedans. » L’AI répond : « Vous avez essayé de fuir, j’étais en train de me garer devant vous et vous avez heurté mon véhicule ainsi que l’autre véhicule de police qui était à côté du mien ». Le plaignant répond : « Je n’essayais pas de fuir. J’étais garé sur le bord et vous m’avez entouré des deux côtés pour me bloquer le chemin. Je voulais juste clarifier, je ne savais pas que ce que j’avais fait était dangereux, je ne le sais toujours pas. Vous devriez être accusés de conduite dangereuse parce que j’ai été le premier blessé à cause de ça et de votre manœuvre dangereuse. J’ai trois bandages pour le prouver, et je dois encore aller à l’hôpital après souper. » L’AI demande : « Y a-t-il quoi que soit que vous aimeriez me dire au sujet d’aujourd’hui? » Le plaignant refuse. L’AI sort de la salle d’interrogatoire, revient avec plusieurs documents pour le plaignant et déclare que l’interrogatoire est terminé et qu’on allait éteindre les caméras.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis la PRY et le SPT :
• Photos en noir et blanc de l’accident
• Rapport de collision initial
• Rapports de collision supplémentaires
• Rapport d’incident général
• Notes (notes prises sur le terrain au sujet de la collision) – AT no 7
• Enregistrement provenant du SCIV de la voiture de police du SPT
• Enregistrement provenant de la caméra d’intervention
• Notes des AT
• Registre des assignations
• Courriel du plaignant
• Photo des blessures du plaignant
• Rapport complémentaire
• Rapport de surveillance
• Rapport d’incident général du SPT
• Rapport de collision de véhicules à moteur du SPT (x2)
• Enregistrements des communications
• Compte rendu de l’entrevue avec le plaignant
• Procédure de la PRY — Gestion de la circulation
• Procédure de la PRY — Poursuite en vue d’appréhender un suspect

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage du poids de la preuve recueillie par l’UES, laquelle comprenait des entrevues avec le plaignant et avec plusieurs agents qui ont été témoins des événements en question. Comme l’y autorise la loi, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la publication de ses notes.

Vers 12 h 22, le 29 mars 2021, l’AI observait le plaignant pendant qu’il réalisait une transaction que l’on croyait être une transaction de drogue. L’agent participait à une opération de surveillance dans le cadre de laquelle la police suivait une personne dans le secteur de Moncrieff Drive, à Toronto. Le plaignant a été vu dans le secteur. Il était arrêté dans sa voiture — une berline Audi — et interagissait avec la personne surveillée. L’AI a informé les membres de l’équipe, par radio, que la police avait des motifs suffisants pour arrêter le plaignant pour possession d’une substance désignée.

Le plaignant a quitté les lieux à bord de son Audi, ne sachant pas que des véhicules de police banalisés le suivaient. Il a roulé en direction nord sur Elmhurst Drive, en direction est sur Hinton Road, en direction nord sur Kingsknowe Road, puis de nouveau en direction est sur Fallowfield Road, où il s’est arrêté près de la bordure sud de la chaussée, un peu à l’ouest de Riverhead Drive.

Une fois l’Audi du plaignant immobilisée, l’AT no 2 a donné le signal pour l’interception du véhicule. L’agent s’est approché de l’Audi par-derrière, tout comme l’AT no 4, lequel était à bord d’une Volkswagen Jetta. Ils avaient prévu que l’AT no 2 bloquerait l’Audi par-derrière tandis que l’AT no 4 positionnerait son véhicule de sorte à bloquer le côté conducteur de l’Audi. Pendant ce temps, l’AI devait rouler sur Fallowfield Road, en direction de l’Audi, et lui bloquer le chemin par devant.

Le plaignant s’est rendu compte de ce qui se passait lorsqu’il a vu les véhicules s’approcher par derrière, gyrophares allumés. Réalisant que la police était sur le point de l’appréhender, le plaignant a accéléré vers l’avant, en obliquant vers la gauche. Ce faisant, le plaignant a été heurté de plein fouet par le VUS que conduisait par l’AI. Les deux véhicules sont entrés en collision. Quelques instants plus tard, une deuxième collision s’est produite lorsque le côté passager avant du véhicule conduit par l’AT no 4 a percuté le coin avant de l’Audi, sur le côté conducteur.

Après les collisions, l’AT no 4 a extirpé le plaignant de sa voiture par la fenêtre brisée de la porte du conducteur et l’a menotté sans problème.

Après son arrestation, des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux pour vérifier comme se portaient le plaignant et les agents. Le plaignant a refusé d’aller à l’hôpital.

Le plaignant s’est rendu à l’hôpital plus tard dans la journée, après avoir été libéré, et on lui a diagnostiqué une blessure grave.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, d’un bateau ou d’un aéronef

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


 

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été gravement blessé lors de son arrestation par les agents de la PRY le 29 mars 2021. L’un des agents impliqués dans l’arrestation du plaignant — l’AI — a été identifié comme l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation de la preuve, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en rapport avec l’arrestation du plaignant et la blessure qu’il a subie.

Les infractions possibles à l’étude dans cette affaire sont la conduite dangereuse causant des lésions corporelles et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, en contravention des dispositions 320.13(2) et 221 du Code criminel, respectivement. La première infraction se fonde, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. La deuxième est une infraction plus grave qui ne s’applique qu’à une conduite témoignant d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Pour démontrer qu’une telle infraction a été commise, il faut démontrer que la conduite de la personne en cause constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qui serait considérée comme raisonnable dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir si l’AI a manqué de diligence au cours de l’opération qui s’est soldée par l’arrestation du plaignant et que ce manque de diligence a causé la blessure du plaignant ou y a contribué, et/ou si ce manque de diligence est suffisamment grave pour justifier l’imposition d’une sanction criminelle. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Tout d’abord, je ne peux raisonnablement conclure que les agents n’avaient aucun motif pour appréhender le plaignant pour possession de drogue. Ce jour-là, l’AI faisait partie d’une équipe spécialement chargée de surveiller un présumé trafiquant de drogue. La transaction que l’AI avait observée avait les caractéristiques d’une transaction de drogue : le plaignant est sorti de son véhicule et est brièvement monté dans le véhicule du suspect, puis il est retourné dans son Audi et est reparti.

Je suis également convaincu que le plan établi pour l’arrestation du plaignant, et l’exécution du plan par l’AI et les autres agents, étaient raisonnables dans les circonstances. Le plaignant s’était garé sur Fallowfield Road — une route tranquille où la circulation routière et piétonnière était faible à ce moment-là. De plus, les agents se sont basés sur leur expérience pour présumer que le plaignant s’était arrêté pour consommer le fentanyl qu’il venait présumément d’acheter. Pour les motifs qui précèdent, après une mise en balance des considérations de sécurité publique — d’une part, la décision d’arrêter le plaignant à cet endroit comportait des risques faibles à modérés pour des tiers et, d’autre part, le risque réel que le plaignant conduise avec des facultés affaiblies si on le laissait poursuivre sa route —, il n’était pas prohibitif d’appréhender le plaignant à ce moment-là. Une fois le signal donné, les agents ont tenté de positionner leurs véhicules de manière coordonnée pour empêcher l’Audi de s’échapper. Il n’y a aucune preuve que les agents se sont conduits de façon imprudente, par exemple en conduisant à une vitesse excessive, lorsqu’ils ont exécuté le plan. Malheureusement, le plaignant, paniqué et voulant éviter d’être appréhendé par la police, s’est rendu compte de ce qui se passait juste avant que le barrage de police autour de son Audi ne soit complètement formé et a réussi à accélérer sur une courte distance, ce qui est la principale raison de sa collision avec le véhicule de l’AI [2].

Par conséquent, bien que le plaignant ait été blessé lors de la collision, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel dans le cadre de l’opération et dans le rôle qu’il y a joué. Il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : Le 25 août 2021

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Certains éléments de preuve indiquent que le plaignant n’a pas accéléré avant de heurter le véhicule de l’AI et que c’est plutôt ce dernier qui a heurté le véhicule du plaignant alors qu’il était arrêté. Cependant, je ne peux accorder beaucoup de poids à cette preuve, car la source n’a pas été franche sur ce qui a conduit à l’arrestation du plaignant et cette version des événements n’est pas étayée par le reste des éléments de preuve, lesquels révèlent sans exception que le plaignant a accéléré en direction du véhicule de l’AI. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.