Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFI-092

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par un homme de 53 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 22 mars 2021, à 4 h 18, la Police régionale de Peel (PRP) a informé l’UES de l’utilisation d’une arme antiémeute (ARWEN) à l’endroit du plaignant.

Selon la PRP, le plaignant avait appelé le 9-1-1 et indiqué qu’il avait une corde et qu’il allait se pendre. La PRP a sondé par PING le téléphone cellulaire du plaignant et l’a localisé dans un espace vert dans le secteur des rues Scott et Church, à Brampton. Six agents en uniforme et des agents de l’équipe tactique sont arrivés sur les lieux et ont trouvé le plaignant assis sur un banc de parc. Pendant les négociations, le plaignant a jeté son téléphone cellulaire et a commencé à se frapper à l’avant-bras droit avec un couteau. Deux agents de l’équipe tactique ont alors employé leur ARWEN et ont atteint le plaignant.

Le plaignant a été transporté à l’Hôpital Civic de Brampton aux fins d’évaluation.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 22 mars 2021, à 4 h 38

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 22 mars 2021, à 6 h 27


Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 53 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 22 mars 2021.


Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’AI no 2 a participé à une entrevue le 13 avril 2021.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 24 mars 2021.



Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé au parc Rosalea, à Brampton. Le parc est situé sur le côté sud de la rue Church Est. À l’ouest, il y a un stationnement et des sentiers pavés, qui font partie du sentier récréatif Etobicoke Creek. Le long de ces sentiers, il y a plusieurs bancs de parc et des réverbères.

L’incident s’est produit sur un banc, à l’est du stationnement. La zone a été délimitée avec du ruban jaune de police. Un faible éclairage venant du dessus était projeté sur la zone immédiate du banc, de chaque côté de celui-ci.



Figure 1 - Le banc du parc Rosalea,, à Brampton.

On a photographié les lieux et pris des mesures pour pouvoir faire un dessin de l’endroit.

On a examiné l’endroit et on y a trouvé plusieurs éléments de preuve importants, tel qu’il est indiqué sur le schéma des lieux. Plus précisément, on a trouvé cinq projectiles ARWEN et cinq douilles à proximité du banc de parc en cause.


Figure 2 - Un projectile ARWEN repéré près du banc de parc.

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Les éléments de preuve suivants ont été trouvés sur les lieux et dûment indiqués sur le diagramme à l’échelle :

No 1 – Projectile ARWEN – du côté nord du sentier, à l’ouest du banc
No 2 – Partie d’une corde blanche avec un nœud coulant à une extrémité – du côté nord du sentier, à l’ouest du banc
No 3 – Douille ARWEN – au milieu du sentier, à l’ouest du banc
No 4 – Douille ARWEN – au milieu du sentier, à l’ouest du banc
No 5 – Douille ARWEN – au milieu du sentier, à l’ouest du banc
No 6 – Téléphone cellulaire – du côté nord du sentier, à l’ouest du banc
No 7 – Zone tachée de sang – échantillonnage – sur le sentier, devant le banc
No 8 – Composants d’arme à impulsions – devant le banc, y compris deux dépôts d’AFID (« anti-felon identification tags »)
No 9 – Briquet noir et cigarettes blanches – devant le banc
No 10 – Projectile ARWEN – du côté nord du sentier, devant le banc
No 11 – Sac à dos gris – devant le banc
No 12 – Bouteille de Pepsi – devant le banc (côté est)
No 13 – Portefeuille noir – du côté est du banc
No 14 – Gants gris – avec des marques de brûlures sur la partie supérieure de celui de gauche, près des doigts – du côté ouest du banc
No 15 – Casquette de baseball des Blue Jays de Toronto – du côté ouest du banc
No 16 – Douille ARWEN – au sol, à l’ouest du banc
No 17 – Douille ARWEN – au sol, à l’ouest du banc
No 18 – Couteau muni d’un manche en bois – au sol, à l’ouest du banc
No 19 – Projectile ARWEN – au sol, derrière le banc
No 20 – Projectile ARWEN – au sol, derrière le banc
No 21 – Projectile ARWEN – au sol, à l’ouest du banc

Éléments de preuves médicolégaux

Arme à impulsions, modèle Taser X2

Le 22 mars 2021, l’UES a photographié l’arme à impulsions de l’AI no 2 et a téléchargé les données de celle-ci. Les données ainsi obtenues par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont permis de dégager l’information ci après.

À 2 h 56 min 11 s [1], l’arme à impulsions de l’AI no 2 est armée. À 2 h 56 min 12 s, l’AI no 2 déploie l’une des deux cartouches – cycle de cinq secondes. À 2 h 56 min 14 s, l’AI no 2 déploie la deuxième cartouche – cycle de cinq secondes. À 2 h 56 min 23 s, l’AI no 2 déploie de nouveau la deuxième cartouche – cycle de cinq secondes. À 2 h 57 min 4 s, l’AI no 2 règle l’arme en position de sécurité.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Le 26 mars 2021, l’UES a reçu les enregistrements des communications pertinentes de la part de la PRP. Voici un résumé des renseignements importants qui y figurent.

Enregistrements des appels au 9-1-1

À 2 h 5 min 48 s, un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] a appelé le 9 1 1.

Téléphoniste du 9-1-1 : [traduction] Avez-vous besoin de la police, des pompiers ou d’une ambulance?

Le plaignant : Non, j’ai juste quelques questions si ça vous va.

Téléphoniste du 9-1-1 : Est-ce pour une urgence?

Le plaignant : Non, ne vous en faites pas alors.

Téléphoniste du 9-1-1 : D’accord. Appelez-nous au numéro pour les situations qui ne sont pas urgentes.

Le plaignant : Oh oui, bien sûr. Si je vais sauter en bas d’un pont.
Ce n’est pas grave. Ne vous en faites pas.

Téléphoniste du 9-1-1 : Si c’est votre urgence, je peux...

La connexion a été perdue. Le téléphoniste du 9-1-1 a appelé le plaignant et l’appel a été
acheminé à la messagerie vocale. À 2 h 8, le téléphoniste du 9-1-1 a appelé le plaignant de
nouveau :

Le plaignant : Quelqu’un qui va vraiment comprendre. La travailleuse de l’ACSM [Association canadienne pour la santé mentale] qui s’occupe de moi est [caviardé], mais je ne peux pas lui parler parce qu’elle ne travaille pas le dimanche et ne travaille pas non plus si tôt le matin.

Le plaignant : Non, vous ne pouvez pas m’aider de cette façon. La seule personne qui peut m’aider de cette façon est ma travailleuse. Elle m’aide depuis si longtemps, mais c’est l’autre travailleur que j’ai vu à l’ACSM. Je m’en fous, tout simplement.

Téléphoniste du 9-1-1 : D’accord. Où êtes-vous en ce moment?

Le plaignant : Je ne vous le dirai pas.

Le plaignant : Ça ne m’aide pas. Je tremble tellement en ce moment. Elle sait même que j’ai une corde... que je peux sauter de n’importe quel pont que je veux.

Le plaignant : La seule personne que je connais est ma travailleuse de l’ACSM à qui je dois parler, mais je ne peux pas lui parler.

Le plaignant : Oui. Je suis perdu. Non, je ne suis pas perdu. Je sais où je suis, mais dans ma tête, je suis tellement perdu en ce moment. J’ai 53 ans avec [caviardé]. Une vraie femme que j’aime qui ne veut rien avoir à faire avec moi et j’en ai assez. Je ne peux plus faire quoi que ce soit pour eux alors, finalement, j’en ai parlé à quelqu’un d’autre qu’elle connaît.

Le plaignant : Je sais que vous voulez m’aider, tout comme ma travailleuse de l’ACSM. C’est elle qui m’a dit d’appeler le 9-1-1 si j’envisageais de sauter d’un pont. Je ne suis qu’à mi-chemin pour le moment.

Le plaignant : Non, je ne vais pas le faire. Je crois que j’ai compris. Vous pourriez localiser mon téléphone et j’étais sur mon pont; quelqu’un pourrait m’attaquer. J’ai aussi un couteau avec moi. Je ne ferais de mal à personne d’autre; celui qui doit mourir, c’est moi.

Téléphoniste du 9-1-1 : Vous n’avez pas à mourir.

Le plaignant : Oui, je le dois. Je n’ai pas pu en faire assez pour mes enfants.

Le plaignant : Si je vous dis où je suis et que vous venez me chercher, alors elle ne pourra pas venir me voir à l’hôpital à cause du virus, n’est-ce pas?

Le plaignant : Elle connaît mon pont. C’est la seule personne dans toute ma vie qui connaît mon pont. Ne demandez pas où il se trouve. J’ai toujours une corde avec moi et elle le sait. Je l’ai pris pour m’accrocher à moi-même. Tout a mal tourné ces trois derniers jours. J’ai fait trop de mal. Tout est toujours de ma faute et je prends le blâme pour ça. J’entends les sirènes maintenant. Vous ne comprenez pas. J’ai grandi dans une famille de policiers.

Le plaignant : Non, parce que si je ne peux pas sauter du pont ou s’ils ne me laissent pas sauter du pont, je me trancherai les veines parce que j’ai aussi un couteau. Je ne blesserai personne d’autre que moi. Je n’ai pas besoin de faire du mal à quelqu’un d’autre et je déteste quand je le fais. Vous savez où j’habite, n’est-ce pas?

Le plaignant : J’essaie. Il y a un policier juste là; il a intérêt à avoir quelqu’un qui pourra me parler. Il vaudrait mieux que ce ne soit pas un policier parce que j’ai grandi avec des policiers.

Le plaignant : Il vient par ici maintenant. Vous voyez, je vous l’ai dit, vous pouvez me repérer. Je demande de l’aide, mais...

Le plaignant : Eh bien, le fait que j’ai un couteau en ce moment ne m’aide pas.

Téléphoniste du 9-1-1 : Allez-vous faire du mal à quelqu’un?

Le plaignant : Non, personne d’autre que moi; donc, à moins que les policiers ne trouvent quelqu’un d’autre, vous feriez mieux de lui dire d’arrêter maintenant.

Le plaignant : Oui, et je sais qu’un policier est doué pour cela, mais ils ne comprennent pas tout ce qui se passe en ce moment; et maintenant, il y a quelqu’un qui marche vers moi et qui est un policier, alors vous savez quoi? Je vais sortir le couteau.

Téléphoniste du 9-1-1 : Non, ne sortez pas le couteau.

Téléphoniste du 9-1-1 : [Le plaignant], posez le couteau au sol.

Le plaignant : Allez-vous me tirer dessus si je ne le fais pas? Je ne vous ferai pas de mal. Je veux quelqu’un à qui je pourrai parler. Mes travailleurs de l’ACSM sont les meilleurs. Puis-je sortir ça de mon sac?
L’appel a alors pris fin.

Communications radio

À 2 h 15, un répartiteur demande à des agents de se rendre à un endroit où se trouve un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] qui dit vouloir sauter d’un pont. Il ajoute que le plaignant a mis fin à l’appel et n’a pas répondu lorsqu’on l’a rappelé, qu’il a refusé de donner son emplacement et qu’il a indiqué qu’il avait une corde. Il précise aussi que le téléphone cellulaire du plaignant a été sondé par PING et localisé dans le secteur des rues Nelson et Centre, dans un rayon de 217 mètres.

Un répartiteur demande par radio que deux unités se rendent dans le secteur des rues Centre et Nelson pour une vérification des lieux. Il indique qu’il y a un dossier sur le plaignant, dans lequel il est question d’armes offensives, de conduite avec les facultés affaiblies, de conduite avec un permis suspendu et d’un état pathologique problématique aux termes du Code de la route. Il donne une description du plaignant, à savoir qu’il s’agit d’un homme de race blanche avec des cheveux noirs et une barbe.

Le répartiteur demande à [l’AI no 2] de se rendre dans le secteur des rues Centre et Nelson pour procéder à un contrôle des lieux, étant donné qu’un homme suicidaire armé d’un couteau s’y trouve.

À 2 h 27, un autre agent fait le point sur la situation, soit au moment où le contact avec le plaignant est établi. Le plaignant se trouve alors du côté sud de la rue Church, dans un espace vert.

À 2 h 48, les négociations sont en cours.

À 2 h 56, le sergent tactique [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AT no 1] indique que le plaignant a entrepris de se trancher les poignets avec le couteau.

À 2 h 58, on pose un garrot sur l’avant-bras droit du plaignant et on demande la présence d’ambulanciers paramédicaux.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu de la PRP les éléments suivants entre le 22 mars 2021 et le 8 avril 2021 :
• enregistrements des appels au 9-1-1 et des communications radio;
• information à propos de l’instructeur ARWEN;
• qualification pour l’utilisation d’une arme ARWEN;
• chronologie des événements;
• notes des AT;
• rapport sur les détails concernant la personne – le plaignant;
• politique : politique en matière de santé mentale;
• politique : intervention en cas d’incident;
• rapport sur les détails de l’événement;
• dossiers de formation sur les armes – AI no 1 et AI no 2.

Documents obtenus d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants de la source ci-après, et les a examinés :
• dossiers médicaux – Hôpital Civic de Brampton.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits au moyen des éléments de preuve recueillis par l’UES, dont des entrevues avec le plaignant et l’AI no 2, et ils peuvent être brièvement résumés. Comme la loi l’y autorise, l’AI no 1 a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser qu’on communique ses notes.

Vers 2 h 5 le 22 mars 2021, le plaignant a appelé le 9-1-1 et a signalé qu’il était suicidaire. Plus précisément, il a mentionné qu’il voulait sauter d’un pont ou utiliser le couteau qu’il avait en sa possession pour se faire du mal. Le téléphoniste lui a demandé où il se trouvait, mais le plaignant a refusé de le dire. La police a pu rapidement trouver où il était – le parc Rosalea – en sondant par PING son téléphone cellulaire. Des agents ont alors été dépêchés sur les lieux pour prendre connaissance de la situation.

Les agents en uniforme ont été les premiers à arriver sur place et à prendre contact avec le plaignant dans le parc. Il était assis sur un banc le long d’un des sentiers du parc, tout juste à l’ouest d’une rangée d’arbres bordant la rive ouest du ruisseau Etobicoke. Étant donné qu’une arme était en cause, les membres d’une équipe de l’unité d’intervention tactique de la PRP ont également été envoyés sur les lieux, ainsi que l’AT no 3, un maître-chien de la police.

Arrivé sur place vers 2 h 41, l’AT no 3, un négociateur qualifié, a entrepris de diriger la conversation avec le plaignant. Dans le but de désamorcer la situation, il a demandé aux agents en uniforme de quitter le secteur après que les agents de l’équipe de l’unité d’intervention tactique – l’AI no 1 et l’AI no 2 –, ainsi que l’AT no 1 et l’AT no 2 eurent pris position. L’AT no 3 a tenté de dissuader le plaignant de se faire du mal. Il a parlé au plaignant de ses petits-enfants et de toutes les raisons qu’il avait de demeurer en vie. Le plaignant a indiqué qu’il était déprimé, mais qu’il n’avait pas pu parler à son intervenante en santé mentale parce que c’était la fin de semaine.

Après une quinzaine de minutes de négociation, le plaignant a pris le couteau qu’il tenait et l’a planté dans son avant-bras droit. À ce moment, l’AI no 2 et l’AI no 1 ont tiré avec leur ARWEN à trois et à deux fois reprises, respectivement. Un ou plusieurs des projectiles non létaux ont frappé le plaignant et lui ont fait échapper le couteau.

À la suite des décharges d’arme ARWEN, le plaignant est tombé du banc, vers l’avant, et les agents l’ont placé au sol sur le ventre, de force. Le plaignant a refusé de dégager son bras droit de sous son torse et l’AI no 2 a utilisé son arme à impulsions à son endroit, après quoi les agents ont été en mesure de placer ses bras derrière son dos et de lui mettre les menottes.

Depuis les lieux de l’incident, le plaignant a été transporté à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait des fractures aux deux jambes.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même
et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave
et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 22 mars 2021, le plaignant a subi des blessures graves, dont une au moins qu’il s’est infligée lui-même, en présence de deux agents de la PRP qui ont utilisé leur arme ARWEN à son endroit. Les agents en question – l’AI no 1 et l’AI no 2 – ont été désignés comme étant les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Étant donné ce que les agents avaient appris à propos de l’appel du plaignant au 9-1-1 tandis qu’ils se rendaient sur les lieux, à savoir que le plaignant était déprimé et suicidaire, et ce qu’ils ont constaté eux-mêmes une fois dans le parc, je suis convaincu qu’ils étaient en droit de tenter d’appréhender le plaignant en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale.

En outre, je suis convaincu que les agents se sont comportés de manière raisonnable lors de leur interaction avec le plaignant, y compris en ce qui concerne la force utilisée pour le mettre en état d’arrestation. L’AT no 3, un négociateur qualifié, semble avoir fait ce qu’il pouvait pour dissuader le plaignant de se faire du mal. Pendant cette discussion, les agents de l’unité d’intervention tactique ont pris position autour du plaignant, ayant en leur possession des armes non létales (ARWEN) et létales (carabine C-8) – une façon de faire sensée étant donné que le plaignant tenait un couteau dans ses mains. Au cours des négociations, lorsque rien n’indiquait qu’il y avait un danger imminent de blessure pour le plaignant ou les agents, ces derniers se sont contentés d’attendre, donnant au plaignant toutes les chances de se rendre pacifiquement. Ce n’est qu’au moment où le plaignant a entrepris de se frapper à l’avant-bras droit avec le couteau que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont employé leur arme ARWEN, ce qu’ils ont fait à cinq reprises en tout. Il n’est pas clair si toutes les décharges ont touché le plaignant, ou, si ce n’est pas le cas, quelle décharge depuis l’arme de quel agent l’a touché et à quel endroit. Ce qui est clair, c’est que l’une ou plusieurs d’entre elles ont eu pour effet d’immobiliser immédiatement le plaignant, l’empêchant de se blesser davantage, voire de se tuer. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’immobilisation du plaignant au sol et les décharges de l’arme à impulsions de l’AI no 2 étaient des gestes excessifs. Il faisait sombre, les agents ne pouvaient pas être certains que le plaignant n’avait aucune autre arme sur lui et celui-ci refusait de libérer son bras droit pour être menotté. Dans ces circonstances, les agents étaient en droit de prendre des mesures fermes pour procéder à l’arrestation du plaignant d’une manière aussi rapide et sécuritaire que possible en le portant au sol et en utilisant des armes à impulsions. Une fois le plaignant menotté, aucune autre force n’a été exercée à son endroit.

Par conséquent, bien qu’il soit possible que l’une des fractures subies par le plaignant soit attribuable à la force utilisée par les agents – qu’il s’agisse des décharges d’arme ARWEN ou de l’arme à impulsions, ou de la force employée pour le porter au sol –, je ne suis pas convaincu, pour les raisons qui précèdent, que quiconque parmi les agents concernés, y compris l’AI no 1 et l’AI no 2, s’est comporté d’une manière contraire à la loi. Donc, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 20 juillet 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures sont tirées de l’horloge interne de l’arme, qui n’est pas nécessairement synchronisée avec l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.