Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TFD-059

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès de Gedi Ali Gedi, un homme de 46 ans, survenu lors d’une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 février 2021, à 4 h 49 du matin, le Service de police de Toronto (SPT) a contacté l’Unité des enquêtes spéciales (UES) pour signaler ce qui suit.

Le 23 février 2021, entre 3 h et 4 h 15, des membres du Groupe d’intervention d’urgence (GIU) se sont rendus au 291, rue George, à Toronto, en lien avec un homicide. Les membres du GIU ont bloqué deux appartements du 3e étage. Un homme inconnu a été abattu et transporté à l’hôpital.

Le décès de l’homme a été prononcé à 4 h 17.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 23 février 2021 à 5 h 36

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 23 février 2021 à 7 h 07

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés :       5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés :3

Personne concernée (le « plaignant ») :

Gedi Ali Gedi Homme de 46 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 23 février 2021 et le 26 avril 2021.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Les agents impliqués ont participé à une entrevue le 4 mars 2021.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire
AT no 9 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire
AT no 10 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire
AT no 11 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire

Les entrevues avec les agents témoins ont eu lieu les 24 et 25 février 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

M. Gedi a été blessé par balle dans son appartement, au 3e étage du 291, rue George. L’appartement fait partie d’un ensemble résidentiel. L’incident s’est déroulé entièrement à l’intérieur de l’appartement de M. Gedi, relié au corridor de l’étage par le seuil de l’entrée de l’appartement, où M. Gedi a laissé tomber deux couteaux et s’est effondré. 

Figure 1 – Le couteau de M. Gedi

Figure 1 – Le couteau de M. Gedi

Figure 2 – Le couperet de M. Gedi

Figure 2 – Le couperet de M. Gedi

Éléments de preuve matériels

Les éléments suivants ont été soumis au Centre des sciences judiciaires (CSJ) le 23 février 2021 :

• Pistolet semi-automatique Glock 9 mm, modèle 17, avec lampe torche – obtenu au complexe du GIU du SPT;
• Chargeur du Glock – obtenu au complexe du GIU du SPT;
• Carabine semi-automatique Colt CQB .223 cal, avec lunette, sangle légère et silencieux – obtenue au complexe du GIU du SPT;
• Chargeur du Glock – obtenu au complexe du GIU du SPT;
• 8 douilles récupérées dans l’appartement de M. Gedi au 291, rue George;
• 11 cartouches du chargeur du Glock;
• 25 cartouches du chargeur du Colt;
• Chandail à capuche noir de M. Gedi.

Figure 3 – Fusil de l’AI 1
Figure 3 – Fusil de l’AI 1

Figure 4 – Pistolet de l’AI no 2
Figure 4 – Pistolet de l’AI no 2

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Communications du SPT

Le 17 mars 2021, le SPT a remis à l’UES l’enregistrement des communications audio pertinentes. Ce qui suit est un résumé de ces enregistrements pour la période pertinente, les 22-23 février 2021.

• Le 22 février 2021 à 5 h 32, une femme appelle le SPT pour signaler que sa fille a disparu depuis le 19 février 2021. Elle dit qu’elle lui a parlé pour la dernière fois à 11 h 03 ce jour-là.

Le petit ami de sa fille a aussi parlé à cette dernière pour la dernière fois le 19 février 2021. Sa fille n’a pas répondu à son téléphone depuis lors. Le petit ami parle aussi au téléphone avec l’agent des communications du SPT et lui fournit une description de la jeune femme disparue. Il explique qu’il a contacté tous les amis de sa petite amie, mais que personne ne l’avait vue.

• Un agent annonce par radio qu’il est au 291, rue George et demande qu’une unité de deux personnes le rejoigne. Il demande ensuite à l’AT no 2 et à son partenaire de venir au 291, rue George.

• 1 h 04 – Un agent demande d’être réassigné à l’appel (au 291, rue George).

• 2 h 09 – L’AT no 1 annonce par radio qu’il se rend avec l’AT no 4 au 291, rue George.

• 2 h 55 - Un inconnu s’identifiant comme étant de la base du GIU appelle le répartiteur par radio. La communication, d’une durée d’une minute et 21 secondes, est bloquée.

• 3 h 00 - Une inconnue appelle le répartiteur par téléphone pour lui demander de communiquer avec quelqu’un au 291, rue George, afin d’obtenir une mise à jour. L’appelante dit qu’apparemment le GIU est là et qu’ils n’étaient pas censés le savoir. Elle demande au répartiteur d’envoyer un message sans l’annoncer par radio.

• 3 h 02 – Le répartiteur téléphone à un sergent qui est au 291, rue George, pour obtenir une mise à jour. Le sergent dit qu’il croit que la femme a été assassinée.

• 3 h 35 – L’unité de l’AT no 2 annonce qu’on a ouvert la porte de deux appartements du 3e étage.

• 3 h 41 – Un agent demande que deux autres unités se rendent au 291, rue George.

• 3 h 51 - Un superviseur non identifié des communications téléphone au répartiteur pour demander ce qui se passe au 291, rue George. Le superviseur demande la confirmation de la présence du GIU sur les lieux et on lui répond par l’affirmative. Il demande pourquoi le GIU ne s’est pas enregistré. Le répartiteur répond qu’il ne sait pas.

• 6 h 50 – Une superviseure des communications téléphone au Centre des opérations pour demander s’il est confirmé que des coups de feu ont été tirés. On l’informe qu’il est confirmé qu’il s’agit d’un cas relevant de l’UES.


Enregistrement de vidéosurveillance de la Toronto Community Housing Corporation (TCHC) – 291, rue George

Le 23 février 2021, l’UES a reçu les vidéos enregistrées par les caméras de surveillance de l’ascenseur et du troisième étage du 291, rue George (un immeuble de la TCHC).

23 février 2021 - Ascenseur - Orientation Nord
• 3 h 00 – La vidéo commence.
• 3 h 35 – Des agents du GIU du SPT arrivent dans le corridor et se dirigent vers les ascenseurs. Ils sont suivis de deux agents en uniforme.

23 février 2021 Ascenseur - Vue Ouest face à l’est
• 3 h 00 – La vidéo commence.
• 3 h 35 – Des agents du GIU entrent dans le corridor par la porte « A ».
• 3 h 35 – Un agent du GIU tire une personne dans le corridor, par terre. Il y a un nombre inconnu d’agents du GIU au bout du corridor près de la porte « A ».
• 3 h 36 – Un agent du GIU se dirige vers la porte « A » depuis les ascenseurs. Des agents du GIU vont et viennent dans le corridor depuis la zone des ascenseurs. Un agent du GIU est dans le corridor à côté de la personne qui git par terre.
• 3 h 39 – Un sergent en uniforme se dirige de la zone de la porte « A » vers les ascenseurs.
• 3 h 40 – Trois agents du GIU vont des abords de la porte « A » vers les ascenseurs.
• 3 h 42 – Des ambulanciers paramédicaux sont aux côtés de la personne qui git par terre.
• 3 h 43 – La civière arrive dans le corridor depuis l’ascenseur.
• 3 h 46 – Les ambulanciers paramédicaux poussent la civière jusqu’aux ascenseurs. Un homme est allongé sur la civière et un ambulancier lui fait des compressions thoraciques.
• 4 h 09 – Un agent en uniforme escorte un homme vers les ascenseurs.
• 4 h 09 – Un agent en uniforme qui escorte une femme entre dans le champ de vision des caméras des ascenseurs. Les agents en uniforme et les civils se dirigent vers le bout du corridor et disparaissent du champ de vision.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 23 février et le 22 avril 2021 :
• Notes de l’AI no 2;
• Notes de l’AT no 6;
• Notes de l’AI no 1;
• Notes de l’AT no 5;
• Notes de l’AT no 3;
• Notes de l’AT no 2;
• Notes de l’AT no 4;
• Notes de l’AT no 7;
• Notes de l’AT no 1;
• Notes de l’AT no 8;
• Notes de l’AT no 10;
• Notes de l’AT no 9;
• Notes de l’AT no 11;
• Armes à feu acquises par la police – Programme canadien des armes à feu;
• Rapports d’incident et rapports supplémentaires;
• Incident;
• Contact du SPT avec M. Gedi;
• Rapport d’incident à haut risque du GIU;
• Rapport de décharge d’arme à feu;
• Empreintes digitales du défunt ;
• Rapport de système Intergraph de répartition assistée par ordinateur;
• Liste d’objets;
• Délai de 24 h autorisé pour la rédaction des notes – AI no 2;
• Délai de 24 h autorisé pour la rédaction des notes – AI no 1;
• Politique – incidents exigeant l’intervention du GIU.
• Politique – recours à la force;
• Politique du SPT – recours à la force – Annexe A;
• Politique du SPT – recours à la force – Annexe B;
• Enregistrement audio des communications radio et du 9-1-1;
• Dossier de formation – AI no 2 – recours à la force par le GIU;
• Dossier de formation – AI no 2 – recours à la force;
• Dossier de formation – AI no 1 – recours à la force par le GIU;
• Dossier de formation – AI no 1 –r ecours à la force;

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a également reçu les documents suivants d’autres sources :
TCHC – séquences de vidéosurveillance du 291, rue George;
• Formulaire sur les vêtements du Service de médecine légale de l’Ontario (SMLO);
• Soumission de cas au Centre des sciences judiciaires;
• Formulaire de collecte de preuves ¬– SMLO;
• Identification des empreintes digitales – SMLO ;
• Résultats préliminaires de l’autopsie – SMLO.

Description de l’incident

Le scénario suivant ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, dont des entrevues avec l’AI no 1 et l’AI no 2 ainsi qu’avec plusieurs autres agents qui ont été témoins de certaines parties de l’incident. L’enquête a également bénéficié des enregistrements vidéo de certains des événements en question capturés par des caméras de sécurité.

Le 22 février 2021, le SPT a ouvert une enquête pour une personne disparue. Une femme avait contacté la police ce matin-là pour signaler qu’elle était sans nouvelles de sa fille et ne l’avait pas vue depuis le 19 février 2021.

Les enquêteurs ont concentré leur attention sur l’immeuble du 291, rue George. En effet, la vidéo d’une caméra de vidéosurveillance montrait la femme disparue entrer dans cet immeuble le 19 février 2021. Néanmoins, on ne la voyait sortir sur aucune vidéo depuis cette date. L’enquête s’était transformée en une affaire d’homicide lorsque le SPT a découvert d’autres preuves vidéo. M. Gedi avait eu une relation avec la femme disparue dans le passé.

Le 23 février 2021, au petit matin, il a été convenu que les enquêteurs obtiendraient et exécuteraient ce jour-là un mandat de perquisition pour deux appartements de l’immeuble, dont celui de M. Gedi. Compte tenu de l’urgence de la situation et de ce qui avait été observé sur les vidéos, il a été décidé de ne pas attendre la délivrance des mandats pour entrer dans les appartements. Une équipe du GIU a été appelée pour forcer l’entrée dans les appartements en question avant l’obtention des mandats.

Sous le commandement de l’AT no 5, les membres de l’équipe du GIU se sont réunis à la 51e Division pour que les enquêteurs les informent de la situation. Ils se sont ensuite rendus à l’immeuble vers 3 h 30. L’équipe s’est scindée en deux; l’AI no 1, l’AI no 2, l’AT no 3 et l’AT no 6 ont été chargés d’entrer dans l’appartement de M. Gedi, au troisième étage. L’AI no 2 et l’AI no 1, armés respectivement d’un pistolet semi-automatique de 9 mm et d’une carabine C8, ont pris position du côté des charnières de la porte, tandis que l’AT no 3 attendait de l’autre côté. L’AT no 6, équipé d’un bélier, a été chargé de forcer l’ouverture de la porte. L’objectif était d’enfoncer la porte verrouillée et d’appeler les occupants de la résidence à se rendre sous la menace d’une arme, après quoi les agents entreraient dans l’unité pour s’assurer qu’il n’y avait aucun danger.

La porte s’est ouverte après le deuxième coup de bélier et les agents ont été immédiatement confrontés à M. Gedi qui s’est élancé vers eux, en tenant un couteau dans la main droite et un couperet dans la main gauche. Avec l’AI no 2 accroupi dans l’embrasure de la porte et l’AI no 1 debout derrière lui, les agents ont ordonné à M. Gedi de s’arrêter et de mettre les mains en l’air, puis on fait feu.

M. Gedi a trébuché en avant et est tombé par terre, avec sa tête au niveau du seuil de la porte. Il a lâché le couperet et le couteau. Le couperet est tombé contre le mur nord à côté de la porte ouverte, le couteau un peu plus au sud.

M. Gedi a été menotté et un ambulancier, qui attendait dans la cage d’escalier du troisième étage, a été appelé pour lui prodiguer des soins. M. Gedi a été transporté de là à l’hôpital. Malgré les efforts de réanimation, le décès de M. Gedi a été prononcé à 4 h 17 du matin.

M. Gedi a été touché une fois, à la poitrine, par l’une des cinq balles tirées par l’AI no 2. L’AI no 1 avait fait feu trois fois avec sa carabine C8.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 23 février 2021, Gedi Ali Gedi a été blessé par balle à la poitrine lorsque deux agents du SPT ont fait feu dans sa direction, et a succombé à ses blessures plus tard dans la journée à l’hôpital. Les deux agents – l’AI no 1 et l’AI no 2 – ont été désignés en tant qu’agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents ait commis une infraction criminelle en lien avec ce tir.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, la force utilisée pour se défendre ou défendre autrui contre une attaque ou une menace d’attaque raisonnablement appréhendée, ne constitue pas une infraction à condition que la force en question soit raisonnable. Le caractère raisonnable de la force doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris des considérations telles que la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force, si une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme, ainsi que la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. La décharge de leurs armes par l’AI no 2 et l’AI no 1 relevait de la justification légale prévue à l’article 34.

Les agents du GIU, y compris l’AI no 2 et l’AI no 1, exerçaient légalement leurs fonctions lorsqu’ils se sont rendus à l’immeuble et ont forcé la porte de l’appartement de M. Gedi. Même s’ils n’avaient pas d’autorisation judiciaire préalable pour entrer dans le logement, ils avaient des motifs de croire que M. Gedi était impliqué dans un acte criminel lié au décès d’une personne et, par conséquent, était passible d’arrestation. De plus, étant donné la nature du crime sur lequel les agents enquêtaient, il était impératif d’entrer dans l’appartement dès que possible pour protéger d’autres personnes qui pourraient se trouver à l’intérieur et éviter que des éléments de preuve soient détruits. Je suis donc convaincu que l’entrée des agents dans le logement était autorisée sur la base de circonstances d’urgence en vertu de l’article 529.3 du Code criminel. La manière dont les agents sont entrés dans l’appartement – une entrée en force avec annonce de leur présence au moment où la porte était enfoncée – ne rend pas non plus leur conduite illégale. Les agents avaient des raisons de croire que M. Gedi était un individu armé et dangereux, et qu’une entrée par surprise était nécessaire pour atténuer les risques que cela présenterait s’ils annonçaient leur présence à l’avance. La menace à laquelle ils ont été confrontés juste après avoir ouvert la porte donne foi aux appréhensions des agents.

Il ne fait guère de doute que M. Gedi constituait une menace imminente de lésions corporelles graves ou de mort pour l’AI no 2 et l’AI no 1, et que les agents ont réagi raisonnablement pour se protéger lorsqu’ils ont fait feu sur lui. M. Gedi tenait des armes potentiellement mortelles dans les deux mains – un couperet avec une lame de 20 centimètres sur 8 centimètres et un couteau avec une lame d’environ 17 centimètres. Il avait également l’intention d’attaquer les agents. Un téléviseur à l’intérieur du logement montrait en direct l’enregistrement d’une caméra du hall de l’immeuble. Par conséquent, la preuve suggère fortement que M. Gedi savait ce qui s’en venait et s’était armé pour attaquer les agents. Les agents savaient aussi que M. Gedi était lié à un meurtre récent et qu’il était disposé à recourir à une violence extrême et en était capable. Dans les circonstances, face à un individu armé se précipitant vers eux depuis à peine quelques mètres, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’AI no 2 ou l’AI no 1 ait agi avec une force excessive pour faire face à la menace mortelle que présentait M. Gedi en exerçant eux-mêmes une force mortelle. Quant au nombre de coups de feu tirés – trois par l’AI no 1 et cinq par l’AI no 2 – je ne suis pas en mesure d’imputer une différence significative dans le niveau de menace que l’un ou l’autre des agents aurait apprécié étant donné que les coups de feu ont été tirés au même moment et en succession rapide, et ont pris fin dès que M. Gedi est tombé.

En conséquence, comme il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI no 2 ou l’AI no 1 ont agi autrement qu’en état de légitime défense lorsqu’ils ont tiré sur M. Gedi qui se précipitait sur eux en brandissant des armes blanches, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 22 juin 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.