Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-257

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure subie par un homme de 56 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 8 octobre 2020, à 1 h 37 du matin, le Service de police de North Bay (SPNB) a avisé l’UES de la blessure du plaignant. Le 7 octobre 2020, à 23 h 40, le SPNB a reçu un appel d’une femme qui habitait dans un appartement de la rue Clarence. Elle s’est plainte qu’il y avait un « forcené » dehors qui était entré chez elle par la fenêtre, puis était ressorti par la porte. Un agent de police est arrivé rue Clarence et a vu un homme qui marchait dans la rue. L’agent s’est approché de l’homme [maintenant connu pour être le plaignant] et l’a plaqué à terre. Le plaignant a été emmené au Centre régional de santé de North Bay (CRSNB) où on lui a diagnostiqué une fracture à une cheville. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme de 56 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire


Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées


Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant a été arrêté sur la plate-bande gazonnée à l’angle nord-est des rues Athlone et Clarence, à North Bay.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais n’ont rien trouvé de pertinent.

Enregistrements des communications de la police

Le 7 octobre 2020, à 23 h 41, le SPNB a reçu un appel demandant l’aide de la police à un appartement de la rue Clarence, à North Bay. Une description des enregistrements des communications de cet appel et des transmissions radio subséquentes de la police est donnée ci-après.

Appel au SPNB

  • Une femme appelle le SPNB et déclare qu’elle a besoin d’aide immédiatement, parce qu’elle pense qu’il y a « un forcené » à l’extérieur de chez elle.
  • Elle demande que des agents du SPNB viennent chez elle, rue Clarence.
  • Bégayant en parlant, elle dit qu’elle a laissé entrer le plaignant chez elle.
  • Quand on lui demande qui est cet homme, elle répond [traduction] : « Un imbécile. » Elle continue à parler en tenant des propos incohérents et semble à bout de souffle.
  • La femme a peur, crie, pleure, dit que le plaignant grimpe par la fenêtre, continue de crier, de hurler et d’hyperventiler pendant que la réceptionniste de l’appel (« la réceptionniste ») tente d’obtenir des détails.
  • La femme ne répond pas quand on lui demande dans quel appartement elle se trouve.
  • On peut entendre la voix d’un homme en arrière-plan, qui dit quelque chose du genre : [traduction] « C’est la police. » La femme dit que la police est là. Cette déclaration semble provoquer la confusion de la réceptionniste. La femme hurle de nouveau.
  • La réceptionniste lui demande qui est là et dans quel appartement elle se trouve. La femme donne son numéro d’appartement.
  • Lorsque la réceptionniste lui demande qui est là, la femme se remet à haleter, ne répond pas, puis dit [traduction] « il est parti ».
  • En réponse à des questions, la femme dit qu’il s’agit d’un immeuble d’appartements sécurisé, que le plaignant est parti par la porte et qu’elle ne sait pas où il est allé. Elle refuse de fournir son nom de famille.
  • La femme refuse d’identifier l’homme.
  • La femme donne finalement son nom de famille et admet avoir consommé de l’alcool.
  • La femme est maintenant seule dans son appartement. Personne n’est dehors devant sa fenêtre et elle est « OK ».
  • Elle dit que le plaignant est entré dans l’appartement pour chercher ses affaires et qu’il n’est pas si méchant que ça. Elle refuse de donner le nom du plaignant à la police.
  • La réceptionniste dit à la femme que la police est là maintenant et elle lui demande de rester en ligne jusqu’à ce qu’un agent arrive à son appartement. La réceptionniste demande à la femme d’appuyer sur le bouton d’ouverture de la porte pour l’agent.
  • La femme demande si on va l’emmener, et la réceptionniste lui dit que les policiers sont là pour s’assurer qu’elle va bien.
  • La réceptionniste dit à la femme que l’agent est maintenant dans l’immeuble et qu’il devrait être à sa porte dans une minute.

Transmissions radio de la police

Les transmissions radio n’ont pas d’horodatage.

  • L’opératrice des communications (OC) demande que deux unités se rendent à un appartement de la rue Clarence pour une femme hystérique qui hurle au téléphone, en affirmant qu’il y a devant chez elle un forcené [le plaignant] qu’elle avait initialement laissé entrer chez elle. Elle a demandé à cet homme de partir, mais il est revenu et tente d’entrer par une fenêtre. La femme crie.
  • Deux agents de police [connus maintenant pour être l’AI et l’AT no 2] accusent réception de l’appel.
  • L’OC dit que le lieu de l’incident est à l’appartement de la rue Clarence.
  • Un agent de police demande où se trouve la fenêtre et l’OC dit qu’il est difficile d’obtenir des renseignements de la femme. Le plaignant est entré par une fenêtre, mais est maintenant sorti par la porte.
  • Les agents demandent une description.
  • L’OC dit que la femme a maintenant changé une partie de son récit. Elle a honte, est incohérente et admet avoir bu. Il est suggéré que la femme a peut-être consommé de la drogue.
  • Un agent de police dit [traduction] « dehors avec un homme » (endroit inintelligible).
  • L’OC dit que la femme a refusé de révéler l’identité de l’homme et de le décrire.
  • Un agent de police demande qu’on envoie les services médicaux d’urgence (SMU) pour le plaignant, qui semble avoir une cheville fracturée.
  • L’OC interroge l’AT no 1 à propos de tout dépistage de coronavirus. L’AT no 1 donne l’identité de l’homme.
  • La réceptionniste appelle un agent de police et lui dit que l’OC a du mal à comprendre ce que la femme a dit. La femme est hystérique et incohérente. Des agents sont maintenant chez elle. La réceptionniste rejoue l’enregistrement de l’appel et dit [traduction] « on dirait presque qu’il pointait une arme sur elle », mais que l’OC ne pouvait pas comprendre.
  • La réceptionniste dit au policier que des agents sont dehors avec un homme [maintenant connu pour être le plaignant], à l’angle des rues Athlone et Clarence. Elle ne sait pas s’il s’agit du même homme que celui de la rue Clarence, puisque la femme a refusé de le décrire. Il est noté qu’il s’agit peut-être d’un appel de santé mentale, car cela n’a pas beaucoup de sens.
  • La réceptionniste ne sait pas si les policiers ont déjà parlé avec la femme. L’agent de police demande à l’AT no 1 de le rappeler.
  • L’OC demande si quelqu’un a déjà communiqué avec la femme, car l’OC a des informations concernant la sécurité des agents.
  • Un agent répond par la négative et dit que l’AT no 2 est en route.
  • L’OC demande à l’AT no 1 d’appeler le sergent d’état-major.
  • L’OC reçoit un appel téléphonique d’un agent [vraisemblablement l’AT no 2]. L’OC explique que d’après les cris de la femme, il est possible que le plaignant ait pointé une arme sur elle.
  • L’AT no 2 dit à l’OC qu’on lui a dit que la femme était alcoolique et qu’il lui arrivait souvent de crier. Il va tenter de confirmer les renseignements concernant une arme à feu.
  • Un agent [vraisemblablement l’AT no 1] appelle l’OC. On peut entendre des cris en arrière-plan. L’OC commence à informer l’AT no 1 de l’implication possible d’une arme à feu.
  • L’AT no 1 dit que la situation n’est pas bonne et qu’il vient juste d’arriver. Le plaignant est à terre, entouré de l’AT no 2 et de l’AI. La cheville du plaignant est tordue, cassée. L’OC demande comment la blessure s’est produite. L’AT no 1 ne sait pas.
  • Le plaignant est très belliqueux et on peut entendre des cris. Le plaignant essaye de se relever. L’AT no 1 le maintient en place pour éviter que l’os de la cheville ne sorte.
  • L’OC avise l’AT no 1 que la femme a peut-être dit que l’homme avait une arme à feu. L’AT no 1 demande si c’était le plaignant. L’OC répond que la femme a refusé de donner un nom.
  • L’AT no 1 met brusquement fin à l’appel parce que le plaignant tente de se relever.
  • Un agent de police appelle l’OC pour demander qu’on envoie l’AT no 3 pour parler à la femme. Il explique à l’OC qu’ils ont des problèmes avec le plaignant. Il est belliqueux et essaye de se mettre debout avec une cheville cassée. L’OC avise l’AT no 1 de la possibilité d’une arme à feu.
  • L’OC demande à l’AT no 3 d’aller aider l’AT no 2 à l’appartement de la rue Clarence.
  • L’AT no 3 appelle l’OC pour obtenir des renseignements concernant la sécurité des agents.
  • L’AT no 1 dit que l’AT no 2 et l’AT no 3 sont chez la femme et que les SMU conduisent le plaignant à l’hôpital et qu’il va les suivre.
  • L’AT no 1 appelle le sergent d’état-major et fait le point sur la situation des policiers qui participent à l’enquête. Il est noté que le plaignant est transporté à l’hôpital. L’AI explique que la blessure s’est produite pendant l’arrestation.
  • L’AT no 1 explique ensuite que l’AI, quand il a vu le plaignant sur la rue Clarence, à proximité immédiate de l’immeuble d’où provenait l’appel, s’est arrêté pour l’interroger.
  • Le plaignant a mal réagi et a refusé de s’arrêter. L’AI a tenté de sortir de sa voiture et il semble que le plaignant a claqué la portière sur la jambe de l’AI.
  • L’AI est sorti de son véhicule de police, a attrapé le plaignant et a tenté de procéder à son arrestation pour avoir agressé un policier. Quand l’AT no 1 est arrivé, l’AT no 2 était déjà là.
  • L’AI et l’AT no 2 chevauchaient le plaignant sur le trottoir et la cheville du plaignant était tordue sur le côté.
  • L’AT no 1 précise que l’homme n’était pas blessé à la cheville avant son interaction avec la police et qu’il avait subi sa blessure pendant cette arrestation. L’AI sera bientôt de retour au poste tandis que l’AT no 1 va aller à l’hôpital. Le plaignant est arrêté pour voies de fait.
  • L’UES devait être avisée. On ne savait toujours pas si le plaignant était l’homme en cause dans l’appel de l’appartement de la rue Clarence.
  • L’AT no 1 dit qu’on a fouillé le plaignant et qu’on n’a pas trouvé d’arme à feu sur lui. Le plaignant a été menotté, mais on lui a retiré les menottes par la suite à cause de sa blessure.
  • À 0 h 09, l’AT no 1 quitte les lieux et suit l’ambulance en route pour l’hôpital.
  • À 0 h 13, l’AT no 1 arrive à l’hôpital avec l’ambulance.
  • Le sergent d’état-major reçoit un appel de l’AT no 3 l’informant que la femme ne coopérait pas, mais qu’il avait été établi que l’homme en question était le plaignant. La femme avait eu une relation intime avec le plaignant dans le passé. Tous deux avaient beaucoup bu cette nuit-là, et il y avait plusieurs bouteilles dans l’appartement. Le plaignant avait fait des avances sexuelles non désirées.
  • L’AT no 3 ajoute que la femme était très ivre et que ses déclarations manquent de cohérence. Elle affirme avoir été giflée, frappée à coups de poing, serrée au cou et menacée. La femme était parvenue à faire sortir le plaignant de l’appartement et il avait frappé à ses fenêtres. Le plaignant s’est ensuite excusé, et elle l’a laissé entrer.
  • La femme refuse de se rendre au poste pour faire une déclaration, mais accepte de parler à une policière à son domicile. Une policière est envoyée chez elle.
  • L’AT no 1 appelle le sergent d’état-major et confirme que le plaignant a besoin d’une intervention chirurgicale. Il a informé le plaignant des accusations portées contre lui et lui a dit ses droits à un avocat et l’a mis en garde. Il pense que le plaignant est sous l’influence de drogues.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le SPNB :
  • Dossier de formation sur le recours à la force de l’AI ;
  • Registre de divulgation;
  • Détails de l’événement;
  • Rapport général d’incident;
  • Incidents impliquant le plaignant;
  • Enregistrements des communications;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AI;
  • Résumé de l’incident;
  • Rapport de prisonnier malade – le plaignant;
  • Procédure opérationnelle standard – recours à la force;
  • Procédure opérationnelle standard – soins et contrôle des détenus; et
  • Rapport sur le recours à la force – blessure.

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

L’UES a examiné les dossiers suivants obtenus auprès de sources autres que la police :
  • Dossiers médicaux du plaignant du Centre régional de santé de North Bay.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et l’AI ainsi que des enregistrements des communications de la police. Vers 23 h 40, une femme a appelé le 9-1-1 pour signaler un incident domestique à son appartement, rue Clarence, à North Bay. Au cours d’un échange entre elle et la réceptionniste de l’appel, la femme a indiqué qu’un homme – le plaignant – qu’elle avait précédemment autorisé à entrer dans son appartement, remontait maintenant chez elle par une fenêtre après qu’elle lui ait demandé de s’en aller. Durant l’appel, la femme a ensuite dit que le plaignant était sorti de chez elle par la porte. Des agents de police ont été envoyés sur les lieux pour enquêter.

L’AI est arrivé dans le secteur en premier. Alors qu’il s’approchait de l’immeuble de la rue Clarence, il a vu un homme qui marchait vers le sud sur le trottoir est. L’AI a décidé de l’interroger pour voir s’il était l’homme visé par la plainte de la femme; il s’est approché de lui au volant de sa voiture de police et lui a demandé d’où il venait. L’homme a refusé de répondre et a continué de marcher vers le sud. N’étant pas satisfait de cette réponse, l’AI s’est de nouveau approché de l’homme, en décidant de sortir de sa voiture pour lui parler. Quand l’AI a immobilisé son véhicule de police et ouvert la portière, l’homme a repoussé la portière contre lui. Une fois sorti de sa voiture, l’AI a saisi l’homme pour l’arrêter.
L’homme était le plaignant. L’AI l’a saisi et plaqué à terre sur l’herbe, à l’angle nord-est des rues Athlone et Clarence. L’AI a été bientôt rejoint par l’AT no 2 et les deux agents ont menotté le plaignant dans le dos alors qu’il était allongé sur le sol. Le plaignant a commencé à se plaindre d’une douleur à la cheville.

Peu après l’arrestation du plaignant, l’AT no 1 est arrivé sur les lieux et a appelé une ambulance. Les agents ont retiré les menottes du plaignant en attendant l’arrivée des ambulanciers paramédicaux. Le plaignant a été conduit à l’hôpital en ambulance où il a été constaté qu’il avait une fracture à la cheville droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 7 octobre 2020, le plaignant a subi une fracture de la cheville droite au cours de son arrestation par un agent du SPNB. L’agent qui a procédé à son arrestation – l’AI – a été identifié comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. La preuve établit que le plaignant, contrarié par les tentatives de l’AI d’obtenir des renseignements auprès de lui, a poussé la portière sur l’agent alors que celui-ci sortait de son véhicule de police. Le plaignant avait le droit de ne pas répondre aux questions de l’AI. Toutefois, il n’avait pas le droit de pousser la porte contre le côté gauche du corps de l’agent comme il l’a fait. En agissant ainsi, il pouvait être arrêté pour voies de fait.

Il y a une divergence dans les éléments de preuve quant à la manière dont le plaignant a été arrêté. Dans une version des événements, il est allégué que l’AI a plaqué le plaignant à terre en le poussant dans le dos et lui a piétiné la cheville, ce qui a causé la fracture. Il est en outre allégué qu’une fois le plaignant à plat ventre sur le sol, l’AI lui a donné plusieurs coups au visage jusqu’à ce que l’AT no 1 arrive et tire l’AI en arrière pour l’éloigner du plaignant.

Je n’ignore pas que les autorités chargées de porter des accusations doivent limiter leur évaluation du poids des éléments de preuve contradictoires à des considérations préliminaires. Néanmoins, je ne suis pas convaincu que la version des faits susmentionnée est suffisamment fiable pour justifier d’être mise à l’épreuve devant un juge des faits. Comme il y a trop de faiblesses associées à ce récit, il serait dangereux et imprudent à mon avis de reposer des accusations criminelles sur la seule foi de cet élément de preuve.

Il reste donc le récit de l’AI, lequel, pour l’essentiel, n’est contredit par aucun élément de preuve indépendant. Selon l’agent, quand il est sorti de sa voiture de police après que le plaignant a repoussé la portière sur lui, une lutte s’est rapidement ensuivie entre lui et le plaignant. Les deux hommes se sont agrippés par le col et ont commencé à pousser et à tirer jusqu’à ce que l’AI parvienne à plaquer le plaignant à terre en le faisant passer par-dessus sa hanche. L’agent a chevauché le plaignant et a maintenu sa tête et son épaule clouées au sol. Quelques secondes plus tard, l’AI a été rejoint par l’AT no 2, après quoi le plaignant a été arrêté sans autre incident.

D’après le dossier susmentionné, je ne peux pas raisonnablement conclure que le placage à terre du plaignant par l’AI était excessif. Le plaignant venait d’agresser l’AI en poussant la portière sur lui et résistait activement à son arrestation en tirant sur le col du policier. Dans les circonstances, l’AI avait le droit de recourir à la force pour maîtriser le plaignant, et c’est exactement ce que le placage à terre a permis. Le placage à terre du plaignant permettait à l’AI d’être mieux placé pour maîtriser plus facilement toute résistance supplémentaire qu’il pourrait lui opposer.

En conséquence, bien que le plaignant semble avoir subi sa fracture de la cheville droite durant l’interaction avec l’AI, au moment du placage à terre ou pendant la lutte qui l’a précédé, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que l’agent s’est conduit légalement tout au long de leur engagement. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 8 mars 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.