Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PVI-283

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures subies par une femme de 31 ans (plaignante).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 26 octobre 2020, à 1 h 39, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de ce qui suit.

Le mari de la plaignante a téléphoné à la police pour l’aviser que sa femme, la plaignante, conduisait avec les facultés affaiblies. L’AI, un agent de la Police provinciale de l’Ontario, a vu le véhicule de la plaignante tandis qu’il circulait dans une voiture de police sur la route 15, au nord de l’autoroute 401. Il a entamé une poursuite, mais y a mis fin lorsque la plaignante s’est enfuie.

Un peu plus tard, le véhicule de la plaignante a été aperçu de nouveau. L’AI et l’agent témoin (AT) no 1 ont tenté d’immobiliser le véhicule de la plaignante en exécutant une manœuvre en tandem, mais celle-ci s’est enfuie. Il y a eu un contact entre le véhicule de la plaignante et la voiture de police de l’AI.

À 0 h 16, le Service de police de Kingston a avisé la Police provinciale qu’un véhicule avait fait des tonneaux dans la sortie de l’autoroute 401 menant à la rue Montreal. À leur arrivée, les agents de police ont vu que le véhicule de la plaignante était dans le fossé.

La plaignante a été conduite à l’Hôpital général de Kingston, où on lui a diagnostiqué une fracture de la jambe et peut-être aussi du bras.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Deux enquêteurs, un enquêteur spécialiste de la reconstitution des collisions et deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont été assignés. Les lieux de la collision ont été examinés et photographiés. 

Plaignante

Femme de 31 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées


Agent impliqué

AI A participé à une entrevue; notes reçues et examinées.


Éléments de preuve

Les lieux

La collision s’est produite dans la sortie de l’autoroute 401 en direction ouest menant à la rue Montreal. La route était revêtue et comportait une voie de circulation délimitée par une ligne blanche continue de chaque côté. De plus, il y avait un accotement en gravier d’un côté et un talus rocheux de l’autre. Dans la sortie, il y avait un panneau affichant une limite de vitesse de 40 km/h.


Figure 1 – Véhicule de la plaignante

Figure 1 – Véhicule de la plaignante

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels


Résumé des données du GPS de la voiture de l’AI


Voici le résumé et l’analyse des données de GPS reçues de la Police provinciale pour la voiture de police conduite par l’AI. Les données commencent le 25 octobre 2020.

25 octobre 2020

23 h 53 min 12 s
L’AI a quitté la station-service Petro Canada et s’est engagé sur la rue Division en direction nord. Il a tourné à droite pour prendre la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction est et a roulé vers l’est sur l’autoroute 401 à partir de la rue Division.

23 h 55 min 7 s
L’AI roulait à 121 km/h en direction est sur l’autoroute 401 juste à l’est de la rue Division.

23 h 55 min 42 s
L’AI roulait vers l’est sur l’autoroute 401 et a atteint une vitesse de 169 km/h avant de ralentir.

23 h 57 min 47 s
L’AI a tourné à droite pour aller vers le sud sur la route 15, en haut de la sortie de l’autoroute 401 en direction est. Sa vitesse était de 35 km/h.

23 h 58 min 9 s
L’AI circulait en direction sud sur la route 15 et est entré dans le stationnement d’une station-service Esso Circle K (1636, Route 15, RR 2, Kingston). La voiture de police en est ressortie et s’est dirigée vers le sud sur la route 15 à 23 h 58 min 25 s.

26 octobre 2020

0 h 0 min 6 s
Sur la route 15, l’AI a tourné à gauche sur Innovation Drive et a parcouru une courte distance en direction est avant de faire demi-tour pour retourner sur la route 15.

0 h 0 min 51 s
L’AI a tourné à droite et s’est dirigé vers le nord sur la route 15 à partir d’Innovation Drive à une vitesse de 19 km/h. La voiture de police est ensuite partie en direction nord sur la route 15 à une vitesse approximative de 150 km/h.

0 h 1 min 35 s
L’AI a réduit sa vitesse à environ 69 km/h près de la station-service Esso.

0 h 2 min 1 s
L’AI roulait en direction nord sur la route 15 près de l’intersection avec Middle Road, qui était juste au sud du viaduc de l’autoroute 401 et en haut de la sortie de l’autoroute 401 en direction est. La voiture de police a réduit sa vitesse à 64 km/h, puis à environ 10 km/h et, à quelques mètres au nord de l’intersection avec Middle Road, s’est arrêtée brièvement. C’est peut-être à cet endroit qu’il y a eu un contact entre le coin avant droit de la voiture de l’AI et le côté gauche de la Civic de Honda conduite par la plaignante.

0 h 2 min 44 s
L’AI s’est rangé sur la droite dans la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest et s’est arrêté sur l’accotement; sa vitesse était alors de 0 km/h. La voiture de police est demeurée au même endroit de 0 h 2 min 44 s à 0 h 5 min 24 s, sa vitesse étant de 0 km/h.

0 h 5 min 26 s
L’AI a avancé lentement dans la bretelle d’accès et s’est engagé dans les voies en direction ouest de l’autoroute 401. La voiture de police roulait à 111 km/h.

0 h 7 min 0 s
L’AI roulait à 135 km/h en direction ouest sur l’autoroute 401. Il se trouvait exactement à la hauteur de la sortie de la rue Montreal. Le lieu de la collision était près de l’autoroute 401, dans la sortie menant à la rue Montreal. La voiture de police a continué de rouler en direction ouest sur l’autoroute 401 et a dépassé le lieu de la collision.

L’AI a poursuivi son chemin vers l’ouest sur l’autoroute 401 sur environ 17 kilomètres jusqu’à une aire de manœuvre sur l’autoroute 401, à l’ouest de Westbrook Road.

0 h 21 min 39 s
L’AI a fait demi-tour dans la zone réservée aux véhicules d’urgence, dans le terre-plein central, et a roulé vers l’est sur l’autoroute 401 pour retourner vers la rue Montreal.

0 h 23 min 30 s
L’AI s’est arrêté au lieu de la collision dans la sortie menant à la rue Montreal en direction ouest.

Analyse

La distance entre l’endroit où l’AI aurait d’abord vu la Civic de Honda conduite par la plaignante près de la rue Division et le haut de la sortie sur la route 15 est d’environ 6,04 kilomètres. La vitesse moyenne de la voiture de l’AI durant cette période était d’à peu près 132,5 km/h.

Au total, l’AI est resté immobile sur l’accotement de la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest pendant 2 minutes et 42 secondes. Compte tenu de la vitesse à laquelle roulait la plaignante en direction ouest sur l’autoroute 401 entre la route 15 et le lieu de la collision (environ 201 km/h), il est évident que la collision s’est produite avant que l’AI reprenne la route. D’après les données du système d’extraction de données sur les collisions, la plaignante a roulé à 201 km/h pendant environ 5 secondes avant le « point zéro » ou vers l’heure de la collision. Comme la distance entre l’endroit où l’AI s’est arrêté et le secteur où est survenue la collision était de 3,7 kilomètres, il a fallu en moyenne à la plaignante environ 1 minute et 6 secondes pour parcourir cette distance.

La distance entre l’endroit où l’AI s’est rangé et a arrêté sa voiture de police dans la bretelle d’accès et celui où il a fait demi-tour en direction ouest sur l’autoroute 401 pour se diriger vers l’est sur cette même autoroute est d’environ 20,8 kilomètres. Comme cette distance a été franchie en 12 minutes et 17 secondes, la vitesse moyenne est estimée à 97,6 km/h.

La distance entre l’endroit où l’AI a fait demi-tour pour se diriger vers l’est sur l’autoroute 401 et le secteur de la collision est d’à peu près 17 kilomètres. La vitesse moyenne de la voiture de l’AI était donc d’environ 122,3 km/h. 
 

Résumé des données du GPS de la voiture de l’AT no 1


Voici le résumé et l’analyse des données de GPS reçues de la Police provinciale pour la voiture de police conduite par l’AT no 1. Les données commencent le 25 octobre 2020.

25 octobre 2020

23 h 54 min 28 s
La voiture de police de l’AT no 1 était à la station-service Petro Canada située à l’intersection de la rue Division et de l’avenue Dalton. L’AT no 1 a tourné à droite pour emprunter la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction est vers 23 h 56 min 53 s et s’est dirigé vers l’est sur l’autoroute 401.

23 h 59 min 16 s
L’AT no 1 roulait en direction est sur l’autoroute 401 et s’est déplacé dans la bretelle de sortie à la hauteur de la route 15. La voiture de police roulait à 126 km/h. L’AT no 1 a ensuite tourné à droite et s’est dirigé vers le sud sur la route 15. La voiture de police roulait alors à 23 km/h.

26 octobre 2020

0 h 1 min 19 s
L’AT no 1 a fait demi-tour et s’est dirigé vers le nord sur la route 15. La vitesse de la voiture de police était de 21 km/h.

0 h 1 min 48 s
La voiture de l’AT no 1 roulait vers le nord sur la route 15 et arrivait à la ligne d’arrêt, à l’intersection avec Middle Road. La vitesse de la voiture de police était de 34 km/h.

L’AT no 1 était au milieu de l’intersection de la route 15 et de Middle Road à 0 h 1 min 51 s. La vitesse de la voiture de police était de 2 km/h.

0 h 1 min 56 s
L’AT no 1 se trouvait juste au nord de l’intersection de Middle Road et de la route 15. La vitesse de la voiture de police était de 34 km/h.

0 h 2 min 15 s
L’AT no 1, qui roulait sur la route 15 en direction nord, a tourné à gauche pour emprunter la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest. La vitesse de la voiture de police était de 32 km/h.

0 h 2 min 47 s
L’AT no 1 s’est rangé sur l’accotement du côté droit de la bretelle d’accès en direction ouest environ 390 mètres à l’ouest de la route 15. La voiture de police est demeurée immobile à cet endroit jusqu’à 0 h 5 min 31 s avant de poursuivre son chemin.

0 h 7 min 2 s
L’AT no 1 circulait en direction ouest sur l’autoroute 401 et a dépassé la sortie de la rue Montreal. La voiture de police roulait à 135 km/h.

0 h 15 min 5 s
L’AT no 1 a fait demi-tour dans un terre-plein central sur l’autoroute 401 à environ 3,7 kilomètres à l’ouest de Westbrook Road. La voiture de police s’est ensuite dirigée vers l’est sur l’autoroute 401.

0 h 23 min 41 s
L’AT no 1 est arrivé au lieu de la collision dans la sortie menant à la rue Montreal en direction ouest.

Analyse

L’AT no 1, qui circulait sur la route 15, s’est arrêté dans la sortie de l’autoroute 401 en direction ouest pendant environ 2 minutes et 44 secondes. D’après les données, c’est à l’intersection de la route 15 et de Middle Road ou juste au nord de celle-ci qu’il y aurait eu un contact entre la Civic de Honda et le coin avant droit de la voiture de l’AI.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’enregistrements vidéo ou audio et de photographies et a obtenu ce qui suit :
  • l’enregistrement d’une caméra de surveillance du ministère des Transports sur l’autoroute 401.


Enregistrement d’une caméra de surveillance du ministère des Transports sur l’autoroute 401


La date indiquée sur l’enregistrement de la caméra était le 25 octobre 2020.
Heure de début : 23 h 31 min 40 s
Heure de fin : 1 h 1 min 44 s le 26 octobre 2020

Il s’agissait d’une caméra fixée à un poteau qui filmait les véhicules circulant en direction ouest dans la voie de gauche sur l’autoroute 401. L’enregistrement ne montrait ni le lieu de la collision ni l’arrivée des intervenants d’urgence.

0 h 28 min 54 s – Un camion d’incendie se dirigeait vers l’ouest sur l’autoroute 401 et ses feux d’urgence clignotants étaient allumés.
0 h 31 min 32 s – Une ambulance roulait en direction ouest sur l’autoroute 401 et ses feux d’urgence clignotants étaient allumés.
0 h 54 min 43 s – Une ambulance roulait en direction nord sur la rue Montreal.
On ne voyait aucune voiture de police.

Enregistrements des communications de la police

Ce qui suit est un résumé des communications audio qu’ont eues des membres du personnel de la Police provinciale, du Service de police de Kingston et du centre de communication de la Police provinciale les 25 et 26 octobre 2020.

25 octobre 2020

23 h 56 min 3 s – communications par radio

  • L’AI a annoncé qu’il se trouvait derrière un véhicule [maintenant identifié comme la Civic noire de Honda conduite par la plaignante] qui roulait vers l’est sur l’autoroute 401 en direction de la route 15.
  • L’AI avait activé son équipement d’urgence et la plaignante ne s’arrêtait pas.
  • Un sergent du centre de communication de la Police provinciale a demandé s’il y avait un motif pour entamer une poursuite.
  • L’AI a indiqué que le véhicule roulait à grande vitesse sur l’accotement de la voie no 1.
  • Le véhicule a réduit sa vitesse à 60 km/h, puis à 40 km/h.
  • Le véhicule est entré dans le stationnement d’une station-service avant de repartir.
  • L’AI a reçu l’ordre de mettre fin à la poursuite et s’y est conformé en se rangeant sur l’accotement au 1624, Route 15.
  • Le Service de police de Kingston a été avisé que la plaignante roulait en direction de son territoire sur la route 15.
  • L’AI a été informé qu’il pouvait reprendre sa patrouille quelques instants plus tard.
  • L’AI a vu de nouveau la plaignante dans son véhicule, mais elle l’a fui lorsqu’il s’est approché d’elle.
  • L’AT no 1 a transmis un message à la radio indiquant que la plaignante se trouvait juste derrière lui sur la route 15.
  • L’AI a proposé qu’ils essaient de la cerner. Durant cette tentative, il y a eu un contact entre le véhicule de la plaignante et la voiture de l’AI.
  • Le sergent du centre de communication de la Police provinciale a ordonné à l’AI et à l’AT no 1 de cesser la poursuite et de ne plus intervenir.
  • L’AI et l’AT no 1 ont obtempéré, ont rangé leurs voitures sur le côté et ont indiqué leur kilométrage.
  • L’AI a confirmé que sa voiture avait subi des dommages mineurs.
  • L’AI et l’AT no 1 ont été informés qu’ils pouvaient reprendre leur patrouille dans la direction du véhicule, mais ils ont reçu l’ordre de ne pas le poursuivre.
  • Un agent de police non identifié a indiqué qu’il avait appris d’un agent du Service de police de Kingston qu’un véhicule avait fait des tonneaux à la hauteur de la rue Montreal et du viaduc de l’autoroute 401.
  • L’AI s’est rendu à l’endroit où était survenue la collision et a confirmé qu’il s’agissait du véhicule conduit par la plaignante qu’il avait poursuivi.

26 octobre 2020

0 h 34 min 26 s – communication téléphonique entre le centre de communication de la Police provinciale et le Service de police de Kingston

Le centre de communication du Service de police de Kingston a avisé le centre de communication de la Police provinciale que le mari de la plaignante avait téléphoné pour signaler que sa femme, qui croyait avoir laissé son téléphone quelque part, conduisait avec les facultés affaiblies. Il a également été mentionné que la plaignante avait eu une collision devant sa résidence.

0 h 25 min 43 s – communication téléphonique entre le sergent du centre de communication de la Police provinciale et l’AI

L’AI a indiqué qu’il venait de faire le plein et qu’elle [la plaignante] était passée en trombe près de lui à 135 km/h. Il a accéléré et activé ses feux d’urgence. Il croyait qu’elle allait se ranger, mais elle ne l’a pas fait. Le sergent du centre de communication de la Police provinciale l’a interrompu en disant : [Traduction] « Je ne veux pas que tu en dises trop. » L’AI a répondu : [Traduction] « Ah oui, je suppose que l’UES fera une enquête parce qu’il y a eu une poursuite auparavant. » L’AI a fourni d’autres renseignements au sujet de la plaignante, en précisant qu’elle avait perdu la maîtrise de son véhicule, avait fait des tonneaux et avait percuté un talus rocheux.

(Heure inconnue) – communication téléphonique entre le centre de communication de la Police provinciale et l’AI

L’AI a expliqué que lorsqu’il s’était engagé sur l’autoroute [maintenant identifiée comme l’autoroute 401 en direction est], la plaignante s’était approchée par-derrière et était passée en trombe à côté de lui sur l’autoroute 401 à la hauteur de la rue Division. Il a cessé la poursuite à la hauteur de la route 15. Il s’est rendu plus loin pour faire demi-tour et a vu que la plaignante revenait vers lui.

L’AI et l’AT no 1 ont tenté de la cerner, mais elle a heurté la voiture de police et la poursuite a pris fin. L’AI a signalé que le véhicule de la plaignante était en très mauvais état après la collision et que la plaignante était en état d’ébriété très avancée. Cette dernière était à l’hôpital, et des agents de police prenaient la déclaration de son mari. La plaignante avait une fracture ouverte à la jambe gauche, une fracture du bras et peut-être un traumatisme crânien. Elle était consciente, mais on était en train de l’endormir.

(Heure inconnue) – communication téléphonique entre le sergent du centre de communication de la Police provinciale et le sergent-chef

Le sergent a informé le sergent-chef que la plaignante avait été sortie du véhicule. Elle était consciente mais avait des fractures. Elle avait été transportée à l’Hôpital général de Kingston. Le sergent a précisé que l’AI et l’AT no 1 étaient en cause dans l’incident. L’AI a vu un véhicule rouler à 130 km/h dans une zone où la limite de vitesse était de 80 km/h et a tenté de l’arrêter. Le sergent lui a demandé de cesser la poursuite et l’AI s’est rangé sur le côté.

Plusieurs minutes plus tard, l’AT no 2 a vu la plaignante qui se dirigeait vers lui. L’AI et l’AT no 1 ont tenté d’exécuter une manœuvre en tandem pour arrêter la plaignante, mais leurs feux d’urgence n’étaient pas activés. Il y a eu un contact entre le véhicule de la plaignante et la voiture de l’AI, et la poursuite a pris fin. Approximativement 15 minutes plus tard, le centre de communication de la Police provinciale a reçu un appel des services ambulanciers indiquant qu’un véhicule avait fait des tonneaux à la hauteur de la sortie de l’autoroute 401.

(Heure inconnue) – communication téléphonique entre le sergent du centre de communication de la Police provinciale et une femme non identifiée

Le sergent a résumé l’incident et a dit qu’il croyait que tout allait bien aller. Il a précisé que les agents de police en cause s’étaient conformés à ses ordres et avaient cessé la poursuite lorsqu’ils devaient le faire. Le sergent a également mentionné que la collision de la plaignante s’était produite à 4 kilomètres de l’endroit où la poursuite avait pris fin. Il estimait que la plaignante avait eu de nombreuses occasions de prendre d’autres décisions et n’aurait pas dû se sentir bousculée parce qu’il n’y avait aucun agent de police à proximité.

Trajet et feux de circulation

Il y avait trois feux de circulation sur la route 15.

- Middle Road et route 15 – L’AI a d’abord suivi la plaignante jusqu’à l’intersection. Celle-ci a fait un semi-arrêt. L’AI se trouvait juste derrière. Il ne se rappelait pas la couleur du feu de circulation. Au deuxième passage, il a fait un arrêt complet.

- John Marks et route 15 – Au premier passage, l’AI roulait lentement, soit à 19 km/h. Au deuxième passage, sa vitesse a augmenté pour atteindre 150 km/h. L’AI a indiqué que l’intersection suivante était celle d’Innovation Drive.

- Innovation Drive et route 15 – L’AI roulait à 19 km/h et a tourné à gauche à l’intersection (feu de circulation inconnu). Il a continué son chemin jusqu’à ce qu’il fasse demi-tour, puis il a fait le trajet dans le sens contraire sur la route 15.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de la Police provinciale de l’Ontario :
  • les détails de l’événement du système de répartition assisté par ordinateur (x2);
  • les rapports de collision de véhicule automobile (x2);
  • les notes de l’AI;
  • les notes de l’AT no 4;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les résumés d’incident (x2);
  • la déclaration du TC no 1 faite à la Police provinciale;
  • la formation sur le recours à la force suivie par l’AI;
  • la formation sur le recours à la force suivie par l’AT no 1.

Éléments obtenus d’autres sources

L’UES a également obtenu et examiné les documents et éléments suivants de sources autres que la police :
  • l’enregistrement d’une caméra de surveillance du ministère des Transports sur l’autoroute 401;
  • les dossiers médicaux de l’Hôpital général de Kingston.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est celui qui ressort d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec la plaignante, l’AI, l’AT no 1 et l’autre agent de police ayant participé à la poursuite. Les enregistrements des communications de la police et les données de GPS des voitures de police en cause concernant la vitesse et l’emplacement ont aussi été utiles pour l’enquête. Le 25 octobre 2020, juste avant minuit, l’AI patrouillait dans sa voiture de police en direction est sur l’autoroute 401. Peu après s’être engagé sur l’autoroute à partir de Division Road, l’agent a remarqué un véhicule qui arrivait derrière lui à grande vitesse. Il s’agissait d’une Civic noire de Honda; la plaignante en était la conductrice.

Lorsque la Honda a dépassé sa voiture de police à plus de 140 km/h, chevauchant l’accotement de la voie de dépassement et frôlant le muret de béton, l’AI a décidé de l’intercepter. Il a accéléré pour rattraper la Honda à une vitesse dépassant 160 km/h. Croyant que la plaignante n’était pas certaine de ce qu’il voulait qu’elle fasse, l’AI s’est placé à côté de son véhicule et lui a fait signe de se ranger sur l’accotement sud. La plaignante ne l’a pas fait; elle a plutôt accéléré et s’est éloignée de nouveau de la voiture de police.

L’AI a poursuivi la plaignante en direction est sur l’autoroute 401 jusqu’à la route 15, prenant la sortie pour suivre la Honda vers le sud. Un sergent qui surveillait la poursuite a ordonné à l’AI d’y mettre fin, ce que celui-ci a fait en ralentissant et en s’arrêtant dans le secteur de la station-service Esso, environ 300 mètres au sud de la sortie de l’autoroute 401.

Après avoir obtenu l’autorisation de reprendre sa patrouille, l’AI s’est dirigé vers le sud sur la route 15 et a tourné à gauche sur Innovation Drive dans l’intention de faire demi-tour et de continuer en direction nord vers l’autoroute 401. C’est alors que l’agent a vu la Honda immobilisée au milieu de la route. Il a arrêté sa voiture de police, en est sorti et s’est approché de la plaignante à pied. Cette dernière est passée à côté de l’agent et de sa voiture de police et elle a tourné à droite sur la route 15.

L’AI est retourné à sa voiture et a recommencé à poursuivre la Honda à grande vitesse. C’est alors qu’il a entendu l’AT no 1 annoncer à la radio que la Honda était derrière lui et roulait en direction nord sur la route 15. L’AT no 1 savait que l’AI avait poursuivi ce véhicule et il s’est rendu dans le secteur pour voir s’il pouvait prêter assistance. Les agents ont décidé qu’ils tenteraient d’exécuter une manœuvre en tandem pour arrêter la Honda.

L’AI s’est rapproché et a placé sa voiture derrière la Honda. La voiture de l’AT no 1 quant à elle était devant le véhicule de la plaignante. Les agents ont commencé à ralentir. La manœuvre a semblé fonctionner; la Honda a ralenti et a commencé à se ranger sur le côté de la route. Cependant, tout de suite après Middle Road, la plaignante a réussi à contourner la voiture de l’AT no 1 et à accélérer, heurtant du même coup la partie avant côté passager de la voiture de l’AI. Il semble que l’AT no 1 ait accéléré brièvement au moment où les véhicules s’arrêtaient, ouvrant ainsi une brèche qui a permis à la plaignante de franchir l’obstacle.

Après l’échec de la tentative de manœuvre en tandem, les agents ont cessé la poursuite tandis que la plaignante s’engageait dans la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest. Ils s’étaient rangés sur le côté et étaient immobilisés dans la même bretelle d’accès depuis plusieurs minutes lorsqu’ils ont appris qu’une collision de véhicule automobile s’était produite dans le secteur de l’autoroute 401 et de Battersea Road. Le véhicule en question était la Honda.

La plaignante avait accéléré en direction ouest sur l’autoroute 401 à une vitesse vertigineuse. Cinq secondes avant la collision, elle roulait à plus de 200 km/h d’après les données téléchargées à partir de son véhicule. Elle n’avait pas réussi à négocier la sortie de Battersea Road et avait percuté un talus rocheux.

Les pompiers et les ambulanciers ont été les premiers à arriver sur les lieux de la collision. La plaignante a été sortie du véhicule accidenté et conduite à l’Hôpital général de Kingston, où des fractures du bras gauche et de l’épaule droite ont été diagnostiquées. L’AI, ayant appris qu’il y avait eu une collision, s’est rendu sur les lieux. Il a été le premier agent à arriver sur place.

Dispositions législatives pertinentes

L'article 320.13 du Code criminel – Conduite dangereuse causant des lésions corporelles

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


L'alinéa 128(13) du Code de la route – Véhicule de pompiers ou de police

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

(b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions.


Analyse et décision du directeur

Peu après minuit le 26 octobre 2020, la plaignante a subi une fracture de l’omoplate droite et de la jambe gauche lorsqu’elle a fait un accident avec son véhicule dans le secteur de l’autoroute 401 et de Battersea Road à Kingston. Comme elle avait été poursuivie par des agents de la Police provinciale de l’Ontario dans les moments ayant précédé la collision, l’UES a été avisée et a amorcé une enquête. Le conducteur d’une des voitures de la Police provinciale ayant pris part à la poursuite, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec la collision.

La seule infraction potentielle à prendre en considération est celle de conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles interdite par le paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. L’infraction dépend en partie de l’existence d’une conduite représentant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Ce qu’il faut déterminer dans ce dossier, c’est s’il y a eu de la part de l’AI, durant son interaction avec la plaignante, un manque de diligence grave au point de mériter une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L'AI avait le droit d’entreprendre une poursuite du véhicule de la plaignante lorsque celle-ci l’a dépassé sur l’autoroute 401 et a ensuite refusé de se ranger sur le côté comme il le lui demandait. Il y a des éléments de preuve qui indiquent que la plaignante dépassait largement la limite de vitesse et pouvait donc être arrêtée et recevoir une contravention. Cependant, il n’y a pas que la vitesse qui était en cause. L’agent avait également vu la plaignante rouler sur l’accotement de la voie de dépassement et frôler le muret de béton. Dans les circonstances, il y avait des motifs de croire que la plaignante conduisait de façon dangereuse ou avec les facultés affaiblies, ou les deux.

De plus, j’ai la conviction que la poursuite a été effectuée sans que le public soit exposé à un risque excessif. Même si l’AI a roulé à plus de 160 km/h sur l’autoroute 401, il ne l’a fait que brièvement pour tenter de rattraper la Honda de la plaignante qui allait à une vitesse excessive. En ce qui concerne la vitesse de l’AI, il faut également préciser que, en vertu du paragraphe 128 (13) du Code de la route, les agents agissant dans l’exercice de leurs fonctions ne sont pas tenus de respecter les limites de vitesse. Même si cette disposition ne donne pas aux agents carte blanche pour rouler à n’importe quelle vitesse, il importe de signaler qu’il devait y avoir peu de circulation compte tenu de l’heure et que l’AI avait activé son équipement d’urgence, deux éléments contribuant à atténuer les dangers associés à son accélération excessive, quoique brève. Il en va de même pour la vitesse avoisinant les 150 km/h atteinte par l’AI sur la route 15 en direction nord lorsqu’il a une fois de plus tenté de rattraper la Honda.

Une fois sur la route 15, la seule conduite susceptible de poser un véritable problème était la décision de tenter une manœuvre en tandem pour arrêter le véhicule de la plaignante. La technique consiste à utiliser des voitures de police pour encercler un véhicule suspect et arriver à l’immobiliser au moyen d’un ralentissement contrôlé. Même si les agents reçoivent une formation sur cette technique et que le recours à celle-ci est prévu dans les politiques de la police régissant les poursuites, il s’agit d’une manœuvre dangereuse à cause du risque de contact entre les véhicules et elle ne doit être employée que dans les situations où il est impératif d’arrêter un véhicule. Lorsque les agents ont décidé d’exécuter une manœuvre en tandem pour arrêter la Honda, la plaignante avait clairement montré qu’elle représentait un grave danger pour les autres usagers de la route. Ayant observé ses excès de vitesse et sa conduite désordonnée sur la autoroute 401, l’AI avait ensuite vu son véhicule immobilisé au milieu de la route, soit Innovation Drive, sans raison apparente. Au vu du dossier, il y avait un motif bien défini et pressant d’arrêter la plaignante. De plus, il faut souligner que les trois véhicules roulaient à une vitesse peu élevée lorsque les agents ont encerclé la voiture de la plaignante et ont commencé à ralentir. Il est vrai que la Honda de la plaignante a heurté la voiture de l’AI, mais l’impact était mineur et attribuable en partie à l’erreur de calcul manifeste de l’agent dans la voiture de tête, soit l’AT no 1, qui avait laissé une brèche trop grande entre l’arrière de sa voiture et l’avant de la Honda lorsque le convoi s’est arrêté. Dans les circonstances, je ne peux conclure que la décision de recourir à une manœuvre en tandem pour arrêter le véhicule et la tentative faite par les agents par la suite pour l’exécuter étaient déraisonnables.

Enfin, il importe de signaler que la chaussée était sèche et que le temps était clair, même si la visibilité était compromise compte tenu de l’heure tardive. Rien n’indique que l’AI a mis directement en danger d’autres automobilistes à quelque moment que ce soit. Par ailleurs, l’agent a tenu son centre de communication au courant de ce qui se passait, permettant ainsi à un cadre supérieur de bien surveiller et diriger la poursuite. Même s’il aurait peut-être été préférable que l’AI demande explicitement l’approbation de son supérieur avant de reprendre la poursuite de la Honda sur la route 15, comme il avait reçu l’ordre d’y mettre fin quelques instants auparavant, l’effet cumulatif de ces facteurs n’était pas suffisant pour empêcher l’AI d’agir pour des raisons de sécurité publique.

En dernière analyse, j’ai la conviction que l’AI a respecté en tout temps les normes de diligence prescrites par le droit criminel durant sa poursuite de la Honda de la plaignante. Par conséquent, il n’existe pas de motifs de porter des accusations criminelles contre l’agent et le dossier est clos.


Date : 1er février 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.