Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TCI-024
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure subie par un homme de 28 ans (le « plaignant »).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure subie par un homme de 28 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES
Le 2 février 2020, à 22 h 31, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de ce qui suit.Le 2 février 2020, à 16 h 38, le Groupe d’intervention d’urgence (GIU) du SPT a exécuté un mandat de perquisition à une adresse de Marengo Drive à la suite de l’enlèvement d’un étudiant de l’Université York quelques semaines auparavant. Trois personnes ont été arrêtées. Deux de ces personnes, les témoins civils (TC) no 2 et TC no 3, ont été conduites au poste de la division 32 du SPT. La troisième (le plaignant) a été transportée à l’Hôpital général de North York (HGNY), où on lui a diagnostiqué une fracture de la vertèbre T1 et une fracture de l’os orbital gauche. Le plaignant a ensuite été transféré à l’hôpital St. Michael (HSM) pour des soins supplémentaires.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
Plaignants
Plaignant : Homme de 28 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinésTémoins civils
TC no 1 A participé à une entrevueTC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevueAT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
Agents impliqués
AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
Éléments de preuve
Les lieux
L’incident s’est produit dans la cour arrière clôturée d’une maison de Marengo Drive, à Richmond Hill. L’UES a sécurisé, examiné et photographié les lieux. Le portillon d’accès à la cour arrière, à l’ouest de la maison, présentait des signes d’entrée forcée. Des empreintes de pas dans la neige révélaient que plusieurs personnes étaient passés dans l’espace menant à la cour arrière. Du côté nord de la maison, un petit perron menait à une porte de patio arrière. Une fenêtre visiblement endommagée était ouverte au-dessus du perron. La distance entre la fenêtre et le perron était de 2,9 mètres. À l’est du perron, entre le perron et la clôture en bois, il y avait un endroit où la neige était tassée avec de nombreuses empreintes de chaussures [1]. Un pic de 25 centimètres était planté dans la neige à cet endroit [2].
Éléments de preuves médicolégaux
Soumissions et résultats du Centre des sciences judiciaires (CSJ)
Le 27 mai 2020, l’enquêteur de l’UES a reçu les résultats du rapport concluant qu’aucune trace de sang n’avait été trouvée sur les bottes de l’AI no 1 et qu’aucun profil ADN n’avait donc pu être établi.
Compte tenu de ces résultats, le 28 mai 2020, l’UES a demandé au CSJ de donner un avis sur la possibilité d’établir un profil ADN à partir des bottes d’un deuxième agent impliqué, l’AI no 2. Le CSJ a accepté d’analyser les bottes de l’AI no 2, qui ont donc été saisies et envoyées au CSJ pour analyse. Dans son rapport d’analyse biologique daté du 23 juin 2020, le CSJ indique qu’aucune trace de sang n’a été détectée sur les bottes de l’AI no 2. [4]
Témoignage d’expert
Consultation d’un médecin légiste sur les fractures orbitales :
• La fracture orbito-zygomatico maxillaire gauche a été décrite comme correspondant à des fractures de plusieurs os de la zone médiane du visage et autour de l’œil gauche. L’arcade zygomatique a été décrite comme étant l’os sur le côté du visage qui soutient le squelette mi-facial. La fracture orbitaire gauche du plaignant a altéré son champ de vision vers le bas et a nécessité une intervention chirurgicale.
• Le médecin légiste a estimé que la force requise pour fracturer l’arcade zygomatique et l’os maxillaire correspond généralement à des coups au visage, comme un coup de pied ou un coup de poing. Les fractures de ce genre peuvent aussi survenir lorsque le visage frappe une surface dure [6] ou à la suite d’accidents de la route. En ce qui concerne le mécanisme de la blessure, le médecin légiste a estimé que la blessure du plaignant avait probablement été causée par un seul coup direct au côté gauche du visage, à l’avant de la pommette gauche et sur le côté externe de l’orbite gauche. Le médecin légiste ne pensait pas que la blessure ait pu être causée par un coup sur le dessus de la tête, car le plaignant n’avait aucune blessure à l’arrière de la tête. On ne pouvait pas exclure un coup de pied au visage comme mécanisme possible de la blessure.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies
Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, et ont trouvé ce qui suit :- Images de la caméra embarquée d’une voiture de police identifiée.
Résumé des images de la caméra embarquée d’une voiture de police
À 16 h 55 min 18 s, le plaignant, qui est seul dans la voiture de police, murmure [traduction] : « Je voulais simplement retourner chez moi »;
À 16 h 55 min 50 s, un ambulancier s’approche de la voiture de police et examine l’œil du plaignant.
À 16 h 57 min 35 s, le plaignant murmure : [traduction] « J’étais sur le point de sortir, j’aurais dû sortir, je suis cuit. »
À 17 h 00 min 50 s, l’ambulancier revient, examine l’œil gauche du plaignant, puis repart. Un agent de police arrive à la voiture de police et lit au plaignant ses droits à l’assistance d’un avocat, puis lui dit qu’on va le conduire à l’hôpital.
À 17 h 04 min 52 s, le plaignant, parlant à lui-même, dit [traduction] : « Ma putain de tête, l’agent m’a donné un coup de pied, protégez-moi, à l’aide!, oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu, on m’a démoli, on m’a foiré, oh mon dieu, il ne m’a pas raté, oh merde, je ne peux même pas ouvrir l’œil. »
À 17 h 18 min 30 s, le plaignant sort de la voiture de police et se dirige vers l’ambulance.
Éléments obtenus auprès du service de police
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du SPT :- Répartition assistée par ordinateur pour le mandat de perquisition;
- Rapport général d’incident 2020;
- Enregistrements des communications;
- Entretien du SPT avec l’otage [7];
- Images de la caméra embarquée d’une voiture de police;
- Notes de tous les ATs;
- Mandat de recherche pour la résidence de Marengo Drive;
- Notes centralisées relatives aux mandats de perquisition – Notes d’information;
- Politique du SPT – exécution des mandats de perquisition;
- Politique du SPT – incidents exigeant l’intervention du GIU.
Éléments obtenus auprès d’autres sources :
En plus des documents et autres éléments reçus du SPT, l’UES a obtenu auprès d’autres sources les documents suivants qu’elle a examinés :- Rapport de consultation médicale d’un médecin légiste;
- Dossier médical du plaignant (Hôpital St. Michael).
Description de l’incident
Le scénario suivant ressort du poids des éléments de preuve recueillis par l’UES dans le cadre de son enquête, qui comprenait des entrevues avec le plaignant, avec deux témoins civils qui se trouvaient à proximité au moment de l’arrestation et avec une demi-douzaine d’agents témoins. Dans l’après-midi du 2 février 2020, des agents de l’unité de lutte contre les crimes majeurs (UCM) se sont réunis au quartier général du GIU pour un breffage concernant l’exécution prévue d’un mandat de perquisition à une adresse de Marengo Drive, à Richmond Hill. La police avait des raisons de croire que la victime d’un enlèvement contre rançon se trouvait dans la résidence à cette adresse – une maison individuelle à deux étages.
Une équipe du GIU et des agents de l’UCM sont arrivés sur les lieux vers 16 h 30. Les agents du GIU ont déployé des grenades assourdissantes et sont entrés de force dans la maison. L’otage a été localisé et libéré.
Au moment où les agents du GIU sont entrés dans la maison, le plaignant était dans une chambre à l’étage supérieur. Un complice, le TC no 1, était au même étage. Les deux ont sauté par la fenêtre de la chambre sur le patio surélevé à l’arrière de la propriété. [8] L’AT no 1 les a rapidement confrontés et leur a ordonné de se mettre à terre en pointant son arme sur eux. Les deux ont obéi et se sont abaissés sur le sol enneigé à côté du patio. Plusieurs agents du GIU, dont l’AI no 2 et l’AI no 1, se sont approchés. Les éléments de preuve divergent au sujet de la suite de l’incident.
La preuve incriminante, si elle est acceptée comme correspondant à la réalité, révèle que le plaignant était à terre et obéissait aux ordres quand un agent du GIU l’a menotté puis lui a donné un ou deux coups de pied dans l’œil gauche et plusieurs coups de poing. Selon un récit incriminant, le TC no 1 s’est aussi mis à terre et a mis ses mains dans le dos comme on le lui demandait et un agent du GIU lui a alors donné un coup de pied au côté de la tête. Ce récit incriminant affirme que le plaignant a reçu plusieurs coups de pied alors qu’il avait dit aux policiers qu’il ne résistait pas.
L’AT no 1 a confirmé que le plaignant obéissait et était à terre, mais qu’il a relevé la tête, ce qui faisait craindre qu’il cherche comment s’échapper. Selon l’AT no 1, plusieurs agents du GIU sont passés en courant à sa hauteur et l’un d’eux – celui en tête du groupe, mais qu’il n’a pas pu identifier – a touché l’œil gauche du plaignant avec le bout droit de sa botte. L’AT no 1 ne pouvait pas dire si ce contact était intentionnel ou si son collègue avait glissé; il ne pensait pas qu’il s’agissait d’un véritable coup de pied. Aucun des autres agents témoins interrogés par l’UES n’a observé les coups de pied décrits par le récit incriminant, mais il ne semble pas qu’ils aient été témoins de l’interaction du début à la fin.
Une équipe du GIU et des agents de l’UCM sont arrivés sur les lieux vers 16 h 30. Les agents du GIU ont déployé des grenades assourdissantes et sont entrés de force dans la maison. L’otage a été localisé et libéré.
Au moment où les agents du GIU sont entrés dans la maison, le plaignant était dans une chambre à l’étage supérieur. Un complice, le TC no 1, était au même étage. Les deux ont sauté par la fenêtre de la chambre sur le patio surélevé à l’arrière de la propriété. [8] L’AT no 1 les a rapidement confrontés et leur a ordonné de se mettre à terre en pointant son arme sur eux. Les deux ont obéi et se sont abaissés sur le sol enneigé à côté du patio. Plusieurs agents du GIU, dont l’AI no 2 et l’AI no 1, se sont approchés. Les éléments de preuve divergent au sujet de la suite de l’incident.
La preuve incriminante, si elle est acceptée comme correspondant à la réalité, révèle que le plaignant était à terre et obéissait aux ordres quand un agent du GIU l’a menotté puis lui a donné un ou deux coups de pied dans l’œil gauche et plusieurs coups de poing. Selon un récit incriminant, le TC no 1 s’est aussi mis à terre et a mis ses mains dans le dos comme on le lui demandait et un agent du GIU lui a alors donné un coup de pied au côté de la tête. Ce récit incriminant affirme que le plaignant a reçu plusieurs coups de pied alors qu’il avait dit aux policiers qu’il ne résistait pas.
L’AT no 1 a confirmé que le plaignant obéissait et était à terre, mais qu’il a relevé la tête, ce qui faisait craindre qu’il cherche comment s’échapper. Selon l’AT no 1, plusieurs agents du GIU sont passés en courant à sa hauteur et l’un d’eux – celui en tête du groupe, mais qu’il n’a pas pu identifier – a touché l’œil gauche du plaignant avec le bout droit de sa botte. L’AT no 1 ne pouvait pas dire si ce contact était intentionnel ou si son collègue avait glissé; il ne pensait pas qu’il s’agissait d’un véritable coup de pied. Aucun des autres agents témoins interrogés par l’UES n’a observé les coups de pied décrits par le récit incriminant, mais il ne semble pas qu’ils aient été témoins de l’interaction du début à la fin.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
Analyse et décision du directeur
Le 2 février 2020, le plaignant a subi de multiples fractures au visage et une fracture de la colonne vertébrale lors de son arrestation par des agents du GIU du SPT. L’AI no 1 et l’AI no 2 du GIU ont été identifiés comme étant les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents ait commis une infraction criminelle.
En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils font usage de la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. J’accepte que l’arrestation du plaignant était légale. Sans aucune explication innocente ou plausible, le plaignant était au domicile d’un otage dont le père se faisait extorquer une somme d’argent importante. La question à trancher porte sur le bien-fondé de la force utilisée contre le plaignant.
Il est vrai que l’intégralité de la description incriminante des événements pourrait conduire à la conclusion d’un recours à une force excessive. Selon cet élément de preuve incriminant, le plaignant s’était effectivement rendu et était par terre, menotté dans le dos, quand un agent du GIU lui a donné un coup de pied au visage. L’AT no 1 appuie ce récit dans une certaine mesure. Durant son entrevue avec l’UES, l’AT no 1 a semblé minimiser ce qu’il a vu, mais a admis qu’un agent du GIU s’est approché du plaignant qui était par terre et, de sa botte droite, a touché le côté gauche du visage du plaignant dans ce qui aurait bien pu être un coup de pied intentionnel. La preuve médicale appuie l’élément de preuve incriminant dans la mesure où elle suggère que les fractures au visage subies par le plaignant sont généralement le résultat d’un coup de pied ou d’un coup de poing à cet endroit. Bien que je reconnaisse qu’il s’agissait d’une opération à haut risque, impliquant la tentative de sauvetage d’un otage dans des circonstances où des armes auraient pu être présentes, la loi exige que toute force utilisée soit raisonnablement nécessaire à l’exécution de la tâche légitime en cours. Je ne vois pas pourquoi des coups – de la nature décrite par l’élément de preuve – étaient nécessaires.
Le récit présenté par l’élément de preuve incriminant n’est pas sans faiblesses. Il est clair que dès qu’il s’est rendu compte de la présence de la police dans la maison, le plaignant a eu l’intention de s’échapper. Ceci donne une certaine crédibilité à la suggestion qu’il avait peut-être relevé la tête pour voir comment il pourrait s’enfuir, ce qui justifierait le coup de pied comme une sorte de frappe préventive. Tout cela pour dire que l’allégation de force excessive pourrait sans aucun doute être contestée devant les tribunaux.
Néanmoins, je n’ignore pas que l’autorité chargée de la mise en accusation doit limiter son appréciation de la solidité de la preuve à des considérations préliminaires pour éviter d’usurper le rôle approprié du tribunal en tant qu’arbitre final des questions de fait. La question que je dois trancher est donc de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que le plaignant a été soumis à une force excessive. Je crois que ce critère est satisfait malgré le contrepoids des éléments de preuve – même s’ils sont équivoques – des témoins de la police. Néanmoins, je ne suis pas en mesure de porter des accusations dans cette affaire.
L’obstacle au dépôt d’accusations réside dans les preuves concernant l’identification. En termes simples, bien que l’enquête ait pu établir que c’est vraisemblablement l’AI no 1 ou l’AI no 2 qui a donné les coups contestés, elle n’a pas permis d’aller plus loin pour identifier le ou les responsables du ou des coups. L’incapacité des principaux témoins à identifier l’auteur ou les auteurs de l’usage de la force en question est compréhensible puisque les agents du GIU portaient tous des tenues similaires avec des masques et des casques couvrant leurs visages. Malheureusement, les agents n’avaient ni leur nom ni leur numéro d’insigne clairement inscrits sur leurs vêtements. Par conséquent, bien que je sois convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une force excessive a été utilisée, je ne suis pas en mesure d’attribuer cette force à un ou plusieurs agents identifiables du GIU.
La question de l’identification des agents des équipes tactiques – ou d’autres équipes d’agents dont le visage est masqué par leur équipement de protection – et ses implications pour la responsabilité de la police n’est pas nouvelle. Dans son enquête sur les circonstances entourant les blessures graves subies par Cecil Bernard George lors de la confrontation entre des agents de la Police provinciale de l’Ontario et des manifestants des Premières Nations au parc provincial Ipperwash, l’UES a conclu qu’il y avait des motifs de croire que M. George avait été illégalement agressé, mais n’a pas été en mesure de porter des accusations en raison d’un manque de preuves permettant d’identifier les agents. Dans cette affaire, comme dans le cas présent, les agents de l’équipe chargée de l’arrestation de M. George – une unité de contrôle des foules – portaient des casques qui empêchaient de les identifier. Le rapport de l’enquête Ipperwash [9] a confirmé la conclusion de l’UES, en notant qu’une force excessive avait été utilisée contre M. George au cours de son arrestation par des agents de la Police provinciale dont on ignorait l’identité. Parmi ses recommandations, la commission d’enquête demandait à la Police provinciale de l’Ontario de « s’assurer que les noms et les numéros d’insigne des agents en service au moment d’événements de maintien de l’ordre public continuent d’être inscrits visiblement et qu’ils soient bien en vue sur les vêtements extérieurs ou les casques » (recommandation 12, volume 1). Je ne vois pas pourquoi les mêmes mesures ne devraient pas être prises pour garantir de la même manière que les agents des équipes tactiques portent un moyen de les identifier.
En dernière analyse, comme il n’y a aucun motif raisonnable de désigner un ou plusieurs agents en particulier pour la force utilisée contre le plaignant lors de son arrestation – une force qui, à mon avis et selon des motifs raisonnables, était excessive et lui a causé ses fractures au visage – il n’y a aucun fondement pour déposer des accusations dans cette affaire.
Date : 5 novembre 2020
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils font usage de la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. J’accepte que l’arrestation du plaignant était légale. Sans aucune explication innocente ou plausible, le plaignant était au domicile d’un otage dont le père se faisait extorquer une somme d’argent importante. La question à trancher porte sur le bien-fondé de la force utilisée contre le plaignant.
Il est vrai que l’intégralité de la description incriminante des événements pourrait conduire à la conclusion d’un recours à une force excessive. Selon cet élément de preuve incriminant, le plaignant s’était effectivement rendu et était par terre, menotté dans le dos, quand un agent du GIU lui a donné un coup de pied au visage. L’AT no 1 appuie ce récit dans une certaine mesure. Durant son entrevue avec l’UES, l’AT no 1 a semblé minimiser ce qu’il a vu, mais a admis qu’un agent du GIU s’est approché du plaignant qui était par terre et, de sa botte droite, a touché le côté gauche du visage du plaignant dans ce qui aurait bien pu être un coup de pied intentionnel. La preuve médicale appuie l’élément de preuve incriminant dans la mesure où elle suggère que les fractures au visage subies par le plaignant sont généralement le résultat d’un coup de pied ou d’un coup de poing à cet endroit. Bien que je reconnaisse qu’il s’agissait d’une opération à haut risque, impliquant la tentative de sauvetage d’un otage dans des circonstances où des armes auraient pu être présentes, la loi exige que toute force utilisée soit raisonnablement nécessaire à l’exécution de la tâche légitime en cours. Je ne vois pas pourquoi des coups – de la nature décrite par l’élément de preuve – étaient nécessaires.
Le récit présenté par l’élément de preuve incriminant n’est pas sans faiblesses. Il est clair que dès qu’il s’est rendu compte de la présence de la police dans la maison, le plaignant a eu l’intention de s’échapper. Ceci donne une certaine crédibilité à la suggestion qu’il avait peut-être relevé la tête pour voir comment il pourrait s’enfuir, ce qui justifierait le coup de pied comme une sorte de frappe préventive. Tout cela pour dire que l’allégation de force excessive pourrait sans aucun doute être contestée devant les tribunaux.
Néanmoins, je n’ignore pas que l’autorité chargée de la mise en accusation doit limiter son appréciation de la solidité de la preuve à des considérations préliminaires pour éviter d’usurper le rôle approprié du tribunal en tant qu’arbitre final des questions de fait. La question que je dois trancher est donc de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que le plaignant a été soumis à une force excessive. Je crois que ce critère est satisfait malgré le contrepoids des éléments de preuve – même s’ils sont équivoques – des témoins de la police. Néanmoins, je ne suis pas en mesure de porter des accusations dans cette affaire.
L’obstacle au dépôt d’accusations réside dans les preuves concernant l’identification. En termes simples, bien que l’enquête ait pu établir que c’est vraisemblablement l’AI no 1 ou l’AI no 2 qui a donné les coups contestés, elle n’a pas permis d’aller plus loin pour identifier le ou les responsables du ou des coups. L’incapacité des principaux témoins à identifier l’auteur ou les auteurs de l’usage de la force en question est compréhensible puisque les agents du GIU portaient tous des tenues similaires avec des masques et des casques couvrant leurs visages. Malheureusement, les agents n’avaient ni leur nom ni leur numéro d’insigne clairement inscrits sur leurs vêtements. Par conséquent, bien que je sois convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une force excessive a été utilisée, je ne suis pas en mesure d’attribuer cette force à un ou plusieurs agents identifiables du GIU.
La question de l’identification des agents des équipes tactiques – ou d’autres équipes d’agents dont le visage est masqué par leur équipement de protection – et ses implications pour la responsabilité de la police n’est pas nouvelle. Dans son enquête sur les circonstances entourant les blessures graves subies par Cecil Bernard George lors de la confrontation entre des agents de la Police provinciale de l’Ontario et des manifestants des Premières Nations au parc provincial Ipperwash, l’UES a conclu qu’il y avait des motifs de croire que M. George avait été illégalement agressé, mais n’a pas été en mesure de porter des accusations en raison d’un manque de preuves permettant d’identifier les agents. Dans cette affaire, comme dans le cas présent, les agents de l’équipe chargée de l’arrestation de M. George – une unité de contrôle des foules – portaient des casques qui empêchaient de les identifier. Le rapport de l’enquête Ipperwash [9] a confirmé la conclusion de l’UES, en notant qu’une force excessive avait été utilisée contre M. George au cours de son arrestation par des agents de la Police provinciale dont on ignorait l’identité. Parmi ses recommandations, la commission d’enquête demandait à la Police provinciale de l’Ontario de « s’assurer que les noms et les numéros d’insigne des agents en service au moment d’événements de maintien de l’ordre public continuent d’être inscrits visiblement et qu’ils soient bien en vue sur les vêtements extérieurs ou les casques » (recommandation 12, volume 1). Je ne vois pas pourquoi les mêmes mesures ne devraient pas être prises pour garantir de la même manière que les agents des équipes tactiques portent un moyen de les identifier.
En dernière analyse, comme il n’y a aucun motif raisonnable de désigner un ou plusieurs agents en particulier pour la force utilisée contre le plaignant lors de son arrestation – une force qui, à mon avis et selon des motifs raisonnables, était excessive et lui a causé ses fractures au visage – il n’y a aucun fondement pour déposer des accusations dans cette affaire.
Date : 5 novembre 2020
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Il a par la suite été déterminé qu'il s'agissait de l'endroit où le plaignant et le TC no 1 avaient été arrêtés. [Retour au texte]
- 2) Le pic a été saisi et analysé. Il a été facile de le retirer de la neige. Un examen plus approfondi a révélé que la pointe très rouillée ne permettait pas de procéder à un examen latent ou à la collecte d'ADN. [Retour au texte]
- 3) L'AI no 1 a été désigné comme étant l'agent impliqué sur la base des renseignements fournis initialiement par l'agent de liaison avec l'UES, qui a déclaré que l'AI no 1 était responsable de la blessure au visage du plaignant. Sur la base de ces renseignements, l'AI no 1 a été désigné comme agent impliqué et ses bottes ont été saisies en conséquence. À ce moment-là, on croyait que l'AI no 2 n'avait pas contribué à la fracture du visage du plaignant et ses bottes n'ont donc pas été saisies. [Retour au texte]
- 4) Les bottes de l'AI no 2 n'ont été saisies que le 29 mai 2020. [Retour au texte]
- 5) Pour faciliter la consultation, on a remis au médecin légiste les images tomodensitométriques du visage et de la tête en plus des dossiers médicaux de l'Hôpital St. Michael et des photographies du visage du plaignant prises par les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires. [Retour au texte]
- 6) Le pathologiste a ajouté qu'en l'absence de blessures faciales plus diffuses, la surface devrait être irrégulière ou saillante pour provoquer une fracture zygomatique-maxillaire. [Retour au texte]
- 7) Compte tenu de la nature de l'incident, l'UES a autorisé les enquêteurs du SPT à interroger l'otage aux fins de leur enquête. Après avoir examiné la vidéo de l'entrevue de l'otage, il a été déterminé que l'otage n'avait pas été témoin des interactions entre le plaignant et le GIU. [Retour au texte]
- 8) La preuve médicale a établi, à mon avis, que c'était la chute de hauteur sur le patio qui a causé la fracture de la colonne vertébrale du plaignant. [Retour au texte]
- 9) Linden, SB (2007). Rapport de la Commission d'enquête sur Ipperwash. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.