Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 18-OCI-342

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 20 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er décembre 2018, à 2 h 40, le Service de police de Peterborough a communiqué avec l’UES pour transmettre les renseignements qui suivent. Le 1er décembre 2018, à environ 2 h, la police s’est rendue dans une résidence de la rue Dublin, à Peterborough, pour s’occuper d’un cas de violence familiale.

À son arrivée, la police a retrouvé le plaignant à l’intérieur, armé d’un couteau (il venait de poignarder sa mère). Les agents ont déployé leur arme à impulsions et utilisé un vaporisateur de poivre de Cayenne pour tenter d’appréhender le plaignant. Celui-ci s’est ensuite poignardé lui-même à la gorge. Les agents ont réussi à maîtriser le plaignant et il a alors été conduit au Centre régional de santé de Peterborough, à cause de ses blessures graves.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Homme de 20 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées


Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Éléments de preuve

Les lieux

À 7 h 20, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés à la résidence de la rue Dublin. Durant l’examen des lieux, on a observé des taches de sang sur le trottoir et sur les marches de béton. Une bande jaune de la police barrait la porte principale menant à l’intérieur. Un agent se trouvait en dehors du logement no 3. Une partie du deuxième étage était aussi sécurisée par une bande jaune de la police. Une mare de sang se trouvait sur le tapis au sol.

Le sang retrouvé sur le trottoir et dans le couloir du deuxième étage provenait des blessures de couteau du plaignant au ventre et au cou.

Éléments de preuves médicolégaux

Une arme à impulsions a été déployée par l’AI, mais elle n’a pas fonctionné et s’est mise à cliqueter. L’UES a saisi l’arme et, après l’avoir essayée, a constaté que l’arme était défectueuse.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Peterborough :
  • les données téléchargées de l’arme à impulsions;
  • les détails de l’événement;
  • les notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5 et 7;
  • les rapports d’incident (rapports détaillés du plaignant);
  • le communiqué du Service de police de Peterborough.

Description de l’incident

Le déroulement des événements en question est relativement clair d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES, malgré le fait que l’AI a décidé de ne rien dire sur ce qui s’était passé (comme il en avait le droit), grâce aux déclarations faites par les témoins civils et par les agents témoins. Juste avant 2 h le 1er décembre 2018, le Service de police de Peterborough a reçu un appel au 911 venant d’une résidence de la rue Dublin. Le TC no 2 a rapporté que son fils, le plaignant, l’avait poignardée avec un couteau.

L’AT no 6 a été le premier agent à arriver sur les lieux. Il est monté au deuxième étage de la résidence à l’adresse en question de la rue Dublin, où il a croisé le TC no 1. Tandis qu’il se trouvait toujours dans l’embrasure de la porte, l’agent a remarqué que le plaignant avait un couteau dans la main gauche. Ignorant l’ordre de l’AT no 6 de jeter son couteau, le plaignant s’est avancé vers l’agent. Lorsque le plaignant est parvenu à moins d’un mètre de lui, l’AT no 6 lui a donné un coup de pied dans le ventre pour l’éloigner de lui. Le plaignant s’est alors retrouvé à environ 2,5 mètres de lui et l’AT no 6 a sorti son vaporisateur de poivre de Cayenne et a remarqué que l’AI, qui avait son arme à impulsions à la main, venait d’arriver. Lorsque le plaignant a menacé de se poignarder lui-même, l’AI a déchargé son arme, qui a eu une défectuosité, et le plaignant s’est alors poignardé à deux reprises dans le cou. À ce stade, l’AT no 6 a activé son vaporisateur de poivre de Cayenne. Le plaignant est tombé au sol et il a été menotté par les AT nos 6 et 7 sans autre incident. Ce dernier venait juste d’arriver sur les lieux de l’incident.

Après l’arrestation, le plaignant a été immédiatement transporté à l’hôpital par les ambulanciers.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Tôt dans la matinée du 1er décembre 2018, le plaignant a été arrêté par des agents du Service de police de Peterborough. Après son arrestation, il a été conduit à l’hôpital, où des blessures graves ont été diagnostiquées. Parmi les agents ayant participé à l’arrestation, l’AI a été désigné comme l’agent impliqué. Pour les raisons qui suivent, j’ai la conviction qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être tenus responsables sur le plan criminel d’avoir employé la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. D’après les renseignements à leur disposition, les agents avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant venait d’attaquer sa mère, le TC no 2, avec un couteau. Par conséquent, ils avaient manifestement le droit de tenter de l’arrêter. Je suis de plus convaincu que, par la suite, la force que les agents ont employée pour arriver à leurs fins était loin de dépasser les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire. En effet, lorsqu’il a été confronté par un homme en possession d’un couteau, même s’il avait toutes les raisons de croire que celui-ci venait d’attaquer et de poignarder sa mère, l’AT no 6 a fait preuve d’une retenue formidable quand le plaignant a ignoré ses ordres et s’est approché de lui au point de pouvoir le toucher. Étant donné que la vie de l’AT no 6 était en danger, le coup de pied ne peut être considéré, dans les circonstances, que comme un niveau de force modéré qui ne dépassait pas ce qui était nécessaire pour le protéger afin qu’il puisse procéder à l’arrestation du plaignant. J’estime également que le déploiement de l’arme à impulsions, qui a échoué, et l’utilisation du vaporisateur de poivre de Cayenne ne dépassaient pas les limites prescrites par le droit criminel. J’ai l’impression que les agents étaient aussi soucieux d’empêcher le plaignant de se faire du mal que de se défendre contre lui lorsqu’ils ont utilisé leurs armes. Le plaignant menaçait de se faire du mal et il s’est effectivement poignardé avec un couteau. En effet, il y a des motifs de croire que le poivre de Cayenne, qui a semblé neutraliser immédiatement le plaignant, a permis de l’empêcher de s’infliger plus de blessures.

En dernière analyse, les éléments de preuve indiquent que les agents ont agi de manière professionnelle et raisonnable en tout temps dans leurs interactions avec le plaignant et qu’ils ont probablement empêché que le TC no 2 et son fils, le TC no 1, et bien entendu le plaignant, subissent plus de blessures. Par conséquent, puisque j’estime que la force employée était justifiée sur le plan légal, je n’ai pas la moindre raison de croire qu’il serait fondé de déposer des accusations contre quelque agent que ce soit en relation avec les blessures que le plaignant s’est infligées lui-même. Le dossier est donc clos.


Date : 7 octobre 2019

Original signé par

Joseph Martino
Directeur intérimaire,
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.