Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TCD-293

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant le décès d’un homme de 45 ans (le « plaignant ») survenu pendant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 novembre 2020, à 20 h 21, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de ce qui suit.

Le 2 novembre 2020, vers 16 h 15, le SPT a reçu un appel concernant une personne en crise près de la rue Dundas Est et de l’avenue Bayview. L’homme en question s’est finalement retrouvé sur le pont d’étagement qui traverse la rivière Don et la Don Valley Parkway (DVP). Le SPT a négocié avec l’homme pendant environ trois heures, avec l’aide du TC no 2, mais à 19 h 27 environ, l’homme a sauté depuis le pont.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

On a ratissé le secteur à la recherche de témoins et de caméras de système de télévision en circuit fermé. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires a réalisé un examen des lieux et a pris des photos. On a aussi fait appel au coordonnateur des services aux personnes concernées de l’UES.

Plaignant :

Homme de 45 ans, décédé



Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire



Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué



Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant est tombé sur le sentier Lower Don River Trail, qui se trouve directement sous le côté sud du pont d’étagement de la rue Dundas Est. La rue Dundas est orientée d’est en ouest. Il s’agit d’une route à deux voies comportant une piste cyclable de chaque côté. Il y a aussi un trottoir de chaque côté de la rue. On a délimité une zone le long du côté sud du pont et attaché un morceau de ruban de périmètre jaune à la rampe pour montrer l’endroit approximatif depuis lequel le plaignant était tombé du pont. Directement en face de cette zone, le long du côté nord du pont, se trouvaient de l’équipement de police de même que l’équipement de descente en rappel utilisé par l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) pendant les négociations.

La rampe est d’une hauteur de 1,43 mètre. La distance entre le haut de la rampe et la zone d’impact sous le pont est de 12,25 mètres.

La piste cyclable est pavée d’asphalte et est orientée nord-sud, longeant la rivière Don du côté ouest. Le plaignant a été trouvé couché sur la piste cyclable, recouvert d’une couverture orange des services ambulanciers. Il était couché sur le dos et sa tête était orientée vers l’ouest. Sa veste et d’autres de ses vêtements avaient été coupés pour exposer son torse et faciliter l’intervention des services médicaux d’urgence. La tête du plaignant présentait des signes évidents de traumatisme.


Figure 1 – L’endroit de la chute du plaignant depuis le pont de la rue Dundas Est

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

Sommaire des enregistrements des communications du SPT

Le 2 novembre 2020, à 15 h 57, le service 9 1 1 a reçu un appel concernant une possible menace de suicide. Le service 9-1-1 a ensuite reçu plusieurs autres appels signalant le même incident. L’adresse fournie pour la personne concernée [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] était celle du plaignant. Les personnes ayant appelé avaient lu sur Facebook des messages dans lesquels le plaignant avait dit qu’il allait se suicider.

Plusieurs agents de police se sont rendus à la résidence du plaignant. Le service 9 1 1 a reçu d’autres appels signalant que le plaignant se trouvait sur le pont d’étagement de la rue Dundas, au-dessus de la DVP.

Le centre des communications du SPT a demandé le numéro de téléphone cellulaire du plaignant pour tenter de repérer l’appareil au moyen du système GPS, et l’a reçu.

Le SPT a constaté que les appels suivant lesquels des agents s’étaient rendus à la résidence du plaignant étaient associés à ceux qui concernaient le pont de la rue Dundas; plusieurs agents ont donc été dépêchés à cet endroit.

L’AT no 3 a signalé que le plaignant se trouvait sur le pont de la rue Dundas, au-dessus de la DVP. Il était debout à côté d’un pilier, du côté sud du pont, de l’autre côté de la rampe. Il fumait et se tenait sur la rampe avec la main gauche. Le plaignant était déterminé à se suicider. Il a dit qu’il avait consommé des somnifères un peu plus tôt. Le plaignant ne permettait pas que les agents s’approchent à plus de quelques mètres de lui.

L’EIU a été avisée de la situation et s’est rendue sur les lieux. L’unité maritime a envoyé des ressources dans le secteur de la rivière Don, près de la rue Dundas.

L’AT no 4 et le TC no 3 se sont rendus sur les lieux afin de participer aux efforts faits pour communiquer avec le plaignant.

On a demandé au service d’incendie de Toronto s’il possédait un dispositif qui pourrait être utilisé pour tenter d’attraper le plaignant s’il décidait de sauter.

Le TC no 2 s’est présenté sur les lieux et a offert son aide.

Le plaignant est tombé du pont.

Enregistrements audio réalisés par des amis du plaignant à la demande de l’EIU

Parmi les stratégies employées lors de l’intervention auprès du plaignant, le SPT et le TC no 2 ont notamment fait jouer des messages enregistrés. Ils espéraient que les messages arriveraient à convaincre le plaignant de ne pas sauter du pont. Le TC no 1 et deux autres personnes avaient enregistré des messages pour le plaignant.

Sommaire des images captées dans le secteur par des caméras de système de télévision en circuit fermé et des téléphones cellulaires

Le concessionnaire automobile Mercedes situé au 761, rue Dundas n’avait pas de caméra ayant capté des images de l’incident survenu sur le pont d’étagement de la rue Dundas qui traverse la DVP.

Le concessionnaire automobile Land Rover situé au 1177, rue Dundas Est avait une caméra pointée dans la direction du lieu de l’incident. La caméra se trouvait à plusieurs centaines de mètres de l’endroit. La vidéo captée n’avait pas de valeur probante.

Un témoin a filmé une vidéo au moyen de son téléphone cellulaire. La vidéo montre le pont de la rue Dundas qui traverse la DVP et les véhicules de police qui se trouvent sur celui ci. La vidéo a été filmée à une distance de plusieurs centaines de mètres, et on n’y discerne rien quant à quelque interaction que ce soit entre la police et le plaignant. La vidéo n’avait pas de valeur probante.

Sommaire des enregistrements captés par les caméras à bord du véhicule de police no 1 et du véhicule de police no 2


16 h 14 min 35 s
Le véhicule de police no 1 arrive sur les lieux, sur la rue Dundas, près du concessionnaire automobile Mercedes. Le véhicule est orienté vers l’ouest sur la rue Dundas. On entend l’AT no 3 parler au plaignant. L’AT no 3 tente d’avoir une conversation ordinaire avec celui ci. La vidéo ne comporte pas d’images comme telles de l’interaction entre les agents et le plaignant.

16 h 16 min 32 s
Le véhicule de police no 2 arrive et s’arrête sur le pont, à l’est du concessionnaire Mercedes.

16 h 17 min 35 s
La caméra du véhicule de police no 2 est ajustée de manière à pointer vers le sud. On voit le plaignant debout du côté sud de la rampe du pont, se tenant de la main gauche. Il parle aux agents.

16 h 32 min 10 s
Le TC no 3 est debout sur le pont, à l’est du plaignant. Il discute avec le plaignant.

17 h 24 min 30 s
Un agent de l’EIU arrive sur les lieux; il est sur la rue Dundas, à côté de la portière côté conducteur du véhicule de police no 2. L’agent de l’EIU tente de discuter avec le plaignant.

17 h 36 min 21 s
La vidéo prend fin [1].

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments et documents suivants du SPT, et les a examinés :
  • politique sur les personnes perturbées émotionnellement;
  • politique sur les personnes perturbées émotionnellement – Annexe A;
  • politique sur les personnes perturbées émotionnellement – Annexe B;
  • rapport sur les détails de l’événement du système de répartition assistée par ordinateur;
  • certificats de négociateur de l’EIUAI no 2 et AI no 1;
  • politique sur les incidents nécessitant l’EIU;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 4;
  • enregistrements des communications;
  • enregistrements captés par les caméras à bord des véhicules du SPT (2 véhicules);
  • enregistrements audio réalisés par des amis du plaignant à la demande de l’EIU;
  • rapport d’incident et rapports supplémentaires.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants de sources autres que la police et les a examinés :
  • rapports d’appel d’ambulance (x4), résumés de l’incident (x2) et rapports d’incident (x7);
  • courriel du TC no 1;
  • enregistrement vidéo du concessionnaire automobile Land Rover situé sur la rue Dundas Est;
  • vidéo captée par un témoin au moyen de son téléphone cellulaire.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits au moyen des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des témoins de la police et civils. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser qu’on communique leurs notes.

Dans l’après-midi du 2 novembre 2020, le plaignant a publié un message sur Facebook indiquant qu’il avait l’intention de s’enlever la vie cette journée-là. Le plaignant avait des troubles de santé mentale depuis que son épouse et leur chien avaient été tués par un automobiliste, quelques années auparavant. Il avait consulté divers psychologues et psychiatres pour obtenir de l’aide, mais rien ne semblait fonctionner, y compris les médicaments qu’on lui avait prescrits. La police a été avisée du message sur Facebook et a dépêché des agents à la résidence du plaignant.

Le plaignant n’était pas chez lui. Après avoir publié le message, il s’était rendu à pied sur le pont de la rue Dundas, qui traverse la rivière Don; sur place, il avait grimpé par-dessus la rampe du côté sud, se retrouvant alors debout sur le rebord extérieur, au-dessus de la rive ouest de la rivière.

Vers 16 h 15, l’AT no 3 a vu le plaignant sur le pont, est passée à côté de lui dans son véhicule et s’est arrêtée directement à l’ouest de celui-ci. Elle est descendue de son véhicule et a demandé au plaignant si elle pouvait lui parler. Lorsqu’il a accepté, elle s’est approchée à environ trois mètres de lui; le plaignant faisant face à la rue Dundas. L’AT no 1 et l’AT no 2 ont rapidement rejoint l’AT no 3 sur le pont et se sont placés de part et d’autre du plaignant, à une certaine distance. L’AT no 3 a parlé avec le plaignant de ce qui n’allait pas. Il a mentionné le décès de son épouse et a dit qu’il songeait à mourir depuis cet incident. Ils ont parlé des amis et de la famille du plaignant, ainsi que de l’aide médicale qu’il avait sollicitée au fil des années; il a expliqué que rien de cela ne l’avait aidé. Le plaignant était fixé sur l’idée qu’il allait mourir bientôt et a averti les agents de ne pas s’approcher davantage. L’AT no 1 et l’AT no 2 ont aussi essayé de parler avec le plaignant, mais ils n’ont pas réussi non plus à le faire changer d’avis. Le plaignant a dit qu’il avait pris des somnifères et qu’il attendait d’être somnolent avant de sauter.

L’AT no 4 et le TC no 3, de l’équipe mobile d’intervention en situation de crise du SPT, ont été envoyés sur le pont et sont arrivés vers 16 h 30. Le TC no 3, un professionnel de la santé mentale, a été présenté au plaignant. À une distance d’un ou deux mètres, le plaignant a fait savoir clairement au TC no 3 qu’il était déterminé à s’enlever la vie et que personne ne pouvait y faire quoi que ce soit.

L’EIU a également été dépêchée sur les lieux, et elle est arrivée vers 17 h. Elle comptait parmi ses membres l’AI no 2 et l’AI no 1, qui ont pris la relève et dirigé les négociations. Pour sa part, le TC no 2, un psychiatre judiciaire, est arrivé sur place vers 18 h, a discuté avec le plaignant et a donné des conseils aux agents pendant l’intervention. Il a demandé au plaignant de réfléchir au fait qu’il envisageait une solution à long terme pour ce qui pouvait être un problème à court terme. Lorsqu’il a été question de l’échec des traitements reçus par le plaignant, le TC no 2 a offert d’emmener celui-ci au Centre de toxicomanie et de santé mentale pour qu’il reçoive de l’aide. Le plaignant n’était pas réceptif.

Vers 19 h 30, le plaignant a fini une cigarette, a fermé les yeux, s’est balancé d’avant en arrière et, en disant [traduction] « je t’aime » à l’intention de son épouse, il est tombé du pont vers l’arrière.

Le plaignant a fait une chute d’environ 10 mètres et est tombé sur un sentier à côté de la rivière. Les ambulanciers paramédicaux qui se trouvaient sur les lieux ont effectué des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire jusqu’à 19 h 42 environ, heure à laquelle le décès du plaignant a été constaté.


Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a attribué le décès du plaignant à de multiples traumatismes contondants causés par un impact.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est décédé lorsqu’il a sauté du pont de la rue Dundas, qui traverse la rivière Don et la Don Valley Parkway, le 2 novembre 2020. Puisque des agents du SPT se trouvaient sur le pont et sont intervenus auprès de lui dans les heures qui ont précédé son décès, l’UES a été avisée et a ouvert un dossier. L’AI no 1 et l’AI no 2 font partie des agents du SPT qui étaient présents et ont été désignés comme étant les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.

L’infraction possible à l’étude est la négligence criminelle causant la mort, aux termes de l’article 220 du Code criminel. Pour qu’il y ait infraction, le comportement en cause doit montrer une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. La simple négligence n’est pas suffisante pour établir qu’il y a eu négligence criminelle. Ce qui est nécessaire, entre autres, est une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport à la diligence dont aurait fait preuve une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question à trancher consiste à déterminer s’il y a eu, dans la façon dont les agents impliqués ont abordé la situation concernant le plaignant, un manque de diligence qui a mené au décès de celui-ci et qui est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

La fonction première d’un agent de police est de préserver la vie. Les agents qui se sont rendus sur le pont de la rue Dundas, y compris l’AI no 2 et l’AI no 1, exerçaient bien cette fonction tandis qu’ils tentaient d’empêcher le plaignant de se faire du mal.

De même, il n’y a rien de préoccupant dans la conduite des agents qui se trouvaient sur place avant l’arrivée de l’AI no 2 et de l’AI no 1. Ils ont parlé au plaignant et lui ont bien fait savoir qu’ils étaient là pour l’aider. Les agents, avertis par le plaignant de ne pas trop s’approcher, sans quoi il allait sauter, ont maintenu une bonne distance et ont fait ce qu’ils ont pu pour désamorcer la situation. Lorsque le plaignant s’est dit inquiet de la présence d’un piéton sur le sentier qui se trouvait sous lui, l’AT no 1 lui a assuré qu’il demanderait à la personne de s’éloigner, ce qu’il a fait. Dans le cadre de leurs efforts, les agents ont fait appel à une équipe mobile d’intervention en situation de crise du SPT, qui comprenait un agent spécialement formé pour intervenir dans les incidents mettant en cause des personnes en crise de santé mentale, soit l’AT no 4, ainsi qu’un professionnel de la santé mentale, soit le TC no 3.

Après un certain moment, l’EIU du SPT a été dépêchée sur les lieux. Les agents de l’EIU sont formés pour intervenir dans les situations de vie ou de mort comme celle qui nous concerne et, pour ce faire, ils ont accès à des ressources spécialisées. Ainsi, l’AI no 2 et l’AI no 1 ont pris le contrôle des négociations et ont essayé, par divers moyens, de faire des progrès dans les discussions avec le plaignant. Ils ont, entre autres, demandé à la sœur et à des amis du plaignant d’enregistrer des messages vocaux, qu’ils lui ont ensuite fait entendre, et ont emmené le chien de celui-ci sur les lieux. Ils ont également fait appel aux services d’un psychiatre, le TC no 2. Une fois sur place, le TC no 2 s’est adressé personnellement au plaignant; on croyait que la présence d’un tel spécialiste pouvait aider. Pendant ce temps, on a demandé au service d’incendie s’il possédait de l’équipement qui pourrait protéger le plaignant s’il tombait. Le service n’avait toutefois à sa disposition aucun équipement de ce type. Pour ce qui est des mesures plus proactives, plusieurs agents ont expliqué que de se précipiter vers le plaignant en vue de l’agripper n’était pas une option réaliste, compte tenu de la taille de la rampe qui séparait le plaignant de la route. Dans cette affaire, je suis convaincu que les membres de l’EIU, et plus précisément l’AI no 2 et l’AI no 1, ont tenu dûment compte de la vie et de la sécurité du plaignant tout au long de leur intervention.

En conclusion, même si l’intervention de la police sur le pont n’a pas pu empêcher le suicide tragique du plaignant, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un des agents, y compris l’AI no 2 et l’AI no 1, a enfreint les limites prescrites par le droit criminel. Par conséquent, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire.

Avant de clore le dossier, je note que selon les éléments de preuve recueillis, l’AT no 3 et l’AT no 1 ont éteint le système de caméra à bord de leurs véhicules respectifs à un certain moment parce qu’ils croyaient que le plaignant était sur le point de sauter et qu’ils ne voulaient pas filmer ce moment. Même si l’on peut comprendre les motivations humaines derrière la décision des agents, leur conduite a fait en sorte de priver notre bureau d’éléments de preuve potentiellement très pertinents. Après tout, ces systèmes sont en place pour capter les événements importants qui surviennent. Je ferai part de cette question au chef de police dans ma lettre, puisqu’une conduite de cette nature pourrait avoir d’importantes conséquences dans d’autres affaires.


Date : 17 mai 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le SPT a expliqué que l’AT no 3 et l’AT no 1 ont éteint les caméras à bord des véhicules de police parce qu’ils croyaient que le plaignant était sur le point de sauter et qu’ils ne voulaient pas capter ce moment sur vidéo. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.