Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-026

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par une femme de 57 ans (« la plaignante »)

L’enquête

Notification de l’UES

Le 22 janvier 2021, le Service de police d'Ottawa (SPO) a signalé à l'UES que ce jour-là, vers 13 h 57, le SPO a reçu un appel d'une épicerie d’Ottawa au sujet d’une femme qui refusait de porter un masque et avait déjà été expulsée du magasin pour la même infraction auparavant.

Des agents du SPO ont été envoyés sur les lieux. Quand ils ont tenté d’arrêter la femme, elle s’est débattue et les agents l’ont mise à terre. Comme plaignante s’est plainte de douleurs à la jambe, une ambulance a été appelée sur les lieux.

La plaignante a été conduite au campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa (HCO) où on l’a admise pour une consultation et une intervention chirurgicale pour une fracture du plateau tibial.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 janvier 2021 à 8 h 38

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 janvier 2021 à 11 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Personne concernée (la « plaignante ») :

Femme de 57 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 4 février 2021.


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue le 28 janvier 2021.

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.


Agents témoins

AT A participé à une entrevue

L’AT a participé à une entrevue le 16 février 2021.


Retard dans l’enquête

La plaignante a subi une opération de chirurgie orthopédique à l’HCO le 26 janvier 2021, suivie d’un séjour aux soins intensifs pendant plusieurs jours. Selon le personnel médical de l’hôpital, elle n’était pas en mesure de participer à un entretien avec les enquêteurs de l’UES ou de signer les formulaires de l’UES autorisant la divulgation de ses renseignements médicaux avant le 4 février 2021.

L’UES n’a reçu que le 25 février 2021 les dossiers des services médicaux d’urgence et les dossiers de santé de la patiente.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une épicerie, à Ottawa. Une seule entrée était ouverte en raison des protocoles liés à la COVID-19. De cette entrée, un hall vitré permet d’accéder au magasin proprement dit en passant par des portes à ouverture automatique. Le sol du hall est en carreaux de céramique. Au moment de l’incident, il était mouillé à cause de la neige et de la glace à l’extérieur. Des affiches indiquaient clairement que les personnes entrant dans le magasin doivent porter un masque. Tout le hall et le reste du magasin sont sous surveillance vidéo par télévision en circuit fermé, sans fonction audio.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Résumé de l’enregistrement des communications du SPO :

L’agente enregistrée était l’AT.

13 h 47 min 8 s
On entend un homme [connu comme étant le TC no 1] dire : « Ce n’est pas un lieu public, c’est une propriété privée », puis par l’opérateur du SPO qui répond au téléphone. Le TC no 1 demande qu’on envoie des policiers parce qu’une femme, dont on avait interdit l’entrée une semaine auparavant parce qu’elle ne portait de masque, était de retour; elle ne portait toujours pas de masque et voulait entrer dans le magasin. On peut entendre une femme [connue pour être la plaignante] en arrière-plan expliquer à quelqu’un qu’elle est revenue pour prendre la contravention pour pouvoir la contester au tribunal.

13 h 56 min 6 s
L’AT a une [prisonnière] (la plaignante). Une minute plus tard, l’AT demande une ambulance, car sa [prisonnière] se plaint de douleurs à une jambe.

14 h 19 min 57 s
L’AT dit qu’une ambulance est arrivée.

14 h 22 min 6 s
L’AT demande un sergent, car la plaignante se plaint que sa jambe est cassée.

Résumé des images de vidéosurveillance de l’épicerie pour le 22 janvier 2021

13 h 40 min 17 s
La plaignante, sans masque, entre dans le hall. L’agent de prévention des pertes, le TC no 1, qui porte un masque, est debout près de la fenêtre, à gauche de la plaignante.

13 h 40 min 20 s
Le TC no 1 se déplace pour bloquer le passage et empêcher la plaignante d’entrer dans le magasin. Ils engagent une conversation.

13 h 42 min 39 s
Le gérant/comptable du magasin, le TC no 2, entre dans le hall et, depuis une distance d’environ deux mètres de la plaignante, lui parle après avoir remis un téléphone cellulaire au TC no 1. Le TC no 1 semble passer un appel, puis rend le téléphone au TC no 2, qui fait alors un appel.

13 h 46 min 5 s
Le propriétaire du magasin, le TC no 3, entre dans le hall et semble parler avec le TC no 1 et la plaignante.

13 h 50 min 50 s
L’AI arrive. La plaignante est debout, le dos contre la fenêtre avant. Elle tient ce qui ressemble à un téléphone cellulaire dans la main gauche. L’AI est debout en face de la plaignante, à environ deux mètres d’elle, et semble lui parler. Le TC no 1 participe à la conversation.

13 h 51 min 56 s
L’AT arrive et se met à gauche de l’AI pour écouter la conversation. Le TC no 3 parle avec l’AT. Les deux agents, tous deux portant un masque, s’approchent légèrement de la plaignante. L’AT semble aussi parler avec la plaignante.

13 h 52 min 49 s
L’AT tend la main gauche vers la plaignante. La plaignante se déplace légèrement pour éviter d’être saisie par l’AT, puis recule de quelques pas.

13 h 52 min 50 s
Les deux agents sont face à face avec la plaignante. Ils tendent les mains vers elle, et elle semble vouloir les éviter en se déplaçant. L’AT semble juste derrière le champ de vision périphérique de la plaignante et essayer de la saisir par le côté droit. L’AI essaie de la saisir par le côté gauche. Les deux agents tiennent la plaignante et la poussent en avant sur une courte distance.

13 h 53 min 3 s
Les agents tentent de faire avancer la plaignante. On peut voir son pied gauche fermement planté sur le carrelage. L’AI est debout derrière la plaignante et lui tient le bras gauche. L’AT est toujours à sa droite et derrière elle. La plaignante est légèrement penchée en avant. La plaignante se débat. Elle est toujours debout et semble pivoter de 45 degrés sur la gauche ou être tirée vers l’arrière par l’AI. Une lutte s’ensuit entre les agents et la plaignante. Les agents essaient de lui mettre les mains dans le dos, mais elle résiste.

13 h 53 min 34 s
On voit le pied d’un agent faire un croc-en-jambe à la plaignante qui tombe à plat ventre. Il semble que sa jambe gauche est pliée au moment où elle tombe et que l’AT la tient du côté droit puis s’agenouille sur elle en la maintenant à terre avec sa jambe gauche.

13 h 53 min 36 s
La plaignante est déplacée d’environ 45 degrés vers sa gauche. Le TC no 2 est à environ quatre mètres, son attention tournée vers les clients qui souhaitent entrer. Le TC no 1 est à environ deux mètres des pieds de la plaignante. Le TC no 3 a quitté le hall.

13 h 53 min 40 s
La plaignante est à plat ventre; ses pieds sont visibles. On retire à la plaignante son sac à dos pendant qu’elle est allongée par terre. Les deux agents sont agenouillés des deux côtés de la plaignante, l’AI à sa gauche et l’AT à sa droite.

13 h 55 min 16 s
Les deux agents aident la plaignante à se relever. Le haut de son corps est penché en avant; elle est menottée dans le dos. Elle semble souffrir de la jambe gauche et essaie de s’asseoir. Les agents la relèvent. L’AT la fouille la plaignante, qui évite d’exercer une pression sur son pied gauche.

13 h 56 min 28 s
Le TC no 3 revient dans le champ de vision de la caméra. Les agents aident la plaignante à sortir du magasin. Elle sort à cloche-pied pour éviter d’appuyer sur son pied gauche.

Résumé des affichages sur Facebook envoyés à l’enquêteur de l’UES le 26 janvier 2021

Affichage sur Facebook 001
Durée de 5 min 48 s – enregistrement audio-vidéo de la plaignante sur son téléphone cellulaire. L’enregistrement commence par une image de la plaignante qui met en marche l’enregistrement. On voit le TC no 3. La plaignante lui dit qu’il n’a pas le droit de l’empêcher de magasiner parce qu’elle a une exemption de masque. Le TC no 3 lui répond que c’est une propriété privée, à quoi la plaignante rétorque : « C’est une société privée à usage public, je présenterai ma contravention devant les tribunaux et je veillerai à ce que vous sachiez que vous êtes en tort. »

La plaignante fait ensuite un balayage avec sa caméra. On peut voir le TC no 1, le TC no 2 et le TC no 3. L’un d’eux dit à la plaignante qu’il est interdit de filmer dans le magasin. Elle répond qu’elle ne fait que se protéger. La plaignante dit qu’elle a une exemption de port du masque pour des raisons médicales et insiste sur le fait qu’elle ne commet d’intrusion parce qu’elle n’a pas de document juridique pour le prouver.

À 00 h 03 min 51 s du début de l’enregistrement, l’AI entre et fait face à la plaignante. Il mentionne qu’elle ne porte pas de masque. Elle dit que ce n’est pas qu’elle ne veut pas, mais qu’elle a une exemption médicale. Le TC no 1 dit alors à l’AI que la plaignante est entrée sans autorisation.

L’AI essaie d’expliquer à la plaignante l’autorité du TC no 1; cependant, elle rétorque en disant : « Vous êtes la police, vous devez me protéger et servir. Si vous ne voulez pas me protéger, alors donnez-moi une contravention… Je suis ici pour une contravention, je veux aller au tribunal et me battre contre cette folie. » L’AI demande à la plaignante : « Refusez-vous de quitter la propriété? » Elle répond : « Je ne refuse pas, je vais partir, mais j’aimerais avoir une contravention, aller au tribunal et me battre parce que ça n’a pas de sens; j’ai des motifs de santé pour ne pas couvrir mon visage. Je n’arrête pas de dire ça à tout le monde. »

À 00 h 05 min 37 s du début de l’enregistrement, l’AT entre dans le champ de vision de la caméra, lève la main droite en pointant deux doigts et dit à la plaignante : « Est-ce la deuxième fois? » La plaignante essaie d’expliquer que c’est le TC no 1 qui dit cela, mais qu’elle attend juste qu’on lui donne une contravention. L’AT avance vers la plaignante et dit : « Ne me touchez pas, ne touchez pas mon téléphone, vous êtes en direct… sur Face. » L’AT et l’AI avancent ensuite vers la plaignante, qui recule, et l’écran devient noir.

Affichage 002 sur Facebook – capture d’écran
Il s’agit de la capture d’écran d’un message affiché par la plaignante sous son nom sur Facebook le 25 janvier 2021 à 9 h 16.

« Aujourd’hui, je subis une opération chirurgicale pour une confrontation qui a mal tourné. J’ai contacté toutes les personnes à qui je pouvais penser pour obtenir des conseils juridiques. J’ai un TSPT extrême. Je me demande pourquoi les gens sont si méchants et violents. Je n’avais pas mis de Bailey dans mon café ce matin. lol. J’ai envoyé un courriel et déposé une plainte officielle au BDIEP, le bureau du directeur indépendant, pour enquêter sur les flics qui m’ont battue. »

Affichage 004 sur Facebook – enregistrement audio et vidéo sur un téléphone cellulaire
On entend la voix de la plaignante. Elle marche sur un trottoir et dit qu’elle retourne dans une épicerie. Elle dit : « On va voir jusqu’où j’arrive et combien de temps je pourrai rester avant qu’on m’arrête pour intrusion. » Elle entre dans le hall du magasin Independent, tourne sa caméra vers un homme portant un masque médical bleu [connu comme étant le TC no 1, l’agent de prévention des pertes] qui la regarde et dit : « Vous n’êtes pas autorisée à entrer ici… je vous ai arrêtée pour intrusion la dernière fois… la police vous a même parlé, vous devez partir. » La plaignante n’est pas d’accord et dit : « Vous ne pouvez pas empêcher quelqu’un d’entrer sur la base de l’exemption de masque. » Le TC no 1 lui répète de partir. La plaignante dit : « Appelez les flics, je recevrai la contravention, puis j’irai au tribunal… » La plaignante demande pourquoi elle a été accusée d’intrusion et le TC no 1 répond : « Pour être sur la propriété sans masque. » La plaignante lui dit qu’elle a une exemption de masque et il répond qu’elle doit partir, ajoutant qu’il arrêtera la plaignante si elle ne part pas. Elle remet en cause son autorité et lui dit d’appeler la police. Le TC no 1 dit à la plaignante qu’elle est en état d’arrestation pour intrusion et elle répond qu’il n’a pas le pouvoir de le faire. Il dit qu’il la libèrera pour la mettre sous la garde de la police.

Le TC no 2, le gérant du magasin, arrive et lui répète qu’elle est sur une propriété privée. Le TC no 1 appelle la police à 00 h 03 min 17 s du début de l’enregistrement, disant qu’il y a une femme qui commet une intrusion parce qu’elle ne porte pas de masque et refuse de partir. On entend la plaignante en arrière-plan dire qu’elle est là pour subvenir à ses besoins et qu’elle est revenue pour chercher la contravention et aller au tribunal.

Éléments obtenus auprès du service de police

Le SPO a remis les documents suivants à l’UES entre le 3 février et le 24 février 2021 :
  • Description de l’incident par l’AT et l’AI;
  • Notes de l’agent de liaison du SPO avec l’UES;
  • Notes de l’AT et de l’AI;
  • Répartition assistée par ordinateur du SPO;
  • Enregistrements des communications du SPO;
  • Divulgation du SPO;
  • Politique du SPO – Arrestation;
  • Politique du SPO – Libération des personnes;
  • Politique du SPO – Recours à la force;
  • Information sur procès-verbal d’infraction provinciale du SPO;
  • Demandes d’information du SPO – l’AI;
  • Demandes d’information du SPO – l’AT;
  • Contacts du système de gestion des dossiers du SPO;
  • Coordonnées des témoins du SPO;
  • Témoignages de civils recueillis par le SPO.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
  • Enregistrements de vidéosurveillance du 5 janvier 2021 et du 22 janvier 2021 de l’épicerie;
  • Rapports d’appels et d’incidents du service paramédical d’Ottawa;
  • Dossiers de santé de patient de l’hôpital (HCO) concernant la plaignante;
  • Affichages sur Facebook de la plaignante (x7), dont des vidéos enregistrées avec son téléphone cellulaire et des captures d’écran.

Description de l’incident

Les éléments importants de l’incident en question ont pu être établis grâce à des enregistrements vidéo qui ont capturé la majorité, sinon la totalité, de l’incident, ainsi que des entretiens avec la plaignante, l’AT (qui a participé à l’arrestation avec l’AI) et plusieurs témoins oculaires civils.

Le 22 janvier 2021, en début d’après-midi, la plaignante est arrivée à une épicerie à Ottawa. Environ deux semaines plus tôt, elle avait été bannie des locaux pour refus de porter un masque ou un couvre-visage conformément aux protocoles COVID-19 du magasin et pour d’autres comportements (consommation de produits non payés, enregistrement vidéo à l’intérieur du magasin). Quand la plaignante a franchi les portes extérieures, l’agent de prévention des pertes du magasin, le TC no 1, l’a confrontée. Le TC no 1 l’a empêchée de traverser le hall d’entrée et d’entrer dans le magasin et lui a rappelé qu’il lui était interdit de se trouver sur la propriété. La plaignante a contesté l’autorité du TC no 1 et a refusé de partir. Le gérant et le propriétaire du magasin, le TC no 2 et le TC no 3 respectivement, se sont joint au TC no 1 et ont également tenté de convaincre la plaignante de partir. Elle a continué de refuser de partir, demandant avec insistance qu’on appelle police pour qu’on lui remette une contravention pour intrusion, qu’elle avait l’intention de contester devant un tribunal. La police a été appelée.

L’AI est arrivé en premier sur les lieux, suivi de l’AT quelques minutes plus tard. Les agents ont parlé avec le TC no 1 puis, se tournant vers la plaignante, lui ont dit qu’elle commettait une intrusion et qu’elle devait partir. La plaignante a refusé, demandant de nouveau qu’on lui remette une contravention, à quel point elle partirait. Les agents l’ont alors avisée qu’elle était en état d’arrestation.

La plaignante a résisté lorsque l’AI lui a saisi le bras droit et l’AT lui a saisi le bras gauche pour essayer de la menotter dans le dos. Elle a refusé de tendre ses mains qu’elle a maintenues contre son torse. Au bout d’un certain temps, les agents ont décidé de mettre la plaignante à terre. Ils se sont servis de leurs jambes pour la faire trébucher. La plaignante est tombée à plat ventre. Peu après, et sans autre incident, les agents ont menotté la plaignante et l’ont aidée à se relever.

Elle s’est plainte que sa jambe avait été cassée et semblait souffrir de la jambe gauche lorsque les agents l’ont escortée à l’extérieur. Une ambulance a été appelée et a conduit la plaignante à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture du plateau tibial gauche. Cette blessure a nécessité une intervention chirurgicale.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 2(1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation -- L’entrée sans autorisation est une infraction

2 (1) Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :

a) sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
i. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi
ii. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi
b) ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné

Paragraphe 9(1), Loi sur l’entrée sans autorisation – Arrestation sans mandat sur les lieux

9 (1) Un agent de police, l’occupant des lieux ou une personne que ce dernier a autorisée à cet effet, peut arrêter sans mandat une personne qu’il croit, pour des motifs raisonnables et probables, être sur les lieux en contravention de l’article 2. 

Analyse et décision du directeur

Le 22 janvier 2021, la plaignante s’est cassé le genou gauche lors de son arrestation par deux agents du SPO. L’un de ces agents – l’AI – a été désigné agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure de la plaignante.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. La plaignante savait très bien qu’il lui était interdit de se rendre à l’épicerie et elle l’a fait malgré tout, espérant, semble-t-il, obtenir une contravention pour intrusion. Il semble qu’elle avait l’intention de contester la contravention au tribunal pour justifier son affirmation selon laquelle le magasin n’avait pas le droit d’interdire l’entrée aux personnes qui refusaient de porter un couvre-visage sur la base d’une exemption médicale. Une fois dans le hall d’entrée, la plaignante a de nouveau été avertie qu’elle commettait une intrusion et a reçu l’ordre de partir, d’abord par le personnel du magasin, puis par l’AI et l’AT. Quel que soit le bien-fondé de la position de la plaignante, le fait est que l’AI et l’AT savaient qu’elle avait été expulsée du magasin en raison d’un autre comportement sans rapport avec sa position contre les masques, à savoir la consommation de produits avant de les payer et l’enregistrement de vidéos sur les lieux en violation de la politique du magasin. En conséquence, son entrée dans le magasin était interdite en vertu de la Loi sur l’entrée sans autorisation pour des raisons indépendantes de tout handicap. Dans tous les cas, je suis convaincu que l’AI et l’AT étaient en droit d’arrêter la plaignante en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’entrée sans autorisation.

Par la suite, je suis convaincu que la force utilisée par les agents n’a pas dépassé ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à l’arrestation de la plaignante. Les agents ont tenté de saisir les bras de la plaignante qui refusait de se laisser menotter. Au bout d’un moment, comme elle continuait de résister, ils ont décidé de la mettre à terre. À mon avis, comme les agents ne parvenaient pas à maîtriser la plaignante quand elle était debout, cette tactique était raisonnable et les agents l’ont exécutée sans violence. Bien que j’accepte que cette manœuvre soit la cause de la fracture du genou gauche de la plaignante, il n’apparaît pas dans la preuve que ce placage à terre était autre chose qu’un effort pour placer la plaignante dans une position de désavantage. Au vu de ce qui précède, je ne peux pas raisonnablement conclure que les agents ont eu recours à une force excessive.

En conséquence, étant donné que je suis convaincu que l’AI et l’AT ont agi légalement dans leur décision d’arrêter la plaignante et dans la force qu’ils ont exercée pour parvenir à leur objectif, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire.


Date : 11 mai 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l'Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. Toutes les citations dans la version française de ce rapport sont des traductions. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.