Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-025

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 56 ans (le « plaignant ») lors d’une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 21 janvier 2021, quatre membres de l’équipe de ressources de quartier du Service de police d’Ottawa (SPO) se sont rendus à un appartement de l’avenue Croydon, à Ottawa, au sujet d’un incident antérieur de violence conjugale. Les agents y ont trouvé le plaignant qui s’est alors enfermé dans une pièce. Les agents ont ouvert la porte de force et au cours de l’arrestation, le plaignant et l’un des agents sont tombés par terre. Le plaignant a été emmené au campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa où on lui a diagnostiqué des blessures. Il resterait hospitalisé pendant environ trois jours.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 22 janvier 2021 à 8 h 52

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 22 janvier 2021 à 10 h 14

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0


Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 56 ans, a participé à une entrevue

Le plaignant a participé à une entrevue le 22 janvier 2021.


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (impossible à contacter)
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (impossible à contacter)

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 24 février 2021.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 2 février 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans la chambre à coucher d’un appartement de l’avenue Croydon, à Ottawa.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPO a remis les éléments et documents suivants à l’UES le 26 janvier 2021:
  • Exposé de faits – AT no 2;
  • Exposé de faits – AT no 3;
  • Exposé de faits – AT no 1;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Détail de l’arrestation;
  • Politique relative aux arrestations;
  • Appel de répartition assistée par ordinateur;
  • Liste de témoins civils;
  • Résumé de la poursuite en justice;
  • Déclarations de témoins (x3);
  • Enregistrements des communications;
  • Politique relative au recours à la force;

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec le plaignant, avec l’AI et avec d’autres agents qui ont été témoins de certains moments de l’incident. Dans l’après-midi du 21 janvier 2021, l’AT no 2 et l’AT no 3 se sont rendus à un appartement de l’avenue Croydon, à Ottawa, pour arrêter le plaignant en lien avec un incident domestique impliquant son ancienne compagne. La locataire de l’appartement, la TC no 1, a confirmé que le plaignant était chez elle et a autorisé les agents à entrer dans l’appartement.

Quand il a vu les agents, le plaignant a demandé et obtenu leur permission d’aller dans la chambre pour se changer et parler à son avocat avant de les accompagner au poste de police. L’AI et l’AT no 1 ont rejoint peu après l’AT no 2 et l’AT no 3. Au bout d’un certain temps, comme il devenait évident que le plaignant n’avait pas l’intention de sortir de la chambre, l’AT no 2 a ordonné à l’AI d’ouvrir la porte.

La TC no 1 a donné la clé de la chambre aux agents. L’AI s’en est servi pour ouvrir, mais le plaignant a refermé la porte avant que les agents puissent entrer. L’AI a alors cogné la porte de tout son poids pour l’ouvrir de force. Il est entré, a saisi le plaignant, l’a plaqué de force à terre et sous l’élan, est tombé sur lui. Les agents ont menotté le plaignant dans le dos, l’ont aidé à se relever et l’ont escorté hors de l’immeuble.

À la suite de son arrestation, le plaignant s’est plaint de douleurs. Une ambulance a été appelée et a conduit le plaignant à l’hôpital où on lui a diagnostiqué des fractures à des côtes sur le côté gauche de la cage thoracique.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi:
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 21 janvier 2021, le plaignant a subi des fractures à des côtes sur le côté gauche lors de son arrestation par des agents du SPO. L’un de ces agents – l’AI – a été désigné comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qui leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Rien ne suggère dans la preuve que les agents n’avaient pas les motifs de procéder légalement à l’arrestation du plaignant. En fait, il y a des preuves que le plaignant s’attendait à ce que les agents soient là pour l’arrêter quand ils sont arrivés à l’appartement. La légalité de l’entrée des agents dans l’appartement pour procéder à l’arrestation n’est pas non plus contestée. La locataire, la TC no 1, les a autorisés à entrer.

Par la suite, quand les agents sont entrés de force dans la chambre parce que le plaignant s’y était enfermé et ne semblait pas disposé à en sortir, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’AI a eu recours à une force excessive pour placer le plaignant sous garde. Quand l’agent est dans la chambre, il a vu un couteau sur le lit, à la portée du plaignant, et un chien pit-bull. Dans les circonstances, étant donné le risque d’une interaction volatile et violente avec le plaignant – un risque d’autant plus réel que le plaignant refusait de se rendre à la police et qu’il avait placé des meubles contre la porte de la chambre pour empêcher les agents d’entrer – le placage à terre me semble avoir été une tactique raisonnable à la disposition de l’agent pour neutraliser rapidement toute menace éventuelle. La blessure, semble-t-il, n’était pas tant le résultat direct de la mise à terre, mais plutôt du poids de l’AI lorsqu’il est tombé sur le dos du plaignant. L’agent a dit que sa chute sur le plaignant était accidentelle. J’accepte cette explication, car aucun élément de preuve ne la contredit. Aucun des agents n’a frappé le plaignant à quelque moment que ce soit.

En conséquence, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que le fait de mettre le plaignant à terre sortait des limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour placer le plaignant sous garde. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 10 mai 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.