Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-309

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 42 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 novembre 2020, la Police régionale de York (PRY) a signalé que le 16 novembre 2020, le plaignant s’est rendu au poste du district 1 de la PRY, à Newmarket, pour remplir un formulaire de plainte du BDIEP (Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police).

Au poste de police, le plaignant a dit à un sergent qu’il avait subi une fracture du sternum après une interaction avec des agents de police. Le plaignant n’a fourni aucun document médical à l’appui de son allégation.

La PRY a confirmé que le 8 octobre 2020, vers 19 h, le plaignant causait des troubles dans un restaurant de King City. Lorsque des agents sont arrivés sur les lieux, il y a eu une altercation verbale et physique entre le plaignant et les agents. Les agents ont finalement plaqué le plaignant à terre, l’ont placé en état d’arrestation et ont porté contre lui un chef d’accusation en vertu de la Loi sur l’entrée sans autorisation. Le plaignant a ensuite été libéré et un membre de sa famille l’a ramené chez lui.

Les agents de police en cause étaient l’agent impliqué (AI) no 1, l’AI no 2 et l’agent témoin (AT) no 1. L’AT no 2 est arrivé après l’arrestation.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme de 42 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés



Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées



Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées


Échéancier/retard de l’enquête

Cet incident s’est produit le 8 octobre 2020. En raison de sa blessure, le plaignant n’a pu déposer sa plainte à la PRY que le 16 novembre 2020. C’est à ce moment-là que le plaignant a été mis au courant de l’existence de l’UES et de son mandat par l’agent de police de la PRY qui l’aidait à remplir son formulaire de plainte du BDIEP. La PRY a signalé l’affaire à l’UES le 17 novembre 2020.

Il s’agissait d’une intervention planifiée. Les enquêteurs de l’UES ont contacté le plaignant le 17 novembre 2020 et ont mené une entrevue avec lui et la TC no 1 le 19 novembre 2020. L’UES a également transmis au plaignant les formulaires à signer pour consentir à la communication de ses dossiers médicaux. Les entrevues avec les agents témoins ont été menées le 2 décembre 2020.

Le plaignant a retourné les formulaires de consentement remplis et signés à l’UES le 3 décembre 2020. L’UES les a transmis au médecin de famille et à la clinique de radiologie le 4 décembre 2020. L’UES a reçu les dossiers médicaux pertinents le 8 décembre 2020.

La dernière entrevue avec un témoin civil a eu lieu le 23 décembre 2020, car ce témoin n’était pas disponible avant cette date.

L’AI no 2 a été désigné comme agent impliqué le 26 novembre 2020. Néanmoins, ce n’est que le 25 janvier 2021 que l’UES a été avisée que l’AI no 2 souhaitait participer à une entrevue et fournir des copies de ses notes sur l’incident. L’UES a mené une entrevue avec l’AI no 2 le 3 février 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans un restaurant de King City. L’interaction du plaignant avec l’AI no 1 et l’AI no 2 a eu lieu dans le vestibule ou l’entrée du restaurant.

Comme cet incident a été porté à l’attention de l’UES quelque six semaines après les faits et qu’il s’agissait d’une intervention planifiée les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES n’ont pas examiné les lieux.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Résumé de la vidéo enregistrée par la caméra à bord du véhicule de police de l’AI no 1

Cette vidéo est celle enregistrée par la caméra à bord du véhicule de la PRY que conduisait l’AI no 1. L’enregistrement dure 1 h 35 min 22 s, du 8 octobre 2020 à 23 h 36 min 56 s au 9 octobre 2020 à 1 h 12 min 16 s.

Le véhicule de police de l’AI no 1 est garé devant le restaurant. L’enregistrement commence quand l’AI no 1 fait s’assoir le plaignant, qui est menotté dans le dos, sur le siège arrière du véhicule de police. Une fois assis, le plaignant sanglote et, peu après, sort ses mains menottées de sous ses fesses, les fait passer sous ses jambes puis de haut en bas devant lui à 23 h 38. Rien n’indique qu’il souffre en faisant cela.

L’AI no 1 avise le plaignant que la fonction d’enregistrement audio et vidéo de la caméra à bord du véhicule est en marche. L’AI no 1 commence à expliquer une nouvelle fois au plaignant la raison pour laquelle on l’a arrêté. Le plaignant l’interrompt continuellement, criant qu’il n’a rien fait de mal et qu’ils (les policiers) « l’ont battu sans raison ». Le plaignant est belliqueux, refuse d’admettre qu’il n’est pas sorti du restaurant quand on le lui a ordonné et blâme tout l’incident sur « la mafia russe et les gangsters russes qui ont tenté de le tuer dans le restaurant ».

La voix du plaignant est empâtée et son comportement est irrationnel. Il semble instable sur le plan émotionnel et peu coopératif.

Pendant qu’il est assis sur le siège arrière du véhicule de police, le plaignant crie de multiples injures à l’AI no 1 et l’AI no 2 et les menace à plusieurs reprises de les poursuivre en justice. Il fait aussi beaucoup de commentaires désobligeants sur la TC no 1 quand elle tente de le calmer à plusieurs reprises. À un moment donné, quand elle dit au plaignant que ses parents vont venir les chercher, il lui lance plusieurs épithètes obscènes.

Tout au long de l’enregistrement d’une heure et demie, à divers moments, le plaignant dit à l’AI no 1 et l’AI no 2 qu’ils lui ont cassé les côtes et le sternum. Toutefois, on voit le plaignant changer de position sur le siège arrière du véhicule de police – assis, couché, endormi, penché en avant, penché en arrière, se tournant sur le côté – sans présenter le moindre signe de douleur.

Le seul moment où le plaignant montre un signe de douleur ou d’inconfort physique est lorsque la TC no 1 et l’AI no 1 lui donnent ses médicaments à 0 h 58 le 9 octobre 2020, soit quelques minutes avant sa libération à 1 h 01.

Le comportement du plaignant reste le même tout au long de l’enregistrement.
 

Résumé de la vidéo enregistrée par la caméra à bord du véhicule de police de l’AI no 2

Cet enregistrement dure 10 min 49 s et montre le plaignant qui sort du siège arrière du véhicule de police de l’AI no 1, 2 min 54 s après avoir été remis en liberté. Le plaignant est toujours belliqueux et tente d’engager l’AI no 1 et l’AI no 2 dans une discussion sur son arrestation, réitérant qu’il n’a rien fait de mal. Le plaignant fait ensuite les cent pas sur le trottoir, sans aucun signe de douleur ou d’inconfort. Il réaffirme que les agents lui ont cassé le sternum.

La TC no 1 et son père tentent à plusieurs reprises de convaincre le plaignant de s’éloigner et de rentrer à la maison avec eux, mais sans succès. L’AI no 2 s’approche du plaignant et l’avertit que s’il ne part pas, il sera arrêté pour état d’ébriété dans un lieu public. Le plaignant, la TC no 1 et le père de la TC no 1 s’éloignent et sortent du champ de vision de la caméra.

Enregistrements des communications de la police

Résumé des appels au 9-1-1 - 8 octobre 2020

19 h 11 min 14 s
Un employé non identifié du restaurant appelle pour signaler des troubles dans le restaurant et demande que la police vienne immédiatement (on entend une voix en arrière-plan que l’on pense être le plaignant (P) crier de manière inintelligible). L’employé passe le téléphone au propriétaire/gérant (G) du restaurant.
G : Il est très…… il est juste un …………
P : (En arrière-plan) Non, on ne va pas partir – pourquoi tu t’adresses à moi?
G : Je suis un des gérants ici.
P : D’accord. Pourquoi avez-vous des gens qui dérangent vos clients? Je n’ai absolument rien fait de mal. Je dînais avec ma femme et ils m’ont attaqué.
G : Au fait, vous devriez porter un masque, monsieur.
P : De quel droit me dites-vous que je dois porter un masque, comment vous appelez-vous?
G : Je suis un des gérants ici, mon nom n’a pas d’importance, les flics sont en route.
(le téléphone est posé, mais la ligne reste ouverte et on peut entendre le plaignant crier des obscénités en arrière-plan)
G : (à l’opérateur des communications – OC) Pourriez-vous, s’il vous plaît, venir ici pour contrôler la situation, car il devient vraiment grossier avec tout le monde. Il va finir par frapper quelqu’un. Sa femme essaie de le contrôler, et j’ai l’impression qu’il va aussi la frapper. Il pousse un des serveurs. Sa femme le pousse maintenant dehors, mais il revient dans le restaurant. Il est vraiment hors de lui. Il commence à pousser un des serveurs. Il devient vraiment grossier avec les gens et j’ai une salle à manger pleine; tout le monde regarde ce qui se passe. Sa femme est très en colère contre lui.
OC : OK, des agents sont en route.
G : Lui et sa femme sont à l’extérieur de la salle de restaurant en ce moment, dans le vestibule. [Le gérant décrit le plaignant et sa tenue vestimentaire]. Il est vraiment ridicule, il pousse sa femme.
P : (en arrière-plan) C’est quoi ton problème? Ce n’est pas ta maudite affaire.
G : Il refuse de porter un masque. Il essaie de remonter maintenant. Il repousse le serveur. J’ai besoin de la police ici tout de suite. Ça fait maintenant 15 minutes que je vous parle. Il va arriver quelque chose ici.
OC : Les agents arrivent, ils sont au coin de la rue.

À 12 min 27 s du début de l’enregistrement
G : OK, on l’a fait sortir. Il est dans le vestibule et il ne veut pas partir. Il cogne dans la porte pour essayer d’entrer.

À 12 min 59 s du début de l’enregistrement
G : Bon, les agents sont ici maintenant.

Résumé des transmissions radio de la PRY – 8 octobre 2020

À 19 h 17 min 12 s, l’AI no 1 et l’AI no 2 sont envoyés en réponse à l’appel, et tous deux arrivent sur les lieux à 19 h 23 min 19 s, suivis de l’AT no 2 à 19 h 34 min 41 s et de l’AT no 1 à 19 h 37 min 36 s

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande à la PRY, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants, qu’elle a examinés :
  • Enregistrements des communications, y compris des appels au 9-1-1;
  • Vidéos enregistrées par la caméra à bord de véhicules de police;
  • Copie papier de l’appel;
  • Chronologie détaillée de l’appel;
  • Rapport général d’incident;
  • Notes de l’AI no 2;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Formulaire de plainte au BDIEP – le plaignant;
  • Politique de la PRY – système de caméras embarquées;
  • Politique de la PRY – soins et contrôle des prisonniers et transport des prisonniers;
  • Politique de la PRY – traitement d’un délinquant;
  • Politique de la PRY – recours à la force;

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

L’UES a examiné les dossiers suivants obtenus auprès de sources autres que la police :
  • Dossiers médicaux;
  • Vidéo prise par la TC no 1 sur son téléphone cellulaire.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, avec un des deux agents impliqués (l’AI no 2) et avec plusieurs civils qui ont été témoins de l’incident en question. L’enquête a également bénéficié d’un examen des séquences vidéo prises avec un téléphone cellulaire qui montrent certains moments de l’incident. L’AI no 1 n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Dans la soirée du 8 octobre 2020, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont été envoyés à un restaurant de King City parce que le gérant venait d’appeler le 9-1-1 pour signaler des troubles impliquant le plaignant. Selon le gérant, le plaignant était furieux et incontrôlable. Le gérant craignait que le plaignant commence bientôt à agresser sa femme et peut-être d’autres personnes dans le restaurant. À la fin de l’appel au 9-1-1, le gérant a dit qu’on avait fait sortir le plaignant de force dans le vestibule, mais qu’il cognait aux portes en essayant de retourner dans la salle de restaurant.

Le plaignant et son épouse, la TC no 1, étaient venus au restaurant pour le dîner. Il semble que le plaignant et les clients d’une table voisine ont commencé à se quereller. Le gérant du restaurant a tenté de calmer la situation en demandant au plaignant et à la TC no 1 d’aller à une table dans un autre coin de la salle à manger. Cette suggestion a mis le plaignant en colère; il blâmait l’autre partie pour avoir provoqué la querelle. Lorsque le plaignant a refusé de changer de table et a continué de s’énerver, on lui a demandé de quitter le restaurant.

L’AI no 1 était le premier agent sur les lieux, suivi quelques minutes après par l’AI no 2. Les agents ont trouvé un plaignant belligérant dans le vestibule du restaurant. Ils lui ont ordonné à plusieurs reprises de quitter les lieux et l’ont averti que s’il n’obéissait pas, il serait arrêté pour intrusion. Le plaignant maintenait qu’il ne partirait pas. Il estimait n’avoir rien fait de mal. Vers 19 h 31, les agents ont avisé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour intrusion.

Le plaignant a résisté à son arrestation en refusant de tendre les bras pour laisser les agents le menotter. Les agents ont saisi le plaignant, tenant chacun un de ses bras, pour essayer de le maîtriser. La lutte s’est déplacée du centre du vestibule vers le coin nord-ouest de la pièce où le haut du corps du plaignant a été temporairement poussé contre une cloison vitrée. Les agents ont ensuite fait tourner le plaignant vers la porte nord du vestibule et il semble que le plaignant a alors heurté l’encadrement de la porte avant d’être plaqué à terre. Peu après, l’AI no 1 et l’AI no 2 sont parvenus à maîtriser les bras du plaignant, à les placer dans son dos et à les attacher avec les menottes.

Après l’avoir placé en état d’arrestation, les agents ont aidé le plaignant à se relever et l’ont escorté jusqu’au véhicule de police de l’AI no 1, qui était garé dans la rue devant le restaurant, et l’ont fait s’assoir sur la banquette arrière. Le plaignant a dit à l’AI no 1 qu’il avait été blessé dans leur altercation, mais a refusé qu’on appelle une ambulance quand on le lui a proposé.

Les agents ont libéré le plaignant sur les lieux en le confiant à la garde de sa femme et des parents de celle-ci. Ils lui ont remis un avis d’infraction provinciale pour entrée sans autorisation.

Quelques jours après son arrestation, le plaignant s’est rendu dans une clinique pour une radiographie. Son médecin de famille l’a ensuite contacté pour l’informer qu’il avait une fracture du sternum.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 2(1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation -- L’entrée sans autorisation est une infraction

2 (1) Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :

a) sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
i. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi
ii. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi
b) ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné

Paragraphe 9(1), Loi sur l’entrée sans autorisation – Arrestation sans mandat sur les lieux

9 (1) Un agent de police, l’occupant des lieux ou une personne que ce dernier a autorisée à cet effet, peut arrêter sans mandat une personne qu’il croit, pour des motifs raisonnables et probables, être sur les lieux en contravention de l’article 2. 

Analyse et décision du directeur


Le 8 octobre 2020, le plaignant a subi une blessure grave lors de son arrestation par des agents de la PRY. Les deux agents qui ont procédé à l’arrestation, l’AI no 1 et l’AI no 2, ont été désignés agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Peu importe qui était à blâmer pour les troubles dans le restaurant, le plaignant n’avait pas le droit de rester sur les lieux puisque le gérant et propriétaire du restaurant lui avait demandé à plusieurs reprises de partir. Il en était de même lorsque les agents, agissant au nom des propriétaires des locaux, ont dit au plaignant qu’il devait partir. Le plaignant ayant refusé à de multiples occasions de partir, il est clair que son arrestation et son expulsion de force étaient légitimes en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’entrée sans autorisation.

Par la suite, je suis convaincu que les agents n’ont pas dépassé les limites de la force raisonnablement nécessaire pour procéder à l’arrestation du plaignant. La preuve vidéo établit que le plaignant a résisté physiquement à son arrestation. Bien qu’il n’y ait eu aucun échange de coups, le plaignant a lutté contre les efforts des agents qui essayaient de lui maîtriser les bras pour le menotter. Après avoir tenté de surmonter la résistance du plaignant pour pouvoir l’arrêter, les agents ont décidé, raisonnablement à mon avis, d’exercer davantage de force en le plaquant à terre. Avec le plaignant à terre, l’AI no 1 et l’AI no 2 pourraient légitimement s’attendre à être en mesure de le maîtriser plus facilement. C’est précisément ce qui s’est produit. Une fois le plaignant à plat ventre, les agents ont pu rapidement le menotter dans le dos. Il convient de noter que le placage à terre n’était pas inutilement agressif ou brutal; les agents semblent plutôt avoir pris soin l’effectuer de manière lente et contrôlée.

En conséquence, même s’il se peut que le plaignant se soit fracturé le sternum au cours de son altercation avec l’AI no 1 et l’AI no 2, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents s’est comporté autrement que légalement tout au long de leur intervention. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 26 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.