Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OVI-264

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 30 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 12 octobre 2020, à 17 h 54, le Service de police de Hamilton (SPH) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant. Ce jour-là, à 12 h 38, des agents de police du SPH ont été dépêchés sur les lieux d’une collision de véhicules impliquant une motocyclette. Une femme [1] avait pris la motocyclette de son petit ami (le plaignant) et était entrée en collision avec une voiture sur la rue Hope. Le plaignant s’est rendu sur place, a pris la motocyclette et a quitté le secteur avant que les agents de police n’arrivent.

Le plaignant a été aperçu circulant en direction sud sur la rue Ottawa et a été suivi par des agents de police. Sur l’avenue Rosslyn Nord, les agents ont activité leurs gyrophares pour attirer l’attention du plaignant. À 12 h 46, le plaignant a tourné sur vers l’avenue Craigmiller et a perdu le contrôle de la motocyclette. Il a d’abord heurté une clôture, puis une voiture. Il s’est enfui à pied et a été arrêté dans une arrière cour sur l’avenue Craigmiller.

Le plaignant a été transporté à l’Hôpital général de Hamilton, où l’on a constaté qu’il avait une fracture de l’auriculaire de la main droite. On l’a ensuite ramené dans une installation du SPH, où on l’a détenu en attente de son audience de justification.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 
Le 13 octobre 2020, les enquêteurs assignés ont d’abord tenté de trouver le plaignant et de recueillir une déclaration de sa part par téléphone. Ces démarches se sont révélées infructueuses et, le 20 octobre 2020, les enquêteurs ont entrepris de se rendre personnellement auprès du plaignant pour lui parler, sans succès encore une fois.

Les désignations ont été faites le 27 octobre 2020 et toutes les entrevues avec les agents témoins désignés au départ ont été menées le 9 novembre 2020, la première date à laquelle ils étaient tous disponibles.

Plaignant :

Homme de 30 ans; il s’est révélé impossible de réaliser une entrevue avec lui


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue




Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes,comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

L’extrémité ouest de l’avenue Craigmiller se trouve du côté ouest d’un ensemble de rues résidentielles, dans un secteur entouré de propriétés à usage résidentiel et commercial. On y trouve une ligne de chemin de fer, qui s’étend principalement du nord au sud, parallèlement à l’avenue Rosslyn Nord et à l’ouest de cette dernière. L’avenue Craigmiller, pour sa part, ne permet la circulation qu’en direction est, depuis l’avenue Rosslyn Nord. Les routes qui traversent le quartier sont suffisamment larges pour permettre la circulation de véhicules dans les deux sens; il n’y a toutefois pas de lignes pour délimiter des voies.

Des résidences individuelles unifamiliales bordent l’avenue Craigmiller des deux côtés. Les résidences sont séparées de la chaussée par un trottoir de largeur courante; il n’y a pas d’espace supplémentaire entre ce trottoir et la chaussée.

L’image suivante montre la motocyclette dans la position dans laquelle elle s’est immobilisée sur le trottoir, la roue avant pointée vers l’est, du côté sud de l’avenue Craigmiller, à côté de la clôture séparant le 2, avenue Craigmiller du trottoir et de la chaussée.



Figure 1 —La motocyclette du plaignant sur l’avenue Craigmiller.

Éléments de preuve médicolégaux

Données du système GPS

Les données du système GPS du 12 octobre 2020 associées au véhicule de police de l’AI ont été demandées. Le SPH a signalé que l’équipement était défectueux et qu’il n’avait transmis aucune donnée à la base de données GPS depuis le 11 octobre 2020. Ayant appris cela, on a tenté de récupérer les données directement à partir du système informatique à bord du véhicule. Cette démarche s’est également révélée infructueuse et il a donc été impossible de récupérer les données GPS vu la défaillance de l’équipement. Lorsqu’ils ont reçu un avis à cet égard, les enquêteurs ont demandé les dossiers d’entretien de l’équipement GPS du véhicule de police et ont posé des questions pour savoir comment le conducteur d’un véhicule de police dont l’équipement GPS est défectueux ou le personnel chargé de la répartition serait en mesure de constater cette défectuosité. Ils ont obtenu les réponses et les renseignements voulus et ont jugé que le tout suffisait pour confirmer que l’absence de données GPS dans le cadre de l’enquête relevait de la simple coïncidence.

Témoignage d’expert

En fonction de la photographie prise par les enquêteurs du SPH, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires a formulé une opinion sur la vitesse à laquelle la motocyclette du plaignant circulait lorsqu’elle est tombée au sol, sur le trottoir, sur l’avenue Craigmiller. Il a indiqué que les traces de friction sur le trottoir en béton étaient longues d’environ un mètre et s’étendaient jusqu’au repose-pied gauche de la motocyclette. Il a supposé que le coefficient de frottement sur le béton était de 0,35 à 0,62, selon les essais d’ingénierie effectués à l’égard de telles motocyclettes. On a calculé que la vitesse requise pour que la motocyclette puisse, en glissant, marquer le trottoir de la manière présentée sur la photographie était de 9,9 km/h à 12,8 km/h. Cette estimation ne concerne pas la vitesse nécessaire pour que la moto crée les dommages qui ont été faits à la voiture et qu’on a constaté sur le côté gauche de la motocyclette même, ni la vitesse à laquelle circulait la motocyclette avant qu’elle ne freine et glisse sur le trottoir en béton. L’analyse de ces deux derniers événements se traduirait très certainement par une estimation beaucoup plus grande de la vitesse de la motocyclette.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

Vidéo de l’aire de mise en détention
Le 12 octobre 2020, le plaignant a été détenu dans une installation du SPH après sa sortie de l’hôpital.

Vidéo no 1
À 16 h 33 min 39 s, deux véhicules aux couleurs de la police entrent dans le garage de l’installation du SPH; un agent de police descend de chacun des véhicules. L’un d’eux récupère un sac à dos par la portière avant du côté passager de son véhicule de police, puis entre dans le commissariat avec le sac. Le deuxième agent attend dans le garage. À son retour, le premier agent parle au plaignant par la vitre baissée à l’arrière de son véhicule. À 16 h 38 min 40 s, le plaignant descend du véhicule de police et enfile un masque de protection contre la COVID-19, avant d’entrer dans le commissariat des deux agents, à 16 h 39.

Vidéo no 2 – Zone P6 – Aire d’enregistrement – Intérieur du commissariat depuis le garage/l’entrée des véhicules
À 16 h 37 min 58 s, la porte du garage s’ouvre et le plaignant entre sur les lieux avec deux agents de police. On indique au plaignant de s’asseoir sur un banc.

Vidéo no 3 — Bureau et comptoir de mise en détention
L’agent chargé de la mise en détention se tient derrière le comptoir de mise en détention, face à un banc. Deux employés de la police se trouvent derrière le bureau; l’un d’eux porte une chemise d’uniforme bleu poudre, et l’autre, une chemise d’uniforme bleu nuit.

À 16 h 38 min 57 s, le plaignant, suivi de deux agents de police, entre dans le champ de la caméra et s’assoit sur le banc. Un troisième agent entre dans le champ de la caméra, depuis l’arrière du comptoir. Le plaignant n’était pas menotté. Il a un bandage et une attelle à la main droite.

Le processus de mise en détention se poursuit (aucune piste audio). On fouille les vêtements du plaignant, puis le plaignant lui même, par palpation. On retire la ficelle de soutien de son pantalon et les lacets de ses souliers, puis on les remet au personnel derrière le comptoir. Le plaignant fait ensuite l’objet d’un balayage au moyen d’un détecteur de métal portatif.

À 16 h 42 min 31 s, le plaignant est dirigé vers une pièce en face du comptoir de mise en détention, hors du champ de la caméra. Un agent de police se place près de la porte de cette antichambre, sans toutefois suivre le plaignant à l’intérieur. À 16 h 43 min 8 s, le plaignant sort de l’antichambre et, à 16 h 43 min 26 s, il est conduit hors du champ de la caméra.

Vidéo no 4 – Zone P4 – Aire centrale avec bureau (sans piste audio)
Il s’agit d’une zone située à l’extérieur des cellules du SPH. À 16 h 43 min 15 s, un agent de police entre dans le champ de la caméra en compagnie du plaignant, qui porte une combinaison foncée. L’agent tient des draps dans ses mains. À 16 h 43 min 24 s, l’agent est à un bureau où on lui remet une clé; ensuite, l’agent et le plaignant se dirigent dans un couloir.

Vidéo no 5 – Zone P4 – Aire centrale avec bureau (sans piste audio)
À 16 h 49 min 52 s, un agent de police en civil passe près du bureau et, à 16 h 50 min 9 s, le plaignant est placé dans une pièce à proximité de ce bureau. Un agent spécial verrouille la porte de la pièce, avec le plaignant à l’intérieur. À 16 h 56, l’agent spécial déverrouille la porte; le plaignant est sorti de la pièce, puis il s’engage dans le couloir, hors du champ de la caméra.

Vidéo du système de surveillance d’une résidence civile

En ratissant le secteur, les enquêteurs de l’UES ont pu mettre la main sur une courte vidéo montrant l’incident. La vidéo recueillie dure 2 min 50 s, mais la séquence pertinente ne dure qu’environ 6 secondes et commence à 30 secondes après le début de la vidéo.

Sur la vidéo, on voit le plaignant alors qu’il roule dans le secteur sur sa motocyclette, suivi d’un véhicule de police, le 12 octobre 2020. Voici une analyse de la vidéo, réalisée par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES :

La caméra, installée à l’angle nord-est d’une résidence sur l’avenue Dalkeith, était dirigée vers le nord-ouest et a capté ce qui s’est produit sur l’avenue Rosslyn Nord et l’avenue Dalkeith. Les véhicules peuvent circuler vers le nord et le sud sur l’avenue Rosslyn Nord. Ils peuvent circuler vers l’est et l’ouest sur l’avenue Dalkeith, laquelle croise l’avenue Rosslyn Nord du côté est uniquement.

À l’aide du Lecteur Windows Media, on a pu voir les événements captés par la caméra au rythme de deux clics de souris par seconde. Ci après figurent les heures auxquelles l’avant des véhicules concernés était aligné avec les points de repère du champ de la caméra. Les distances le long de la voie en direction sud de l’avenue Rosslyn Nord ont été calculées à l’aide de l’outil de mesure du programme Google Earth®.



Les vitesses moyennes calculées représentent bien les vitesses réelles auxquelles les véhicules ont circulé; cependant, les durées et les distances mesurées ne sont pas précises, puisque les repères sur Google Earth® n’étaient pas particulièrement clairs et que les temps indiqués sur la vidéo n’étaient pas toujours cohérents, étant donné l’insuffisance du nombre d’images enregistrées par seconde. On peut entendre la sirène et l’accélération du moteur du véhicule de police une fois ce dernier au delà du panneau d’arrêt, du côté nord de l’avenue Dalkeith. On ne voit aucun piéton dans le secteur, ni qui que ce soit dans le parc à l’angle nord-est de l’intersection.

Enregistrements de communications

Appel au 9 1 1
Le 12 octobre 2020, à 12 h 35, une femme, qui ne révèle pas son identité, appelle au 9 1 1 pour signaler que sa fourgonnette, stationnée devant son domicile sur la rue Hope, a été heurtée par une femme [on sait maintenant qu’il s’agissait de la petite amie du plaignant] conduisant une motocyclette. Elle donne le numéro de la plaque d’immatriculation au téléphoniste. Elle fait savoir que la femme ne semble pas blessée, mais qu’elle croit qu’elle pourrait avoir les facultés affaiblies par la drogue. Elle indique aussi que la femme qui était sur la motocyclette n’avait pas de permis de conduire, qu’elle s’est éloignée du lieu de la collision et qu’elle est entrée dans une résidence, ajoutant qu’un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] a quitté l’endroit sur la motocyclette.

Le voisin de la personne ayant appelé prend alors le téléphone et signale qu’après que la fourgonnette eut été heurtée, le plaignant et la femme se sont dirigés vers un stationnement à l’angle des avenues Hope et Kenilworth. Ensuite, la motocyclette s’est immobilisée, la femme en est descendue et le plaignant, après avoir redémarré la motocyclette, s’est dirigé vers le sud en direction de la rue Britannia. Une photo de la plaque d’immatriculation a été prise.

Aucune des deux personnes ayant appelé n’a vu qui conduisait la motocyclette lorsque cette dernière a heurté la fourgonnette. Une description de la femme et du plaignant a été donnée au téléphoniste.


Transmissions radio de la police
Les transmissions radio ne comportent pas d’horodatage. Elles débutent le 12 octobre 2020, à 12 h 38, au moment où le répartiteur dépêche un agent à une résidence située sur l’avenue Hope parce qu’une personne a omis de demeurer sur les lieux à la suite d’une collision avec un véhicule. En effet, la conductrice d’une motocyclette a heurté un véhicule stationné, puis a abandonné la motocyclette et s’est dirigée vers une résidence. On estime qu’elle a peut-être les facultés affaiblies. Un homme est alors monté sur la motocyclette et a quitté l’endroit.

L’AI demande une description de l’homme qui a quitté les lieux sur la motocyclette, car une motocyclette vient de passer près de lui, à la hauteur du centre commercial Centre Mall. Le répartiteur dit à l’AI que la motocyclette est de type sport et de couleur rouge, puis lui donne le numéro de la plaque d’immatriculation.

Un agent de police signale que tous les vêtements de l’homme sur la motocyclette sont blancs et que ce dernier porte un casque.

L’AI indique qu’il poursuit quelqu’un à pied, puis dit [traduction] « Craigmiller, au sol! », avant de signaler que tout va bien et qu’il a une personne sous garde.

L’AT no 2 fait savoir qu’il s’approche de l’avenue Craigmiller.

Une unité de police indique que la femme impliquée dans la collision survenue sur l’avenue Hope se trouve dans son véhicule.

L’AT no 6 indique qu’il se trouve sur l’avenue Craigmiller.

L’AT no 3 fait savoir qu’il se rend sur l’avenue Hope. Le répartiteur effectue une vérification concernant la femme dans le système du Centre d’information de la police canadienne (CIPC). Il apprend alors que la femme n’a plus de permis de conduire et qu’elle a deux suspensions de permis de conduire à son actif, qu’on recommande la prudence au moment de l’approcher et qu’il lui est interdit de posséder des armes à feu.

Une unité de police demande qu’on réalise une vérification concernant le plaignant dans le système du CIPC. On lui dit que le plaignant doit être approché avec prudence, qu’il a des antécédents de violence familiale, qu’il risque de vouloir s’enfuir de la police, qu’il lui est interdit de posséder des armes à feu et qu’il est visé par un engagement, car il a été accusé d’agression et de non-respect d’une ordonnance de probation. Le plaignant n’a pas de permis de conduire.

On demande l’envoi d’une dépanneuse pour la motocyclette. Le répartiteur informe les agents de police que la motocyclette a été volée dans la région de Peel. Le répartiteur dit également qu’il croyait que le numéro de la plaque d’immatriculation avait mal été rapporté au cours de l’appel initial, mais qu’en fait, la plaque avait été modifiée avec de la peinture bleue.

L’AT no 6 demande qu’on envoie une ambulance sur l’avenue Craigmiller pour évaluer l’état du plaignant, qui a avoué avoir récemment consommé de la drogue et qui a dit ressentir de la douleur depuis l’accident. Un agent demande si un expert en reconnaissance des drogues est disponible et on lui dit que oui.

L’unité de police demande qu’on mette l’envoi d’une dépanneuse en suspens, jusqu’à ce qu’on procède à l’évaluation médicale du plaignant.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a obtenu les documents suivants de la part du SPH et les a examinés :
  • chronologie des événements du système de répartition assisté par ordinateur;
  • certificat d’un médecin (pour les échantillons sanguins) (2);
  • document du tribunal – avis d’intention;
  • document du tribunal – avis de production;
  • document du tribunal – ordonnance de probation du plaignant;
  • document du tribunal – ordonnance de mise en liberté du plaignant;
  • document du tribunal – assignation à témoigner de la femme;
  • document du tribunal – engagement du plaignant;
  • rapports d’incident général (2);
  • formulaire de rendez-vous de soins de santé de l’Hôpital général de Hamilton;
  • formulaire de production d’éléments de preuve à l’intention du service de police de l’Hôpital de Hamilton – le plaignant;
  • rapport de mise en détention du SPH – le plaignant;
  • rapport d’arrestation du SPH – le plaignant;
  • formulaire d’opposition à la mise en liberté sous caution du SPH;
  • formulaire de demande de la vidéo de l’aire de mise en détention du SPH;
  • rapport de gestion des risques de violence familiale du SPH;
  • courriels du SPH concernant la défaillance du système GPS;
  • rapport du SPH concernant les demandes de soutien technique;
  • liste des personnes concernées du SPH;
  • rapport de collision de véhicules automobiles du SPH;
  • document sur les incidents antérieurs du SPH – le plaignant;
  • procédure du SPH – recours à la force;
  • procédure du SPH – poursuites pour appréhender un suspect;
  • procédure du SPH – arrestation;
  • procédure du SPH – garde et contrôle des détenus;
  • demande du SPH à la Cour de justice de l’Ontario, Guelph, en vue d’obtenir une ordonnance de mise en liberté et des renseignements certifiés;
  • réponse du SPH aux questions de l’UES;
  • rapports d’incident supplémentaire du SPH (6);
  • formulaire de vérification des antécédents du SPH;
  • relevé de remorquage du SPH;
  • dossier de formation du SPH – formations de requalifications sur le recours à la force de l’AI;
  • affectations de véhicules du SPH (2);
  • libération de véhicules du SPH;
  • déclarations des témoins recueillies par le SPH (3);
  • liste des agents concernés;
  • formulaire de demande de dossiers sur des conducteurs du ministère des Transports;
  • notes de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 5, de l’AT no 6 et de l’AT no 7;
  • rapport de la Police provinciale de l’Ontario – le plaignant;
  • photo du permis;
  • photos du plaignant prises par un citoyen (2).
  • Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu le document qui suit auprès d’une autre source et l’a examiné :
  • rapport d’appel d’ambulance.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec l’AI et plusieurs civils qui ont été témoins de parties de l’incident, ainsi que l’examen d’un enregistrement vidéo qui montre une partie de la poursuite. Dans l’après-midi du 12 octobre 2020, l’AI patrouillait dans son véhicule de police lorsqu’il a remarqué un homme qui conduisait une motocyclette. La motocyclette, qui était en train de tourner en direction est vers le terrain du centre commercial Centre Mall, correspondait à la description d’un véhicule qui venait tout juste de quitter les lieux d’une collision de véhicules motorisés à proximité. Soupçonnant qu’il s’agissait de la motocyclette en question, l’AI a décidé de la suivre.

L’AI a suivi la motocyclette à une vitesse allant de lente à modérée et en gardant ses distances. Les deux véhicules ont quitté les lieux du centre commercial Centre Mall en traversant le stationnement d’un immeuble d’habitation tout près, avant de s’engager sur la rue Ottawa Nord en direction nord. Le motocycliste a tourné à gauche pour se diriger vers l’ouest sur l’avenue Dalhousie, et l’agent l’a suivi à une distance d’environ deux longueurs de voiture. Alors que les véhicules s’approchaient d’un virage forcé vers la gauche à l’extrémité de l’avenue Dalhousie, l’AI a reçu une description du motocycliste qui avait été vu précédemment sur les lieux de la collision. L’AI, jugeant que la description correspondait au motocycliste qu’il suivait, a activé ses gyrophares et sa sirène dans le but d’arrêter la motocyclette.

Le motocycliste était le plaignant. Selon ce qui avait été rapporté, il n’était pas le conducteur de la motocyclette lorsqu’elle a heurté une voiture. À ce moment, c’était en fait sa petite amie qui conduisait la motocyclette. Le plaignant s’était rendu sur les lieux de l’accident et avait quitté l’endroit sur la motocyclette quelques instants avant que l’AI ne le remarque.

Le plaignant a refusé de s’immobiliser malgré les signaux du véhicule de police. Il a plutôt continué vers le sud sur l’avenue Rosslyn Nord après le virage forcé vers la gauche de l’avenue Dalhousie. L’AI l’a suivi de près. Dans le secteur de l’avenue Craigmiller, l’AI s’est engagé dans la voie de circulation en sens inverse, a accéléré et, après avoir dépassé le motocycliste, a arrêté sa voiture de patrouille devant le plaignant, de biais, sur la voie en direction sud.

Le plaignant a d’abord ralenti, puis il a contourné l’obstacle ainsi créé par l’AI en tournant à gauche sur l’avenue Craigmiller. Le plaignant n’a toutefois pas été en mesure de garder le contrôle de son véhicule, qui est monté sur le trottoir sud, a heurté une clôture et est tombé sur le côté gauche, frappant par la même occasion le côté passager d’un véhicule stationné. Le plaignant est tombé de la motocyclette, s’est relevé et a commencé à courir vers l’est.

L’AI a vu la collision et a poursuivi le plaignant à pied jusque dans l’arrière-cour d’une résidence située tout près, du côté sud de l’avenue Craigmiller. Le plaignant a essayé d’escalader la clôture arrière de la cour, mais en vain; la table sur laquelle il était monté pour grimper s’est effondrée sous son poids. L’AI a porté le plaignant au sol et l’a ensuite menotté sans incident.

Une ambulance s’est rendue sur les lieux après que le plaignant eut dit qu’il ressentait de la douleur à la main droite et qu’il eut déclaré qu’il avait consommé du fentanyl un peu plus tôt. Il a été conduit à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait une fracture de l’auriculaire de la main droite.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, d’un bateau ou d’un aéronef

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.


Règlement de l’Ontario 266/10, Loi sur les services policiers – Poursuites visant l’appréhension de suspects


  2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :

a) soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être;
b) soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule. 

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique. 

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié. 

Analyse et décision du directeur

Le 12 octobre 2020, le plaignant a été arrêté à la suite d’une brève poursuite de véhicules et a ensuite été transporté à l’hôpital, où l’on aurait constaté qu’il avait une fracture de l’auriculaire de la main droite. L’agent qui a poursuivi le plaignant, l’AI, a été désigné comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la poursuite et à la blessure du plaignant.

L’infraction possible à l’étude est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles aux termes du paragraphe 320.13(2) du Code criminel. L’infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, de la part de l’AI no 1, un manque de diligence dans son interaction avec le plaignant qui a causé la collision ou qui y a contribué et/ou qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, même s’il y a certains aspects problématiques dans la conduite de l’AI, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’agent a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel.

Il semble que l’AI ait repoussé les limites et qu’il ait peut-être même enfreint une ou plusieurs des dispositions du Règlement de l’Ontario 266/10, le règlement provincial qui régit les poursuites policières. Tout d’abord, il ne fait aucun doute que l’AI a entrepris une poursuite visant l’appréhension d’un suspect en vertu de ce règlement. Il se trouvait à quelques longueurs de voiture de la motocyclette et avait activé ses gyrophares et sa sirène, tandis que le plaignant continuait sa route vers le sud sur l’avenue Rosslyn Nord. Ensuite, il se trouvait peut-être dans une situation où il aurait dû éviter d’engager ou de continuer la poursuite en vertu du Règlement, étant donné qu’il a su très tôt que la plaque d’immatriculation de la motocyclette était visée par un avis, cette information, tirée de témoins de la collision antérieure, lui ayant été communiquée par radio. Par exemple, le paragraphe 2(6) du Règlement de l’Ontario 266/10 prévoit ce qui suit : « L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié ». Il convient également de noter que l’AI poursuivait un motocycliste, qui se trouvait dans une position relativement vulnérable par rapport à l’agent, compte tenu de la nature des véhicules. Si le Règlement n’interdit pas catégoriquement la poursuite de motocyclistes, il s’appuie néanmoins sur un principe d’organisation fondamental selon lequel une poursuite ne doit pas être engagée lorsque les dangers pour la sécurité publique créée par celle-ci sont plus grands que les dangers de ce type que provoque le véhicule en fuite s’il n’est pas contrôlé ou identifié. De plus, dans la politique de poursuite du Service de police, on indique qu’une motocyclette est un facteur de risque à prendre en considération dans l’évaluation de la sécurité publique. Ainsi, compte tenu de la nature de l’infraction vraisemblablement à l’origine de la poursuite, du type de véhicule poursuivi et du fait que l’AI suivait la motocyclette à quelques centimètres de sa roue arrière, il pourrait être raisonnable de conclure que l’ensemble des considérations liées à la sécurité publique montre que l’agent n’aurait pas dû adopter la façon de faire qu’il a choisie. Enfin, il y a eu la tentative de l’AI de créer un obstacle sur la route. À mon avis, cette tactique, même si l’agent l’a justifiée en indiquant qu’il souhaitait éviter que la poursuite se prolonge sur la rue Barton, à quelques pâtés de maisons au sud du lieu où il se trouvait, n’était pas appropriée. J’estime, vu les circonstances du moment, qu’il n’était tout simplement pas urgent de mettre fin à la poursuite au moyen d’une tactique aussi risquée.

De l’autre côté toutefois, il y a bien des circonstances atténuantes à prendre en compte dans le contexte de la poursuite. Les gyrophares et la sirène du véhicule de l’AI ont été en marche essentiellement pendant toute la poursuite, donnant ainsi l’occasion aux piétons et aux automobilistes dans le secteur de savoir un peu à l’avance qu’une telle intervention était en cours. Cela dit, il y avait peu de circulation, voire aucune, selon le cas, sur les routes empruntées pendant la poursuite. Par ailleurs, même si je suis préoccupé par le fait que l’AI semble s’être trouvé à un mètre ou deux du motocycliste à certains moments alors qu’ils roulaient vers le sud sur l’avenue Rosslyn Nord, il convient de noter que la vitesse des véhicules était assez modérée à ce moment-là, dépassant à peine 50 km/h à l’approche de l’avenue Craigmiller. Pour ce qui est de la décision d’utiliser la voiture de police pour créer un obstacle sur la route, il est évident que l’AI a donné au plaignant suffisamment de temps et d’espace pour qu’il puisse s’arrêter en toute sécurité, s’il avait voulu le faire. Enfin, fait important, dans le contexte de l’interaction complète de l’agent avec le plaignant, la poursuite comme telle s’est déroulée sur une distance très courte, soit pas plus de 130 à 140 mètres après le moment où l’AI a activé ses gyrophares et sa sirène à l’extrémité nord de l’avenue Rosslyn Nord jusqu’à l’arrivée à l’intersection de celle-ci avec l’avenue Craigmiller. Par conséquent, tout danger engendré par l’AI n’a été que momentané.

En conclusion, après avoir examiné sous tous les angles la conduite de l’AI, je ne suis pas convaincu du tout que les lacunes montrées par l’agent sont d’une ampleur assez grande pour qu’il soit jugé que la manière dont il a conduit son véhicule constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’aurait respecté une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles et le dossier est clos.


Date : 19 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur

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