Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-272

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves qu’aurait subies un homme de 46 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 18 octobre 2020, à 5 h 40, le Service de police d’Ottawa (SPO) a signalé ce qui suit :

Le 17 octobre 2020, à 21 h 9, des agents du SPO se sont rendus dans le secteur de la promenade Prince of Wales et du chemin Barnsdale après que des citoyens eurent fait savoir qu’un véhicule était coincé sur une bordure de trottoir. Le premier agent de police est arrivé sur les lieux à 21 h 22 et a trouvé le plaignant dans le véhicule, en état d’ébriété. Le plaignant est sorti du véhicule et s’est enfui à pied; on l’a ensuite plaqué au sol. Deux autres agents de police sont arrivés sur place et le plaignant a été arrêté. Ce dernier a dit avoir de la difficulté à respirer et a été emmené par les services médicaux d’urgence à l’Hôpital Civic d’Ottawa, où l’on a constaté qu’il avait deux côtes fracturées. Par la suite, le plaignant a reçu son congé de l’hôpital et a été libéré de la garde de la police.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Plaignant :

Homme de 46 ans; a participé à une entrevue

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant a été arrêté dans le secteur de la promenade Prince of Wales et du chemin Barnsdale. Le secteur était doté d’un rond point en cours de construction. La zone était mal éclairée et comportait une route de gravier jonchée de débris divers.

Enregistrements de communications


Appel au 911 – 17 octobre 2020

Le 17 octobre 2020, à 21 h 7, le TC a appelé au centre de communication du SPO par l’intermédiaire du service 9-1-1. Il a indiqué qu’il y avait un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] qui semblait être sous l’influence de l’alcool ou de la drogue et dont le véhicule était bloqué dans le rond point. Le véhicule se trouvait à l’angle de la promenade Prince of Wales et du chemin Barnsdale, son châssis posé sur la bordure de trottoir. Les pneus tournaient toujours et le plaignant avait du mal à s’exprimer. Le TC a décrit le comportement du plaignant comme étant un peu étrange.


Transmissions radio – 17 octobre 2020

Remarque : Les enregistrements reçus par l’UES ne comprenaient pas d’horodatage.

À son arrivée sur les lieux de l’incident, l’AT no 2 a informé le centre de communication que le plaignant venait tout juste de fuir. Peu de temps après, il a indiqué qu’il était par-dessus le plaignant, qui résistait. L’AT no 2 a répété que le plaignant résistait et avait les mains jointes. L’AT no 2 était incapable de séparer ses mains. L’AI est alors arrivé sur place et a apporté son aide pour permettre l’arrestation du plaignant.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part du SPO et les a examinés :
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • entrées dans le terminal des données mobile pour l’AI, l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3;
  • textes narratifs des AT;
  • notes des AT;
  • antécédents du plaignant.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits en fonction des éléments de preuve recueillis par l’UES; de même, le tout peut être résumé brièvement. Vers 21 h 7 le 17 octobre 2020, le SPO a reçu, par l’intermédiaire du 9-1-1, un appel signalant qu’il y avait un conducteur susceptible d’être en état d’ébriété. La personne ayant appelé – le TC – avait croisé le plaignant à l’intersection de la promenade Prince of Wales et du chemin Barnsdale. Le véhicule du plaignant était coincé sur la bordure du rond point en construction à l’intersection et le plaignant continuait d’appuyer sur l’accélérateur dans un effort futile pour se libérer. Remarquant que le plaignant se comportait bizarrement et le soupçonnant d’être ivre, le TC avait alors communiqué avec la police.

L’AT no 2 a été le premier agent à arriver sur les lieux. En s’arrêtant derrière le véhicule du plaignant, l’AT no 2 a allumé les gyrophares de sa voiture et a vu le plaignant sortir de son véhicule, puis traverser le rond point en courant vers l’ouest. Le policier a rattrapé le plaignant, toujours sur le rond point, et l’a saisi. Informé qu’il était en état d’arrestation, le plaignant a refusé de mettre ses bras derrière son dos et a tenté de s’éloigner de l’AT no 2. L’agent a réagi en portant le plaignant au sol.

Une fois au sol, le plaignant s’est débattu alors que l’AT no 2 tentait de le menotter; l’agent a donc eu recours à davantage de force à son endroit. Le plaignant a replié ses bras sous sa poitrine et a refusé de les sortir, ce qui a incité l’AT no 2 à lui donner un coup de genou sur le côté gauche du torse. Le plaignant a continué de résister et, à un certain moment, a essayé de se mettre à genoux. L’AT no 2 a utilisé tout le poids de son corps pour le maintenir au sol et a demandé de l’aide par radio.

L’AI a entendu la demande d’aide de l’AT no 2 et s’est rendu sur les lieux. À son arrivée, le policier s’est placé à droite du plaignant, qui était toujours allongé au sol, sur le ventre. L’AI, incapable de dégager le bras droit du plaignant d’en dessous de son corps, a donné un coup de genou sur le côté droit du torse de celui-ci. Il a donné un deuxième coup de genou quelques instants plus tard, puisque le plaignant refusait toujours de le laisser prendre ses bras. Au deuxième coup, l’AT no 2, qui n’était plus appuyé sur le plaignant, mais qui se trouvait plutôt à sa gauche, a été en mesure de dégager le bras gauche du plaignant et de lui mettre l’un des bracelets des menottes. Peu de temps après, l’AI a pris le contrôle du bras droit du plaignant et l’a ramené dans son dos, après quoi il a pu mettre le deuxième bracelet des menottes.

Après son arrestation, et alors qu’on l’amenait au commissariat de police dans le véhicule de l’AT no 2, le plaignant a dit avoir de la difficulté à respirer et on a alors appelé une ambulance. Le plaignant a été transporté en ambulance à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait de multiples fractures aux côtes du côté droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 17 octobre 2020, le plaignant aurait subi des fractures aux côtes lors de son arrestation par les agents du SPO. En tant qu’agent le plus susceptible d’avoir infligé les blessures, l’AI a été désigné comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et aux blessures du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Compte tenu de l’information qui lui a été fournie au moment où il a été envoyé sur place et de ce qu’il a vu lui même, à savoir le plaignant qui s’enfuyait d’un véhicule qui était inexplicablement bloqué dans un rond point, je suis convaincu que l’AT no 2 avait des motifs d’arrêter légalement le plaignant pour avoir eu la garde ou le contrôle d’un véhicule alors qu’il était en état d’ébriété.

De plus, je suis convaincu que l’AT no 2 et l’AI n’ont utilisé que la force raisonnablement nécessaire pour procéder à l’arrestation du plaignant. Lorsqu’il a rattrapé le plaignant qui s’enfuyait, l’AT no 2 lui a ordonné de placer ses bras derrière son dos. Le plaignant a refusé et a ensuite tenté de se dégager de l’emprise de l’agent. Étant donné les circonstances, à savoir que l’AT no 2 se trouvait seul avec une personne qui semblait être en état d’ébriété et qui montrait bien vouloir résister à son arrestation, je ne peux pas blâmer l’agent d’avoir porté le plaignant au sol. Une fois le plaignant cette position, l’agent allait en effet bénéficier d’un avantage physique afin de mieux gérer toute résistance supplémentaire de la part de celui-ci. Par la suite, le plaignant a continué de résister à son arrestation, refusant de libérer ses bras pour être menotté, et a reçu plusieurs coups de genou, le premier de la part de l’AT no 2, les deux autres donnés par l’AI. Comme il semble que ces coups ont été donnés méthodiquement, l’un après l’autre et seulement lorsqu’il est devenu évident que le plaignant continuerait de lutter avec la même vigueur, je ne suis pas en mesure de conclure que la force employée par les agents et, en particulier, les coups de genou de l’AI, qui ont probablement causé les blessures du plaignant, ne correspondaient pas à ce que demandait la situation.

Par conséquent, comme je suis convaincu, pour les raisons qui précèdent, que l’AI et l’AT no 2 ont agi d’une façon conforme à la loi tout au long de l’arrestation du plaignant, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 19 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.