Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OFP-348

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les coups de feu tirés sur un homme de 42 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES
 

Le 13 décembre 2020, à 9 h 58, le Service de police régional de Peel a avisé l’UES que des coups de feu avaient été tirés sur une personne. Le service de police a signalé que, le 12 décembre 2020, vers 22 h 47, des agents s’étaient rendus à un logement de la rue Queen Est, à Brampton, à cause d’un homme qui menaçait ses voisins avec un couteau.

Lorsque les agents du Service de police régional de Peel sont arrivés, ils ont déterminé que l’homme se trouvait à l’intérieur du logement. Des agents de l’équipe tactique se sont mis en position à proximité du logement et sont entrés en communication avec l’homme. À un certain stade, l’homme est sorti de son logement et a brandi un couteau en menaçant les agents. Les membres de l’équipe d’intervention tactique ont déployé une arme ARWEN ainsi qu’une arme à impulsions contre l’homme. Cela a été sans effet, et l’homme est rentré dans son logement.

Les agents du Service de police régional de Peel ont obtenu un mandat Feeney [1] pour pénétrer dans le logement de l’homme et l’arrêter. Les membres de l’équipe tactique ont fini par entrer et ont découvert que l’homme s’était barricadé dans une chambre. Lorsque les négociations ont échoué, des agents de l’équipe d’intervention tactique sont entrés dans la chambre, où ils se sont retrouvés devant l’homme, qui brandissait un couteau à lame rétractable. Les agents ont déployé une arme ARWEN et une arme à impulsions et ont procédé à l’arrestation du plaignant.

L’homme a par la suite été désigné comme le plaignant.

Celui-ci a été conduit à l’Hôpital Civic de Brampton, où il a été traité pour des blessures qu’il s’était infligées lui-même, vraisemblablement avec le couteau à lame rétractable.

L’équipe
 

Date et heure de l’envoi de l’équipe :     Le 13 décembre 2020, à 11 h 8

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux :     Le 13 décembre 2020, à 12 h 15

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés :     3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés :     2

Aucun témoin civil n’a été trouvé ni interrogé, puisque les événements se sont produits dans le couloir de l’immeuble d’habitation et dans le logement du plaignant.

Les locataires du même étage ont été évacués par la police. Il n’ont donc pu fournir aucun élément de preuve utile pour l’enquête.

Plaignant :


Homme de 42 ans; n’a pas participé à une entrevue [2]


Agents impliqués
 

AI no 1     N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2     N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins
 

AT no 1     A participé à une entrevue

AT no 2     A participé à une entrevue

AT no 3     A participé à une entrevue

AT no 4     A participé à une entrevue

AT no 5     A participé à une entrevue

Les agents témoins ont été interrogés entre le 18 décembre 2020 et le 21 décembre 2020.


Retard de l’enquête

À cause de la pandémie de coronavirus, les enquêteurs de l’UES ont tenté de prendre des arrangements avec le personnel de l’Hôpital Civic de Brampton pour pouvoir interroger le plaignant au téléphone. Malgré de multiples demandes, les enquêteurs n’ont pas réussi à organiser une entrevue téléphonique avec le plaignant.

On a appris plus tard que le plaignant avait été remis sous garde au Centre correctionnel Maplehurst à Milton après avoir reçu son congé de l’hôpital.

Le 17 décembre 2020, des enquêteurs de l’UES ont communiqué avec du personnel du centre correctionnel, qui a indiqué qu’une entrevue téléphonique avec le plaignant serait impossible parce qu’il avait déjà à s’occuper d’une foule de conférences audio et vidéo à organiser pour des audiences de tribunaux, en plus d’avoir à gérer une éclosion de COVID 19 dans ses installations. Le personnel a avisé les enquêteurs de l’UES qu’ils devraient se rendre sur place s’ils voulaient interroger le plaignant. Compte tenu de l’éclosion de COVID 19 au centre correctionnel, les enquêteurs ont jugé plus prudent de ne pas se rendre sur place pour interroger le plaignant.

Les agents témoins ont été désignés le 14 décembre 2020, mais ils devaient partir en congé au moment de la désignation. À leur retour au travail le 18 décembre 2020, ils ont été interrogés par des enquêteurs de l’UES par téléphone.

Éléments de preuve

Les lieux 
 

L’incident est survenu à deux endroits, tous deux situés dans un complexe d’habitation sur la rue Queen Est, à Brampton, soit le couloir de l’étage où résidait le plaignant et son logement.

Schéma des lieux

Scene diagram 

Éléments de preuve matériels 
 

L’UES a recueilli les éléments de preuve ci-dessous dans le couloir (ils semblaient y avoir été déplacés après les événements) :

1 – Douille d’arme ARWEN

2 – Douille d’arme ARWEN

3 – Projectile d’arme ARWEN

4 – Projectile d’arme ARWEN

5 –Douilled’arme à impulsions

6 – Douille d’arme à impulsions

7 – Douille d’arme à impulsions

Figure one
Figure 1 – Douilles et projectiles d’arme ARWEN et portes de cartouche et filin d’arme à impulsions


Le deuxième endroit était l’intérieur du logement du plaignant. De nombreuses pièces d’arme à impulsions jonchaient le sol ainsi qu’une grande quantité de maïs soufflé. Le couloir du logement a été divisé en trois sections, que voici :

     La section ouest, où se trouvaient :
         une sonde d’arme à impulsions;
         une porte de cartouche d’arme à impulsions;
         des identifications anti-criminel.
     La section du milieu, où se trouvaient :
         quatre portes de cartouche d’arme à impulsions;
         des éjecteurs, une sonde et un filin d’arme à impulsions;
         des identifications anti-criminel.
     La section est, où se trouvaient :
         une porte de cartouche et des éjecteurs d’arme à impulsions;
         des identifications anti-criminel.

Figure two
Figure 2 – Pièces d’arme à impulsions qui se trouvaient dans le logement

Deux sondes d’arme à impulsions retrouvées dans le mur est, près du coin nord d’une chambre, ont été récupérées.

Les armes ARWEN et armes à impulsions utilisées ont été photographiées et examinées. 

Figure three  
Figure 3 – Une des armes ARWEM utilisées lors de l’incident

Figure four
Figure 4 – Un couteau à lame rétractable qui se trouvait dans le logement

Figure five  
Figure 5 – Deux couteaux qui se trouvaient dans le logement

Éléments de preuves médicolégaux 
 

Historique des données des cinq armes à impulsions

L’AT no 2 a déployé son arme à impulsions une fois, à 22 h 47 [3].

L’AT no 1 a déployé son arme à impulsions deux fois : à 22 h 52 min 41 s et à 22 h 52 min 42 s.

L’AT no 4 a utilisé son arme à impulsions sept fois : à 8 h 32 min 41 s, à 8 h 32 min 46 s, à 8 h 32 min 51 s, à 8 h 32 min 57 s, à 8 h 33 min 3 s, à 8 h 33 min 8 s et à 8 h 33 min 16 s.

L’AT no 5 a déployé son arme à impulsions cinq fois : à 8 h 33 min 4 s, à 8 h 33 min 6 s, à 8 h 33 min 16 s, à 8 h 33 min 26 s et à 8 h 33 min 32 s.

L’AT no 3 a utilisé son arme à impulsions une fois, à 8 h 33 min 26 s.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies
 

Les rapports du système de répartition assisté par ordinateur du Service de police régional de Peel indiquent que le 12 décembre 2020, à 21 h 7, une femme a appelé le 911. Elle a indiqué au centre de répartition qu’elle était locataire dans un complexe d’habitation sur la rue Queen Est et qu’un voisin, maintenant désigné comme le plaignant, donnait des coups de pied dans sa porte et en avait brisé la poignée. Elle a cependant signalé qu’elle était encore en sécurité à l’intérieur de son logement.

La femme a dit au centre de répartition qu’en regardant par l’œil magique, elle avait vu que le voisin était armé d’un couteau. On a appris plus tard que le beau-frère et la mère de la locataire avaient vu le voisin (plaignant) armé d’un gros couteau de cuisine. La femme a également rapporté que la police avait été appelée au complexe plus tôt dans la journée parce que le même voisin (plaignant) avait troublé la paix. Celui-ci (plaignant) était retourné à son logement. La locataire croyait que le voisin (plaignant) était schizophrène et disait en avoir peur.

Le centre de répartition a informé les agents qui sont intervenus qu’il y avait des mises en garde du Centre d’information de la police canadienne au sujet de l’homme, le plaignant, parce qu’il avait tendance à cracher sur les gens et à porter des armes, et il souffrait d’un [trouble mental].

À 21 h 8, les agents de l’équipe d’intervention tactique ont été informés de la situation. Ces agentsl’équipe, dont l’AI no 1, l’AT no 1, l’AT no 2 et un maître-chien, ainsi que des agents en uniforme ont été dépêchés sur les lieux et ont commencé à sécuriser le complexe de logements à l’intérieur et à l’extérieur pour éviter que le plaignant ne s’échappe.

Le système de répartition assisté par ordinateur a reçu comme information que les agents sur les lieux pouvaient entendre un homme qui semblait agité à l’intérieur d’un logement.

À 22 h, les locataires du même étage ont été évacués par des policiers, et des agents négociateurs ont demandé un interprète. Un commandant de l’équipe d’intervention tactique aurait donné par radio aux agents qui sont intervenus l’ordre de ne pas laisser le plaignant sortir dans l’intérêt de la sécurité publique puisqu’il avait également menacé d’autres résidents du complexe.

À 22 h 43, les membres de l’équipe d’intervention tactique ont commencé à communiquer par radio les agissements de l’homme (plaignant). Une communication a indiqué que la porte du logement était légèrement ouverte et qu’on entendait, du fond du logement, l’homme crier et menacer de tuer les agents et le propriétaire. On pouvait entendre des bruits de cognements d’objets à l’intérieur du logement.

À 22 h 47, une communication par radio de l’équipe d’intervention tactique a signalé que l’homme (plaignant) était sorti du logement. Une arme à impulsions a alors été déployée, et le plaignant est retourné à l’intérieur de son logement.

À 22 h 50, des membres de l’équipe d’intervention tactique ont communiqué que le plaignant claquait la porte de son logement, qu’il l’ouvrait et la fermait, qu’il était armé d’un couteau, qu’il avait proféré des menaces et qu’il était retourné à l’intérieur de son logement. Un membre de l’équipe d’intervention tactique a ajouté que les options les moins létales avaient été utilisées, sans succès.

À 22 h 55, une communication par radio de l’équipe d’intervention tactique a rapporté que le plaignant avait brisé la barricade de l’équipe d’intervention tactique qui avait été installée sur la porte du logement.

À 22 h 57, on a entendu le plaignant crier depuis le fond du logement.

À 23 h, une communication par radio de l’équipe d’intervention tactique a signalé que tout était silencieux à l’intérieur du logement. Le plaignant avait été isolé et enfermé à l’intérieur de son logement pendant que les négociateurs de l’équipe d’intervention tactique tentaient de négocier avec lui. Des ambulanciers spécialisés en soins avancés sont arrivés sur les lieux et ont reçu comme instruction d’attendre sur place.

À 23 h 43, un membre de l’équipe d’intervention tactique a communiqué que le plaignant semblait briser des choses à l’intérieur de son logement.

À 5 h 28, un membre de l’équipe d’intervention tactique a rapporté que le négociateur de l’équipe d’intervention tactique avait cogné à la porte du logement, mais n’avait pas reçu de réponse de la part du plaignant.

À 6 h 56, des membres de l’équipe d’intervention tactique du (quart de jour), dont l’AI no 2, l’AT no 3 et l’AT no 4, ont communiqué qu’ils étaient sur les lieux.

Entre 8 h 15 et 8 h 40, des communications par radio ont indiqué que des membres de l’équipe d’intervention tactique étaient entrés dans le logement du plaignant et l’avaient arrêté.

À 8 h 45, un membre de l’équipe d’intervention tactique a rapporté qu’un agent qui pouvait servir d’interprète, était arrivé sur les lieux et que le logement du plaignant était sécurisé.

Documents obtenus du service de police
 

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police régional de Peel du 14 décembre 2020 au 28 janvier 2021 :

  •  le rapport détaillé de l’appel du système de répartition assisté par ordinateur;
  •  les notes des AT;
  •  le rapport d’incident;
  • le télémandat et les annexes y étant jointes;
  •  la directive préliminaire du Service de police régional de Peel sur le contrôle des périmètres et le confinement;
  •  la directive du Service de police régional de Peel sur les interventions en cas d’incident.

Description de l’incident

Le scénario qui suit se dégage des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des agents qui ont participé à l’intervention policière et qui étaient présents au moment du déploiement des armes ARWEN. Malheureusement, on n’a pu joindre le plaignant pour l’interroger. Aucun des deux agents impliqués n’a consenti à participer à une entrevue de l’UES ni à remettre ses notes relatives à l’incident, comme la loi les y autorise.

Vers 21 h 7 le 12 décembre 2020, le Service de police régional de Peel a reçu un appel au 911 d’une locataire d’un immeuble d’habitation de la rue Queen Est, à Brampton, qui signalait un incident. Elle a indiqué qu’un de ses voisins (plaignant) donnait des coups de pied à sa porte et avait cassé la poignée. Le plaignant, au dire de la femme, était armé d’un couteau et souffrait de maladie mentale.

Le Service de police régional de Peel a dépêché sur les lieux une équipe d’intervention tactique composée de l’AI no 1, de l’AT no 1 et de trois autres agents. Ils se sont dirigés à l’étage où vivait le plaignant et ont entrepris d’évacuer les résidents du secteur. Le plaignant s’était alors enfermé dans son logement. Un agent a tenté en vain de communiquer avec lui à travers la porte. Un bruit de verre brisé et des cris du plaignant ont été entendus de l’intérieur du logement. Le plaignant aurait également menacé de tuer les agents et son propriétaire. Pour empêcher le plaignant de sortir brusquement de son logement, les agents ont attaché la porte avec de la corde.

Alors que les agents poursuivaient leurs tentatives de négociation, le plaignant a ouvert la porte de son logement. Constatant que la poignée était attachée avec une corde, il s’est mis à crier tout en claquant et en secouant violemment la porte. La corde s’est rompue, et le plaignant a franchi le seuil de la porte, brandissant un couteau dans sa main gauche et menaçant de nouveau de tuer les agents et son propriétaire. Selon les différents témoignages obtenus, le couteau était muni d’une lame de 15 à 25 centimètres de long.

Comme le plaignant n’a pas obtempéré à l’ordre de lâcher le couteau, l’un des agents, l’AT no 2, a déchargé son arme à impulsions sur le plaignant. Il était alors 22 h 47 environ. Une seule des deux sondes a atteint sa cible, et le plaignant a pu retraiter dans son logement, refermant la porte derrière lui. Quelques minutes plus tard, le plaignant est ressorti, menaçant encore de tuer les agents. Cette fois, l’AI no 1 a tiré deux coups de feu avec son arme ARWEN, à peu près au même moment où l’AT no 1 a déchargé son arme à impulsions. Aucune arme n’a permis d’immobiliser le plaignant, qui est une fois de plus retourné dans son logement. L’impasse s’est prolongée, le plaignant et les agents maintenant leur position à l’intérieur et à l’extérieur de l’logement.

Toute la nuit, les négociateurs ont tenté d’établir la communication avec le plaignant, dans le but de le convaincre de se rendre calmement. Pendant ce temps, la police a demandé et obtenu un mandat Feeney, l’autorisant à entrer de force dans l’logement pour procéder à l’arrestation du plaignant. Le mandat a été obtenu vers 7 h 50.

Après réception du mandat Feeney, il a été décidé que les agents de l’équipe d’intervention tactique allaient entrer dans logement pour appréhender le plaignant. À ce moment-là, une nouvelle équipe d’intervention tactique était arrivée en relève. Vers 8 h 15, l’équipe est entrée dans l’logement et a trouvé le plaignant dans une chambre, assis sur un lit. De l’extérieur de la chambre, derrière la porte entrouverte, les agents ont parlé au plaignant, lui assurant qu’ils étaient là pour l’aider et lui demandant de se rendre calmement. Le plaignant tenait un couteau à lame rétractable bleu. Près de lui, sur une commode, se trouvait un grand couteau de cuisine. Le plaignant a dit qu’il n’aimait pas les policiers et qu’il voulait les tuer.

Après une dizaine de minutes de négociation à travers l’embrasure de la porte, le plaignant s’est levé du lit en levant le couteau à lame rétractable au-dessus de sa tête, avant de recevoir un projectile de l’arme ARWEN tiré par l’AI no 2. Presque au même instant, un autre agent de l’équipe d’intervention tactique, l’AT no 4, a déchargé son arme à impulsions en direction du plaignant, qui est tombé vers l’avant sur le sol. Les agents sont entrés dans la chambre, et l’AT no 4 a de nouveau déchargé son arme à impulsions sur le plaignant, tout comme l’ont fait l’AT no 5 et l’AT no 3, le plaignant tenant toujours le couteau dans sa main droite. Les agents se sont ensuite approchés du plaignant, ont maîtrisé ses bras et l’ont menotté.

Le plaignant n’a pas semblé avoir subi de blessures graves aux mains de la police au cours de l’incident. Il a été conduit à l’hôpital, où l’on a diagnostiqué des lacérations qui semblaient être auto-infligées, et gardé pour une évaluation psychiatrique.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a eu, avec des agents du Service de police régional de Peel, une longue confrontation allant de la soirée du 12 décembre 2020 au matin du 13 décembre 2020. Au cours de l’intervention policière, qui s’est terminée par l’arrestation du plaignant, deux agents du Service de police régional de Peel ont déployé des armes ARWEN [4]. Les deux agents en question, soit les AI nos 1 et 2, ont été identifiés comme les agents impliqués pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en relation avec les coups tirés avec des armes ARWEN.

Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Le plaignant s’en était pris à une voisine qui était dans son logement, derrière une porte verrouillée, en donnant des coups de pied sur sa porte pendant qu’il avait un couteau à la main. Par la suite, lorsque les agents de police se sont rendus à son logement, le plaignant a menacé, à plusieurs reprises, de les tuer et, à une occasion, il a brandi un couteau devant eux. Au vu du dossier, j’ai la conviction que l’arrestation du plaignant par les agents était motivée, vu les menaces proférées contre eux et son utilisation d’une arme, qui constituent des infractions.

Par ailleurs, les éléments de preuve sont insuffisants pour conclure que les coups tirés avec l’arme ARWEN par les AI nos 1 et 2 représentaient une force excessive. Les deux coups ont été tirés durant les négociations prolongées avec le plaignant, durant lesquelles il n’a pas été possible de le convaincre de lâcher son arme et de se rendre à la police. Les agents ont continué de tenter de le persuader même une fois qu’il a ouvert la porte de son logement, avant que deux coups d’arme ARWEN soient tirés par l’AI no 1 [5]. Dans les circonstances, puisque le plaignant se tenait sur le seuil de sa porte tout en menaçant les agents et en tenant un couteau, je considère que l’AI no 1 a agi de manière raisonnable en tentant de le neutraliser à partir d’une certaine distance à l’aide d’une arme à faible risque de mortalité . On peut en dire autant de l’utilisation faite par l’AI no 2 de son arme. Encore une fois, l’agent n’a déployé son arme ARWEN que lorsque le plaignant s’est levé de son lit avec un couteau à la main, après plusieurs minutes de négociations à l’intérieur du logement. Cette fois, il semblerait que l’arme ait eu l’effet recherché, et l’utilisation par l’AT no 4 de son arme à impulsions y a peut être aussi contribué. Le plaignant est alors tombé au sol, et les agents ont donc pu s’approcher et le maîtriser en toute sécurité.

En définitive, comme j’estime que les deux agents impliqués ont utilisé leur arme ARWEN de façon prudente et raisonnable durant les manœuvres policières visant à arrêter le plaignant, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.


Date : 20 avril 2021
Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Nom donné d’après l’arrêt de la Cour suprême du Canada R c. Feeney, [1997] 2 RCS 13. Ce type de mandat permet à des agents d’entrer de force dans un logement pour procéder à une arrestation qui serait autrement illégale. [Retour au texte]
  • 2) Les tentatives répétées visant à communiquer avec le plaignant et à organiser une entrevue n’ont pas abouti. [Retour au texte]
  • 3) Les heures d’utilisation des armes à impulsions proviennent de leurs horloges internes. Celles-ci ne sont pas nécessairement coordonnées entre elles et ne donnent pas nécessairement l’heure véritable. [Retour au texte]
  • 4) Arme à feu tirant des projectiles qui ne comporte qu’un faible risque de tuer quelqu’un. [Retour au texte]
  • 5) Il semblerait qu’au moins un projectile ait atteint le plaignant. [Retour au texte]
  • 6) Les éléments de preuve donnent l’impression que l’AI no 1 était à une distance de cinq à six mètres du plaignant lorsqu’il a tiré avec son arme ARWEN. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.