Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TCI-045

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures subies par un homme de 29 ans (le « plaignant ») pendant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES
 

Le 10 février 2021, à 23 h 34, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES des blessures subies par le plaignant.

Le SPT a fait savoir que le 10 février 2021, à 18 h 50, des policiers du SPT (cinq agents et un sergent) se sont rendus au domicile du plaignant, près de la rue Dundas Ouest et de l’avenue Kipling, pour l’arrêter conformément à une formule 2 en vertu de la Loi sur la santé mentale. Alors qu’il devait monter à bord du véhicule de police, le plaignant s’est mis à résister et à lutter avec les agents. À ce moment-là, le sergent se trouvait dans le domicile. Les cinq agents ont pu contrôler le plaignant. Ce dernier a été emmené au Centre de santé St-Joseph où, à 21 h 50, on a constaté qu’il avait subi des fractures au tibia et au péroné de la jambe droite.

L’équipe
 

Date et heure de l’envoi de l’équipe :     11 février 2021, à 9 h 53

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux :     11 février 2021, à 12 h 27

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés :     3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés :     0

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés :     0

Personne concernée (« plaignant ») :


Homme de 29 ans, a participé à une entrevue le 2 mars 2021, et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils (TC)
 

TC no 1     A participé à une entrevue

TC no 2     A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 11 février 2021.

Agents impliqués (AI)


AI no 1     N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2     N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

L’UES a été avisée que les AI avaient refusé de se soumettre à une entrevue et de remettre leurs notes le 24 février 2021.


Agents témoins (AT)
 

AT no 1     A participé à une entrevue

AT no 2     A participé à une entrevue

AT no 3     A participé à une entrevue

AT no 4     A participé à une entrevue

AT no 5     A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 17 et le 19 février 2021.


Retards dans l’enquête

On a effectué des entrevues avec tous les agents témoins désignés dès que possible, en tenant compte de leurs jours de congé après l’incident et du fait qu’ils travaillaient pendant le quart de nuit. On a ainsi réalisé les entrevues par téléconférence au début des quarts de nuit respectifs de ces agents.

En raison de la pandémie de COVID-19 et des protocoles connexes, des mesures ont été prises pour permettre aux enquêteurs de l’UES de réaliser des entrevues avec le plaignant, les témoins civils et les agents témoins par téléphone.

Éléments de preuve

Les lieux
 

L’incident s’est produit dans la rue devant la résidence du plaignant, près de la rue Dundas Ouest et de l’avenue Kipling. Le véhicule de police de l’AT no 3 était stationné dans la rue, directement devant la résidence.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies
 

Sommaire des enregistrements des communications du SPT

Les enregistrements des communications audio et la chronologie des événements sont résumés ci-dessous.

À 18 h 51 min 25 s, une femme, désignée comme étant la TC no 1, dit à la téléphoniste qu’elle a en sa possession une formule 2 (Loi sur la santé mentale) pour l’arrestation de son fils, le plaignant. Elle explique que l’état de santé mentale de son fils est instable et que les médicaments qu’il prend ne fonctionnent pas, précisant que son fils est instable, agité et agressif, que ses pensées sont confuses et qu’il a reçu un diagnostic de trouble bipolaire il y a plus de 20 ans. Elle indique qu’il n’est pas violent pour le moment, et qu’il ne l’a pas été au cours de la journée, mais qu’il est possible qu’il le devienne. Elle dit aussi que [traduction] « les policiers n’ont pas besoin d’arriver avec leur arme à feu à la main ». Elle indique que le plaignant n’a pas pris de drogue, mais qu’il pourrait avoir consommé de l’alcool. Elle ajoute qu’il ne sait pas qu’elle a appelé la police parce qu’elle ne veut pas qu’il quitte le domicile. La TC no 1 demande si l’équipe spécialisée en santé mentale, soit l’équipe mobile d’intervention en situation de crise, est disponible. La téléphoniste dit que l’équipe travaille habituellement le soir et qu’elle est très occupée, mais qu’elle allait néanmoins demander l’intervention de celle-ci. La TC no 1 dit qu’elle préférerait que la police arrive le plus tôt possible, plutôt que d’attendre que l’équipe mobile d’intervention en situation de crise soit disponible. La TC no 1 fait part d’un incident semblable survenu en décembre, dans le cadre duquel les agents ont été très compétents et empathiques, ce qu’elle a apprécié. La téléphoniste indique que les agents se présenteraient dans un délai d’une heure.

À 18 h 58 min 34 s, l’AT no 3 et l’AI no 1 sont dépêchés sur les lieux.

À 19 h 3 min 45 s, des superviseurs du SPT sont avisés de l’appel concernant un cas de « PPE » [1].

À 19 h 22 min 57 s, on transmet à l’AT no 3 et à l’AI no 1 les détails donnés par la TC no 1. L’AI no 1 demande si l’équipe mobile d’intervention en situation de crise est en mesure d’intervenir, et on lui répond que non.

À 19 h 50 min 37 s, l’AT no 3 et l’AI no 1 arrivent sur les lieux.

À 20 h 7 min 52 s, l’AT no 3 demande de l’aide et explique qu’un homme est au sol et résiste à son arrestation. L’AI no 2, l’AT no 1 et l’AT no 2 se portent volontaires pour se rendre sur place.

À 20 h 9 min 24 s, l’AT no 3 signale que l’homme a été mis sous garde et que les autres unités peuvent ralentir.

À 20 h 11 min 13 s, l’AT no 5 arrive sur les lieux.

À 20 h 14 min 54 s, l’AT no 4 arrive sur les lieux.

À 20 h 25 min 17 s, l’AI no 2 demande une ambulance pour un homme qui se plaint d’une blessure au pied droit.

À 20 h 35 min 30 s, un agent indique que l’ambulance est sur les lieux.

Aucune autre information pertinente pour les besoins de l’enquête n’a été communiquée par radio.
     

Sommaires des enregistrements vidéo captés par les caméras corporelles

Les résumés suivants des images captées par les caméras corporelles des agents concernés sont axés sur l’interaction entre les agents du SPT et le plaignant près du véhicule de police de l’AT no 3 et à bord de celui-ci; le véhicule était stationné dans la rue, devant la résidence.

AI no 2
À 20 h 22 min 55 s, en attendant qu’on ouvre la portière arrière, le plaignant pose une question à propos de ses effets personnels. On lui dit qu’on ne les lui remettra pas et qu’ils sont dans un sac à cet effet. L’AT no 3 ouvre la portière. On guide le plaignant vers l’ouverture menant au siège arrière. On entend le plaignant dire [traduction] « oh, va te faire foutre… » On entend ensuite un agent dire « dans la voiture, mon gars ». Le plaignant dit « aïe, je crois que tu as, aïe, ma foutue… ». Un agent dit « attends ». Puis, le plaignant dit « je crois que ma cheville est cassée », et un agent répond « dans la voiture ». L’AT no 2 ferme la portière du véhicule.

À 20 h 28 min 31 s, l’AT no 5 demande si tout le monde va bien. On entend le plaignant crier [traduction] « je pense que ma cheville est cassée ». L’AT no 5 parle avec le plaignant, ouvre la portière arrière du véhicule et apprend que le plaignant a mal à la cheville droite. Le sergent aide le plaignant, verbalement, à se repositionner pour que ses jambes soient à l’extérieur du véhicule. On appelle une ambulance, qui arrive sur les lieux. On examine le plaignant et on l’aide à se rendre, en sautillant sur son autre jambe, jusqu’à l’ambulance. On place le plaignant sur une civière, puis on l’emmène à l’hôpital. L’AI no 2 n’aide pas le plaignant; il reste debout, à l’écart.

AI no 1
À 20 h 22 min 7 s, on emmène le plaignant hors de la cuisine et vers la porte de devant de la résidence. L’AI no 1 tient le bras droit du plaignant, et l’AI no 2, son bras gauche. Les agents marchent avec le plaignant dans le couloir, sortent par la porte de devant et se rendent dans la rue.

À 20 h 22 min 43 s, la portière arrière du côté conducteur du véhicule de police de l’AT no 3 est ouverte. L’AI no 1 tient le bras droit du plaignant, tandis que l’AI no 2 s’occupe de son bras gauche. Le plaignant est appuyé contre le cadre de la portière, qui est ouverte, et l’AI no 1 et l’AI no 2 sont derrière lui. La caméra corporelle de l’AI no 1 est obstruée par le dos du plaignant. Le plaignant s’arrête devant la portière ouverte et lance un cri de douleur lorsque les agents le poussent vers l’avant. La caméra corporelle est obstruée et on ne voit pas ce qui se passe devant la portière.

À 20 h 23 min 17 s, le plaignant crie que sa cheville est cassée. L’AI no 1 recule, puis l’AI no 2 pousse le plaignant sur le siège arrière du véhicule de police. L’AI no 2 permet ensuite au plaignant de s’installer sur le siège arrière du véhicule, puis, une fois que les deux jambes du plaignant sont à l’intérieur, il ferme la portière.

À 20 h 24 min 20 s, le plaignant crie [traduction] « je pense que ma cheville est cassée. Ma cheville est cassée ». L’AI no 1 dit quelque chose qui ressemble à « lorsque nous nous apprêtions à le placer dans le véhicule, [le plaignant] a sauté, les pieds sur le côté ». L’AT no 5 se rend à la vitre de la voiture et demande « quoi? ». Le plaignant répète que sa cheville est cassée. L’AT no 5 ouvre la portière du côté passager et demande au plaignant de se retourner et de sortir ses jambes. On appelle une ambulance.

À 20 h 35 min 10 s, l’ambulance arrive. Un ambulancier paramédical examine le pied droit du plaignant et explique que la seule façon de bien l’examiner serait de le faire à l’hôpital. Avec de l’aide, le plaignant se rend en sautillant jusqu’à la portière latérale de l’ambulance. On le place ensuite sur une civière, puis à l’arrière de l’ambulance.

À 20 h 41 min 35 s, l’ambulancier paramédical demande à l’AI no 1 ce qui a causé la blessure. L’AT no 1 dit qu’ils étaient en train de placer le plaignant dans le véhicule de police, mais que celui-ci a résisté et s’est relevé, et que l’autre agent et lui ont alors reculé. Il ajoute que le plaignant est ensuite tombé au sol.

AT no 5
À 20 h 22 min 10 s, le plaignant marche, escorté par la police, depuis la cuisine vers la porte de devant de la résidence. Il marche sans douleur apparente aux jambes. L’AI no 1 et l’AT no 3 le font sortir par la porte de devant. L’AT no 1 et l’AT no 2 suivent.

À 20 h 22 min 29 s, on voit l’AT no 4 et l’AT no 5 dans la résidence, près de la porte de devant, qui parlent avec la TC no 1 et le TC no 2. La TC no 1 remercie les agents.

À 20 h 23 min 20 s, l’AT no 5 sort de la résidence, tandis que l’AT no 4 reste à l’intérieur. L’AT no 5 se rend dans la rue et rejoint les agents qui s’occupent du plaignant. L’AT no 5 demande à l’AI no 1 d’activer la caméra à bord du véhicule de police.

À 20 h 24 min 23 s, le plaignant déclare [traduction] « hé, mes chevilles sont cassées ». L’AT no 5 demande aux agents ce qui s’est passé. On entend une réponse, mais on ne sait pas de quel agent elle provient. Un agent dit « lorsque nous avons voulu le placer dans le véhicule, il a levé les pieds, ou quelque chose comme ça ». L’AT no 5 demande au plaignant à quelle cheville il a mal, puis lui demande de se retourner pour sortir ses jambes du véhicule, ajoutant qu’on a appelé une ambulance.

À 20 h 35 min 53 s, une ambulance arrive sur les lieux. Des ambulanciers paramédicaux examinent le plaignant. Le plaignant continue de demander des comprimés de Tylenol ou d’Advil. Le plaignant sautille jusqu’à l’ambulance et est placé sur une civière.

À 20 h 41 min 5 s, l’AT no 5 demande à l’AT no 1 de monter dans l’ambulance pour se rendre à l’hôpital.

À 20 h 41 min 56 s, l’AI no 1 explique à l’ambulancier paramédical que le plaignant a placé son pied sur le cadre de la portière, qu’il s’est poussé vers le haut et qu’il est tombé au sol. L’AT no 1, qui se trouve maintenant dans l’ambulance, déplace les menottes depuis l’arrière vers l’avant du plaignant. L’un des bracelets se trouve toujours au poignet du plaignant, alors que l’autre est attaché à la civière.

À 20 h 47, l’ambulance quitte les lieux.

AT no 3
À 20 h 22 min 50 s, le plaignant arrive près de la portière arrière du côté conducteur du véhicule aux couleurs de la police. L’AT no 3 ouvre la portière et le plaignant se place à côté de celle-ci. L’AI no 2 semble se propulser vers l’avant, en direction du plaignant. L’éclairage est mauvais et la portière arrière empêche de bien voir le plaignant, l’AI no 2 et l’AI no 1.Le plaignant semble tomber en criant, et il hurle [traduction] « aïe, va te faire foutre ». On entend une autre voix dire « dans la voiture ». Le plaignant dit « aïe, ma foutue… », puis une autre voix dit « dans la voiture »; on ferme ensuite la portière.

À 20 h 23 min 29 s, l’AT no 5 arrive près du véhicule de police et vérifie si les agents et le plaignant vont bien; on repositionne ce dernier de manière à ce que ses jambes soient à l’extérieur de la voiture.

AT no 1
À 20 h 21 min 24 s, on dit au plaignant que ses effets personnels seront envoyés avec lui à l’hôpital; le plaignant, pour sa part, conteste la validité de la formule 2. On escorte le plaignant depuis la cuisine jusqu’à la porte de devant de la résidence. Il marche sans se plaindre d’une blessure et est escorté par l’AI no 1 et l’AI no 2, qui tiennent chacun l’un de ses bras; l’AT no 3 et l’AT no 1 les suivent.

À 20 h 23 min 10 s, on emmène le plaignant jusqu’à un véhicule du SPT, conduit par l’AT no 3 et stationné dans la rue, devant la résidence. La portière arrière du côté passager est ouverte. L’AI no 1 se trouve à la droite du plaignant, et l’AI no 2, à sa gauche. Les agents emmènent le plaignant à la portière ouverte. Le plaignant place ses deux pieds sur le bas du cadre de la portière, ce qui l’empêche d’être placé sur le siège arrière. Le plaignant raidit les jambes et se lève, s’appuyant sur le bas du cadre de la portière. Sa tête dépasse le haut du véhicule de police, un Ford Taurus. L’AI no 2 et l’AI no 1 poussent ensuite le plaignant sur le siège arrière.

À 20 h 23 min 12 s, le plaignant crie de douleur et est poussé plus loin à l’arrière du véhicule de police. Le plaignant prend place sur le siège arrière et dit que sa cheville est cassée. L’AI no 2 ferme la portière avec force.

À 20 h 23 min 49 s, l’AT no 5 arrive dans la rue et donne des instructions aux agents. Le plaignant dit que sa cheville est cassée.

À 20 h 24 min 26 s, le plaignant dit encore une fois, depuis l’arrière du véhicule, que sa cheville est cassée. L’AT no 5 parle au plaignant et lui demande ce qu’il a dit. Le plaignant répète que sa cheville est cassée. L’AT no 5 ouvre la portière arrière et demande au plaignant d’ajuster sa position pour que ses jambes soient à l’extérieur du véhicule.

À 20 h 34 min 7 s, le plaignant demande des médicaments contre la douleur qu’il a chez lui. Les agents refusent. Les agents permettent au plaignant de remettre ses pieds dans le véhicule de police pour se réchauffer, puis ferment la portière.

À 20 h 35 min 10 s, une ambulance arrive sur les lieux, et un ambulancier paramédical examine le plaignant, qui est assis dans le véhicule, à proximité de la portière ouverte. L’ambulancier paramédical dit qu’il n’arrive pas à déterminer si la cheville est cassée et qu’il faut emmener le plaignant à l’hôpital.

À 20 h 38 min, le plaignant sautille sur une distance d’environ trois mètres, depuis le véhicule de police jusqu’à la portière latérale de l’ambulance. On le place ensuite sur une civière, tandis qu’il est toujours menotté, les mains derrière le dos.

À 20 h 42 min 15 s, l’AT no 1 entre dans l’ambulance et déplace les menottes du plaignant pour qu’elles ne soient plus derrière son dos; il les attache à l’un des bras de la civière. L’ambulancier paramédical demande au plaignant comment sa blessure est survenue. Le plaignant ne donne pas d’explication. On offre au plaignant des comprimés de Tylenol et d’Advil, de même qu’un bloc réfrigérant pour soulager sa douleur.

À 20 h 54 min 20 s, l’ambulance quitte les lieux, et l’AT no 1 est à bord. L’ambulancier paramédical demande encore une fois au plaignant ce qui est arrivé à sa jambe, et le plaignant ne répond pas.

À 21 h 10 min 45 s, l’ambulancier paramédical demande à l’AT no 1 ce qui a causé la blessure au pied du plaignant. L’AT no 1 répond que le plaignant a placé ses pieds sur le cadre de la portière.

AT no 2
À 20 h 22 min 17 s, l’AT no 2 ouvre la porte de devant de la résidence, tandis que d’autres agents et le plaignant s’approchent. Alors que le plaignant marche, l’AI no 2 tient son bras gauche, et l’AI no 1, son bras droit. L’AT no 3 les suit, comme le fait l’AT no 1, puis l’AT no 2. Ils marchent jusqu’à un véhicule de police stationné dans la rue, devant la résidence.

À 20 h 23 min 4 s, l’AT no 3 ouvre la portière arrière du côté passager. L’éclairage est minimal. Au départ, il y a peu de mouvement, mais il y a ensuite de l’agitation. On entend [traduction] « va te faire foutre », puis « aïe, ma foutue… ». L’AI no 2 parvient à maîtriser le plaignant et lui dit de monter « dans la voiture »; la portière est ensuite fermée.

À 20 h 23 min 27 s, l’AT no 5 est avec les autres agents, dans la rue; il leur demande s’ils vont bien et il confirme que le plaignant ira au Centre de santé St-Joseph. On entend le plaignant dire [traduction] « ma jambe est cassée ». L’AT no 5 parle au plaignant par la portière avant qui est ouverte et lui demande « qu’est-ce qu’il y a, mon ami? On s’en va à l’hôpital ». Il ouvre ensuite la portière arrière et le plaignant lui dit qu’il a mal à la cheville droite. On aide alors le plaignant à changer de position; il est toujours assis dans le véhicule de police, mais ses jambes sont à l’extérieur. On demande ensuite une ambulance.

À 20 h 30 min 26 s, le plaignant est assis en silence sur le siège arrière du véhicule de police et respire fort; personne ne parle en attendant l’ambulance. L’AI no 1 reste avec le plaignant, qui demande des analgésiques. On lui répond que l’ambulance arrivera bientôt et on lui conseille de ralentir sa respiration.

À 20 h 41 min 59 s, une ambulance arrive et le plaignant est examiné par un ambulancier paramédical. On le sort du véhicule de police. Il ne peut pas mettre de poids sur son pied droit. Il sautille jusqu’à l’ambulance, aidé par l’AI no 1 et l’AT no 2. Puisqu’il est incapable d’entrer dans l’ambulance par lui même, on le place sur une civière, puis dans l’ambulance.

Documents obtenus du service de police
 

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPT entre le 12 février 2021 et le 8 mars 2021 :

  •  notes – AT no 2;
  •  notes – AT no 3;
  •  notes – AT no 5;
  •  notes – AT no 1;
  •  notes – AT no 4;
  •  rapport sur les détails de l’événement du système de répartition assistée par ordinateur;
  •  rapport d’incident général;
  •  rapport sur les détails de l’événement du système de répartition assistée par   ordinateur d’Intergraph;
  •  formation – recours à la force – AT no 2;
  •  formation – recours à la force – AT no 3;
  •  formation – recours à la force – AT no 5;
  •  formation – recours à la force – AI no 2;
  •  formation – recours à la force – AT no 1;
  •  formation – recours à la force – AT no 4;
  •  formation – recours à la force – AI no 1;
  •  enregistrements des communications au 9 1 1 et du SPT;
  •  images captées par la caméra corporelle de tous les agents concernés.

Éléments obtenus auprès d’autres sources


L’UES a reçu les éléments suivants d’autres sources :

  •  dossiers médicaux du plaignant, reçus le 5 mars 2021.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont produits au moyen des entrevues réalisées avec les agents qui étaient présents au moment de l’incident ainsi que des enregistrements vidéo captés par les caméras corporelles de ces agents. Comme la loi les y autorise, les agents impliqués ont choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique leurs notes concernant l’incident.

Peu avant 19 h, le 10 février 2021, des agents ont été dépêchés à une résidence près de la rue Dundas Ouest et de l’avenue Kipling pour procéder à l’arrestation du plaignant. La mère de ce dernier, la TC no 1, avait appelé la police quelques instants auparavant, indiquant que son époux et elle avaient obtenu une ordonnance judiciaire aux termes de la Loi sur la santé mentale selon laquelle le plaignant devait se rendre à l’hôpital pour y subir un examen. Le plaignant, qui souffre du trouble bipolaire, s’était montré agressif envers ses parents, et ceux ci craignaient pour leur sécurité ainsi que pour la sienne.

L’AI no 1 et son partenaire, l’AT no 3, sont les premiers agents à être arrivés à la résidence – une maison unifamiliale. Ils ont parlé avec le TC no 2 à l’extérieur de la résidence, qui a confirmé que son épouse et lui craignaient pour leur sécurité, ajoutant que le plaignant l’avait menacé avec un couteau plus tôt cette journée-là. Le plaignant était dans la cuisine en train de souper lorsque les agents se sont approchés de lui. Pendant environ 15 minutes, les agents ont expliqué le but de leur visite, c’est-à-dire de le mettre sous garde pour qu’il puisse être examiné à l’hôpital. Le plaignant est devenu agité, a dit qu’il n’avait pas l’intention d’aller à l’hôpital et a résisté lorsque les agents ont tenté de procéder à son arrestation.

Après une brève lutte sur le plancher de la cuisine, l’AI no 1 et l’AT no 3 ont menotté le plaignant avec les mains devant lui. D’autres agents, notamment l’AI no 2, ont commencé à arriver sur les lieux en réponse à un appel d’aide transmis par l’AI no 1 tandis que les parties luttaient au sol. Les agents ont rajusté les menottes du plaignant, veillant à lui placer les bras dans le dos, et l’ont emmené à l’extérieur de la résidence, jusqu’à un véhicule de police stationné à proximité.

Le plaignant a été escorté jusqu’à la portière arrière du côté conducteur du véhicule de l’AT no 3 par l’AI no 1, qui lui tenait un bras, et l’AI no 2, qui lui tenait l’autre bras. Une fois à la hauteur du véhicule, devant la portière ouverte, le plaignant a placé ses pieds sur le bas du cadre, a raidi ses jambes et a poussé vers l’arrière, refusant de monter dans le véhicule. Lorsque ses pieds sont retombés au sol, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont poussé le plaignant dans le véhicule, puis ont fermé la portière. C’est environ à ce moment-là que le plaignant a crié de douleur.

L’AT no 5, qui s’était présenté sur les lieux pour apporter son aide, s’est approché du véhicule, et on lui a dit que le plaignant avait mal. Il a questionné le plaignant, qui lui a dit que sa cheville était cassée. On a ouvert la portière arrière pour permettre au plaignant de placer ses jambes à l’extérieur du véhicule de police pendant que l’on appelait et attendait l’ambulance.

À l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, le plaignant a été placé sur une civière, puis dans l’ambulance, et transporté à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait des fractures au tibia et au péroné de la jambe droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 10 février 2021, le plaignant a subi des fractures au bas de la jambe droite alors qu’il était sous la garde du SPT. L’AI no 1 et l’AI no 2, qui ont participé à la mise sous garde du plaignant, ont été désignés comme agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Je reconnais que les agents étaient en droit de procéder à l’arrestation du plaignant. Les parents du plaignant, qui étaient véritablement inquiets pour la santé mentale de celui-ci, avaient obtenu une ordonnance judiciaire autorisant l’arrestation de leur fils par des agents de police dans le but de lui faire subir un examen psychiatrique.

Pour ce qui est des événements qui ont suivi, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que les agents ont employé une force excessive. Lorsque le plaignant a placé ses pieds sur le cadre de la portière de la voiture de police et qu’il a poussé en vue de se donner un élan vers l’arrière, contre les agents, refusant ainsi de monter dans le véhicule, les agents étaient en droit de répondre en ayant recours à une certaine force. Quant à la nature et à l’ampleur de cette force, il faut savoir que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont répondu à la poussée du plaignant en poussant eux mêmes, ce qui a fait en sorte que le plaignant s’est retrouvé sur le siège arrière du véhicule. Les agents n’ont donné aucun coup. À cet égard, je suis d’avis que la force utilisée par les agents correspondait bien à ce que demandait la situation.

En conclusion, peu importe si les fractures du plaignant sont survenues lorsque ses pieds sont retombés au sol après qu’il eut poussé en s’appuyant sur le cadre de la portière de la voiture de police ou lorsque les agents l’ont eux-mêmes poussé sur le siège arrière du véhicule, je suis convaincu que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont agi en toute légalité tout au long de l’interaction. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 19 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

Note:

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