Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TVI-082

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 28 ans (« le plaignant »)

L’enquête

Notification de l’UES

Le 12 avril 2020, à 20 h 54, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’UES et donné le rapport qui suit.

Le 12 avril 2020, vers 18 h 09, le SPT a répondu à un appel pour vol à main armée en train de se dérouler dans un magasin près de King et Bathurst.

Plusieurs agents se sont rendus sur les lieux et ont repéré le suspect – le plaignant – aux environs. Le suspect tenait un grand couteau. Les agents l’ont confronté et lui ont ordonné de laisser tomber l’arme. Comme il n’obéissait pas, des pistolets à impulsions électriques (PIE) ont été déployés.

L’homme a continué de s’enfuir sur la chaussée, le couteau toujours en main. Un véhicule de police a tenté de lui couper la route. L’homme est passé en courant devant le véhicule et a été heurté. L’homme a laissé tomber le couteau et est tombé sur la chaussée; la roue avant gauche du véhicule de police a partiellement roulé sur lui.

Alors qu’il était à terre, il a fallu jusqu’à six agents en uniforme pour parvenir à le maîtriser.

L’homme a été transporté à l’hôpital Toronto Western; ses blessures étaient indéterminées. Le SPT a précisé qu’en route vers l’hôpital, l’homme avait continué de résister aux policiers et aux ambulanciers paramédicaux et qu’une fois à l’hôpital, il avait fallu le mettre sous sédatifs.

À 22 h 20, le SPT a donné une mise à jour et indiqué que l’homme avait une fracture du poignet droit.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Homme de 28 ans, a refusé de fournir une déclaration

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue

En outre, l’UES a reçu et examiné les notes de six autres agents.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées


Éléments de preuve

Les lieux

Le 13 avril 2020, à 0 h 25 du matin, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux, à l’intersection de la rue Bathurst et de la rue Front. Ils ont utilisé une station totalisatrice pour dessiner un schéma des lieux, ont pris des photographies et ont recueilli des éléments de preuve.

La rue Bathurst est une rue nord-sud avec deux voies dans chaque direction. Ces voies sont partagées avec des voies de tramway. La rue Front Ouest est une rue est-ouest à deux voies dont l’extrémité ouest se termine à la rue Bathurst suivant une intersection en T. L’intersection est contrôlée par des feux de circulation.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont examiné le véhicule de patrouille du SPT que conduisait l’AI. Il portait tout le marquage d’identification du service de police. Ses feux d’urgence étaient allumés. Il était immobilisé face au sud-est, en travers des voies en direction est de la rue Front Ouest, à l’ouest de l’intersection de la rue Portland. Il semblait y avoir de nouvelles traces dans la saleté sur le coin avant gauche du véhicule, et le flanc extérieur du pneu arrière droit était éraflé.

Des fils et des portes de cartouche de PIE ont été trouvés dans les voies en direction nord de la rue Bathurst, au nord de la rue Front Ouest.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels


Le couteau

Le 12 avril 2020, à 18 h 11 min 15 s, les premières images vidéo liées à cette enquête montrent le plaignant, un couteau en main, qui marche vers le sud sur la rue Bathurst, à proximité de la rue Wellington Ouest.

Alors que le plaignant continue de marcher vers le sud sur la rue Bathurst, plusieurs autres vidéos montrent clairement le plaignant tenant le couteau. À 18 h 13 min 57 s, le plaignant, qui se trouve maintenant sur la rue Front Ouest, lâche le couteau qui tombe sur la chaussée. Ci-dessous, une photo tirée d’une vidéo du système de caméra embarquée à bord d’un véhicule où on voit une main du plaignant tenant le couteau.


Figure 1 – Capture d’écran d’une vidéo prise par une caméra embarquée montrant le plaignant brandissant un couteau.

Figure 1 – Capture d’écran d’une vidéo prise par une caméra embarquée montrant le plaignant brandissant un couteau.

À 3 h 15, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires se sont rendus à la 14e division du SPT où on leur a remis sept PIE, 14 douilles de cartouche de PIE et un pulvérisateur d’oléorésine capsicum (OC).

Le couteau présumément utilisé par le plaignant avait été sécurisé dans le système de préservation des éléments de preuve du SPT avant l’arrivée de l’UES à la 14e division. Les spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont obtenu et examiné des photographies du couteau prises par le SPT.


Figure 2 – Le couteau de cuisine que brandissait le plaignant.

Figure 2 – Le couteau de cuisine que brandissait le plaignant.

Éléments de preuves médicolégaux


Données téléchargées à partir des pistoles à impulsions électriques (PIE)

Les données des PIE ont été téléchargées et les principales entrées suivantes relevées :

PIE de l’AT no 1
  • 18 h 11 min 15 s, [1] premier déclenchement, avec déploiement de la cartouche C-1; durée : 2 secondes.
  • 18 h 11 min 17 s, deuxième déclenchement avec déploiement de C-2; durée : 1 seconde.

PIE de l’AT no 3
  • 18 h 13 min 26 s, premier déclenchement avec déploiement de la cartouche C-1; durée : 5 secondes.

PIE d’un premier agent non désigné
  • 18 h 14 min 50 s, premier déclenchement avec déploiement de C-1; durée : 5 secondes.
  • 18 h 15 min 1 s, deuxième déclenchement sans déploiement d’une nouvelle cartouche; durée : 4 secondes.
  • 18 h 15 min 13 s, premier déclenchement avec déploiement de C-2; durée : 4 secondes.

PIE d’un deuxième agent non désigné
  • 18 h 15 min 49 s, premier déclenchement avec déploiement de C-1; durée : 5 secondes.

PIE de l’AT no 4
  • 18 h 15 min 54 s, premier déclenchement avec déploiement de C-1; durée : 5 secondes.
  • 18 h 16 min 36 s, deuxième déclenchement avec déploiement de C-2; durée : 6 secondes.

PIE de l’AT no 2
  • 18 h 18 min 1 s, premier déclenchement avec déploiement de C-1; durée : 5 secondes.

PIE de l’AI
  • 18 h 26 min 26 s, premier déclenchement avec déploiement de C-1; durée : 5 secondes.
  • 18 h 26 min 31 s, deuxième déclenchement avec déploiement de C-2; durée : 2 secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Vidéos de caméras à bord de véhicules de police du SPT

Le SPT a remis à l’UES une clé USB contenant les vidéos enregistrées par les caméras à bord de plusieurs voitures de patrouille. Ce qui suit est un résumé des faits saillants relevés sur ces vidéos :

La vidéo de la caméra à bord de la voiture de reconnaissance no 1 commence à 18 h 05 min 21 s À 18 h 12 min 16 s, la voiture de reconnaissance no 1 arrive à l’intersection de la rue Wellington Ouest et de la rue Bathurst, tourne à gauche, puis roule vers le sud sur la rue Bathurst. À 18 h 12 min 36 s, elle tourne à gauche, se dirige vers l’est en direction du garage de stationnement du 27, rue Bathurst et heurte le plaignant, qui rebondit momentanément sur le capot du véhicule. La voiture de reconnaissance no 1 vire et se dirige vers le sud en roulant sur le trottoir est de la rue Bathurst. À 18 h 13 min 3 s, la voiture entre de nouveau en contact avec le plaignant qui glisse le long du capot vers l’avant. Le plaignant continue de courir vers le sud sur le trottoir et la voiture de reconnaissance no 1 continue de le suivre et le touche pendant qu’il court. À 18 h 13 min 50 s, la voiture de reconnaissance no 1 roule vers l’est sur le trottoir nord de la rue Front en suivant le plaignant. À 18 h 13 min 57 s, le véhicule de l’AI dépasse la voiture de reconnaissance no 1 et roule sur le plaignant.

La vidéo de la caméra à bord de la voiture de reconnaissance no 2 du SPT commence à 18 h 10 min 38 s Au moment où cette voiture arrive sur les lieux, le plaignant se trouve sur le trottoir est de la rue Bathurst, près de la rue Niagara. On peut voir la voiture de de reconnaissance no 1 rouler sur le trottoir est derrière le plaignant et le heurter. Le plaignant s’éloigne vers le sud sur le trottoir est, suivi de la voiture reconnaissance no 1 et de plusieurs agents à pied, certains ayant dégainé leur arme à feu en la pointant en direction du plaignant. À 18 h 13 min 3 s, la voiture de reconnaissance no 1 heurte le plaignant une deuxième fois et le plaignant rebondit sur le capot. À 18 h 13 min 10 s, la voiture de reconnaissance no 1 heurte le plaignant une troisième fois et le fait tomber par terre, au coin des rues Bathurst et Front. Le plaignant se relève rapidement et marche vers le nord sur la rue Bathurst, derrière la voiture de reconnaissance no 1. À 18 h 13 min 34 s, la voiture de reconnaissance no 2 heurte le plaignant sans le faire tomber; le plaignant continue de marcher sur la rue Bathurst en brandissant le couteau. À 18 h 14 min 6 s, la voiture de reconnaissance no 2 se repositionne et, au même moment, la vidéo montre le plaignant par terre sur la Front, qui se débat avec plusieurs agents autour de lui.

La vidéo de la caméra à bord de la voiture de reconnaissance no 3, conduite par l’AI, commence à 18 h 09 min L’AI se dirige vers le secteur de la rue Bathurst et de la rue King. Il passe l’intersection des rues Bathurst et King à 18 h 12 et arrive à l’intersection des rues Bathurst et Front à 18 h 13. On voit alors au moins sept agents et la voiture de reconnaissance no 1. Alors que le plaignant court sur le trottoir du côté est de l’intersection, 11 agents pointent des armes à feu et des PEI sur lui; un agent semble utiliser un pulvérisateur de gaz poivré. Le plaignant passe derrière le véhicule de l’AI, puis sort du champ de vision de la caméra. À 18 h 13, le plaignant court devant le véhicule de l’AI et est heurté par la voiture de reconnaissance no 2. L’AI commence alors à rouler vers l’est sur la rue Front et, à 18 h 13, heurte le plaignant qui laisse tomber le couteau. Le plaignant commence alors à tomber et le véhicule de l’AI passe sur lui. À 18 h 14, l’AI immobilise son véhicule.

La vidéo de la caméra à bord de la voiture de reconnaissance no 4, conduite par l’AT no 3, commence à 18 h 09 min 58 s. À 18 h 11 min 14 s, le véhicule arrive sur les lieux. La vidéo de sa caméra montre le plaignant sur le trottoir ouest de la rue Bathurst, à proximité de la rue Wellington Ouest. Trois agents du SPT, leurs armes à feu dégainées, confrontent le plaignant. À 18 h 11 min 29 s, le plaignant traverse en courant la rue Bathurst puis court vers le sud sur la chaussée. À 18 h 11 min 46 s, le plaignant monte sur le trottoir est et disparait du champ de vision de la caméra de ce véhicule lorsqu’il dépasse la rue Niagara.

Enregistrements des communications


Résumé de l’enregistrement des communications du SPT

Le SPT a fourni une copie électronique des enregistrements de ses communications. Ces enregistrements comprenaient 461 fichiers liés aux appels au 9-1-1, aux communications du système de répartition et aux communications par radio des agents. Ce qui suit est un résumé des éléments saillants de ces enregistrements :

• 18 h 09 min 8 s, appel au 9-1-1
L’appelant est au coin des rues King et Bathurst; il voit quelqu’un voler un vélo sous la menace d’un couteau et deux hommes qui se battent. Il dit que l’homme, qu’il décrit comme étant dans la trentaine, avec un chapeau noir et une veste verte et portant un sac de vêtements transparent, tient un couteau de cuisine noir et se dirige vers le sud sur la rue Bathurst. Il décrit la victime comme un homme qui transportait de la nourriture; cet homme n’est pas blessé.

• 18 h 09 min 16 s, appel au 9-1-1
L’appelant note qu’un homme s’est fait voler son vélo sous la menace d’un couteau et que personne n’est blessé. L’incident s’est déroulé au coin de la rue King et de la rue Bathurst et implique une personne avec un couteau de six pouces. L’appelant dit que des policiers sont sur les lieux, ont repéré le gars au couteau et que ce dernier s’enfuit vers le sud sur la rue Bathurst, poursuivi par les agents.

• Service de répartition/transmissions d’agents du SPT
18 h 09 min 45 s Le SPT diffuse les renseignements concernant l’appel
18 h 11 min 44 s Indication qu’on pointe des armes à feu sur l’homme
18 h 12 min 2 s Indication que deux PIE ont été déployés, mais sans effet
18 h 14 min 16 s Indication qu’un homme est sous garde, un couteau a été récupéré et tout est sous contrôle

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants que lui a remis le SPT :
  • Courriel du SPT– coordonnées des témoins;
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéos des caméras à bord de véhicules de police;
  • Détails de l’événement – personne avec un couteau;
  • Détails de l’événement – vol qualifié;
  • Notes de l’AI, des ATs et de six agents non désignés;
  • Liste des agents du SPT concernés.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprenaient des entretiens avec l’AI et plusieurs autres agents qui ont participé à l’arrestation du plaignant, ainsi que les vidéos de caméras embarquées à bord de véhicules qui ont capturé la plupart, sinon la totalité, de l’incident. Le 12 avril 2020, vers 18 h 10, le SPT a reçu des appels au 9-1-1 de citoyens signalant un vol en cours dans le secteur des rues King et Bathurst, à Toronto. Un homme – le plaignant – avait attaqué un autre homme en le menaçant d’un couteau et tentait de lui voler son vélo. Un certain nombre d’agents, dont l’AI, se sont rendus sur les lieux.

L’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3 étaient parmi les premiers agents à arriver sur les lieux. Avec d’autres agents, ils ont suivi le plaignant qui marchait vers le sud sur le trottoir est de la rue Bathurst. Le plaignant a reçu à plusieurs reprises l’ordre de laisser tomber le couteau, mais il n’a pas obtempéré. Il a crié aux agents de lui tirer dessus. Les agents ont répondu qu’ils ne souhaitaient pas le faire. Il est devenu évident que le plaignant n’était pas sain d’esprit à ce moment-là et certains des agents pensaient qu’il était sous l’influence de drogues ou traversait une crise de santé mentale. Tous les efforts de communication avec lui se sont avérés vains.

Certains des agents qui suivaient le plaignant vers le sud sur la rue Bathurst ont dégainé leurs armes à feu tandis que d’autres portaient leurs pistolets à impulsions électriques (PIE). Il y avait des piétons et des véhicules dans le secteur et les agents étaient inquiets pour leur sécurité et celles des tiers. À plusieurs reprises, des agents ont utilisé leurs PIE pour tenter de neutraliser suffisamment le plaignant afin de pouvoir s’approcher de lui en toute sécurité et le désarmer. Ces décharges – 12 au total par sept agents – ont toutes été inefficaces; le plaignant portait un manteau qui semble avoir empêché les sondes des PIE de pénétrer jusqu’à la peau. Par ailleurs, un agent – l’AT no 5 – a dirigé un jet de poivre pulvérisée sur le plaignant à deux reprises. Bien que le deuxième jet semble avoir atteint le côté droit du visage du plaignant, il a été sans effet; le plaignant n’a pas ralenti. Il en va de même pour l’utilisation de leurs véhicules de police par deux agents. À trois reprises, un agent a heurté intentionnellement le plaignant dans le but de le faire tomber alors qu’il marchait vers le sud sur la rue Bathurst, en direction de la rue Front. Un deuxième agent a fait la même chose en heurtant une fois le plaignant. À chaque fois, même si ces impacts à faible vitesse l’ont fait trébucher, le plaignant a repris pied et a continué vers le sud, tenant toujours son couteau dans la main droite.

Lorsqu’il a atteint la rue Front, le plaignant a tourné à gauche et a commencé à marcher vers l’est sur la chaussée, toujours suivi par les agents. L’AI, qui venait de tirer deux fois en vain sur le plaignant avec son PIE, est remonté dans son véhicule de police et a commencé à suivre le plaignant sur la rue Front. Alors que le plaignant marchait vers l’est dans les voies en direction est, l’AI s’est placé derrière lui et a utilisé le coin avant gauche de son véhicule pour frapper le plaignant par derrière. Cette manœuvre a fait tomber le plaignant. La roue avant gauche du véhicule a roulé sur le plaignant avant que l’AI n’immobilise son véhicule sur la rue Front.

Sous l’impact, le plaignant est tombé et a lâché le couteau. D’autres agents se sont alors précipités et ont rapidement menotté le plaignant dans le dos.

Après l’arrestation, des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux et ont emmené le plaignant à l’hôpital, où on lui a apparemment diagnostiqué des fractures du poignet et du pied droits.

Le couteau en possession du plaignant, qui a été sécurisé par le SPT après l’incident, avait une lame de 18 centimètres. 

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le 12 avril 2020, le plaignant a subi plusieurs fractures lors de son arrestation par des agents du SPT sur la rue Front. L’AI a été identifié comme l’agent le plus susceptible d’avoir infligé ces blessures. Il a donc été désigné en tant qu’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, le recours à la force qui constituerait autrement une infraction est justifié lorsqu’il visait à contrecarrer une attaque ou menace d’attaque raisonnablement appréhendée, et que cette force était raisonnable. Le caractère raisonnable de cette force doit être évalué au vu des circonstances pertinentes, dont la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’usage de force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel ainsi que le fait qu’une partie en cause ait utilisé ou menacé d’utiliser une arme. En l’espèce, la question est de savoir si l’article 34 permet raisonnablement de justifier l’utilisation, par l’AI, de son véhicule pour frapper le plaignant. À mon avis, c’est le cas.

Il ne fait aucun doute que l’AI et les autres agents qui ont convergé sur les lieux s’acquittaient légalement de leurs fonctions en tentant de placer le plaignant sous garde pour protéger le public. Les agents avaient des motifs de croire que le plaignant venait d’attaquer un autre homme et de tenter de lui voler son vélo sous la menace un couteau. C’est ce que des personnes avaient décrit dans leur appel au 9-1-1 et que le service de répartition avait indiqué aux agents. Le plaignant correspondait à la description de l’homme en question : il tenait un couteau qu’il refusait de le laisser tomber et se précipitait par moments sur les agents en brandissant le couteau alors qu’il se dirigeait vers le sud vers la rue Front. De toute évidence, l’arrestation du plaignant était justifiée.

Que ce soit parce qu’il était intoxiqué par de la drogue ou de l’alcool, ou qu’il était en proie à une crise aiguë de détresse mentale, les agents semblent avoir compris rapidement que le plaignant avait des troubles de santé mentale. Ils ont donc fait ce qu’ils pouvaient pour contenir le plaignant en éloignant les piétons et en essayant de régler la situation à distance. Ils l’ont supplié de laisser tomber le couteau et ont pointé des armes à feu et des PIE dans sa direction. Le plaignant semblait totalement insensible à leurs supplications, s’avançant parfois vers eux et continuant surtout de marcher vers la rue Front. Au moment où l ’AI a heurté le plaignant par-derrière, plusieurs décharges de PIE et deux jets de gaz poivré n’avaient eu aucun effet sur lui. La décharge du PIE avait été bloquée par l’épaisse veste que portait le plaignant, et la pulvérisation de gaz poivré avait été entravée par le vent qui soufflait à ce moment-là. Plusieurs impacts intentionnels à basse vitesse entre deux véhicules de police et le plaignant n’avaient même pas permis de le neutraliser; le plaignant avait simplement été poussé en avant et avait continué sa route.

Dans ce contexte, je ne peux pas raisonnablement conclure que l’utilisation par l’AI de son véhicule pour frapper le plaignant constituait un recours à la force déraisonnable. L’AI a dit qu’il était préoccupé par le fait que le plaignant présentait un danger réel et immédiat pour la santé et la sécurité du public. À mon avis, ces préoccupations n’étaient pas sans fondement. Il y avait des gens sur la rue Front qui couraient un risque imminent de blessures corporelles ou même de mort si le plaignant s’en prenait à eux. Qu’il puisse le faire n’était pas une spéculation fantaisiste; en effet, il venait d’attaquer un homme dans le secteur de la rue King et se comportait de façon erratique en brandissant un couteau. De plus, les tentatives antérieures de placer le plaignant sous garde au moyen des PEI et de gaz poivré avaient été vaines, et il y avait peu de chances que le recours continu à ces armes soit plus efficace. Il convient enfin de noter que l’AI, conscient du risque de blessure grave, s’est approché du plaignant et l’a heurté en roulant lentement, à environ à 10 km/h, selon l’agent. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que l’utilisation de son véhicule par l’AI était un recours à la force proportionné aux circonstances du moment.

En dernière analyse, bien que j’accepte que le plaignant ait subi certaines de ses blessures, sinon toutes, lorsque le véhicule de l’AI l’a heurté, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que la conduite de l’AI relevait de la justification prévue par l’article 34 du Code criminel. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos. [2]


Date : 19 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures indiquées correspondent à celles de l'horloge interne de chaque armeet ne sont pas nécessairement synchronisées entre les armes ni avec l'heure réelle. [Retour au texte]
  • 2) Il est néanmoins possible qu'une ou plusieurs fractures du plaignant résultent des collisions avec les véhicules de police d'autres agents. Compte tenu de mes conclusions quant à l'utilisation de son véhicule par l'AI, je suis également d'avis que les impacts précédents n'ont pas enfreint la justification prévue par l'article 34. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.