Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-003

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure subie par un homme de 44 ans (le « plaignant ») pendant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er janvier 2021, à 17 h 40, un agent du Service de police de Guelph (SPG) a fait s’arrêter le plaignant et sa passagère à un point de contrôle routier dans le secteur de la promenade Scottsdale. Le conducteur, qui était le plaignant, a refusé de révéler son identité, et les agents du SPG l’ont ainsi arrêté. Pendant l’arrestation, le plaignant est devenu combatif et a été porté au sol, ce qui lui a causé une fracture du nez. La passagère a également été arrêtée, et on a découvert que les deux personnes enfreignaient une condition selon laquelle elles ne devaient pas se trouver ensemble. On ne disposait pas de l’identité de la passagère au moment du signalement. Les agents concernés sont l’AT no 3 et l’AI.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 4 janvier 2021, à 10 h 50

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 janvier 2021, à 14 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 44 ans; a participé à une entrevue le 5 janvier 2021, et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues entre le 5 et le 7 janvier 2021.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue le 19 février 2021, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 12 et le 21 janvier 2021.


Retards dans l’enquête

Il y a eu un léger retard dans l’acheminement de la documentation à l’UES, puisque le SPG a connu une éclosion de COVID-19 et que 19 de ses agents étaient absents.

Éléments de preuve

Les lieux

Les lieux n’ont pas été sécurisés pour l’UES.

L’incident s’est produit sur les lieux d’un centre commercial linéaire sans nom situé au 615, promenade Scottsdale, qui comprend un magasin Shoppers Drug Mart, une succursale de la Régie des alcools de l’Ontario et une station-service Canadian Tire. Plus précisément, le centre commercial se trouve à l’intersection de la route Stone ouest et de la promenade Scottsdale et consiste principalement en un grand stationnement entouré de commerces. Il avait neigé le 1er janvier 2021 et le sol était couvert de neige. 



Figure 1 – Vue aérienne des lieux obtenue au moyen de Google

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Enregistrement vidéo de l’entreprise no 1, située sur la promenade Scottsdale

Le 5 janvier 2021, les enquêteurs de l’UES ont obtenu une copie de l’enregistrement vidéo de l’entreprise no 1, située sur la promenade Scottsdale. La vidéo montre que le 1er janvier 2021, à 18 h 4 [fn]1[1fn], une camionnette Ford 150 se rend à la pompe no 3 de la station service Canadian Tire. Après environ 5 secondes, la TC no 1 descend du véhicule par la portière du côté passager et commence à marcher vers le kiosque de service à la clientèle. Tandis que la TC no 1 marche, un véhicule utilitaire sport (VUS) gris banalisé du SPG contourne la rangée de pompes se trouvant le plus loin de la route Stone et s’arrête tout près du devant de la camionnette. Le plaignant ouvre la portière du côté conducteur. Il se rend ensuite à l’endroit où se trouve le couvercle du réservoir à essence de son véhicule et regarde l’AT no 3, qui marche vers lui. Après une brève conversation, l’AT no 3 se rend à l’avant de la camionnette et semble regarder la plaque d’immatriculation qui s’y trouve. Environ quatre secondes plus tard, le plaignant ouvre la portière du côté conducteur et se penche à l’intérieur de la camionnette. Le plaignant s’assoit sur le siège du conducteur et l’AT no 3 se place près de la portière, du même côté. À 18 h 7, le plaignant descend de la camionnette tandis que l’AT no 3 se rend à l’arrière de celle-ci en parlant sur sa radio portable. Le plaignant commence à faire le plein tandis que l’AT no 3 marche vers lui. À 18 h 7, l’AT no 3 ouvre la portière du côté conducteur, mais le plaignant referme celle-ci tout en continuant de faire le plein.

Après 12 secondes, le plaignant arrête de faire le plein et commence à marcher vers le kiosque, hors du champ de la caméra. À 18 h 8, l’AT no 3 ouvre la portière du côté conducteur et se penche dans le véhicule. Le plaignant revient vers l’AT no 3, mais s’éloigne ensuite, de nouveau hors du champ de la caméra.

L’AT no 3 suit le plaignant et sort du champ de la caméra, tout en parlant sur sa radio portable. À 18 h 10, la TC no 1 marche jusqu’à la portière du côté passager de la camionnette et l’ouvre, puis la referme et sort du champ de la caméra en marchant.

À 18 h 12, l’AT no 3 et l’AI marchent avec le plaignant, qui est menotté avec les mains derrière le dos, entre les deux rangées de pompes jusqu’à la portière arrière du côté passager du véhicule du SPG de l’AT no 3. À 18 h 14, un troisième agent du SPG arrive à pied, mais ne fait que regarder. Environ 27 secondes plus tard, le plaignant est placé sur le siège arrière du véhicule de police.

À 18 h 43, les services médicaux d’urgence arrivent, et ils quittent les lieux à 18 h 59.


Enregistrement vidéo de l’entreprise no 2, située sur la promenade Scottsdale

Le 5 janvier 2021, les enquêteurs de l’UES ont obtenu une copie de l’enregistrement vidéo de l’entreprise no 2, située sur la promenade Scottsdale. La vidéo montre l’entrée reliant le 615, promenade Scottsdale à la promenade Scottsdale même, ainsi que le centre commercial linéaire. La routeet le stationnement sont couverts de neige. À 17 h 4, on voit le plaignant, de l’autre côté d’un banc de neige, qui marche depuis la station-service Canadian Tire (laquelle est hors du champ de la caméra) vers la bretelle d’entrée et de sortie du 615, promenade Scottsdale. Au milieu de l’entrée, le plaignant s’arrête et regarde derrière, vers la station-service. Après deux secondes, le plaignant continue de marcher dans la même direction.

À 17 h 5, le plaignant atteint l’extrémité de l’entrée. En marchant, l’AT no 3 entre dans le champ de la caméra, derrière le banc de neige. Le plaignant continue de marcher tandis que l’AT no 3 le suit, aussi à pied, en maintenant une distance constante. Après 15 secondes environ, l’AT no 3 traverse l’entrée. Le plaignant s’arrête près de l’affiche du magasin Shoppers Drug Mart et se retourne en direction de l’AT no 3. Le plaignant retourne, en marchant un peu de biais, dans le stationnement près du magasin Shoppers Drug Mart. Lorsque plaignant passe à la hauteur de l’AT no 3; ce dernier enjambe alors un buisson de courte taille et suit le plaignant dans le stationnement, puis près de l’entrée. Environ 10 secondes après que le plaignant eut entrepris de revenir dans le stationnement, une camionnette noire du SPG conduite par l’AI s’engage dans le stationnement depuis la promenade Scottsdale. Après avoir traversé le trottoir, la camionnette s’arrête, et on voit ses gyrophares arrière. Le plaignant arrête de marcher et l’AT no 3 le rattrape et l’agrippe.

À 17 h 6, alors que l’AT no 3 est derrière le plaignant et que l’AI est debout devant celui-ci, le plaignant tombe au sol (on ne sait pas ce qui a causé cela). La tête du plaignant est alors orientée vers la promenade Scottsdale. L’AT no 3 se trouve à la droite du plaignant, et l’AI, à la gauche. Les deux agents du SPG ont les genoux pliés. Il semble il y avoir une lutte au sol, et l’AI se place de l’autre côté du plaignant. Tandis que la lutte se poursuit, la camionnette du SPG cache de plus en plus le groupe dans le champ de la caméra, jusqu’à en bloquer presque entièrement la vue. L’AI se lève, mais le haut de son corps est penché vers l’avant. Environ 30 secondes après la chute au sol du plaignant, on voit la jambe gauche de l’AI étirée vers l’extérieur, parallèle au sol. Le haut de son corps est penché vers l’avant, et ses mains sont sur le plaignant, qui est toujours au sol. On peut alors voir qu’un coup de genou est donné, le corps de l’AI se dirigeant vers l’avant, en direction du plaignant. La camionnette cache presque complètement l’AT no 3 à ce moment. Puis, vers 17 h 9, l’AT no 3 et l’AI marchent avec le plaignant en direction du véhicule du SPG de l’AT no 3.

Sommaire des enregistrements des communications du SPG

Le 1er janvier 2021, à 17 h 9, l’AT no 3 signale qu’il effectue un contrôle routier au Canadian Tire de la promenade Scottsdale et fournit un numéro de plaque d’immatriculation.

À 17 h 10, l’AT no 3 demande l’aide d’une autre unité.

À 17 h 11, il mentionne que le conducteur du véhicule a des liens avec les « HA » (Hell’s Angels).

À 17 h 12, l’AT no 3 demande encore une fois de l’aide, puisque le plaignant résiste. L’AI fait savoir à 17 h 12 que tout va bien. Ensuite, l’AT no 3 signale qu’une femme se trouvait dans la camionnette et qu’il n’a pas eu l’occasion de lui parler. Il déclare également qu’il a en sa possession les clés de la camionnette.

À 17 h 13, l’AI signale une arrestation.

À 17 h 16, l’AT no 3 signale que le plaignant a subi une blessure au nez, et il demande que l’on cherche la TC no 1 dans le secteur.

À 17 h 27, on demande que les services médicaux d’urgence se présentent sur les lieux pour examiner le nez du plaignant.

À 17 h 49, l’AT no 3 fait savoir qu’il parle au téléphone avec la TC no 1 et qu’elle a dit être à bord d’un taxi. (Remarque : La TC no 1 a plus tard été arrêtée par un agent sur la promenade Scottsdale.)

À 18 h 2, l’AI dit qu’ils se rendent à l’Hôpital général de Guelph. L’AI se trouve à l’arrière de l’ambulance, qui arrive à l’Hôpital à 18 h 10.

À 18 h 48, l’AT no 4 demande à parler avec l’AT no 3 sur son téléphone cellulaire.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les documents et éléments suivants de la part du SPG entre le 11 et le 25 janvier 2021:

  • courriel du SPG à propos des agents présents sur les lieux de l’arrestation;
  • rapport du SPG sur l’arrestation du plaignant;
  • photo de mise en détention prise par le SPG – le plaignant;
  • lettres de divulgation du SPG (x2);
  • rapport sur les détails de l’événement du système de répartition assistée par ordinateur;
  • sommaire du dossier de la Couronne;
  • Notes – AT no 2;
  • Notes – AT no 1;
  • Notes – AT no 3;
  • Notes – AT no 4.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 5 et le 15 janvier 2021:
  • dossiers médicaux – Hôpital général de Guelph;
  • enregistrement vidéo de l’entreprise no 1, située sur la promenade Scottsdale;
  • enregistrement vidéo de l’entreprise no 2, située sur la promenade Scottsdale.

Description de l’incident

Le scénario qui suit se dégage des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant et l’AI ainsi qu’avec l’autre agent ayant participé à l’arrestation, soit l’AT no 3, et un témoin civil. L’incident a également été capté en partie par des caméras de sécurité qui se trouvaient près de l’endroit où l’arrestation a eu lieu.

Peu après 17 h le 1er janvier 2021, l’AT no 3, qui effectuait une patrouille dans un VUS aux couleurs de la police, s’est engagé dans le stationnement de la station-service Canadian Tire située au coin de la route Stone ouest et de la promenade Scottsdale. Il avait suivi une camionnette depuis la promenade Scottsdale jusqu’à cet endroit et comptait intervenir auprès du conducteur en raison d’une infraction antérieure d’excès de vitesse. Le conducteur était le plaignant. Il a arrêté son véhicule à côté de la pompe no 3 dans le but d’acheter de l’essence. L’AT no 3 a arrêté son véhicule juste à côté du coin avant de la camionnette, du côté du conducteur.

Le plaignant était mécontent de la présence de l’AT no 3 et a refusé de coopérer avec l’agent lorsque celui-ci lui a demandé de lui montrer son permis de conduire. L’AT no 3 a expliqué que la police avait reçu une plainte concernant sa camionnette, conduite à une vitesse excessive sur la route Ironwood plus tôt dans l’après-midi. Le plaignant a nié avoir circulé sur la route Ironwood et a dit se sentir harcelé par la police. Il a refusé de révéler son identité lorsque l’agent lui a demandé, il a fait le plein et s’est éloigné de l’agent, se rendant vers le kiosque de service à la clientèle de la station service. Au kiosque, il a averti sa passagère, la TC no 1, qui était descendue de la camionnette dès que celle-ci s’était arrêtée, de la présence de l’AT no 3, et lui a dit qu’ils devaient quitter les lieux. Une ordonnance de non-communication était en vigueur à ce moment-là, en vertu de laquelle ces deux personnes n’étaient pas autorisées à se trouver ensemble.

Le plaignant est sorti du kiosque et est passé à côté de l’AT no 3 en se dirigeant vers la sortie de la station-service menant à la route Scottsdale, tandis que l’agent continuait de l’avertir qu’il serait arrêté s’il ne révélait pas son identité. Puisque le plaignant semblait n’avoir aucunement l’intention de répondre à sa demande, l’AT no 3 a demandé de l’aide par radio, craignant que le plaignant résiste à son arrestation.

L’AI a entendu la demande d’aide de l’AT no 3 et est arrivé à la station-service au moment où le plaignant faisait demi-tour et retournait vers celle-ci. L’agent a arrêté sa camionnette à environ 20 mètres de son collègue et du plaignant et en est descendu pour aller offrir son aide; l’AT no 3 tentait de menotter le plaignant lorsque l’AI est arrivé près d’eux.

Le plaignant a résisté aux tentatives de l’AT no 3 et de l’AI de le mettre sous garde. Toujours debout, le plaignant a raidi ses bras, refusant de les joindre derrière son dos. L’AI est intervenu en agrippant l’un des bras du plaignant. Selon ce qui a été rapporté, les agents ont ordonné de nombreuses fois au plaignant de cesser de résister, mais ce dernier continuait de s’opposer à leurs efforts. L’AI a donné un coup de pied au plaignant, qui l’a atteint au visage tandis que celui-ci tombait au sol. Le coup a fracturé le nez du plaignant. Ce dernier a continué de résister et a reçu un coup de genou au côté droit, donné par l’AI, après quoi les agents ont pu maîtriser ses bras et le menotter, les mains derrière le dos.

Des ambulanciers sont arrivés sur les lieux après l’arrestation du plaignant et ont transporté celui-ci à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il avait subi une fracture du nez.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 33, Code de la route – Port du permis de conduire et présentation sur demande 

33 (1) Le conducteur d’un véhicule automobile ou d’un tramway porte sur lui en tout temps son permis de conduire lorsqu’il a la charge du véhicule automobile ou du tramway. Il le présente pour inspection légitime, à la demande d’un agent de police ou d’un agent chargé de faire appliquer les dispositions de la présente loi.  

Idem, règles relatives aux conducteurs débutants

(2) Le conducteur accompagnateur, au sens de l’article 57.1, porte son permis de conduire sur lui et le présente pour inspection légitime à la demande d’un agent de police ou d’un agent chargé de l’application de la présente loi.  

Identité en cas de non-présentation du permis

(3) Quiconque n’est pas en mesure de présenter son permis ou refuse de le faire conformément au paragraphe (1) ou (2) est tenu, lorsqu’un agent de police ou un agent chargé de l’application de la présente loi le lui demande, de s’identifier de façon suffisante. Pour l’application du présent paragraphe, le nom et l’adresse exacts de cette personne sont réputés constituer une identification suffisante. 

Paragraphe 217(2), Code de la route – Pouvoirs d’arrestation, arrestation sans mandat

217 (2) L’agent de police qui a des motifs raisonnables et probables de croire qu’il a été contrevenu aux dispositions du paragraphe 9 (1), 12 (1), 13 (1), 33 (3), 47 (5), (6), (7) ou (8), de l’article 51 ou 53, du paragraphe 106 (8.2), de l’article 130, 172 ou 184, du paragraphe 185 (3), de l’alinéa 200 (1) a) ou du paragraphe 216 (1), peut procéder sans mandat à l’arrestation de la personne dont il croit qu’elle est l’auteur de la contravention. 

Analyse et décision du directeur

Le 1er janvier 2021, le plaignant a subi une fracture du nez lorsqu’il a été arrêté par deux agents du SPG. On a déterminé que l’AI – l’un des agents ayant procédé à l’arrestation – était le plus susceptible d’avoir infligé la blessure, et il a donc été désigné comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et à la blessure du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Je suis d’avis que l’AT no 3 était en droit de donner suite à un cas d’excès de vitesse et d’arrêter le plaignant lorsque celui-ci a refusé de révéler son identité et de présenter ses documents de conduite. Conformément à l’article 33 du Code de la route, les automobilistes sont tenus de présenter leur permis de conduire à la demande d’un agent de police ou, s’ils ne sont pas en mesure de le faire, de révéler leur identité à cet agent. Lorsque le plaignant a refusé de le faire, il s’est exposé à une arrestation en vertu du paragraphe 217(2) du Code de la route. Maintenant, la question à examiner est celle du bien-fondé de la force dont a fait usage l’agent pour arrêter le plaignant.

Même si les éléments de preuve peuvent donner à penser que la force utilisée par l’AI, soit un coup de pied et un coup de genou, se situe à la limite de ce que permet la loi, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que cette force était excessive. D’abord, je dois noter que je ne peux accorder de valeur à la déclaration de la TC no 1, qui va à l’encontre des témoignages des deux agents et du plaignant. Je ne peux pas non plus prendre en considération le témoignage selon lequel le plaignant n’aurait pas résisté physiquement à son arrestation. Même s’il faut mentionner que l’enregistrement vidéo de l’arrestation, capté par une caméra se trouvant dans le secteur, ne montre pas que le plaignant était ouvertement combatif, on y voit néanmoins que l’AT no 3 a de la difficulté à placer les bras du plaignant derrière son dos, ce qui donne de la crédibilité aux témoignages des deux agents quant à la résistance dont le plaignant a fait preuve. Dans ces circonstances, il me semble que porter le plaignant au sol était une tactique raisonnable pour les agents. En effet, il était avantageux pour eux que le plaignant soit au sol, car cela allait leur permettre d’exercer un meilleur contrôle sur sa résistance continue. Par ailleurs, le coup de pied donné par l’AI paraît particulièrement dur dans les circonstances. Cela dit, l’agent a expliqué qu’il voulait donner le coup de pied au torse, mais qu’il a accidentellement frappé le plaignant au visage tandis qu’il était porté au sol par l’AT no 3. Même si je ne suis pas convaincu que le coup de pied de l’AI, où qu’il eût été destiné, était une bonne idée compte tenu de la présence de deux agents sur les lieux, je ne suis pas persuadé qu’il était exagéré au point de dépasser les limites prescrites par le droit criminel. Pour arriver à cette conclusion, j’ai à l’esprit le fait que le plaignant, selon les éléments de preuve, a continué à résister aux efforts des agents qui tentaient de contrôler ses bras alors qu’il était au sol, sans égard au coup de pied. Pour la même raison, je ne suis pas en mesure de conclure que le coup de genou donné par l’AI n’était pas nécessaire, car c’est après ce coup que les agents ont pu menotter le plaignant. Aucun autre coup n’a été donné après que le plaignant eut été menotté.

En conclusion, même si j’admets que la fracture du nez du plaignant a été causée par un coup de pied donné par l’AI, je suis convaincu, sur la base de motifs raisonnables, que la force employée par l’agent se situait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à l’arrestation légitime du plaignant. Ainsi, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 12 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) On croit que le temps indiqué sur la vidéo était en avance d’une heure par rapport à l’heure véritable. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.