Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PCI-294

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 31 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES
 

Le 3 novembre 2020, à 6 h 26 du matin, la Région de l’Ouest de la Police provinciale de l’Ontario a signalé que ce jour-là, vers 2 h du matin, le détachement de Middlesex de la Police provinciale a reçu un appel signalant la présence d’un homme suspect [maintenant connu pour être le plaignant] dans le secteur de Clarke Road, à Middlesex Centre. La personne qui avait appelé avait dit que le plaignant avait frappé à sa porte à la recherche d’essence.

Des agents de la Police provinciale se sont rendus sur les lieux et ont trouvé le plaignant au bord de la route. Ils lui ont brièvement parlé, puis le plaignant s’est enfui soudainement en courant. Les agents l’ont poursuivi. Le plaignant a fait le tour d’un bâtiment en courant sur la propriété de Clarke Road et s’est cogné contre un climatiseur qui dépassait d’une fenêtre. Il est tombé par terre et les agents l’ont arrêté après avoir brièvement lutté pour le menotter.

Une fouille accessoire à l’arrestation a révélé que le plaignant avait sur lui une arme de poing chargée de calibre .22 et 15 000 $ en espèces.

Le plaignant s’est plaint de douleurs à la main et a été conduit à l’hôpital University Health Sciences Centre (UHSC) où une radiographie a révélé trois os de la main fracturés et un doigt cassé.

Le plaignant a été conduit au détachement de London-Middlesex de la Police provinciale pour y être détenu dans l’attente d’une enquête sur le cautionnement.

L’équipe
 

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés :     3

Plaignant :


Homme de 31 ans, a refusé de parler à l’UES ou d’autoriser la communication de son dossier médical


Agents témoins
 

AT no 1     A participé à une entrevue
AT no 2     A participé à une entrevue



Agents impliqués
 

AI     N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.



Éléments de preuve

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies 
 

Séquence de vidéosurveillance

Cette vidéo a été reçue par l’intermédiaire de la Police provinciale. Elle n’était pas datée et ne portait pas d’horodatage, mais on pense qu’elle a capturé les premières heures du matin du 3 novembre 2020 et la présence de la police poursuivant le plaignant.

Le clip vidéo durait 34 secondes et n’a servi qu’à montrer l’arrivée de l’AI et de l’AT no 1, loin de la caméra, dans l’obscurité totale. On n’y voit pas les agents eux-mêmes, seulement leurs lampes de poche qui éclairent des zones sombres à l’extérieur de la partie éclairée par des lampadaires.
   

Vidéo de la garde au poste de police

La vidéo commence à 5 h 58, le 3 novembre 2020. Deux agents escortent le plaignant depuis le garage jusqu’au hall d’admission du poste de police. Le plaignant est menotté sur le devant de son corps. Il s’assied et on lui retire les menottes. Sa main droite est attelée et bandée. À 6 h 10, on l’escorte jusqu’à la première cellule.

Dans la cellule, la vidéo n’a capturé que le couloir adjacent, pas l’intérieur de la cellule elle-même.

Entre 7 h 26 et 7 h 59, on a fait sortir le plaignant de sa cellule pour prendre ses empreintes digitales. La prise des empreintes digitales est enregistrée et on voit le plaignant disant que sa main lui fait mal, mais qu’on ne lui a pas donné de médicament contre la douleur. Au cours de la conversation, l’agent chargé de la prise d’empreintes digitales demande au plaignant s’il s’est blessé à la main en trébuchant. Le plaignant répond par l’affirmative. Comme sa main droite est recouverte d’un bandage, on ne peut pas lui prendre d’empreinte digitale de cette main.

Entre 9 h 29 et 9 h 40, on fait de nouveau sortir le plaignant de la cellule, mais on ne voit pas où on l’emmène.

Entre 10 h et 10 h 01, on peut voir les enquêteurs de l’UES à la porte de la cellule, parlant au plaignant.

Enregistrements des communications de la police
 

Appel au 9-1-1

Le 3 novembre 2020, à 1 h 38 du matin, une personne appelle le 9-1-1 pour signaler un homme suspect. L’appelant était chez lui quand un homme [maintenant connu pour être le plaignant] a soudainement surgi de nulle part et lui a fait peur. Le plaignant lui a dit qu’il était tombé en panne d’essence à l’intersection de la rue Adelaide et de Sunningdale Road. L’appelant lui a demandé pourquoi il était venu chez lui plutôt que d’aller à la station-service à cette intersection.

Le plaignant a commencé à parler en cherchant ses mots et a dit qu’il s’était disputé avec ses amis. Il a demandé à l’appelant de le ramener chez lui, mais l’appelant lui a répondu qu’il allait se coucher. Le plaignant a dit à l’appelant qu’il allait dormir dans la remise de jardin du voisin de l’appelant, de l’autre côté de la route.

L’appelant a vu le plaignant pour la dernière fois alors qu’il disparaissait dans l’obscurité au bout de l’allée de la maison.
   

Enregistrements des communications

Le 3 novembre 2020, à 1 h 42 du matin, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont envoyés à Clarke Road en réponse à un appel concernant une personne suspecte. L’AI demande à faire partie des intervenants.

Dans la transmission suivante, on demande de faire une recherche sur un nom semblable à celui du plaignant, juste avant que l’AT no 2 annonce qu’un homme s’est enfui que l’AI et l’AT no 1 le pourchassent à pied.

Le répartiteur dit alors que le nom demandé ne figure pas au dossier et il est suggéré que l’homme a peut-être donné un nom fictif.

L’annonce suivante est que quelqu’un est sous garde. L’AT no 2 demande alors qu’on fasse une recherche sur le nom du plaignant et qu’on envoie une ambulance pour vérifier la main du plaignant.

L’AT no 1 annonce ensuite qu’elle est dans l’ambulance avec le plaignant, en route vers l’hôpital.

Éléments obtenus auprès du service de police
 

L’UES examiné les dossiers suivants que lui a remis la Police provinciale :

  •  Rapport d’enregistrement d’arrestation;
  •  Rapport de rapprochement de devises;
  •  Dossier de garde;
  •  Résumé de garde;
  •  Pièce à conviction (drogue) pour rapport d’analyse;
  •  Formulaire relatif aux drogues;
  •  Chronologie de l’incident;
  •  Copie papier de rapport général d’incident;
  •  Notes des ATs;
  •  Notes d’incident;
  •  Enregistrements des communications;
  •  Vidéo de la garde;
  • Vidéo de caméra de surveillance;
  •  Photographies numériques et rapport de l’agent de la police technique;
  •  Rapport de cause.

Description de l’incident

Le scénario suivant découle du poids des éléments de preuve recueillis par l’UES, dont des entrevues avec un agent témoin qui a participé à l’arrestation du plaignant. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme il en avait le droit.

Le 3 novembre 2020, vers 1 h 40 du matin, des agents ont été envoyés à une résidence de Clarke Road, à Arva, à la suite d’un appel au 9-1-1 du propriétaire signalant une activité suspecte sur sa propriété. Plus précisément, l’appelant a indiqué qu’un homme s’était approché de lui, indiquant qu’il était en panne d’essence et qu’il allait dormir dans la remise de jardin d’un voisin, de l’autre côté de la route. L’homme était le plaignant.

L’AI est arrivé en premier sur les lieux, suivi de près par l’AT no 1. L’AI parlait avec le plaignant au bout de l’allée de la maison d’où était parvenu l’appel au 9-1-1 lorsque le plaignant a dit [traduction] « Rattrapez-moi si vous en être capables » et s’est enfui en courant vers la propriété d’en face. L’AI et l’AT no 1 ont suivi à pied.

Le plaignant a couru dans l’allée vers l’est, a contourné un des bâtiments sur la propriété et a trébuché sur une bordure en béton, heurtant un climatiseur. Il s’est relevé, mais a trébuché rapidement sur un autre trottoir et est retombé. L’AI l’a rattrapé à ce moment-là et l’a saisi, l’empêchant de poursuivre sa fuite.

L’AI, rejoint sous peu par l’AT no 1, a eu du mal à maîtriser le plaignant qui était encore à terre et résistait en donnant des coups de pied. L’AI a donné deux coups de poing au plaignant, à la tête ou au torse, après quoi le plaignant a cessé de se débattre et les agents l’ont menotté.

Après son arrestation, le plaignant s’est plaint de douleurs à la main et au poignet droits. Une ambulance est arrivée et l’a transporté de là à l’hôpital où on lui a diagnostiqué des fractures à la main droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 3 novembre 2020, le plaignant a subi des blessures graves durant son arrestation par des agents de la Police provinciale. L’AI a participé à l’arrestation et a été identifié comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Compte tenu des renseignements qui leur avaient été fournis sur l’appel au 9-1-1 et de ce qu’ils avaient pu constater sur les lieux, y compris le fait que le plaignant s’était enfui pour leur échapper, je ne peux pas raisonnablement conclure que les agents n’avaient pas de motif légal de placer le plaignant sous garde pour l’infraction d’intrusion de nuit.

Les éléments de preuve ne donnent pas non plus de raison de croire que l’AI a utilisé une force excessive pour placer le plaignant sous garde. Confronté la nuit à un apparent intrus qui avait fui la police et laissait entendre qu’il n’accepterait pas pacifiquement d’être placé sous garde, l’AI avait le droit de recourir à une certaine force lorsque le plaignant s’est débattu à terre en refusant de le laisser menotter. En fait, à un moment donné, la preuve indique que le plaignant a donné un coup de pied à l’AT no 1 qui essayait de lui contrôler les jambes. Les deux coups de poing assénés par l’AI ne semblent pas disproportionnés, d’autant plus que le second a été donné après que le premier n’avait pas réussi à maîtriser le plaignant.

Il convient de noter que les blessures du plaignant étaient probablement le résultat de l’une ou l’autre de ses chutes au moment où il fuyait la police; il semble l’avoir admis au personnel de l’hôpital à la suite de l’incident. Quoi qu’il en soit, comme je suis convaincu que l’AI a agi légalement tout au long de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 30 mars 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.