Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCD-216

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 43 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 août 2020, à 19 h 47, la Police régionale de York (PRY) a avisé l’UES du décès du plaignant et donné le rapport qui suit.

Le 30 août 2020, à 19 h 02, la PRY a reçu un appel au 9-1-1 signalant qu’un homme [maintenant déterminé comme étant le plaignant] causait des troubles au magasin No Frills situé au coin sud-est de la rue Yonge et de la rue Davis, à Newmarket. Quand les agents sont arrivés, le plaignant était monté sur le toit du magasin No Frills et il menaçait de se faire du mal et de blesser les agents. Le périmètre a été sécurisé et d’autres agents sont arrivés en renfort.

À 19 h 06, le plaignant a sauté du toit en faisant un « saut arrière » et est tombé sur le sol. Il était immobile. Il a ensuite été emmené au Centre régional de santé Southlake, à Newmarket, où son décès a été prononcé.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Homme de 43 ans, décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé à l’extrémité est d’un centre commercial, du côté est du magasin No Frills situé au 50 Davis Drive, à Newmarket. Le stationnement s’étend à l’est du magasin No Frills. Plusieurs chariots d’épicerie étaient rangés à côté du magasin. Le sol était jonché de plusieurs objets, au nord des chariots, , dont un sac à dos contenant des articles de toilette, un marteau, un chandail à capuche gris à glissière, un sac de couchage noir et gris, une serviette rayée bleue et blanche, plusieurs produits alimentaires et une fronde.

Un mur, de 1,09 mètre de hauteur, borde l’endroit où les chariots sont rangés. Immédiatement à l’est et au sud du mur, l’aire de stationnement est nettement en contrebas par rapport à la rue et au reste de la propriété du centre commercial. Le haut de ce mur est à 5,55 mètres du sol en contrebas.

Les articles trouvés dans l’aire des chariots d’épicerie étaient à droite, à côté du mur sud. Ces articles comprenaient une casquette de baseball et un portefeuille à velcro. Le portefeuille a été récupéré.

Les articles situés dans la zone pavée en contrebas du mur de l’aire des chariots d’épicerie comprenaient plusieurs sacs ouverts de matériel des Services médicaux d’urgence (SMU) qui sont intervenus. Plusieurs articles, dont un pantalon imperméable Nike noir, un pantalon molletonné Mountain Ridge et une paire de sandales George, étaient empilés au sud de l’équipement des SMU.

Il y avait une grande flaque d’une substance rouge ressemblant à du sang sur le sol, à 4,09 mètres au sud du mur supérieur sud et à 4,14 mètres à l’est du mur est du bâtiment.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Résumé des images de vidéosurveillance de No Frills

L’enregistrement est daté du 30 août 2020 et montre ce qui suit :

À 17 h 59, on voit le plaignant à l’extrémité nord de l’aire de rangement des chariots. Il est vêtu d’un haut noir à manches courtes et d’un pantalon de survêtement noir et a un masque chirurgical blanc suspendu sous le menton. Le plaignant se rend à l’extrémité sud de l’aire des chariots et regarde par-dessus le mur orienté est-ouest.

À 17 h 59 min 48 s, le plaignant fait demi-tour et se dirige vers le nord dans l’aire des chariots. Il semble tenir un paquet de cigarettes et un briquet tout en marchant.

À 18 h 01 min, le plaignant fait des va-et-vient du nord au sud et du sud au nord en tripotant le paquet de cigarettes et le briquet.

À 18 h 02 min, le plaignant traverse l’aire des chariots vers le sud jusqu’au mur qui s’étend en direction est-ouest depuis le mur est du magasin No Frills, et s’assied au sommet du mur.

À 18 h 02 min 20 s, le plaignant descend du mur et recommence à marcher vers le nord, puis vers le sud dans l’aire des chariots, tout en fumant une cigarette. Il marche ensuite vers le nord puis vers l’ouest et disparait brièvement du champ de vision de la caméra.

À 18 h 03 min 30 s, le plaignant retourne à l’aire des chariots en regardant dans un portefeuille qu’il tient en main, tout en marchant vers l’est puis vers le sud dans l’aire des chariots. Le plaignant continue de tourner en rond, dans un sens puis dans l’autre.

À 18 h 04 min 10 s, le plaignant marche vers le nord puis vers l’ouest et sort très brièvement du champ de vision de la caméra, puis revient en tenant une casquette de baseball à imprimé camouflage. Il continue de tourner en rond dans l’aire des chariots en fumant une cigarette. Il met la casquette sur sa tête.

À 18 h 06 min 38 s, le plaignant retourne vers le sud jusqu’au mur de blocs où il s’assied en regardant plusieurs fois le sol en contrebas, en penchant la tête par-dessus son épaule droite et par-dessus son épaule gauche. Il semble se parler à lui-même et agite les mains.

À 18 h 07 min 38 s, le plaignant descend du mur et marche vers le nord dans l’aire des chariots, en fumant toujours une cigarette. Ce type de comportement continue pendant 15 minutes de plus.

À 18 h 22 min 40 s, alors que le plaignant est assis sur le mur face au nord, deux femmes [déterminées maintenant comme étant la TC no 2 et la TC no 3] et un jeune enfant entrent dans le champ de vision de la caméra et retournent leur chariot dans l’aire de rangement, près de l’endroit où le plaignant est assis. Le plaignant reste assis sur le mur, face au nord, et semble dire quelque chose à la TC no 2 et la TC no 3. Les deux dames descendent ensuite l’escalier, à l’est de l’aire des chariots, qui mène au niveau inférieur`, laissant le plaignant assis au sommet du mur. Le plaignant, de sa position assise, crie en direction des femmes et pointe le bras doit dans leur direction. Il semble très agité.

À 18 h 35 min, le plaignant est allongé sur le mur, sur le côté gauche, la tête appuyée sur son coude gauche et pointant vers l’ouest et ses pieds pointant vers l’est; il fait face au nord. Il s’assied ensuite sur le mur, face au nord, se parlant à lui-même et agitant les bras.

À 18 h 38 min 26 s, le plaignant se met debout sur le mur, face au nord, et regarde plusieurs fois le sol en contrebas par-dessus son épaule gauche, tout en fumant une cigarette. Il se parle à lui-même et agite les bras. Il marche vers l’est sur le mur et regarde le sol en contrebas, le dos face à l’aire de rangement des chariots.

À 18 h 42 min 50 s, le plaignant est debout sur le mur face au nord, les jambes écartées; il fume une cigarette. Il tourne la tête à droite et à gauche plusieurs fois pour regarder le sol en contrebas. Il commence alors à faire les cent pas sur le mur.

À 18 h 51 min 30 s, on voit les ombres de deux personnes [qu’on croit être l’AI no 1 et l’AI no 2] dans le coin inférieur gauche de la vidéo. Les agents sont hors du champ de vision de la caméra; ils sont à au moins 12 mètres au nord de l’aire des chariots. Le plaignant est debout sur le mur et fait face aux policiers, le dos tourné vers le sol en contrebas. Il semble parler aux agents et agiter les bras. Le plaignant semble très agité et animé; il est debout sur le mur et tourne continuellement la tête à droite et à gauche pour regarder le sol en contrebas. Il semble qu’il menace de sauter en arrière.

À 18 h 55 min 10 s, trois VUS de police portant les inscriptions de la PRY se dirigent vers le nord sur Wilstead Drive, la rue en contrebas de l’endroit où se trouve le plaignant. Les feux d’urgence des véhicules sont éteints. Ils se garent du côté est de Wilstead Drive. Le plaignant fait face au nord; il crie et regarde fixement l’AI no 1 et l’AI no 2. Il ne semble pas remarquer les voitures de police derrière lui.

À 18 h 56 min 25 s, un autre SUV de la PRY arrive en direction sud sur Wilstead Drive; ses feux d’urgence sont éteints. Le plaignant soulève sa chemise et montre son torse à l’AI no 1 et l’AI no 2.

À 18 h 59 min, le plaignant fait des va-et-vient d’est en ouest sur le mur, en regardant continuellement le sol en contrebas.

À 19 h 00 min 47 s, une camionnette de l’Unité d’intervention spéciale des SMU arrive au sud sur Wilstead Drive; sa signalisation d’urgence n’est pas activée. Le plaignant remarque la camionnette et recule vers le bord extérieur du mur. Il vacille, les bras tendus et regarde le sol par-dessus son épaule gauche.

À 19 h 01 min, soudainement, le plaignant, les deux bras complètement étendus sur le côté, vacille sur le bord extérieur du mur et tombe en arrière, disparaissant du champ de vision de la caméra.

À 19 h 01 min 5 s, l’AI no 1 et l’AI no 2 dévalent l’escalier menant de l’aire des chariots au sol en contrebas. Au même moment, deux agents de police en uniforme [vraisemblablement l’AT no 3 et l’AT no 4] se précipitent vers l’endroit où le plaignant est tombé.

À 19 h 02 min 10 s, les agents de police commencent à établir un périmètre autour de la scène.

À 19 h 05 min 5 s, une ambulance arrive sur les lieux et, à 19 h 06 min, la vidéo prend fin.


Résumé de la vidéo du système de caméra embarquée de véhicules de police de la PRY

Ces vidéos ont été enregistrées le 30 août 2020 par quatre véhicules de la PRY. Elles ne présentent pas d’intérêt particulier pour l’enquête, car on n’y voit ni le plaignant ni sa chute.

Enregistrements des communications de la police


Résumé de l’enregistrement des communications de la PRY

Il s’agit d’enregistrements du 30 août 2020 qui ont capturé ce qui suit :

À 18 h 31, la TC no 2 appelle le 9-1-1 pour signaler des menaces au No Frills de Newmarket. Elle a dit qu’il y a un homme [maintenant déterminé comme étant le plaignant] qui crie [traduction] : « Si je vois le 5-0, je vais vous tuer », aux clients de No Frills.

À 18 h 43, l’AI no 1 et l’AI no 2 sont chargés d’intervenir. Les deux agents arrivent sur les lieux à 18 h 55.

À 18 h 58, l’AT no 1 est aussi appelé à intervenir. Il arrive sur les lieux à 19 h 01.

À 18 h 58, l’AT no 3 et l’AT no 2 sont appelés à intervenir; ils arrivent sur les lieux 19 h 00.

À 18 h 58, l ’AI no 2 demande sur le réseau radio de la police qu’on envoie une ambulance parce que le plaignant est debout sur un rebord et qu’elle craint qu’il saute.

À 18 h 59, l’AI no 2 dit que le plaignant crie après les policiers; elle demande qu’on envoie d’autres agents en renfort.

À 19 h 00, l’AI no 2 dit sur le réseau radio de la police que le plaignant crie et dit qu’il veut tuer la police. Le plaignant est sur un rebord dont l’AI no 2 ignore la hauteur par rapport au sol.

À 19 h 02, l’EIU est avisée et plusieurs unités de l’EIU sont en route.

À 19 h 02, l’AI no 2 dit que le plaignant a affirmé que si d’autres agents de police venaient, il sauterait. Le plaignant ignore les ordres de la police. L’AI no 2 ajoute que le plaignant n’a aucune arme à la ceinture.

À 19 h 03, l’AI no 2 dit par radio que le plaignant se trouve sur un rebord du côté le plus à l’est du centre commercial, à une hauteur d’environ 20 pieds (6 mètres).

À 19 h 06, l’AI no 2 dit que le plaignant a sauté.

À 19 h 08, l’AI no 2 dit que le plaignant est sans réaction et qu’on a besoin d’une ambulance d’urgence.

À 19 h 09, l’AI no 2 explique qu’en voyant un véhicule des SMU, le plaignant était devenu très agité et avait fait un saut arrière du rebord.

Le reste des enregistrements signale l’arrivée d’autres unités de police et n’a pas de valeur probante pour l’enquête.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants de la PRY, qu’elle a examinés :
  • Historique d’appel de répartition assistée par ordinateur (x2);
  • Enregistrements des communications;
  • Appel au 9-1-1;
  • Procédure – personne en crise;
  • Rapport Versadex;
  • Vue d’ensemble de cas de la PRY, avec les rôles respectifs des agents;
  • Vidéo de caméras de véhicules de patrouille de la PRP (x4);
  • Photos de l’incident prises par la PRY.

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

L’UES a examiné les dossiers suivants obtenus auprès de sources autres que la police :
  • Enregistrement de vidéosurveillance – No Frills;
  • Rapport d’appel d’ambulance;
  • Rapport d’incident des SMU (x4).

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement d’une vidéo qui a capturé la plus grande partie – sinon la totalité – de l’incident, ainsi que des entrevues avec l’AI no 1 et avec un certain nombre d’autres agents qui étaient présents sur les lieux au moment de l’incident. L’AI no 2 n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ni autorisé la communication de ses notes, comme c’était son droit.

Le 30 août 2020, juste avant 19 h, les AI 1 no et AI no 2 sont arrivés au stationnement de l’épicerie No Frills du 50 Davis Drive, à Newmarket. Ils avaient été envoyés à cet endroit à la suite d’un appel au 9-1-1 de la TC no 2 signalant la présence d’un homme – le plaignant – dans le stationnement du magasin qui criait des menaces de mort.

Un employé du magasin a dirigé l’AI no 1 et l’AI no 2 vers l’endroit où se trouvait le plaignant. Il était sur le rebord du mur sud qui borde une enclave, à l’est du magasin, où sont entreposés les chariots d’épicerie. Alors que les agents se tenaient à l’extrémité nord de l’enclave, séparés du plaignant par des chariots, ce dernier leur a crié de ne pas s’approcher.

Constatant que le plaignant était en danger – il y avait une hauteur d’environ six mètres entre le rebord et le sol en contrebas, de l’autre côté du mur – l’AI no 1 a essayé de parler avec le plaignant pour le calmer. Sans s’approcher de lui, les agents ont assuré au plaignant qu’ils étaient là pour l’aider et lui ont proposé de l’emmener à l’hôpital pour qu’un médecin l’examine. Le plaignant a dit qu’il ne voulait pas de leur aide.

Craignant que le plaignant ne se blesse, les agents ont demandé aux SMU de prêter assistance et de venir dans le secteur au cas où on aurait besoin d’eux. Ils ont également demandé que d’autres agents soient envoyés en renfort, mais en les avertissant de ne pas approcher avec leurs feux d’urgence et sirènes allumées, car le plaignant avait indiqué qu’il sauterait s’il voyait d’autres agents de police.

Vers 19 h 08, le plaignant est tombé en arrière du haut du mur. Juste avant sa chute, sa colère avait monté en flèche à la vue d’une ambulance roulant vers le sud sur la rue adjacente à l’enclave – Wilstead Drive. Il s’est plaint de la présence d’autres agents de police sur les lieux et n’a pas été apaisé quand l’AI no 1 a tenté de le rassurer en lui disant qu’il ne s’agissait pas d’un véhicule de police.

L’AI no 1 et l’AI no 2 ont dévalé l’escalier conduisant au sol en contrebas pour venir en aide au plaignant. D’autres agents, qui étaient restés hors de vue au sud de la scène, se sont également approchés. Gisant sur le sol, le plaignant ne bougeait plus et des substances corporelles coulaient de sa tête et de sa bouche. Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés rapidement, ont pris en charge le plaignant et l’ont transporté à l’hôpital. Son décès a été prononcé à 19 h 42.

Cause du décès

Le pathologiste chargé de l’autopsie a attribué le décès du plaignant à un traumatisme contondant.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 30 août 2020, le plaignant a fait une chute mortelle du rebord d’un mur attenant à l’épicerie No Frills, au coin sud-est de la rue Yonge et de Davis Drive, à Newmarket. Comme il avait interagi avec deux agents de la PRY au moment de sa chute, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert une enquête. Les deux agents en question – l’AI no 1 et l’AI no 2 – ont été désignés en tant qu’agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’infraction à prendre en considération en l’espèce est la négligence criminelle causant la mort, une infraction visée par l’article 220 du Code criminel. La culpabilité serait fondée, en partie, sur un comportement qui fait preuve d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie et la sécurité d’autrui. Une simple négligence ne suffira pas à établir l’infraction. Il faudrait démontrer que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances. En l’espèce, la question à trancher est de savoir si les agents ont fait preuve d’un manque de diligence qui a causé la mort du plaignant ou y a contribué et que ce manque constituait une négligence suffisante pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’AI no 1 et l’AI no 2 s’acquittaient de leurs obligations légales lorsqu’ils se sont rendus au No Frills et ont confronté le plaignant. Ils avaient été envoyés sur les lieux à la suite d’informations selon lesquelles un homme – le plaignant – avait été entendu proférer des menaces de mort.

Par la suite, je suis convaincu que les agents se sont comportés dans les limites de la loi pendant les huit à neuf minutes au cours desquelles ils ont parlé avec le plaignant. Bien qu’il soit rapidement devenu évident que le plaignant n’avait pas tous ses esprits et souffrait d’une crise de santé mentale, les agents ne pouvaient pas se contenter de s’éloigner sans rien faire. Même s’il était clair que leur présence ne faisait qu’accroître l’agitation du plaignant, il subsistait des craintes légitimes qu’il pourrait se faire du mal ou faire du mal à d’autres s’il était laissé à lui-même. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont évité de trop s’approcher de lui – en maintenant environ 12 mètres entre eux et le plaignant – afin de ne pas le provoquer davantage. L’AI no 1 a pris les devants en parlant avec le plaignant pour essayer de le convaincre de descendre du mur. Lorsque le plaignant lui a dit qu’il ne se sentait pas bien, l’AI no 1 lui a assuré qu’ils l’emmèneraient à l’hôpital pour qu’on le soigne. L’agent a également prêté attention à ce que disait le plaignant et a commencé à discuter avec lui d’un musicien mentionné par le plaignant. Pendant ce temps, l’AI no 2 a averti par radio que le plaignant avait menacé de sauter s’il voyait d’autres policiers. Les agents supplémentaires ont tenu compte de ces conseils et sont arrivés sur les lieux pratiquement sans être vus et sans utiliser leur signalisation d’urgence. Malheureusement, même si l’ambulance qui arrivait sur Wilstead Drive n’avait pas allumé ses gyrophares ni sa sirène, le plaignant l’a pris pour un véhicule de police, après quoi il a semblé se propulser en arrière du rebord du mur.

Au vu du dossier susmentionné, même si on admet qu’on aurait pu faire davantage d’efforts pour assurer l’arrivée discrète des véhicules d’urgence dans le secteur, je ne peux pas raisonnablement conclure que la conduite des agents présentait des faiblesses telles qu’elle constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence raisonnable dans les circonstances. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.



Date : 22 mars 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.