Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PVI-340

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par un homme de 35 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 5 décembre 2020, à 0 h 46, la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a avisé l’UES des blessures subies par le plaignant.

Selon ce qu’a rapporté la Police provinciale, vers minuit, des agents de son service [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AI et de l’AT no 4] avaient établi un poste de contrôle pour le programme RIDE (Reduce Impaired Driving Everywhere) sur la bretelle de sortie de l’autoroute 401 en direction ouest menant à la route 33 [on sait maintenant qu’il s’agit de la County Road 33]. Un véhicule utilitaire sport (VUS) de marque Toyota RAV4 circulant en direction ouest [on sait maintenant qu’il était conduit par le plaignant] s’est engagé sur la bretelle depuis les voies en direction ouest de l’autoroute 401. Il semble que le plaignant ait vu le poste de contrôle du programme RIDE, où le véhicule de police de l’AI et de l’AT no 4 se trouvait, immobile, avec les gyrophares allumés, qu’il ait fait demi-tour et qu’il ait poursuivi sa route en direction ouest sur l’autoroute 401. L’AI et l’AT no 4 ont éteint les gyrophares du véhicule et se sont mis en route pour chercher le RAV4. Ils se sont dirigés vers l’ouest et se sont rendus jusqu’à l’aire de service ONroute [on sait maintenant qu’il s’agit de la County Road 40] pour tenter de repérer le VUS. Ils n’ont pas vu le véhicule et sont retournés au poste de contrôle du programme RIDE. Puis, environ 10 minutes plus tard, le service paramédical de Hastings-Quinte a signalé être intervenu à la suite d’une collision survenue sur l’autoroute 401, à la hauteur de la bretelle de sortie menant à la County Road 40. Les ambulanciers paramédicaux ont constaté que le plaignant avait été éjecté du VUS. Il semble que le plaignant ait perdu le contrôle du VUS sur la bretelle de sortie et qu’il soit sorti de la route en faisant plusieurs tonneaux. Au moment de l’avis, le plaignant était en voie d’être transporté à l’Hôpital général de Kingston; il avait subi de graves lacérations au visage et avait un poumon collabé [on sait maintenant qu’il s’agissait de blessures graves et potentiellement mortelles à la tête, orthopédiques et internes].

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 5 décembre 2020, à 1 h 21

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 5 décembre 2020, à 3 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 35 ans; a participé à une entrevue le 14 janvier 2021


Témoins civils (TC)

TC no 1 Plus proche parent du plaignant; n’a pas participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 N’a pas consenti à participer à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 Plus proche parent du plaignant; n’a pas participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 6 décembre 2020 et le 17 décembre 2020.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 4 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 11 janvier 2021 et le 15 janvier 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

Des agents de l’UES ont été dépêchés à 1 h 21 et ont commencé à arriver sur les lieux à 3 h 30.

L’incident s’est produit sur la bretelle de sortie de l’autoroute 401 en direction ouest menant à la County Road 40, qui est adjacente à la bretelle d’accès à l’autoroute 401 depuis la County Road 40 en direction ouest. Un seul véhicule [on sait maintenant qu’il était conduit par le plaignant], sur ses roues, était dans un fossé se trouvant près de la partie courbée de la bretelle d’accès. L’avant du véhicule était orienté vers le nord-ouest. De nombreux débris étaient dispersés sur la route. Le toit ouvrant du véhicule se trouvait parmi les débris.

À cinq endroits dans la zone gazonnée à l’ouest du véhicule, on voyait d’importantes traces de pneus. Des traces de pneus étaient également visibles depuis la bretelle de sortie en direction ouest près du panneau signalant la sortie 522 et dans le gazon jusqu’à l’endroit où se trouvait le véhicule. Il faisait sombre; il n’y avait pas de lumière artificielle provenant de réverbères. Le pavé était humide, peut-être en raison d’un brouillard nocturne. Les marques routières étaient visibles.

Un panneau de limite de vitesse indiquant 30 km/h pour la bretelle se trouvait près du panneau de la sortie 522. La température ambiante était d’environ 0° Celsius. Des cônes de signalisation colorés placés plus tôt par les services d’urgence locaux se trouvaient près des marques de pneus susmentionnées. Toutes les parties du véhicule, y compris le toit, avaient subi d’importants dommages.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels


Système GPS – véhicule de l’AI


Les données du système GPS suivantes concernent le véhicule de la Police provinciale no 6-628, qui était conduit par l’AI le 4 décembre 2020. La tête d’îlot (TI) est le point où la ligne blanche de la bretelle converge avec celle de l’autoroute. « CR » signifie « County Road », « m » signifie « mètres », « DO » signifie « direction ouest » et « O » signifie « ouest ». Les autres lettres désignant des directions suivent le même principe.

Système GPS – véhicule de l’AI

Système GPS – véhicule de l’AILes données du système GPS montrent que le véhicule de l’AI était immobile au poste de contrôle du programme RIDE à 22 h 54 min 9 s. Environ 13 minutes plus tard, à 23 h 7 min 25 s, l’AI, ainsi que l’AT no 4, qui se trouvait sur le siège du passager avant du véhicule de l’AI, circulaient en direction ouest et cherchaient le VUS du plaignant, qui avait fait demi-tour après avoir vu le poste de contrôle du programme RIDE et s’était dirigé vers l’ouest sur l’autoroute 401.

À 23 h 7 min 41 s, l’AI circulait en direction ouest à 85 km/h, et à 23 h 8 min 27 s [environ 46 secondes plus tard et à 1,88 kilomètre à l’ouest du poste de contrôle du programme RIDE], l’AI a atteint une vitesse de 179 km/h.

À 23 h 8 min 39 s [environ 12 secondes plus tard], l’AI se trouvait sur la bretelle de sortie de l’autoroute 401 en direction ouest menant à la County Road 40; il circulait à 114 km/h et a ralenti lorsqu’il est passé à côté d’un poteau de métal plié, de traces de pneus dans le terre plein, d’un champ de débris dans lequel se trouvait le plaignant et du VUS de celui-ci, qui était sur ses roues dans l’herbe près de la bordure ouest de la bretelle d’accès de la County Road 40 menant à l’autoroute 401 en direction ouest.

L’AI a ensuite ralenti jusqu’à 2 km/h, roulant sur la rampe de sortie jusqu’à son extrémité, à l’intersection de celle-ci avec la County Road 40, qui est contrôlée par des feux de circulation; depuis cet endroit, à 23 h 9 min 6 s, l’AI s’est dirigé vers le nord jusque dans un stationnement de covoiturage pour chercher, selon l’AT no 4, le VUS du plaignant, avant de retourner au poste de contrôle du programme RIDE.


Données du système d’extraction de données sur les collisions (EDC) – véhicule du plaignant


Les données du module de commande de coussin gonflable du véhicule Toyota RAV4 2009 gris impliqué dans l’incident ont été téléchargées par la Police provinciale à 12 h 2 le 5 décembre 2020. Les deux coussins gonflables de côté s’étaient déployés, et le module de commande a enregistré de multiples événements complets. L’événement le plus récent est le dernier d’une série d’événements ayant mené au déploiement de l’équipement de sécurité. Selon le résumé des enregistrements suivant, cinq événements antérieurs accompagnent l’événement le plus récent. L’événement le plus récent et deux événements antérieurs se sont produits à une seconde d’intervalle les uns des autres et consistent en une combinaison de collisions avant/arrière et de côté, ce qui indique que le véhicule a fait des tonneaux. Puisqu’ils se sont produits à intervalle très rapproché et que les données de chaque événement sont les mêmes, pour les fins du présent rapport, on considère le tout comme un seul événement.

Selon le diagramme à l’échelle réalisé par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES, la deuxième grande trace de pneus dans le gazon à partir de l’ouest se trouvait à 13,2 mètres à l’est de la bordure est de la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest à partir de la County Road 40. Cet endroit se trouve à 36,2 mètres à l’est de l’endroit où se trouvait le RAV4, et à 36,4 mètres à l’ouest de la bordure est de la bretelle de sortie de l’autoroute 401 menant à la County Road 40 en direction est. Cette marque de pneus se trouve à l’endroit où l’événement le plus récent s’est produit; le glissement jusqu’à immobilisation, de 88 km/h à 0 km/h, pendant lequel le véhicule a parcouru une distance de 36,2 mètres en 3 secondes donne un coefficient de friction de 0,83, ce qui est raisonnable.

Sommaire des événements consignés au moment de la récupération des données

Sommaire des événements consignés au moment de la récupération des données

Selon les données préalables à la collision, la trace dans le sol se trouvait à 36,2 mètres à l’est de l’endroit où s’était arrêté le RAV4. À ce moment-là, le véhicule circulait à 88 km/h. 0,1 seconde plus tôt (-0,1), la vitesse du RAV4 était de 100 km/h. Cela représente un énorme changement de vitesse en peu de temps, probablement en raison de l’effet de l’impact et des tonneaux. Pendant cette période, le RAV4 a parcouru 2,6 mètres. Pendant la seconde précédente (-1,1), le RAV4 a ralenti, passant de 120 km/h à 100 km/h, et a parcouru 30,7 mètres. Dans la seconde précédant celle-ci (-2,1), le RAV4 a ralenti depuis 122 km/h à 120 km/h avec très peu de résistance, et a parcouru 33,7 mètres. Dans les deux secondes précédentes (-3,1 à -4,1), le RAV4 a maintenu une vitesse de 122 km/h. Pendant cette période, il a parcouru 33,19 m/s, soit 67,8 mètres. Ainsi, au début des données préalables à la collision (-4,1), le RAV4 se trouvait à 134,8 mètres à l’est de la deuxième trace dans le sol la plus à l’ouest. Cela place le RAV4 sur la bretelle de sortie de la County Road 40, à 66 mètres à l’ouest de la tête d’îlot de la bretelle (l’endroit où la ligne blanche de la bretelle de sortie de la County Road 40 rencontre celle de l’autoroute 401).

Témoignage d’expert


Conclusions du spécialiste de la reconstitution des collisions de l’UES


Le VUS RAV4 circulait à une vitesse supérieure à la vitesse critique de virage sur la bretelle de sortie, ce qui l’a empêché de rester sur la bretelle.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

L’UES a cherché des photographies et/ou des enregistrements audio et vidéo pertinents, et a et obtenu les suivants.


Enregistrements de communications


On a enregistré un appel du service paramédical de Hastings-Quinte au Centre de communication de la Police provinciale (CCPP) dans lequel on demande que la police se rende sur les lieux de la collision et on précise qu’un homme [on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant] a été trouvé sur la bretelle d’accès à l’autoroute 401, à la hauteur de la County Road 40, et qu’il a [traduction] « la tête ouverte ».

On a enregistré de nombreuses communications radio entre le CCPP et des agents de police, notamment l’AT no 1, qui se rendaient sur les lieux de la collision et, après leur arrivée, qui tentaient d’établir l’identité du propriétaire et conducteur du véhicule, ainsi que des communications avec des responsables d’équipement et de services de fermeture de voies et de déviation de la circulation.

On entend un agent dire aux agents en route d’être prudents parce qu’il y a de la [traduction] « glace noire » sur le pont Dickson.

À huit minutes dans l’enregistrement audio, un agent [on croit qu’il s’agit de l’AT no 1] indique ce qui suit : [traduction] « deux de mes gars [soit l’AI et l’AT no 4] effectuaient un contrôle pour le programme RIDE sur l’une des bretelles de l’autoroute 401. Un véhicule a fait demi-tour – celui qui est impliqué dans la collision, ici; il a fait demi-tour sur la bretelle et a pris la fuite. Les agents ont tenté de bloquer le véhicule; ils n’ont pas activé leur équipement d’urgence. Et le gars, eh bien, il a eu cette collision ». L’AT no 1 signale ensuite que le plaignant a subi un traumatisme grave à la tête et qu’il a les poumons collabés, ajoutant qu’il a besoin d’un sergent responsable de la circulation et d’un agent de liaison avec l’UES.

La téléphoniste du CCPP demande à quel endroit se trouve le poste de contrôle du programme RIDE, et l’AT no 1 répond qu’il se trouve à environ deux kilomètres du lieu de la collision. Il ajoute qu’il ne croit pas que l’AI a rattrapé le RAV4 parce que ce dernier allait très vite, et qu’il est assez certain que l’AI et l’AT no 4 ont quitté l’autoroute 401 à la hauteur de la County Road 40 et qu’ils n’ont pas vu le véhicule.

À 10 minutes et 20 secondes dans l’enregistrement, puisque l’AI donne de l’information à l’AT no 1, qui la relaie à la téléphoniste du CCPP, l’AT no 1 offre de prêter sa radio (ou son téléphone) à l’AI pour qu’il parle directement à la téléphoniste. La téléphoniste interrompt l’AT no 1, disant que ce n’est probablement pas une bonne idée, et l’AT no 1 indique qu’il est d’accord avec elle. L’AT no 1 répète que les gyrophares n’ont été allumés à aucun moment. L’AT no 1, qui parle avec l’AI (qu’on entend en arrière-plan), dit à la téléphoniste [traduction] « ils sont sortis ici [à la County Road 40] et n’ont pas vu le véhicule de l’autre côté de l’autoroute ».

Un téléphoniste du CCPP demande aux agents de confirmer que seul le plaignant a été impliqué dans la collision et qu’aucune autre personne n’a été impliquée ou éjectée d’un véhicule. On le confirme.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale :
  • avis de 24 heures – rapport de l’enquêteur technique des accidents de la circulation;
  • enregistrements des communications audio;
  • rapport sur l’événement – système de répartition assistée par ordinateur;
  • données CDR-2T3BK32V69W005161_ACM tirées du véhicule du plaignant;
  • courriel de la Police provinciale concernant la divulgation d’autres renseignements, daté du 16 décembre 2020;
  • rapport général;
  • données du système GPS du véhicule de l’AI;
  • numéro du rapport de collision de véhicules;
  • notes de tous les AT;
  • rapport de la Police provinciale sur la propriété – téléphone cellulaire;
  • diagrammes des lieux de la Police provinciale;
  • notes de l’enquêteur technique des accidents de la circulation de la Police provinciale;
  • dossier de formation de la Police provinciale – dossier de l’AT no 4;
  • dossier de formation de la Police provinciale – dossier de l’AI;
  • programme RIDE – ordonnances de la Police provinciale;
  • rapports supplémentaires (x2);
  • poursuite visant l’appréhension de suspects – ordonnances de la Police provinciale;
  • photographies des lieux;
  • notes d’examen du véhicule Toyota RAV4;
  • déclaration du TC no 6.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources et les a examinés :
  • dossiers médicaux – le plaignant;
  • rapport d’appel d’ambulance;
  • photographies des lieux prises par le TC no 3;
  • photographies des lieux prises par un civil.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont déroulés au moyen des éléments de preuve recueillis par l’UES; de même, on peut résumer le tout rapidement. Peu après 23 h le 4 décembre 2020, le plaignant, qui conduisait un VUS de marque Toyota RAV4, circulait en direction ouest sur l’autoroute 401, dans le secteur de Trenton. Il a quitté l’autoroute par la bretelle de sortie à la hauteur de la County Road 33, s’approchant de l’endroit où se trouvait un véhicule de la Police provinciale, qui était orienté vers l’ouest sur l’accotement de la bretelle. À l’extérieur du véhicule, il y avait deux agents de la Police provinciale qui effectuaient un contrôle dans le cadre du programme RIDE. Les agents ont fait signe au plaignant de s’arrêter. Le plaignant a ralenti, a fait demi-tour sur la bretelle, a emprunté la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest, puis a accéléré pour quitter les lieux.

L’AI et son partenaire, l’AT no 4, sont les agents qui se trouvaient au poste de contrôle. Soupçonnant que le plaignant était en état d’ébriété et qu’il avait effectué cette manœuvre pour éviter le contrôle, les agents sont montés à bord de leur véhicule, ont emprunté eux aussi la bretelle d’accès à l’autoroute en direction ouest et ont poursuivi le Toyota RAV4. L’AI était au volant.

Croyant que le véhicule qu’ils poursuivaient pouvait être celui qui se trouvait à une certaine distance devant eux et qui venait de quitter l’autoroute à la hauteur de la County Road 40, l’AI a accéléré et est lui aussi sorti de l’autoroute. Lorsqu’ils ont rattrapé le véhicule sur la bretelle de sortie vers la County Road 40 et qu’ils ont constaté qu’il ne s’agissait pas du VUS en question, les agents ont continué de circuler vers le nord sur la County Road 40 pour chercher le RAV4 dans les environs. Après un certain temps, ils sont revenus à leur point de départ, à la hauteur de la County Road 33.

Le plaignant était effectivement sorti de l’autoroute 401 par la bretelle menant à la County Road 40 avant l’arrivée des agents à cet endroit. Alors qu’il empruntait une courbe vers la droite, le plaignant a perdu le contrôle de son véhicule. Le RAV4 a quitté la route, est passé sur une berme et a dépassé la bretelle d’accès à l’autoroute 401 en direction ouest en faisant des tonneaux, puis s’est arrêté sur les roues directement à l’ouest de l’accotement de la bretelle. Le plaignant a été éjecté de son véhicule et s’est retrouvé à une courte distance au sud du RAV4.

Plusieurs automobilistes qui sont passés dans les environs ont remarqué les débris et le plaignant, et se sont arrêtés pour lui porter secours. Certains ont appelé le 9 1 1 et ont attendu l’arrivée des services d’urgence. Les pompiers et les ambulanciers paramédicaux sont arrivés en premier sur les lieux, rapidement suivis par des agents de police.

Ayant appris qu’il y avait eu une collision, l’AI et l’AT no 4 sont retournés sur les lieux de leur poste de contrôle de la circulation. D’où ils se trouvaient, ils ont pu constater que le RAV4 impliqué dans l’accident était le véhicule qu’ils avaient vu prendre la fuite. Ils ont transmis cette information à leurs supérieurs.

Le plaignant a été transporté depuis les lieux vers l’hôpital. On a déterminé qu’il avait subi des blessures au cerveau et orthopédiques potentiellement mortelles ainsi que de multiples autres blessures internes.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse d'un moyen de transport

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

 

Analyse et décision du directeur

Le 4 décembre 2020, le plaignant a subi de graves blessures lorsque le VUS qu’il conduisait a fait des tonneaux. Puisque son véhicule avait fait demi-tour à un poste de contrôle du programme RIDE de la Police provinciale quelques instants auparavant, l’UES a été avisée et a lancé une enquête. L’AI, l’un des agents qui se trouvaient au poste de contrôle, a été désigné comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les preuves, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

L’infraction possible à l’étude est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles aux termes du paragraphe 320.13(2) du Code criminel. L’infraction est fondée, en partie, sur une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu, dans la manière dont l’AI a conduit son véhicule, tout manque de diligence qui aurait causé la collision dans laquelle le plaignant a été impliqué ou qui y aurait contribué et, le cas échéant, s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

L’AI exerçait ses fonctions légitimes lorsqu’il a vu le RAV4 du plaignant faire demi-tour pour éviter son poste de contrôle RIDE et, ainsi, qu’il est monté à bord de son véhicule avec son partenaire et qu’il a entrepris de poursuivre le véhicule du plaignant. L’agent avait de bonnes raisons de croire, à ce moment-là, que le plaignant conduisait en état d’ébriété et qu’il avait agi de la sorte pour éviter de se faire prendre. Il était évident que la situation demandait une intervention, et l’AI était en droit de chercher à arrêter le VUS du plaignant.

Les éléments de preuve quant à la suite des événements ne sont pas suffisants pour conclure que l’AI a fait preuve d’un manque de diligence et d’égard pour la sécurité publique lorsqu’il a parcouru la distance d’environ 2,5 km entre le poste de contrôle du programme RIDE et la bretelle de sortie menant à la County Road 40 sur l’autoroute 401. Il est vrai que l’agent a atteint de très grandes vitesses sur cette courte distance. Selon les données du système GPS, le véhicule a circulé vers l’ouest à plus de 150 km/h sur la majeure partie de ce parcours, atteignant une vitesse maximale de 179 km/h. Selon toute mesure objective, ces vitesses sont dangereuses, d’autant plus que les gyrophares du véhicule n’étaient pas activés, ce qui aurait pu permettre d’alerter tout autre automobiliste de sa présence. Cela dit, les risques associés aux vitesses atteintes par l’AI étaient, dans une certaine mesure, atténués par ce que l’agent tentait d’accomplir, soit de rattraper un autre véhicule circulant à grande vitesse et dont le conducteur pouvait bien être en état d’ébriété, ainsi que par la courte durée de la poursuite. En outre, il y avait vraisemblablement peu de circulation sur l’autoroute compte tenu de l’heure et de l’absence d’éléments de preuve indiquant que des automobilistes auraient eu à effectuer des manœuvres pour éviter le véhicule de l’AI. En ce qui concerne les conditions météorologiques, elles étaient, à mon avis, plutôt neutres : même si certains témoins ont fait mention de brouillard, il semble que la visibilité était bonne.

En conclusion, outre le fait que la présence des agents a peut-être incité le plaignant à prendre la mauvaise décision de fuir le poste de contrôle du programme RIDE, ce qui a mené à la collision survenue un peu plus d’une minute plus tard, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que la conduite de l’AI est liée à l’accident d’une manière dépassant les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Ainsi, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 3 avril 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.