Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TCD-305

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
 
On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 29 ans (« plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 novembre 2020, à environ 8 h 50, le Service de police de Toronto a avisé l’UES du décès du plaignant, âgé de 29 ans.

D’après le Service de police de Toronto, à 6 h 15 ce matin-là, des agents du Service de police de Toronto se sont rendus au 4033, rue Old Dundas pour fournir de l’assistance concernant un homme qui courait dans tous les sens. À 6 h 23, des agents sont arrivés sur les lieux et ont trouvé le plaignant, qu’ils ont alors arrêté et menotté. Le plaignant a ensuite eu un malaise. On lui a retiré ses menottes et des pompiers ont pratiqué des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire.

À 7 h 45, le plaignant a été déclaré mort à l’Hôpital général St-Joseph.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant

Homme de 29 ans, décédé

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Désignations d’agents

Puisque les trois agents qui sont intervenus portaient une caméra d’intervention qui a permis de recueillir l’information nécessaire, aucun agent n’a été désigné.

Éléments de preuve

Les lieux

L’immeuble d’habitation du 4033, rue Old Dundas est juché sur le versant d’une colline, et c’est donc dire que l’aménagement intérieur est étrange. En entrant par la porte avant située sur la rue Old Dundas, on se retrouve au premier étage de l’immeuble. Il faut descendre un escalier pour aller au rez-de-chaussée et descendre encore pour aller aux logements du sous-sol. Un stationnement à l’arrière de l’immeuble est au niveau du sous-sol. Il peut être difficile de s’orienter dans l’immeuble.

À l’intérieur de l’immeuble, dans un couloir, des débris de fournitures médicales ont été trouvés sur le bord de la porte d’un logement. Un avertisseur d’incendie était installé sur le cadre de porte donnant accès à l’escalier, juste à l’extérieur de la même porte de logement.

L’immeuble était doté de caméras de surveillance, mais il n’y en avait qu’à l’extérieur de l’immeuble.

Éléments de preuve matériels


Rapport du système de répartition assisté par ordinateur

Le 13 novembre 2020, à 6 h 15, le TC no 3 a appelé le 911 pour signaler que l’alarme d’incendie de l’immeuble avait été activée et qu’un homme courait d’un bout à l’autre des couloirs. Le TC no 3 ne savait pas si c’était cet homme [plaignant] qui avait activé l’alarme. Elle a signalé que le plaignant se battait avec des gens dans le couloir parce qu’ils lui avaient demandé de sortir de l’immeuble. Le TC no 3 a ajouté que le plaignant avait déchiré son T-shirt et qu’il semblait être sous l’influence d’une substance quelconque et a ensuite dit qu’il avait retiré son pantalon, puis que des locataires tentaient de calmer le plaignant et le maintenaient au sol.

D’autres locataires de l’immeuble ont aussi appelé le 911. Ils avaient l’impression que le plaignant était sous l’influence d’une substance et ont indiqué qu’il se battait avec des personnes.

Quelqu’un qui a téléphoné a mentionné que le plaignant arrachait les vêtements des gens, leur donnait des coups de poing et les poussait contre le mur.

À 6 h 38, un agent [maintenant identifié comme l’agent no 3] a demandé une ambulance d’urgence.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Enregistrements de caméras de surveillance du 4033, rue Old Dundas

Le 12 novembre 2020, à 20 h 39, le plaignant se tenait à l’extérieur de la porte arrière de l’immeuble d’habitation. Il semblait attendre l’arrivée de quelqu’un. Il ouvrait la porte pour les gens qui s’en approchaient et il a fini par rentrer dans l’immeuble.

Enregistrements de caméras d’intervention

L’UES a obtenu l’enregistrement des caméras d’intervention des trois agents qui sont intervenus. Ces agents étaient :
  • l’agent no 1;
  • l’agent no 2;
  • l’agent no 3.
Le 13 novembre 2020, à 6 h 35, l’agent no 1 est arrivé au 4033, rue Old Dundas et a pénétré dans l’immeuble d’habitation avec l’agent no 2. Une fois à l’intérieur, leurs caméras d’intervention montraient trois pompiers du Service d’incendie de Toronto, debout dans le couloir, devant la porte d’un logement. Le plaignant se trouvait à leurs pieds, allongé sur son côté gauche et vêtu seulement de ses sous-vêtements. Plusieurs locataires de l’immeuble se trouvaient également dans le couloir.

L’un des pompiers a expliqué que le plaignant ne vivait pas dans l’immeuble et que les résidents ne le connaissaient pas.

À 6 h 37, l’agent no 1 s’est agenouillé pour passer les menottes au plaignant, les mains devant lui. Le plaignant avait les yeux ouverts et il bougeait légèrement la tête vers le côté, mais il n’a eu aucune réaction au moment où il a été menotté. Il semblait avoir le souffle court (respiration agonique). C’est à ce moment-là que l’agent no 3 est arrivé.

Un pompier a signalé que le plaignant avait de l’écume aux lèvres lorsqu’ils l’avaient trouvé.

L’agent no 2 a cherché le portefeuille du plaignant.

La poitrine du plaignant ne semblait pas se soulever, mais sa tête continuait à bouger légèrement. À 6 h 38, quelqu’un a déclaré : [Traduction] « On dirait qu’il est en train de faire une overdose ». L’un des agents de police a demandé si les ambulanciers étaient en chemin. À 6 h 38 min 45 s, l’agent no 3 a demandé à ce que l’ambulance soit prévenue qu’il s’agissait d’une urgence et a donné le signalement suivant : [Traduction] « homme de 29 ans, conscient, respire ».

À 6 h 39 min 33 s, les pompiers et les agents ont remarqué que le plaignant était en détresse respiratoire. Un pompier a suggéré d’amener le plaignant plus loin dans le couloir. Les menottes ont été retirées et le plaignant a été placé en position de récupération. À 6 h 40 min 12 s, un agent a signalé que le plaignant semblait avoir arrêté de respirer. À 6 h 41 min 2 s, un pompier a cherché le pouls du plaignant, puis l’a remis sur le dos, et les pompiers ont commencé à exécuter les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire.

Un résident a précisé qu’un ami du plaignant vivait dans l’immeuble. L’agent no 3 est alors parti avec ce résident jusqu’au logement de l’ami du plaignant [TC no 1].

Les pompiers ont utilisé un défibrillateur externe automatisé sur le plaignant et à 6 h 43 min 59 s, l’appareil indiquait de ne pas administrer de choc. Les pompiers ont alors poursuivi les manœuvres de réanimation.

Une personne a fait remarquer qu’aucun des premiers intervenants ne portait de masque, et qu’étant donné les compressions thoraciques exécutées, il y avait un risque de contracter la COVID.

À 6 h 46 min 4 s, puis à 6 h 48 min 11 s, le défibrillateur indiquait toujours de ne pas administrer de choc. À 6 h 46 min 20 s, un pompier se trouvant dans la rue a signalé l’arrivée d’une ambulance.

L’agent no 1 a discuté avec les résidents et leur a demandé lesquels d’entre eux avaient été poursuivis par le plaignant. Un homme [TC no 4] a expliqué que le plaignant se jetait sur les résidents lorsqu’ils sortaient de leur logement. Une locataire [TC no 3] a déclaré que le plaignant faisait des allers et retours en courant dans le couloir. Elle a indiqué que le plaignant avait dit : [Traduction] « Ils viennent me chercher ».

Le TC no 4 a déclaré qu’il avait remarqué la présence du plaignant à l’extérieur de l’immeuble la veille à 23 h et que ce dernier s’adressait à une autre personne par la fenêtre d’un logement. Selon lui, le logement était celui du TC no 1. Le TC no 4 a indiqué que, dans la matinée, le plaignant s’agrippait aux personnes dans l’immeuble en marchant derrière elles comme s’il s’en servait comme boucliers.

Les ambulanciers sont arrivés auprès du plaignant et, à 6 h 53 min 50 s, un agent de police a déclaré aux ambulanciers : [Traduction] « Oui, il respirait ». Les pompiers ont continué d’exécuter les manœuvres pendant que les ambulanciers installaient leur matériel.

À 6 h 58, l’agent no 2 est sorti de l’immeuble et a recherché le plaignant sur l’ordinateur de sa voiture de police.

Une deuxième équipe d’ambulanciers est arrivée dans le couloir à 7 h 10 min 13 s. À 7 h 17, le plaignant était sorti de l’immeuble.

À 7 h 24, le TC no 4 est revenu dans le couloir et s’est entretenu avec l’agent no 1. Le TC no 4 a alors précisé : [Traduction] « Il avait les yeux exorbités. Je pensais avoir senti une odeur d’alcool. » Il a déclaré que le plaignant avait un comportement paranoïaque et s’agrippait aux gens en disant : [Traduction] « Vous devez m’aider » et « Ne les laissez pas faire ». Le TC no 4 a déclaré à l’agent no 1 que l’alarme incendie avait retenti à 6 h et qu’il s’était rendu au tableau d’alarme incendie pour voir quel avertisseur avait été activé. Le tableau indiquait qu’il s’agissait de l’avertisseur situé à l’étage où se trouvait le plaignant. Lorsque le TC no 4 a vu le plaignant pour la première fois, ce dernier ne se comportait pas de façon vraiment inhabituelle, mais parlait de l’avertisseur d’incendie comme d’une caméra.

À 7 h 31, l’agent no 1 a reçu un appel téléphonique d’une personne demandant des renseignements sur l’incident. L’agent no 1 a déclaré que, selon lui, il s’agissait probablement d’une overdose. Il a expliqué que, lorsque la police était arrivée, les pompiers étaient déjà sur place et que l’homme [plaignant] était encore en vie et respirait. L’agent no 1 a indiqué qu’il avait demandé à l’un des autres agents d’appeler une ambulance et que, dès que cela avait été fait, le plaignant avait arrêté de respirer et que les pompiers avaient alors commencé à exécuter les manœuvres de réanimation. L’agent no 1 a mis fin à l’appel.

Il a ensuite téléphoné à une autre personne [vraisemblablement du bureau des enquêtes criminelles] et a expliqué la situation. Il a déclaré que le plaignant respirait toujours quand ils avaient appelé l’ambulance. Il a indiqué que le plaignant avait été transporté à l’hôpital, mais qu’étant donné que les ambulanciers étaient encore en train d’exécuter les manœuvres de réanimation lorsqu’ils sont partis, il ne pensait pas que le plaignant allait survivre. L’agent no 1 a expliqué qu’il avait demandé des directives aux enquêteurs du bureau des enquêtes criminelles. Selon un sergent, l’agent no 4, l’incident relevait de l’UES, car le plaignant était en vie à l’arrivée des équipes et était décédé par la suite.

Le TC no 2 s’est entretenu avec l’agent no 1 et a déclaré qu’il avait trouvé le plaignant en train de marmonner et de toucher l’avertisseur d’incendie. Le TC no 2 a expliqué que peu de temps après, le plaignant parlait de caméras en train de le surveiller. Le TC no 2 est alors sorti pour fumer une cigarette et, lorsqu’il est revenu dans l’immeuble, le plaignant était en train d’essayer de rentrer dans l’un des logements et faisait des allers et retours en courant dans le couloir. Le plaignant a demandé au TC no 2 d’appeler un taxi, et ce dernier lui a répondu qu’il pouvait simplement sortir de l’immeuble.

L’agent no 1 et l’agent no 2 ont discuté de la probabilité que l’incident fasse l’objet d’une enquête menée par l’UES.

À 7 h 52, le gérant de l’immeuble a ouvert la porte du logement du TC no 1, et l’agent no 2 est entré dans le logement. Ce dernier a fouillé les lieux pour vérifier s’il n’y avait personne ayant besoin de soins médicaux.

L’agent no 4 est arrivé sur les lieux à 8 h 04. Il a demandé à l’agent no 1 et à l’agent no 2 si, à leur arrivée, les pompiers étaient en train de s’occuper de l’homme. Les agents ont expliqué que les pompiers surveillaient juste le plaignant lorsque la police est arrivée. Ils ont déclaré que les pompiers s’adressaient au plaignant, qui respirait et émettait des sons, sans vraiment parler.

L’agent no 1 a déclaré à l’agent no 4 qu’à leur arrivée, ils n’avaient pas beaucoup de renseignements sur le plaignant et qu’ils l’avaient donc menotté immédiatement, pour la sécurité des agents. L’agent no 1 a ajouté que le plaignant [Traduction] « respirait, mais pas parfaitement bien », qu’il avait alors repositionné la tête de ce dernier et lui avait retiré les menottes. Selon l’agent no 1, il semblerait que le plaignant ait cessé de respirer à un moment donné. Il a confirmé que le plaignant ne portait que ses sous-vêtements lorsqu’ils l’ont trouvé.

L’agent no 1 s’est ensuite entretenu avec le TC no 3, qui a déclaré que lorsqu’elle avait vu le plaignant, celui-ci avait peur que l’avertisseur d’incendie soit une caméra. Le plaignant disait qu’il avait simplement débranché la caméra, en montrant l’avertisseur d’incendie. Elle a également vu le plaignant tenter de se cacher. L’alarme incendie retentissait à ce moment-là, donc la situation était très mouvementée. Le plaignant a commencé à cogner à la porte d’un logement. Il a ensuite entrepris de se déshabiller tout en parlant de quelqu’un qui venait le chercher. Le plaignant alternait entre parler calmement et s’attaquer aux personnes présentes. Les locataires avaient formé un cercle autour de lui. Le plaignant a demandé au TC no 3 de lui commander un taxi. Elle a répondu qu’elle le ferait s’il montait à l’étage. Le plaignant a rétorqué qu’il ne voulait pas quitter cet étage, en répétant sans cesse [Traduction] « Ils viennent me chercher ». Il disait se sentir en sécurité à cet étage. Le TC no 3 a alors appelé la police.

Elle a expliqué qu’après que le plaignant eut retiré ses vêtements, il était resté assis calmement sur le plancher du couloir et qu’il avait tenté de s’agripper aux jambes des personnes présentes pour baisser leurs pantalons.

L’agent no 1 a quitté l’immeuble à 8 h 43, après avoir été remplacé par d’autres agents de police.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Toronto :
  • l’enregistrement de trois caméras d’intervention;
  • le rapport des détails de l’événement;
  • les enregistrements des communications;
  • le rapport sur la propriété.

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • des enregistrements vidéo d’une caméra de surveillance au 4033, rue Old Dundas;
  • des photos prises par le TC no 3.

Description de l’incident

Le déroulement des événements pertinents ressort clairement grâce aux déclarations de plusieurs témoins civils et aux enregistrements des caméras d’intervention, qui ont capté des images de l’incident pratiquement au complet. Le plaignant était hébergé chez un ami, soit le TC no 1, à son logement du 4033, rue Old Dundas, à Toronto. Pendant qu’il s’y trouvait, le plaignant a bu une quantité excessive d’alcool et il a aussi consommé des drogues illégales. Le vendredi matin (13 novembre 2020), le comportement du plaignant, qui était sous l’influence de ces substances, est devenu tellement intolérable que le TC no 1 lui a demandé de partir.

Le plaignant est parti, mais il ne s’est pas rendu jusqu’à la voiture d’Uber que le TC no 1 avait fait venir pour lui. Il a arpenté les couloirs de l’immeuble en continuant d’agir de façon bizarre. Il a pris l’avertisseur d’incendie pour une caméra et il croyait que des êtres invisibles le poursuivaient. Le vacarme qu’il faisait a attiré l’attention des locataires, qui sont sortis de leur logement pour le calmer, malheureusement sans succès. À la place, le plaignant s’est mis à se bagarrer avec plusieurs locataires et à tirer sur leurs vêtements. Le plaignant n’avait manifestement pas toute sa tête à ce moment.

À partir de 6 h 15, de nombreux appels ont été faits au 911 par les locataires, qui se disaient préoccupés par le comportement du plaignant. Les agents nos 1, 2 et 3 ont été envoyés sur les lieux. Puisque le plaignant avait aussi activé l’avertisseur d’incendie, les pompiers ont aussi été dépêchés à la même adresse.

Les agents nos 1 et 2 ont été les premiers à arriver à l’immeuble, vers 6 h 35. Ils sont entrés et ont trouvé le plaignant dans le couloir. Il était étendu sur le côté gauche, devant la porte d’un logement, et il ne portait alors rien d’autre que ses sous-vêtements. Trois pompiers se tenaient à proximité. L’agent no 1 a passé les menottes au plaignant, les mains devant le corps. Ses yeux étaient ouverts et sa tête tournait légèrement vers le côté, mais il avait de la difficulté à respirer. Un des pompiers a signalé qu’il avait de l’écume aux lèvres quand ils l’avaient trouvé.

Vers 6 h 38, l’agent no 3 a communiqué avec le centre de répartition de la police et a demandé d’envoyer une ambulance d’urgence sur les lieux. Les pompiers sur place avaient déjà demandé une ambulance quelques minutes auparavant. Peu après, les pompiers et les agents ont emmené le plaignant plus loin dans le couloir, ils lui ont retiré ses menottes et l’ont mis en position de récupération. Un des agents a dit que le plaignant ne respirait peut être plus. Un pompier a pris son pouls et ne l’a pas détecté. Le plaignant a alors été tourné sur le dos et les pompiers ont pratiqué des manœuvres de respiration cardiorespiratoire.

Les pompiers ont tenté de réanimer le plaignant durant une dizaine de minutes. Pendant ce temps, un défibrillateur externe automatisé a été posé sur le plaignant à trois reprises et il a indiqué de ne pas administrer de chocs.

Les ambulanciers sont alors arrivés et ont pris le relais des pompiers pour prodiguer les soins principaux au plaignant. Celui-ci a été sorti de l’immeuble vers 7 h 17 et conduit à l’hôpital, où il a été déclaré mort.

Dispositions législatives pertinentes

L'article 215 du Code criminel -- Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :
c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
i. par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
ii. de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne

Articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle ayant causé la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. 
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.


Analyse et décision du directeur

Le 13 novembre 2020, le plaignant a été conduit à l’hôpital et a par la suite été déclaré mort. Puisque des agents du Service de police de Toronto avaient répondu à différents appels au 911 au sujet du plaignant et étaient présents avec lui dans les moments qui ont précédé l’arrivée des ambulanciers et le transport du plaignant à l’hôpital, l’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs suffisants de croire que des agents du Service de police de Toronto ont commis une infraction criminelle en relation avec le décès du plaignant.

Les seules infractions à prendre en considération dans cette affaire seraient le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle ayant causé la mort, qui sont contraires respectivement aux exigences des articles 215 et 220 du Code criminel. Le fait qu’il y ait ou non eu une infraction dans le premier cas dépend en partie de l’existence d’une conduite représentant un « écart marqué » par rapport à la norme de diligence raisonnable applicable dans les circonstances. Dans le deuxième cas, il s’agit d’une infraction bien plus grave, qui dénote une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Elle ne peut survenir qu’en cas d’écart marqué et important par rapport à la norme de diligence raisonnable. Dans l’affaire en cause, peut on considérer qu’un ou plusieurs agents qui étaient présents sur les lieux a fait preuve d’un manque de diligence ayant causé le décès du plaignant ou y ayant contribué au point de mériter une sanction pénale? À mon avis, la réponse est non.

Les agents nos 1, 2 et 3 étaient dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils sont arrivés au 4033, rue Old Dundas en réponse à des appels au 911 où les personnes avaient exprimé des préoccupations au sujet du comportement étrange et agressif du plaignant.

Par la suite, je considère que, pendant les trois minutes où ils étaient sur place, avant de demander une ambulance d’urgence et que des manœuvres de réanimation cardiorespiratoires soient entreprises, les agents se sont montrés soucieux du bien être du plaignant. Ils ont consulté les pompiers, ont constaté que le plaignant respirait, mais avec difficulté, et ils ont décidé de s’en remettre à l’évaluation de l’état du plaignant par les pompiers, ce qui était judicieux à mon avis. Et même, lorsqu’il a semblé que le plaignant avait cessé de respirer et qu’il plongeait dans un état critique, ils ont aidé à prodiguer des soins. Je rappelle que l’agent no 3 a demandé une ambulance d’urgence et que les agents ont aidé à déplacer le plaignant dans le couloir de manière à ce qu’il soit plus facile de lui administrer les manœuvres de réanimation. Au vu du dossier, je ne peux raisonnablement conclure qu’un agent ou plusieurs agents n’ont pas respecté les normes de diligence prescrites par le droit criminel.

La cause du décès du plaignant n’est pas connue pour le moment, car les résultats des analyses toxicologiques n’ont pas encore été reçus. Quoi qu’il en soit, compte tenu de la nature et du degré d’intervention des agents dans cette affaire, rien dans les éléments de preuve n’indique qu’ils aient agi autrement qu’en toute légalité durant leur interaction de courte durée avec le plaignant. Par conséquent, il n’existe pas de motifs de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 29 mars 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.