Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-252

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par une femme de 24 ans (plaignante).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 5 octobre 2020, à 19 h 57, le Service de police de Peterborough a signalé ce qui suit. Le 5 octobre 2020, vers 19 h 40, il a été appelé au sujet d’une femme qui causait des problèmes et s’était étendue sur une voie d’accès au 170, rue Simcoe. Les agents sont arrivés et ont décidé d’arrêter la plaignante en vertu de la Loi sur la santé mentale. Pendant l’arrestation, un agent a entendu un os du bras craquer. La plaignante a été conduite à l’hôpital, et une fracture de l’humérus a été diagnostiquée. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Plaignante :

Femme de 24 ans, qui n’a pu être retrouvée


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue


Agent impliqué

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Résumé de la vidéo de GO Transit

Le Service de police Peterborough a obtenu une copie de la vidéo de surveillance de la gare d’autobus de GO Transit, situé au 190, rue Simcoe à Peterborough, et a fourni cette vidéo à l’UES. Voici un résumé des points saillants des enregistrements vidéo.

  • À 17 h 14 min 59 s, deux agents de sexe masculin du Service de police de Peterborough parlaient avec une femme [présumément la plaignante] assise sur une plaque de béton sur la rue Simcoe. Un des agents semble être arrivé à vélo, et son vélo était stationné à proximité. Il portait une veste jaune, des pantalons d’uniforme de police et un casque de vélo. L’autre agent portait l’uniforme avec un chandail à manches courtes et ne portait pas de chapeau. L’agent à vélo a ultérieurement été identifié comme l’AT no 1. L’autre agent était présumément l’AI.
  • À 17 h 23 min 29 s, la plaignante s’est assise sur le trottoir et les agents lui ont parlé.
  • À 17 h 25 min 30 s, la plaignante a changé de position pour s’allonger sur le trottoir pendant que les agents lui parlaient.
  • À 17 h 30 min 42 s, un véhicule identifié du Service de police de Peterborough, conduit par l’AT no 2, est arrivé et s’est stationné face vers l’est, sur la rue Simcoe. L’AT no 2 a marché jusque là la plaignante était allongée.
  • À 17 h 32 min 7 s, les trois agents se sont penchés et ont semblé tenter de menotter la plaignante. Une altercation s’est ensuivie.
  • À 17 h 32 min 35 s, l’altercation semblait terminée, et la plaignante était présumément menottée. Bien qu’il soit difficile de déterminer ce qui s’est produit, les agents en cause ne semblent avoir donné aucun coup de poing ou de pied à la plaignante.
  • À 17 h 41 min 29 s, deux ambulanciers de sexe masculin sont arrivés. Ils se sont stationnés à proximité et se sont rendus là où la plaignante était alors assise, sur le trottoir.
  • À 17 h 42 min 26 s, les ambulanciers parlaient avec la plaignante.
  • À 17 h 53 min 50 s, les ambulanciers ont fait lever la plaignante. Elle a marché jusqu’à la civière et s’est assise dessus.
  • À 17 h 53 min 59 s, l’enregistrement a pris fin.

Enregistrements des communications de la police

  • Le répartiteur du 911 du Service de police de Peterborough a reçu un appel d’un homme. Celui-ci a signalé qu’une femme noire portant un chandail mauve et des sandales était allongée sur la voie d’accès du stationnement intérieur de l’édifice médical Turnbull, au 170, rue Simcoe.
  • Les services ambulanciers ont été demandés près de la gare d’autobus au 190, rue Simcoe pour une femme avec un bras cassé.
  • Durant des communications radio internes, un sergent-chef a été informé que des agents avaient dû intervenir physiquement auprès d’une femme et que son bras avait été cassé. Le sergent-chef a cherché à faire confirmer la blessure avant d’en aviser l’inspecteur de service et l’UES.
  • L’AT no 2 a appelé le sergent-chef pour signaler la blessure et spécifier que l’AI était probablement l’agent impliqué et l’AT no 1, un agent témoin. L’incident aurait comporté une altercation au cours d’une appréhension effectuée pour des problèmes de santé mentale. L’agent a également indiqué qu’un agent non identifié était envoyé à l’hôpital.
  • Le sergent-chef a appelé l’inspecteur de service pour discuter de la situation. Ils ont établi que l’AI et l’AT no 1 étaient en cause ainsi que l’AT no 2.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Peterborough :
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le permis de conduire avec photo de la plaignante;
  • les notes des AT;
  • une photo de la plaignante prise par la Police provinciale de l’Ontario;
  • les politiques relatives à l’arrestation et à la maîtrise des personnes émotionnellement perturbées et aux soins à leur prodiguer.

Description de l’incident

Le déroulement des événements ci-dessous ressort du poids de la preuve recueillie par l’UES, qui inclut des entrevues avec deux agents témoins, dont un ayant participé à l’arrestation de la plaignante, et l’enregistrement vidéo d’une caméra de surveillance ayant capté l’incident. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ni à remettre ses notes. De plus, malgré des efforts répétés de l’UES, la plaignante n’a pas pu être retrouvée pour une entrevue.

L’après-midi du jour de l’incident, des agents du Service de police de Peterborough ont été envoyés dans le secteur de la gare d’autobus de GO Transit sur la rue Simcoe, à Peterborough. La police avait reçu un appel au sujet d’une femme – la plaignante – allongée sur la voie d’accès d’un stationnement sous-terrain.

L’AI et l’AT no 1 ont été les premiers agents arrivés sur place. Quand les agents ont tenté de parler à la plaignante, qui était alors assise sur la base en béton d’un panneau, il est apparu évident qu’elle n’était pas saine d’esprit. Pendant qu’ils parlaient, la plaignante a quitté la base pour s’asseoir sur le trottoir le dos contre la base, puis s’est allongée sur son côté gauche, à proximité d’une voie où circulaient des automobiles.

Leurs efforts pour déloger la plaignante ayant été vains, les agents ont décidé de l’appréhender en vertu de la Loi sur la santé mentale. L’AI et l’AT no 1 ont fait lever la plaignante, mais l’ont remise au sol parce que son corps s’est ramolli et qu’elle refusait de se lever ou n’était pas capable de se tenir debout d’elle-même. La plaignante était face contre terre et refusait de dégager ses bras de sous son torse pour être menottée. L’AT no 1 a pris le bras gauche de la plaignante et a réussi à lui mettre derrière le dos. L’AI a tenté de faire la même chose avec son bras droit. Toutefois, alors qu’il le ramenait derrière son dos, un fort craquement a été entendu.

Comme ils soupçonnaient que le bras de la plaignante avait été fracturé, les agents ont appelé une ambulance. Les ambulanciers sont arrivés sur les lieux et ont transporté la plaignante à l’hôpital, où une fracture du bras droit a été diagnostiquée.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 5 octobre 2020, la plaignante a été blessée durant son arrestation par des agents du Service de police de Peterborough. L’AI était parmi les agents ayant participé à l’arrestation et il a été identifié comme agent impliqué pour les besoins de l’enquête. D’après mon évaluation des éléments de preuve, je n’ai, à mon avis, pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être tenus responsables sur le plan criminel d’avoir employé la force dans l’exécution de leurs fonctions, à condition que l’usage de la force ait été raisonnablement nécessaire pour des actes qu’ils étaient obligés ou autorisés à poser en vertu de la loi. Les éléments de preuve sont insuffisants pour me permettre de conclure que l’AI et l’AT no 1 n’avaient pas de justifications légales d’appréhender la plaignante en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. Les réponses irrationnelles de la plaignante à leurs questions ainsi que son comportement bizarre (elle s’est étendue sur le bord d’une voie où circulaient des voitures) ont amené les agents à croire qu’elle était alors incapable de s’occuper d’elle-même à cause de troubles mentaux.

Il n’y a pas non plus d’éléments de preuve suffisants pour indiquer que l’AI a employé une force excessive pour arrêter la plaignante. De fait, à part le fait d’avoir levé la plaignante du sol pour ensuite l’installer avec précaution plus loin, la seule force employée par les agents s’est limitée à prendre les bras de la plaignante pour les mettre derrière son dos. Même s’il semblerait que la plaignante ait résisté aux agents jusqu’à un certain point, les éléments de preuve indiquent que l’AI et l’AT no 1 n’ont pas eu tellement de difficulté à lui placer les bras et n’ont utilisé qu’une force minimale pour ce faire. Dans les circonstances, il serait difficile de considérer que la force employée par les agents était excessive ou déraisonnable.

En définitive, même si je conviens que le bras droit de la plaignante a été fracturé lorsque l’AI s’en est emparé pour le placer derrière son dos, je n’ai pas de motifs suffisants de croire que la blessure résulte de l’usage d’une force illégale de la part de l’agent. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 22 mars 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.