Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCI-028

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un adolescent de 16 ans (« le plaignant »)

L’enquête

Notification de l’UES

Le 24 janvier 2021, à 10 h 55, le Service de police de Thunder Bay (SPTB) a avisé l’UES de la blessure du plaignant. Le SPTB avait reçu un appel signalant qu’un homme donnait des coups de pied dans des fenêtres sur Academy Drive. Des agents se sont rendus sur les lieux, ont vu que les fenêtres étaient fissurées et ont repéré un suspect, qui s’est enfui en courant. Les agents l’ont poursuivi et l’ont capturé, après quoi une lutte s’est ensuivie. Le suspect s’est plaint d’une blessure à l’épaule et a été conduit à l’hôpital. On lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule, qui aurait pu être antérieure à son arrestation par la police.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 janvier 2021 à 8 h 16

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 janvier 2021 à 11 h 21

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Deux enquêteurs de l’UES ont été chargés d’enquêter sur cet incident. En raison de la pandémie de coronavirus et des protocoles en vigueur, des dispositions ont été prises pour que les enquêteurs de l’UES mènent des entrevues par téléphone.

À la suite d’une enquête préliminaire, un agent impliqué (AI) a été désigné le 26 janvier 2021. L’AI s’est présenté pour une entrevue par téléconférence le 28 janvier 2021 avec son avocat. Il n’a pas consenti à ce que ses notes de service soient communiquées à l’UES.

Personne concernée (le « plaignant ») :

Adolescent de 16 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 26 janvier 2021.


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’AI a participé à une entrevue le 26 janvier 2021.


Agents témoins

AT A participé à une entrevue

L’AT a participé à une entrevue le 28 janvier 2021.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans un immeuble d’appartements d’Academy Drive, à Thunder Bay

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Résumé des appels au 9-1-1 – 23 janvier 2021


1er appel au 9-1-1 
 
Une résidente de l’immeuble signale que quelqu’un donne des coups de pied dans la porte de son appartement et essaye d’entrer. Elle ne peut pas voir depuis son appartement si c’est un homme ou une femme; elle ne peut qu’entendre le bruit que fait cette personne.


2e appel au 9-1-1 
 
Une autre femme signale que quelqu’un essaye d’ouvrir une porte en donnant des coups de pied. Elle ne sait pas d’où provient le bruit des coups de pied. La préposée à l’appel du 9-1-1 lui dit qu’une autre résidente de l’immeuble a fait un appel semblable.


Résumé du système de répartition et des communications du SPTB


Le répartiteur demande par radio à l’AT et à l’AI de se rendre à Academy Drive où on a signalé que quelqu’un donnait des coups de pied dans la porte d’entrée pour essayer d’entrer. Le répartiteur dit à l’AI et à l’AT qu’une autre personne a appelé depuis l’immeuble au moment où ils arrivaient sur les lieux.

L’AT et l’AI annoncent par radio qu’ils ont quelqu’un à la porte d’entrée. Ils demandent au répartiteur de vérifier s’il y a un gardien pour l’immeuble parce que l’homme à la porte d’entrée a cassé la fenêtre. Le répartiteur donne à l’AI et l’AT le nom du gardien de l’immeuble et un numéro de téléphone pour le joindre.

L’AI et l’AT annoncent par radio qu’ils ont une personne sous garde et qu’ils vont retourner au poste avec le plaignant qu’ils ont arrêté pour méfait et manquement à un engagement.

Résumé de vidéos du poste de police


Entrée sécurisée du poste – garage (24 janvier 2021 – 00 h 05)

Un véhicule de police de style VUS portant les inscriptions du SPTB arrive dans la zone du garage de l’entrée sécurisée du poste. L’AT et l’AI sortent du VUS et ouvrent la portière arrière droite. Le plaignant sort du véhicule et entre sans aide dans l’aire d’enregistrement. Il est menotté dans le dos.


Aire d’enregistrement au bloc cellulaire

Quatre agents en uniforme du SPTB sont debout dans l’aire d’enregistrement. Le plaignant entre dans la pièce et se tient face à un sergent. L’AT et l’AI lui retirent les menottes et son manteau.

Le plaignant bouge les deux bras dans toutes les directions et semble avoir une conversation avec le sergent. Le plaignant lève le bras droit au-dessus de son épaule sans problème. Le plaignant lève ensuite le bras gauche, mais ne parvient à le soulever qu’à mi-hauteur. Il répète ce mouvement. Un agent menotte le plaignant sur le devant. Le plaignant retourne de l’aire d’enregistrement à l’entrée sécurisée des véhicules.


Entrée sécurisée du poste – garage

Le plaignant marche de l’aire d’enregistrement au même VUS de police. L’AT et l’AI ouvrent la porte arrière droite et aide le plaignant à s’assoir sur le siège arrière droit du véhicule de police.


Cellule 5

Le plaignant revient du Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay et est placé dans la cellule 5 du poste du SPTB vers 2 h 43 du matin. Il a le bras gauche en écharpe. L’écharpe est bleu foncé et passée autour du cou. Le plaignant s’allonge sur le lit de la cellule et s’endort.


Salle d’empreintes digitales

Le plaignant est dans une pièce du poste de police du SPTB pour la prise de ses empreintes. Une écharpe bleu foncé supporte son bras gauche. Il a une petite coupure ou éraflure sur le côté droit du nez. Un agent du SPTB le photographie et prend ses empreintes digitales.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a obtenu les documents suivants que lui a remis le SPTB les 26 et 27 janvier 2021 :
  •  Notes de l’AI;
  • Photo du plaignant et de l’appartement;
  • Rapport de répartition assistée par ordinateur du SPTB;
  • Enregistrements vidéo de la détention du plaignant au poste du SPTB;
  • Rapports généraux et autres rapports du SPTB;
  • Politique du SPTB – arrestation et détention;
  • Politique du SPTB – recours à la force;
  • Appels au 9-1-1 et communications du centre de répartition du SBTB;
  • Dossier de formation sur le recours à la force de l’AT et de l’AI.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les dossiers suivants que lui a remis le Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay le 16 février 2021 :
  • Dossiers médicaux du plaignant.

Description de l’incident

Les événements en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit. L’AI et son partenaire, l’AT, sont arrivés à une adresse d’Academy Drive vers 23 h 20, le 23 janvier 2021, suite à des appels au 9-1-1 de résidents de l’immeuble signalant que quelqu’un donnait des coups de pied sur la porte pour essayer d’entrer.

Cette personne était le plaignant. Il s’était rendu à cet endroit avec l’intention de rencontrer quelqu’un qui résidait dans l’immeuble. Comme il ne pouvait pas entrer dans l’immeuble, il a donné des coups de pied dans la vitre de la porte.

Les agents ont confronté le plaignant à l’entrée et ont remarqué que la vitre de la porte était brisée. Le plaignant a admis avoir causé ces dégâts et s’est excusé. Alors que les agents tentaient de communiquer avec le gérant de l’immeuble pour obtenir de plus amples renseignements sur la porte, le plaignant a pris la fuite en courant le long d’un sentier sur le côté de l’immeuble.

L’AI s’est lancé à la poursuite du plaignant, l’a rattrapé à l’extrémité sud de l’immeuble et a saisi l’arrière de son manteau et son bras gauche. Le sol étant glissant à cause de la neige et du verglas, les deux sont tombés, l’agent atterrissant en partie sur le plaignant. L’agent a menotté le plaignant sans incident, l’a aidé à se relever et l’a escorté jusqu’à la voiture de police, où il l’a fait s’asseoir.

Le plaignant a été conduit au poste de police où il est devenu évident qu’il avait mal au bras ou à l’épaule gauche. On l’a conduit à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture à la clavicule gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 23 janvier, le plaignant a été arrêté par des agents du SPTB et par la suite emmené à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une blessure grave. L’AI a participé à l’arrestation et a été identifié comme agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qui leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Étant donné les plaintes de locataires au sujet de quelqu’un qui avait cogné à la porte, la preuve de dommages et l’admission de responsabilité par le plaignant, les agents avaient des motifs légitimes d’arrêter ce dernier pour méfait. L’analyse porte alors sur la pertinence de la force employée par l’AI.

Quand le plaignant a tenté d’échapper à son appréhension, l’AI a agi légalement en le poursuivant et en le saisissant pour l’empêcher de continuer. La preuve indique que l’agent avait l’intention de placer le plaignant sous garde sans le mettre à terre, mais que les deux sont tombés parce que le sol était glissant. Rien ne suggère que l’AI ait intentionnellement plaqué le plaignant à terre ou se soit montré indûment agressif. Je ne peux donc pas raisonnablement conclure que la chute était autre chose qu’un accident malheureux et sans lien avec une force excessive de la part de l’AI.

Par conséquent, même si j’accepte que la chute soit probablement à l’origine de la blessure, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit conduit illégalement au cours de l’arrestation du plaignant. Il n’y a donc pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 30 mars 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.