Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TCI-248

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur des blessures graves qu’a subies un homme de 38 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 octobre 2020, à 3 h 38, le Service de police de Toronto (SPT) a signalé à l’UES la blessure que le plaignant avait subie par suite de son arrestation à North York.

Selon le SPT, le 1er octobre 2020, à 21 h, des agents de police se sont rendus à un appartement situé à la rue Jayzel Drive à cause d’une querelle de ménage. Après l’arrivée des policiers et après que ces derniers ont mené une enquête, le plaignant a été arrêté dans l’appartement sans incident. Le plaignant a été escorté hors de l’appartement et dans le couloir. Pendant qu’il marchait dans le couloir, le plaignant s’est frappé la tête contre le mur avant que les policiers ne puissent le maîtriser. Les services médicaux d’urgence ont été appelés. Le plaignant a été transporté par ambulance au William Osler Health Centre (WOHC) à Etobicoke. L’évaluation médicale du plaignant a révélé une fracture du crâne, une hémorragie cérébrale et ce qui a été décrit comme un « changement de la ligne médiane du cerveau ». À la suite du diagnostic du plaignant, il a été transféré à l’unité des traumatismes de l’Hôpital St. Michael. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant :

Homme de 38 ans, n’a pas participé à une entrevue [1] et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 N’a pas participé à une entrevue (proche parent)

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue


Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AI no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées


Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant a subi ses blessures dans le couloir d’un immeuble d’habitation situé à la rue Jayzel Drive.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Système de caméra de tableau de bord de la police (SCTB) :


Voici un résumé de la séquence vidéo du SCTB datée du 1er octobre 2020.

• 21 h 56 – L’enregistrement vidéo commence. L’enregistrement audio a commencé 30 secondes plus tard lorsque les gyrophares ont été activés. La répartitrice fournit des renseignements sur l’appel.

L’AI no 1 et l’AI no 2 se rendent en voiture à la Jayzel Drive.

• 21 h 58 - L’AI no 1 et l’AI no 2 arrivent à la Jayzel Drive.

La répartitrice donne une description des personnes [que l’on sait maintenant être la TC no 2 et le plaignant] impliquées.

Le véhicule de police demeure stationné à l’extérieur avec la radio de police allumée.

L’AI no 1 et l’AI no 2 s’entretiennent avec le TC no 1 et confirment le numéro de l’appartement.

• 22 h 00 – Une voix de femme est entendue. Il semble qu’elle ait ouvert la porte de l’appartement. Les microphones capturent des voix, mais de moins bonne qualité en raison de la distance par rapport au véhicule de police.

L’AI no 1 ou l’AI no 2 demande s’ils pouvaient entrer.

• 22 h 01 – Les questions « Qu’est-ce qu’il se passe? » [traduction] et « ça va? » [traduction] sont entendues, prononcées par une voix d’homme, qui ressemble à celle de l’AI no 1 ou de l’AI no 2.

• 22 h 04 - L’AI no 1 ou l’AI no 2 dit : « Bon, vous êtes en état d’arrestation pour voies de fait … » [traduction], mais le reste est étouffé.

Une voix d’homme [que l’on sait maintenant être celle du plaignant] dit : « Je n’ai jamais agressé personne. » [traduction]

Le plaignant répète cette phrase plusieurs fois en élevant la voix à chaque fois.

L’AI no 1 ou l’AI no 2 dit au plaignant de se calmer.

L’enregistrement audio n’est pas clair, comme s’il y avait du mouvement et une lutte.

Le plaignant crie et proteste verbalement contre son arrestation.

Aucune autre voix n’est entendue.

Quelqu’un répète au plaignant de se calmer.

Des bruits de lutte durent environ 60 secondes.

Levant la voix, le plaignant continue de protester contre son arrestation.

• 22 h 07 – Les agents de police essaient d’expliquer au plaignant pourquoi il est arrêté.

Le plaignant commence à dire : « Oui, Monsieur. Oui, Monsieur. » [traduction]

• 22 h 09 – À la radio de la police, une voix de femme dit : « Un en détention. » [traduction]

• 22 h 13 – Bruits de mouvements.

Le plaignant dit à haute voix : « Elle m’accuse de voies de fait? » [traduction]

Le plaignant s’exprime ensuite d’une voix fâchée pour dire quelque chose du genre : « Vous portez des accusations contre moi? » [traduction], puis « Je n’ai rien fait » [traduction].

Un bruit sourd est entendu.

• 22 h 14 – Environ 17 secondes après le bruit sourd, l’AI no 1 ou l’AI no 2 contacte la répartitrice et demande une ambulance en expliquant que le plaignant vient de « se frapper la tête contre le mur » [traduction].

• 22 h 15 – Une voix de femme [que l’on sait maintenant être celle de l’AT no 1] a demandé si l’AI no 1 et l’AI no 2 avaient besoin d’elle.

L’AI no 1 ou l’AI no 2 répond qu’ils sont dans le couloir.

L’AI no 1 ou l’AI no 2 demande au plaignant s’il veut s’asseoir.

• 22 h 16 - L’AI no 1 ou l’AI no 2 dit qu’ils ont appelé une ambulance « pour vous » [traduction].

• 22 h 17 - L’AI no 1 ou l’AI no 2 demande à la répartitrice de passer le plaignant dans le système.

• 22 h 20 – Des voix sont entendues qui suggèrent que le plaignant parle avec l’AI no 1 ou l’AI no 2 et que la personne lui a demandé s’il voulait s’asseoir ou se lever. Il semble lever la voix et commence à crier, mais ses paroles ne sont pas compréhensibles.

• 22 h 23 – Le plaignant dit quelque chose d’une voix forte. Ce qu’il dit n’est pas compréhensible.

La répartitrice communique les données provenant du CIPC [Centre d'information de la police canadienne] au sujet d’une personne ayant un pseudonyme semblable à celui du plaignant.

• 22 h 27 – Quelqu’un dit au plaignant de s’asseoir.

Le plaignant crie en disant qu’il ne veut pas aller en prison et conteste la validité de son arrestation.

L’AI no 1 ou l’AI no 2 lit au plaignant ses droits et la mise en garde.

Le plaignant continue de crier.

• 22 h 33 – Le plaignant crie que sa tête lui « fait affreusement mal ».

• 22 h 34 - L’AI no 1 ou l’AI no 2 dit que le plaignant a frappé sa tête contre le mur.

Une voix de femme ressemblant à celle de la TC no 2 est entendue à l’arrière-plan.

Le plaignant dit à la TC no 2 qu’il sait qu’il est un idiot.

• 22 h 35 – Des bruits sont entendus, ressemblant à ceux de l’arrivée de l’ambulance sur les lieux et aux ambulanciers s’occupant du plaignant.

• 22 h 38 - L’AI no 1 ou l’AI no 2 signale à la répartitrice que le plaignant est transporté à l’Hôpital général d'Etobicoke, en fait le WOHC.

• 22 h 40 – L’enregistrement du système de caméra de tableau de bord est terminé.


Jayzel Drive – Vidéo du système de télévision en circuit fermé (CCTV)


Voici un résumé de la séquence vidéo datée du 1er octobre 2020 :

• 1e étage [2], 21 h 40 09 secondes, durée de 27 secondes

La TC no 2 entre dans le champ de la caméra : elle marche dans le couloir, s’éloignant de la caméra. Elle est suivie par le plaignant qui se retourne vers la caméra et fait un geste de salutation de la main à l’intention d’une personne que l’on ne voit pas. Le plaignant est à moitié tourné vers la caméra, parlant à quelqu’un, pendant qu’il marche. [On sait qu’ils venaient de quitter leur appartement]. On voit le plaignant courir vers la TC no 2 lorsque la séquence se termine.

• 2e étage, 21 h 42 18 secondes
On voit le plaignant et la TC no 2 marcher de l’extrémité du couloir en direction de la caméra. La TC no 2 se trouvait devant le plaignant. Les deux s’arrêtent aux ascenseurs et le plaignant appuie sur le bouton de l’ascenseur.

On voit le plaignant parler à la TC no 2. Quelques instants plus tard, il se gifle le visage du côté droit, deux fois, avec sa main droite. Il appuie ensuite sa main gauche contre la porte de l’ascenseur, tout en continuant de parler avec la TC no 2 et il se gifle à nouveau.

Le plaignant commence à marcher vers la TC no 2 qui s’éloigne de lui, accélérant le pas. Le plaignant la rattrape à la porte de la cage d’escalier, l’attrape en mettant son bras droit autour de ses épaules et essaie de la tirer en arrière. La TC no 2 réussit à lui échapper et retourne dans le couloir.

La TC no 2 a l’air paniquée. Elle se dirige vers les ascenseurs. Le plaignant marche derrière elle et la pousse dans l’ascenseur. Les deux sortent du champ de la caméra dès qu’ils entrent dans l’ascenseur.

• 1e étage, 21 h 43 11 secondes, durée de 33 secondes

La TC no 2 et le plaignant sortent de l’ascenseur et se dirigent vers leur appartement, s’éloignant de la caméra. Le plaignant a sa main droite sur le haut du dos de la TC no 2, semblant la guider vers l’appartement.

• 22 h 00 49 secondes, durée de 64 secondes

L’AI no 1 et l’AI no 2 entrent dans le couloir depuis la porte de la cage d’escalier la plus proche de la caméra. Les deux s’éloignent de la caméra, se dirigeant vers l’autre extrémité du couloir, puis reviennent marchant vers la caméra, puis s’éloignant de nouveau lorsqu’ils se dirigent vers l’appartement du plaignant.

• 22 h 14 49 secondes, durée de 4 minutes et 49 secondes

À 22 h 15 1 seconde, l’AI no 1 et l’AI no 2 entrent dans le champ de la caméra alors qu’ils escortent le plaignant vers les ascenseurs. Le plaignant a les mains menottées derrière le dos. L’AI no 1 se trouve à sa droite et l’AI no 2 à sa gauche. Chaque agent de police tient respectivement le bras droit et le bras gauche du plaignant. Les deux agents se tiennent légèrement derrière le plaignant en raison de l’étroitesse du couloir.

À 22 h 15 6 secondes, le plaignant se déplace soudainement et violemment vers la droite pour se frapper délibérément la tête contre le mur du couloir. Les deux agents de police tenaient toujours ses bras lorsqu’il a fait ce mouvement. Ils guident ensuite le plaignant vers le plancher où il se couche sur le ventre. L’AI no 1 s’est placé sur le côté gauche du plaignant pendant que l’AI no 2 parle au micro de sa radio portative. On ne voit pas les agents faire quelque chose qui aurait causé le coup de la tête du plaignant contre le mur.
Le plaignant reste couché sans bouger pendant environ 1 minute. Quand il commence à bouger, ses mouvements sont lents et il reste prostré par terre.

L’AT no 1 et l’AT no 2 apparaissent dans le couloir à 22 h 16 25 secondes. Les agents de police bloquent le champ de vision de la caméra qui n’a pas capturé les mouvements éventuels du plaignant. Il semble que l’AI no 1 parle au plaignant. L’AT no 1 et l’AT no 2 se dirigent vers l’appartement et sortent du champ de la caméra.

À 22 h 18 25 secondes, l’AI no 2 se dirige vers l’appartement du plaignant, laissant l’AI no 1 seul avec le plaignant. Le plaignant est conscient et se roule par terre. L’AI no 2 retourne et à 22 h 19 3 secondes, l’AI no 1 aide le plaignant à s’asseoir.

• 22 h 19 27 secondes, durée de 7 minutes 42 secondes

L’AI no 1 et l’AI no 2 parlent les deux avec le plaignant qui semble leur répondre. Le plaignant est toujours assis par terre. Il bouge sa tête, son corps et ses jambes.

À 22 h 22 17 secondes, l’AI no 1 et l’AI no 2 aident le plaignant à se mettre debout. L’AI no 1 se tient à sa droite et l’AI no 2 à sa gauche. Chaque agent tient un bras du plaignant et ils font les trois face à la caméra. Les jambes du plaignant semblent tremblantes et il semble très bavard avec les agents de police.

L’AT no 1 réapparaît dans le couloir après avoir quitté l’appartement. Elle parle à l’AI no 2 puis retourne vers l’appartement. Elle revient et dit quelque chose au plaignant. Le plaignant semble répondre à l’AT no 1.

À 22 h 26 35 secondes, l’AI no 1 et l’AI no 2 retournent le plaignant et le conduisent vers les ascenseurs. Ils entrent dans l’ascenseur à 22 h 27 11 secondes et sortent du champ de la caméra. L’AT no 1 retourne vers l’appartement 402.

• 22 h 33 12 secondes, durée de 31 secondes

L’AT no 1 et l’AT no 2 retournent dans le couloir et entrent dans l’ascenseur.

Enregistrements de communications de la police

L’enregistrement commence à 21 h 55 6 secondes, le 1er octobre 2020, et se termine à 3 h 26 38 secondes, le 2 octobre 2020. Le résumé ci-dessous ne contient pas chaque transmission radio et appel téléphonique, mais il décrit ceux qui sont pertinents pour l’enquête de l’UES.

• 22 h 55 6 secondes – Le TC no 1 appelle le 9-1-1 pour signaler qu’un homme [que l’on sait être le plaignant] a été vu sur les caméras de sécurité en train de tirer une femme [que l’on sait être la TC no 2] dans un appartement à la Jayzel Drive. L’incident lui a été rapporté par un autre locataire et il a examiné la séquence vidéo. Le TC no 1 déclare qu’il est bien connu qu’il y avait des problèmes de querelles domestiques dans cet appartement.

Le TC no 1 n’a pas observé de blessure, mais a remarqué que la TC no 2 pleurait. Il a aussi dit à la préposée du 9-1-1 qu’elle avait essayé d’entrer dans la cage d’escaliers, mais que le plaignant l’avait tirée en arrière et l’avait conduite de force dans l’appartement.

Le TC no 1 donne une description du plaignant et de la TC no 2.

Pendant que le TC no 1 rapportait l’incident, il examinait la séquence vidéo de la caméra de sécurité en disant : « C’est bizarre. Il se fait du mal lui-même. » [traduction]

Une partie de la conversation entre le TC no 1 et le préposé du 9-1-1 est inaudible parce que le cas est transmis à la police dans le même temps.

• 22 h 56 30 secondes - La répartitrice demande qu’une unité réponde à un « Hot Shot », une perturbation de nature inconnue à la Jayzel Drive. Elle signale qu’une altercation a été observée dans la cage d’escalier et que la séquence vidéo a révélé un homme obligeant une femme à retourner dans un appartement. La personne n’a pas observé de blessures parce que la femme se couvrait le visage.

• 22 h 56 54 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 demandent d’être assignés au cas.

• 21 h 57 17 secondes – L’AT no 1 et l’AT no 2 demandent d’être assignés au cas. La répartitrice indique que la femme a essayé de s’enfuir mais que l’homme l’a obligée à revenir dans l’appartement. La répartitrice ajoute que le couple était invité du locataire du logement.

• 22 h 58 23 secondes - La répartitrice diffuse la description du plaignant et de la TC no 2 selon la description faite par le TC no 1.

• 22 h 01 44 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 arrivent à la Jayzel Drive.

• 22 h 02 32 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 avisent qu’ils sont sur les lieux et que tout va bien.

• 22 h 09 35 secondes - L’AT no 1 et l’AT no 2 informent la répartitrice qu’une personne est sous garde [que l’on sait être le plaignant].

• 22 h 14 20 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 demandent une ambulance du SAT et que les ambulanciers se rendent à l’étage pour traiter un homme de 27 ans, conscient, qui respire, mais qui s’est frappé la tête contre le mur. La répartitrice appelle immédiatement le Toronto Ambulance Service.

• 22 h 17 52 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 demandent à la répartitrice des renseignements sur le plaignant. La répartitrice donne un code de police indiquant que le plaignant ne figure pas dans leurs dossiers.

• 22 h 23 27 secondes - L’AT no 1 et l’AT no 2 demandent à la répartitrice de chercher des renseignements sur le plaignant en utilisant un autre nom. La répartitrice répond que l’autre nom a révélé « avertissement violence, avertissement violence familiale, interdiction de possession d’armes à feu liée à des cambriolages et armes d’imitation, accusations judiciaires, accusations liées à des armes à feu, attend une décision sur la violence conjugale, accusation pour avoir proféré des menaces et omission de se conformer aux conditions de la probation » [Traduction]. Les conditions inscrites au dossier étaient l’interdiction de communication avec une femme portant le même prénom que le TC no 2 [soupçonnée d’être la même personne], interdiction de se rendre dans la ville de Quinte Ouest et les restrictions habituelles concernant les armes à feu.

• 22 h 25 19 secondes - La répartitrice indique que la personne ayant l’autre nom devait respecter les exigences de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite, de se présenter au tribunal aux dates exigées et de ne pas se rendre au magasin Walmart de Quinte Ouest.

• 22 h 38 33 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 avisent qu’une ambulance est arrivée et qu’elle transportera le plaignant à l’Hôpital général d'Etobicoke.

• 22 h 47 32 secondes - L’AI no 1 et l’AI no 2 indiquent que leur kilométrage de départ est de 8182 et qu’ils ont quitté les lieux il y a une minute.

• 2 h 39 43 secondes – Un agent de police informe qu’il montera dans l’ambulance se dirigeant vers l’Hôpital St. Michael [que l’on sait transporter le plaignant].

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Toronto :

  • Rapport informatique détaillé des événements du déploiement;
  • Courriel du SPT concernant les renseignements initiaux;
  • Courriel du SPT – Renseignements supplémentaires sur le cas et documents à divulguer;
  • Rapport général d’incident et rapports supplémentaires;
  • Rapport de blessures – le plaignant;
  • Notes des AT;
  • Enregistrements vidéo du SCTB;
  • Enregistrements des communications;
  • SPT – entités civiles.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES grâce à un enregistrement vidéo qui a filmé l’incident, aux déclarations des deux agents impliqués et aux entrevues avec trois témoins civils. En raison de la gravité de ses blessures, le plaignant n’a pas pu fournir de déclaration.

Peu avant 22 h, le 1er octobre 2020, le TC no 1, un employé d’un immeuble d’habitation situé à la rue Jayzel Drive, à Toronto, a appelé le 9-1-1 pour signaler une perturbation impliquant un homme et une femme qui occupaient un appartement. Le TC no 1 a indiqué qu’il avait visionné la séquence vidéo du système de surveillance CCTV de l’immeuble, qui montrait un homme tirant de force une femme dans l’appartement et la femme en train de pleurer. L’homme en question était le plaignant et la femme, la TC no 2. Des agents ont été dépêchés sur les lieux pour enquêter.

L’AI no 1 et l’AI no 2 étaient les premiers agents arrivés sur les lieux, vers 22 h. Ils se sont entretenus avec le TC no 1, ont visionné la séquence vidéo en question puis sont montés vers l’appartement. Le locataire, l’AT no 3, a ouvert la porte aux agents et les a laissés entrer dans le logement, en leur indiquant que le plaignant et la TC no 2 se trouvaient dans une chambre à coucher.

Une fois dans la chambre à coucher, l’AI no 2 a escorté le plaignant dans le salon pour lui parler pendant que l’AI no 1 restait avec la TC no 2 et le TC no 3. La TC no 2 a reconnu avoir été agressée par le plaignant et a précisé que le plaignant se trouvait en violation d’une ordonnance de non-communication qui lui interdisait d’être en sa présence. Convaincu qu’il avait des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant, l’AI no 1 s’est dirigé vers la chambre à coucher et a annoncé que le plaignant était en état d’arrestation.

Le plaignant s’est opposé à son arrestation et a commencé à se débattre lorsque l’AI no 1 a tenté de saisir ses mains pour les mettre derrière son dos. Entre-temps, l’AT no 1 et l’AT no 2 sont arrivés dans l’appartement pour prêter assistance aux policiers déjà sur les lieux. Comme la résistance du plaignant empêchait les policiers de le maîtriser, ils ont appuyé sur son torse pour le faire s’asseoir sur le canapé du salon. Dans cette position, alors que l’AI no 2 utilisait le poids de son corps pour maintenir le plaignant plaqué sur le canapé, les agents ont réussi à lui passer les menottes aux mains.

Le plaignant a été mis debout et escorté hors de l’appartement, l’AI no 1 et l’AI no 2 lui tenant chacun un bras; le premier du côté droit et le deuxième du côté gauche. Pendant qu’ils marchaient dans le couloir en direction de l’ascenseur, le plaignant a tout d’un coup fait un mouvement brusque vers la gauche avant de tourner sa tête vers la droite et de la jeter contre le mur. Le plaignant a perdu connaissance après l’impact et s’est effondré par terre, les agents tenant toujours ses bras. L’AI no 2 a rapidement appelé une ambulance pendant que l’AI no 1 tournait le plaignant sur le côté, en position latérale.

Environ 30 à 60 secondes plus tard, le plaignant a repris connaissance et a demandé qu’on l’aide à se lever. De lui-même, avec les agents toujours à ses côtés, il a marché vers l’ascenseur et est descendu avec les agents au rez-de-chaussée. À l’extérieur du bâtiment, le plaignant a été assis par terre, sur le trottoir, en attendant l’ambulance.

Les ambulanciers paramédicaux qui sont arrivés sur les lieux ont placé le plaignant sur une civière, l’ont installé dans l’ambulance et l’ont transporté à l’hôpital. Le plaignant a reçu un diagnostic de graves blessures crâniennes, dont une fracture du crâne et une hémorragie cérébrale.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 et 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. 
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 1er octobre 2020, le plaignant a été arrêté par des agents du SPT et emmené à l’hôpital où on lui a diagnostiqué de graves blessures crâniennes. Les agents qui ont procédé à l’arrestation – l’AI no 1 et l’AI no 2 – ont été identifiés comme les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Selon mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents ait commis une infraction criminelle en rapport avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

L’infraction qu’il faut examiner est celle de « causer des lésions corporelles par négligence criminelle », en violation de l’article 221 du Code criminel. L’infraction se fonde en partie sur une conduite constituant un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. En l’espèce, la question qui se pose est de savoir s’il y a eu un manque de prudence dans la façon dont l’AI no 1 et l’AI no 2 ont détenu le plaignant qui aurait causé les blessures du plaignant ou y aurait contribué, et si ce manque de prudence était suffisamment flagrant pour justifier une sanction criminelle. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Le plaignant était clairement sous la garde légitime de la police au moment des faits en question. Selon les renseignements reçus lorsque les policiers ont été dépêchés sur les lieux après l’appel au 9-1-1 et d'après ce qu’il a pu personnellement observer en visionnant la séquence vidéo de l’interaction entre le plaignant et la TC no 2 et après avoir discuté avec le TC no 1, l’AI no 1 avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis des voies de fait.

Le plaignant s’est opposé à son arrestation et a résisté aux efforts des agents, dans l’appartement, de lui passer les menottes aux mains. Les agents ont pu rapidement maîtriser le plaignant parce qu’ils étaient plus nombreux que lui et ont pu le placer sous garde. Les agents ne l’ont pas du tout frappé.

Après que le plaignant a été placé en état d’arrestation et menotté, je suis convaincu que l’AI no 1 et l’AI no 2 se sont comportés dans les limites de la prudence qu’impose le droit criminel. Les agents se sont placés de chaque côté du plaignant, lui tenant chacun un bras, et l’escortaient tranquillement dans le couloir en direction de l’ascenseur lorsque le plaignant a soudainement tourné sa tête vers la droite et l’a projetée contre le mur du couloir. Il est évident que c’est à ce moment-là que le plaignant a subi ses blessures, car il s’est effondré tout de suite après l’impact et a perdu connaissance pendant un moment. Il est aussi évident que les agents n’auraient pas pu faire grand-chose pour empêcher le plaignant de se comporter de la sorte. L’acte s’est produit rapidement, sans avertissement, ne laissant pratiquement pas le temps aux agents de contrer les intentions du plaignant. Ils n’auraient pas non plus pu savoir, dans les circonstances, que le plaignant était susceptible de se faire du mal de cette façon. Une fois les lésions causées, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont agi rapidement pour obtenir des soins médicaux au plaignant. Au vu de ce qui précède, je ne peux pas dire que la façon dont l’AI no 1 et l’AI no 2 ont détenu le plaignant n’était pas au niveau de la norme de prudence qu’ils doivent respecter.

Par conséquent, comme je suis convaincu que l’AI no 1 et l’AI no 2 se sont conduits conformément à la loi pendant toute leur interaction avec le plaignant, il n’est pas justifié de porter des accusations criminelles en l’espèce. Le dossier est clos.


Date : 22 mars 2021














Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le plaignant n’a pas pu participer à une entrevue en raison de la gravité de ses blessures. [Retour au texte]
  • 2) Remarque : les étages réels de l’immeuble d’habitation ne sont pas utilisés dans le présent rapport afin de protéger la vie privée des personnes concernées. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.