Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-335

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure subie par un homme de 38 ans (plaignant) durant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 décembre 2020, à 13 h 28, le Service de police de Sault Ste. Marie a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant. Ce dernier résidait à Sault Ste. Marie et n’avait pas le téléphone.

Selon le Service de police de Sault Ste. Marie, à 6 h ce matin-là, des agents ont répondu à un appel concernant un homme qui marchait sur la rue Wellington Est en poussant une motocyclette. À leur arrivée, les agents ont trouvé le plaignant assis sur la motocyclette. Une vérification auprès du Centre d’information de la police canadienne a révélé que le plaignant était recherché en lien avec un mandat non exécuté concernant un incident de violence familiale. Le plaignant a lutté pendant son arrestation et a été plaqué au sol. En outre, il était en possession de munitions prohibées [1]. Le plaignant a été conduit à l’Hôpital de Sault Sainte Marie, où un poumon collabé a été diagnostiqué.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 3-12-2020 à 14 h 5

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 3-12-2020 à 14 h 47

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (plaignant)

Homme de 38 ans; a participé à une entrevue le 3 décembre 2020.


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue

Les entrevues avec les TC ont eu lieu entre le 7 et le 10 décembre 2020.

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; a fourni une copie du sommaire de sa déposition.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les entrevues avec les AT ont eu lieu le 8 décembre 2020.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident est survenu sur le trottoir sud de la rue Wellington Est, juste à l’ouest de la rue Pilgrim à Sault Ste. Marie.

Les événements se sont déroulés entre une maison unifamiliale située au 727, rue Wellington Est et un immeuble commercial situé au 721, rue Wellington Est. Il y avait une entrée de cour revêtue d’asphalte du côté ouest du 727, rue Wellington Est et une longue entrée revêtue d’asphalte menant au 700, rue Wellington Est [2], directement au bord de l’entrée de cour, à l’ouest.

La rue Wellington Est était une route à quatre voies revêtues, soit deux voies en direction est et deux voies en direction ouest. Il y avait une petite bordure surélevée, une bande revêtue, puis un trottoir en béton de chaque côté de la chaussée. En outre, une clôture à mailles losangées se trouvait juste au sud du trottoir devant le 721, rue Wellington Est.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Appel au 911


Une femme a téléphoné au centre de communication du Service de police de Sault Ste. Marie pour signaler que deux hommes poussaient une motocyclette sur la rue Wellington Est. Elle était presque certaine que la motocyclette avait été volée. Les deux hommes se trouvaient maintenant devant le 619, rue Wellington Est. Ils avaient un chien noir avec eux et avançaient en contresens sur le trottoir, par rapport à la circulation, et allaient vers la rue East. Ils avaient de la difficulté à garder la motocyclette droite, qui était de couleur noire selon la femme.


Centre de communication du Service de police de Sault Ste. Marie


Des agents du Service de police de Sault Ste. Marie ont été dépêchés, et l’AI est arrivé dans le secteur de la rue Wellington à 6 h. Le répartiteur a signalé aux agents que le plaignant était recherché en lien avec un mandat en première instance pour des événements survenus en septembre 2020 et que le mandat avait été confirmé.

Un agent a mentionné au répartiteur que d’autres accusations seraient portées contre le plaignant pour entrave et pour des infractions en matière de drogue.

Un agent a demandé qu’on envoie un autre agent sur les lieux pour qu’il s’occupe du chien et du remorquage de la motocyclette.

Le plaignant a été mis en état d’arrestation et conduit au poste de police dans une voiture de police.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Sault Ste. Marie entre le 7 et le 15 décembre 2020 :

  • les enregistrements vidéo de la salle d’enregistrement et de la cellule;
  • les enregistrements des communications;
  • la politique relative au recours à la force;
  • la politique relative aux arrestations;
  • le rapport d’enregistrement d’arrestation;
  • le rapport d’arrestation;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le résumé d’un mémoire de la Couronne;
  • le dossier de garde;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2 (agent);
  • la formation sur le recours à la force suivie par l’AI;
  • la formation sur le recours à la force suivie par l’AT no 3;
  • la formation sur le recours à la force suivie par l’AT no 1;
  • la formation sur le recours à la force suivie par l’AT no 2;
  • la déclaration de l’AI;
  • la déclaration de l’AT no 3;
  • la déclaration de l’AT no 1;
  • la déclaration de l’AT no 2.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort du poids des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec le plaignant, quelques agents de police ayant participé à l’arrestation et plusieurs témoins civils. Vers 6 h le 3 décembre 2020, l’AI est arrivé dans le secteur de la rue Wellington Est, juste à l’ouest de la rue Pilgrim. La police avait reçu un appel au 911 visant à signaler que deux hommes poussaient une motocyclette présumément volée sur la rue Wellington Est. Le plaignant était l’un d’eux.

L’AI s’est approché du plaignant, lui a demandé si la motocyclette était volée, puis a cherché son nom dans la base de données de la police. La recherche a révélé que le plaignant faisait l’objet d’un mandat d’arrestation non exécuté. L’agent a informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation et lui a demandé de descendre de la motocyclette. Le plaignant a refusé d’obtempérer, indiquant qu’il voulait rapporter la motocyclette et son chien (attaché à la motocyclette au moyen d’une laisse) chez lui avant son arrestation. L’AI a répété au plaignant qu’il était en état d’arrestation et lui a ordonné de nouveau de descendre de la motocyclette.

Durant cette conversation, les AT nos 1 et 2 sont arrivés pour prêter main-forte à l’AI. Voyant que le plaignant refusait toujours de descendre de la motocyclette, l’AI et l’AT no 1 lui ont attrapé vigoureusement les mains pour les enlever des guidons et l’ont plaqué au sol. Le plaignant est tombé sur le dos, mais il s’est rapidement mis à plat ventre en gardant les bras sous son corps. Les agents ont lutté pour lui attraper les bras et les ont ramenés derrière son dos. Ils lui ont ensuite passé les menottes.

Le plaignant a été conduit à l’hôpital après son arrestation et a reçu un diagnostic de fracture des côtes et de poumon collabé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 3 décembre 2020, le plaignant a été arrêté par des agents du Service de police de Sault Ste. Marie et des blessures graves ont été diagnostiquées à l’hôpital par la suite. Compte tenu de la possibilité que les blessures du plaignant aient été causées pendant son arrestation, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert un dossier. L’AI était parmi les agents ayant procédé à l’arrestation et il a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Vu l’existence d’un mandat d’arrestation non exécuté contre le plaignant, j’ai la conviction que les agents avaient le droit de tenter de le mettre sous garde.

Par conséquent, je ne peux conclure que l’AI et les autres agents ont employé plus que la force raisonnablement nécessaire pour arriver à leurs fins. Le plaignant a clairement indiqué qu’il n’avait pas l’intention de se laisser mettre sous garde sans résister et il s’est agrippé fermement aux guidons de la motocyclette. Dans les circonstances, les agents ont réagi de manière raisonnable en attrapant vigoureusement les mains du plaignant pour les enlever des guidons et en plaquant celui-ci au sol. Grâce au placage au sol, qui ne semble pas avoir été trop vigoureux, il était plus facile pour les agents de contrer toute autre résistance de la part du plaignant. En effet, ce dernier a continué de lutter avec les agents au sol en battant l’air de ses membres et il a même donné des coups de pieds à l’AT no 1 dans la poitrine à un moment donné. Les agents ont alors immobilisé le plaignant au sol, notamment à l’aide de leurs genoux, et ont tiré parti du fait qu’ils étaient plus nombreux pour le dominer et lui attraper les bras. Le plaignant n’a à aucun moment reçu de coups de poing, de genou ou de pied. Au vu du dossier, j’ai la conviction que la force employée par les agents était proportionnelle à la résistance offerte par le plaignant et ne dépassait pas ce qui était raisonnablement nécessaire à ce stade.

Par ailleurs, des éléments de preuve portent à croire que le plaignant aurait été blessé avant son altercation avec les agents. Un témoin l’a vu tomber de sa motocyclette, se relever et se tenir le milieu du corps quelques instants avant l’arrivée des agents. Quoi qu’il en soit, comme il n’existe a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI et ses collègues ont agi illégalement dans leur interaction avec le plaignant, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 15 mars 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sept munitions de calibre .354 Magnum et une munition de calibre .45 ont été saisies. [Retour au texte]
  • 2) Immeuble commercial. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.