Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 19-OCD-277

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme de 30 ans [1] (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 novembre 2019, à 6 h 15, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES de ce qui suit.

Le 20 novembre 2019, des agents de police sont intervenus en réponse au signalement d’un homme suspect dans le secteur de Runningbrook Drive, à Mississauga. À leur arrivée sur les lieux, les agents ont repéré l’homme, identifié plus tard comme étant le plaignant, dans le jardin à l’arrière du 1185 Runningbrook Drive. Quand les agents ont tenté de placer le plaignant sous garde, une lutte s’est ensuivie. Au cours de la lutte, plusieurs options de recours à la force ont été déployées, notamment une arme à impulsions, une matraque ASP (bâton télescopique) et un pulvérisateur d’oléorésine capsicum (OC). Une fois maîtrisé et placé sous garde, le plaignant a apparemment perdu connaissance et n’avait plus de signes vitaux. La réanimation cardiopulmonaire (RCP) a été commencée et les SMU ont été appelés.

Le plaignant a été transporté au Trillium Health Partners – Hôpital de Mississauga où, à 4 h 19, son décès a été prononcé. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 4

Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a pris des photographies et des mesures des lieux à des fins de cartographie médicolégale.

Les données, les sondes et des morceaux de cartouches de l’arme à impulsions ont été récupérés sur les lieux. Le pulvérisateur d’OC et les menottes ont été saisis.

Les enquêteurs ont fait le tour du secteur à la recherche de témoins et d’enregistrements de vidéosurveillance. La coordonnatrice des services aux personnes concernées est intervenue.

Plaignant :

Homme de 30 ans, décédé


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
TC no 10 A participé à une entrevue
TC no 11 A participé à une entrevue
TC no 12 A participé à une entrevue
TC no 13 A participé à une entrevue
TC no 14 A participé à une entrevue 

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire


Agents impliqués (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

Le 1185 Runningbrook Drive est au coin nord-ouest de Runningbrook Drive et de Riverspray Crescent. Une allée mène au jardin arrière depuis Riverspray Crescent. Sur le côté nord de la maison, deux marches permettent d’accéder à un perron surélevé en bois. Une porte-fenêtre coulissante permet d’entrer dans la maison depuis ce perron.

Il y avait des preuves du déploiement d’armes à impulsions sur toute la surface du perron et des garde-corps : étiquettes AFID, portes de cartouches et séparateurs. Une seule sonde d’arme à impulsions a été trouvée, avec son fil attaché au mur de briques de la maison, à gauche de la porte coulissante. Les enquêteurs ont trouvé une paire de sandales et des preuves de consommation de boissons alcoolisées sur le perron. Une grande bouteille vide d’alcool était posée à côté du barbecue, dans le coin nord-ouest du perron. Une paire de menottes et une cartouche vide de pulvérisateur d’OC étaient posées sur la table du perron, près de la porte. Le gazon et les platebandes du jardin montraient des signes évidents de lutte (herbe et plantes aplaties).

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Figure 1 – Cartouche du pulvérisateur d’OC de l’AI no 2

Figure 1 – Cartouche du pulvérisateur d’OC de l’AI no 2


Figure 2 - Taser X2 de l’AI no 1 (ceux de l’AI no 2 et de l’AI no 3 étaient du même modèle)

Figure 2 - Taser X2 de l’AI no 1 (ceux de l’AI no 2 et de l’AI no 3 étaient du même modèle)

Résumé des données de déploiement des armes à impulsions

AI no1 [2]

Résumé des données de déploiement des armes à impulsions - AI no1


AI no2

Résumé des données de déploiement des armes à impulsions - AI no2


AI no 3


Résumé des données de déploiement des armes à impulsions - AI no3

L’interrupteur d’arc sert à déclencher un arc d’avertissement. L’arme à impulsions produira un arc aussi longtemps que l’interrupteur est maintenu enfoncé. Si une sonde est déployée, une pression momentanée sur n’importe quel interrupteur d’arc entraînera une activation de 5 secondes à l’avant de l’arme ou dans toutes les cartouches déployées.

Témoignage d’expert


Analyse des données de déploiement de l’arme à impulsions


L’UES a soumis les données de déploiement à un expert aux fins d’analyse. Dans un rapport daté du 10 mars 2021, l’expert a décrit son interprétation des données dans les tableaux suivants :


Analyse des données de déploiement de l’arme à impulsions

Résumé de la conductivité/connexion - En résumé, d’après l’examen des graphiques du registre d’impulsions 1A-1E, aucune connexion maintenue à la charge optimale n’a été établie.


Analyse des données de déploiement de l’arme à impulsions

Résumé de la connexion - En résumé, d’après l’examen des graphiques du registre d’impulsions 2A-2E, aucune connexion maintenue à la charge optimale n’a été établie.


Analyse des données de déploiement de l’arme à impulsions

Résumé de la connexion : En résumé, d’après l’examen des graphiques du registre d’impulsions 3A-3B, aucune connexion maintenue à la charge optimale n’a été établie.

Le rapport conclut que les données téléchargées permettent seulement de prouver si une connexion a été établie entre les contacts positifs et négatifs de l’arme à impulsions. Elles ne permettront jamais de déterminer si la charge électrique a été transmise à un sujet. D’après l’examen de tous les registres de graphique d’impulsions, aucune connexion maintenue n’a été établie.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Résumé de la vidéo d’une caméra de surveillance d’une résidence sur Riverspray Crescent


3 h 00 min 30 s – 3 h 03 min 35 s
Une personne vêtue de sombre marche depuis le côté sud du 1185 Runningbrook Drive vers le nord, en passant devant les portes de garage le long du côté est de la maison, fait demi-tour, passe de nouveau devant les portes de garage en se dirigeant vers le sud et traverse Runningbrook vers le sud à Riverspray Crescent.

3 h 10 min 43 s – 3 h 19 min 45 s
La personne fait des va-et-vient devant le 1185 Runningbrook Drive, sur le côté nord de la rue, puis traverse Riverspray Crescent vers l’est, du côté nord de Runningbrook Drive, et disparaît du champ de vision de la caméra. La personne marche ensuite vers le nord en passant devant les portes de garage du 1185 Runningbrook Drive, puis vers le sud en passant de nouveau devant le 1185 Runningbrook Drive, et fait des va-et-vient devant la façade de la maison.

3 h 24 min 21 s – 3 h 26 min
On voit les phares d’un véhicule de police qui roule vers le nord sur Riverspray Crescent, ses feux d’urgence activés sur son toit, tourne vers l’est dans une allée, puis fait marche arrière pour faire demi-tour et continuer vers le sud sur Riverspray Crescent. La voiture de police s’arrête à Runningbrook Drive; ses feux d’urgence sont activés pendant une seconde. Elle fait marche arrière, puis s’arrête, toujours face au sud. Ses phares sont éteints, mais ses feux de stationnement restent allumés.

3 h 26 min 27 s – 3 h 26 min 55 s
Une deuxième voiture de police roule vers le nord sur Riverspray Crescent, au sud de Runningbrook Drive. Elle s’arrête devant la première voiture de police. Une personne sort de la première voiture de police et se dirige vers la porte du conducteur de cette deuxième voiture de police. Deux personnes sortent de la deuxième voiture de police. Ensemble, ces trois personnes marchent vers l’ouest, du côté nord de Runningbrook Drive. L’une de ces personnes marche vers le nord le long du côté est de la maison et se dirige vers l’arrière; les deux autres se dirigent vers le devant de la maison, à l’ouest, en tenant une lampe de poche allumée.

3 h 27 min 55 s
Quelqu’un court le long du côté est de Runningbrook Drive jusqu’au jardin arrière.

3 h 28 min
Une personne avec une lampe de poche allumée marche vers le nord en direction de l’arrière-cour.

3 h 36 min 12 s – 3 h 36 min 22 s
Une troisième voiture de police roule à vive allure vers l’est sur Runningbrook Drive, tourne vers le nord sur Riverspray Crescent, puis se gare sur le côté est de Riverspray Crescent, immédiatement au sud du jardin arrière du 1185 Runningbrook Drive. Le conducteur sort du véhicule en laissant les phares allumés et traverse en courant Riverspray Crescent jusqu’à l’arrière du 1185 Runningbrook Drive à l’ouest.

3 h 36 min 52 s
On peut voit trois éclairs de lumière, en succession rapide, au-dessus de la clôture du jardin du 1185 Runningbrook Drive.

3 h 38 min 30 s
Une ambulance roule vers l’est sur Runningbrook Drive, puis s’arrête juste après avoir tourné vers le nord sur Riverspray Crescent.

3 h 38 min 51 s – 3 h 39 min 14 s
Une personne court vers le sud depuis le jardin arrière du 1185 Runningbrook Drive, le long du côté est de la maison, puis fait demi-tour et court en direction inverse.

3 h 39 min 40 s
Deux personnes munies de lampes de poche marchent vers l’ouest, depuis l’endroit où se trouve l’ambulance, jusqu’au jardin arrière du 1185 Runningbrook Drive.

3 h 40 min 12 s
Une voiture de police, ses feux d’urgence activés, roule vers l’est sur Runningbrook Drive et se gare devant le 1185 Runningbrook Drive.

3 h 43 min 10 s
Huit personnes marchent vers le sud depuis le jardin arrière du 1185 Runningbrook Drive, les premières d’entre elles tirant ce qui semble être une civière.

3 h 49 min 5 s
Une personne munie d’une lampe de poche marche vers le sud, depuis le jardin arrière du 1185 Runningbrook Drive, le long du côté est de la maison, jusqu’à Runningbrook Drive.

3 h 51 min 30 s
Une personne munie d’une lampe de poche est à l’angle nord-est du 1185 Runningbrook Drive tandis que deux autres marchent vers le nord le long du côté est de la maison, vers le jardin arrière.

3 h 52 min 45 s – 04 min 1 s min 22 s
Les phares de l’ambulance sont éteints puis rallumés. L’ambulance s’éloigne vers le nord sur Riverspray Crescent.

Enregistrements des communications de la police


Résumé des enregistrements téléphoniques


20 novembre 2019

2 h 38 min 37 s ¬– Le TC no 3 dit qu’il appelle au nom du propriétaire. L’un des locataires est exceptionnellement bruyant et viole l’entente de location. Comme il ne s’agit pas d’un appel urgent, le préposé à l’appel conseille au TC no 3 d’appeler le numéro de police pour les appels non urgents.

2 h 40 min 34 s – Le TC no 3 signale une plainte pour bruit au 1185 Runningbrook Drive. L’un des locataires viole l’entente de location et fait du tapage la nuit. Le locataire vient juste de sortir de la maison.

Le préposé à l’appel dit que s’il est parti, il ne fait plus de bruit et l’appel sera donc annulé. Il ajoute que si le locataire revient et fait de nouveau beaucoup de bruit, ils devront rappeler.

2 h 58 min 21 s – Le TC no 3 téléphone à la police et dit que le locataire est revenu à la maison, accompagné d’un inconnu, et qu’ils font du bruit. Il ajoute qu’ils crient et sont ivres. La police réactive l’appel.

3 h 02 min 13 s – Le préposé aux appels dit au TC no 3 qu’ils ne vont pas venir tout de suite parce qu’ils doivent répondre à des urgences et que son appel est à faible priorité.

3 h 15 min 23 s ¬¬– Le TC no 2 appelle la police pour signaler qu’il y a quelqu’un de très ennuyeux dans la rue, qui marche en faisant des va-et-vient, balance les bras dans tous les sens, crie et hurle, dans le secteur de Runningbrook et Riverspray. Le TC no 2 demande si la police pourrait envoyer un véhicule de patrouille pour contrôler cette personne.

3 h 31 min 1 s ¬¬– La police demande aux SMU d’envoyer une ambulance à l’intersection de Runningbrook Drive et de Riverspray Crescent. Le répartiteur des SMU demande si la personne est éveillée et respire normalement. L’opérateur de la police répond qu’ils ne savent pas, mais que l’homme a été « tasé ». Ils (les agents sur les lieux) demandent qu’on envoie d’urgence une ambulance.

3 h 40 min 25 s ¬¬– L’opérateur des communications de la police aux répartiteurs : [traduction] « Je ne sais pas ce qui se passe, bordel. On avait un appel pour un problème de propriétaire-locataire. Un des locataires faisait du bruit. Donc, on dirait que les gars l’ont attrapé dans la cour là-bas et, tu sais quoi, c’est un homme assez costaud et il semble qu’ils l’ont menotté, et que tout était 10 - 4. Envoyez d’urgence une ambulance, parce qu’ils l’ont “tasé”, mais j’ai ensuite entendu [l’AI no 1] dire que tout le monde pouvait ralentir, puis tout s’est déchaîné. Alors, on essaye de comprendre ce qui se passe. D’après l’appel précédent, c’était juste un locataire à qui son propriétaire avait dit d’appeler la police parce que ce type est là et qu’il cause des problèmes, puis il a dit qu’il partait ou que le gars partait, alors on lui a dit de rappeler si le gars revenait. Eh bien, il est revenu, et c’est là où on en est maintenant. »


Résumé des enregistrements radio


[traduction]

3 h 17 min 55 s – Le répartiteur : Toute unité disponible pour un appel prioritaire, une personne suspecte, Runningbrook et Riverspray. La personne qui a appelé ne sait pas si l’homme en question est ivre, drogué ou LSM, mais il se promène en agitant les bras et en criant après personne. Il est en face du centre commercial pour le moment. La personne appelait de chez elle.

3 h 24 min 31 s – L’AI no 2 : Je pense que je l’ai sur Riverspray. Maintenant, il court. Il est dans l’arrière-cour d’une maison. Il va falloir qu’on règle vite la situation.

3 h 27 min 17 s – L’AI no 1 : On a besoin de renfort. Une voix d’homme en arrière-plan : « Mettez vos mains dans le dos ».

3 h 30 min 49 s – L’AI no 1 : Nous en avons un sous garde. Nous avons besoin d’une ambulance. L’unité peut ralentir. Je répète, ralentis. Il est sous garde. Le répartiteur : 10-4. Un en détention. Les unités peuvent ralentir. L’ambulance est en route.

3 h 31 min 35 s – L’AI no 1 : Répartition. Je veux une urgence pour cette ambulance, s’il vous plaît, et j’ai besoin d’autres unités. C’est un gars très costaud. Le répartiteur : 10-4. En fait, appelle quelqu’un. S’il y a des unités disponibles. Dirigez-vous vers Runningbrook et Riverspray?

3 h 32 min 3 s – L’AI no 1 : 1185 Riverspray.

3 h 34 min 29 s – L’AI no 2 : Une de ces unités. Nous avons besoin de renfort ici.

3 h 37 min 49 s – L’AI no 1 : Placez une urgence sur l’ambulance, maintenant.

3 h 39 min 36 s – L’AI no 1 : On n’a pas besoin d’autres unités. On est correct ici. On a juste besoin de l’ambulance.

3 h 45 min 54 s – AI no 1? Tu as une mise à jour? L’AI 1 : Oui. Un homme a été placé dans l’ambulance. Nous allons être 10 - 6 [Occupé-sauf urgence] ici.

4 h 19 min 18 s – 4 h 48 min – Le décès de l’homme a été prononcé à l’hôpital, à 4 h 19. [Nom du médecin] Le médecin qui a prononcé le décès est au téléphone avec le coroner.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la PRP :
  • Enregistrements des communications;
  • Enregistrement sonore des appels au 9-1-1;
  • Enregistrement sonore des communications;
  • Registre de divulgation – PRP;
  • Chronologie de l’incident;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AI no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Détails de l’incident;
  • Politique – enquêtes criminelles;
  • Politique – intervention sur un incident;
  • Historique de la formation – AI no 1;
  • Historique de la formation – AI no 3;
  • Historique de la formation – AI no 2;

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

L’UES a examiné les dossiers suivants obtenus auprès de sources autres que la police :
  • Rapports d’incident et d’appels d’ambulance des SMU;
  • Dossier médical;
  • Entente de location – TC no 5;
  • Vidéo d’une caméra de surveillance d’une résidence de Riverspray Crescent;
  • Photos prises par le TC no 5
  • Vidéo prise par le TC no 5 avec son téléphone cellulaire;
  • Photos et vidéo du TC no 11. [3]

Description de l’incident

Le scénario suivant ressort du poids des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des déclarations de l’un des trois agents impliqués – l’AI no 2 – et de deux témoins civils qui ont observé certains moments de l’arrestation du plaignant. L’enquête a également bénéficié d’un examen des données des armes à impulsions, des enregistrements des communications de la police et du rapport d’autopsie. Comme c’était leur droit, aucun des deux autres agents impliqués n’a consenti à participer à une entrevue avec l’UES ou à lui communiquer ses notes sur l’incident.

Le 20 novembre 2019, vers 3 h du matin, le TC no 3 – le locataire d’un appartement au 1185 Runningbrook Drive – a appelé la police au nom de ses propriétaires – le TC no 5 et le TC no 13. Un autre locataire – le plaignant – avait fait du tapage dans la maison et dans le quartier. Le TC no 3 avait appelé la police environ 20 minutes plus tôt, cette fois encore à la demande des propriétaires, pour signaler que le plaignant faisait beaucoup de bruit et refusait de faire sortir une de ses connaissances de sa chambre. Vers 3 h 15, la police a reçu un autre appel, cette fois d’un voisin, se plaignant au sujet d’un homme – le plaignant – qui criait dans la rue, dans le secteur de Runningbrook Drive et Riverspray Crescent. Des agents ont été envoyés sur les lieux pour enquêter.

Le premier agent sur les lieux – l’AI no 2 – est arrivé vers 3 h 21. À ce moment-là, le plaignant marchait vers le sud sur Riverspray Crescent, au sud de Runningbrook Drive, le long du stationnement du centre commercial situé à l’angle sud-est de l’intersection. Comme le plaignant agitait les bras et émettait des bruits inintelligibles, l’AI no 2, au volant de son véhicule, s’est approché de lui en traversant le stationnement et lui a demandé de rentrer chez lui. Le plaignant l’a ignoré et n’a pas réagi de quelque façon que ce soit. Il a fait demi-tour et a commencé à marcher vers le nord, vers Runningbrook Drive, a traversé la rue et est entré dans l’arrière-cour de la maison située au coin nord-ouest de l’intersection.

L’AI no 2 craignait que le plaignant s’introduise sans autorisation dans la propriété et présente un danger pour les occupants de la maison. Rejoints par l’AI no 1 et l’AI no 3, arrivés entre-temps à bord de leurs véhicules de patrouille, les agents se sont approchés de la maison à pied pour enquêter et sont entrés dans l’arrière-cour en passant par un portillon au nord du garage de la maison. Là, ils ont trouvé le plaignant debout sur une terrasse surélevée, près des portes coulissantes de la maison. Ne sachant pas que le plaignant habitait à cet endroit, les agents lui ont ordonné de se mettre à terre. Le plaignant s’est mis à plat ventre sur la terrasse, mais a refusé de placer ses bras dans le dos, comme on le lui ordonnait. Il a continué à agiter les bras.

L’AI no 1 ou l’AI no 3 a déchargé son arme à impulsions sur le plaignant, sur quoi ce dernier s’est relevé et s’est précipité vers l’AI no 2. L’agent, qui était au bord de la terrasse, à moins d’un mètre ou deux du plaignant, a sauté sur le sol en contrebas pour éviter le plaignant et a entendu le bruit d’un autre déploiement d’une arme à impulsions. Le plaignant, maintenant debout sur la pelouse, est devenu rigide et est tombé face contre terre.

Une lutte physique intense entre les trois agents et le plaignant s’est ensuivie. Comme ils ne parvenaient pas à maîtriser le plaignant par terre par leur seule force physique, l’AT no 2 a déchargé son arme à impulsions sur lui. Cette décharge n’a eu aucun effet. Plusieurs autres décharges d’arme à impulsions par les trois agents sont aussi restées sans effet. [4] Les agents sont finalement parvenus à surmonter la résistance du plaignant et l’ont menotté dans le dos après que l’AI no 2 ait dirigé un jet pulvérisé d’OC à l’arrière de sa tête.

Une fois menotté et toujours à plat ventre par terre, le plaignant est devenu calme et immobile. Les agents ont fait un pas en arrière et, épuisés, ont mis un peu de temps avant de se ressaisir et d’appeler une ambulance. Ils n’ont pas réalisé que le plaignant avait de la difficulté à respirer jusqu’à ce que l’AT no 2, arrivé dans l’arrière-cour peu après l’arrestation, remarque une substance mousseuse autour de la bouche du plaignant et l’absence de pouls.

L’AT no 2 et l’AI no 3 ont tourné le plaignant sur le dos et ont commencé la RCP. Des appels ont été lancés par radio pour demander qu’on envoie d’urgence une ambulance. En quelques minutes, des ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux et ont placé le plaignant dans l’ambulance où ils ont tenté de le réanimer pendant un certain temps avant de le transporter d’urgence à l’hôpital. Le plaignant est arrivé à l’hôpital vers 4 h 10. Malgré d’autres efforts de réanimation, le décès du plaignant a été déclaré à 4 h 19.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Articles 219 et 220, Code criminel -- Négligence criminelle causant la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le décès du plaignant a été prononcé à l’hôpital le 20 novembre 2019. Il était tombé en détresse médicale aiguë peu après avoir été arrêté par des agents de la PRP. Les trois agents qui ont procédé à l’arrestation – l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 – ont été identifiés comme agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués ont commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement d’un acte qui leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Je suis convaincu que l’AI no 2, l’AI no 1 et l’AI no 3 étaient dans leurs droits en tentant de placer le plaignant sous garde. Ils avaient été appelés sur les lieux parce que des gens avaient signalé que le plaignant était en état d’ébriété et faisait du tapage dans le secteur en criant très fort. Une fois arrivé dans le secteur, l’AI no 2 vu le plaignant sur Riverspray Crescent, en face d’un centre commercial, et a essayé de lui parler. Le plaignant l’a ignoré et s’est rendu dans l’arrière-cour de sa résidence. L’AI no 2 ne savait pas que le plaignant habitait à cet endroit et était naturellement préoccupé par les intentions du plaignant. Les agents avaient donc des raisons d’appréhender le plaignant en raison d’une inquiétude légitime de violation de la paix. La question porte alors sur le caractère approprié du recours à la force au cours de leurs interventions.

Même s’il ne fait aucun doute qu’une force importante a été utilisée contre le plaignant, je suis convaincu qu’elle n’était pas illégale. La première décharge d’une arme à impulsions par l’AI no 1 ou l’AI no 3 est particulièrement préoccupante, parce qu’elle a eu lieu à un moment où le plaignant s’était allongé sur le plancher de la terrasse de la cour arrière. J’admets que le plaignant continuait d’agiter les bras à ce moment-là et refusait de les mettre dans le dos comme les agents le lui ordonnaient. Les agents n’auraient-ils pas été mieux avisés de simplement s’avancer pour tenter de maîtriser physiquement le plaignant avant de recourir à une arme? Possiblement. Cependant, il faut tenir compte du fait que les agents de police, lorsqu’ils sont confrontés à une situation instable, ne sont pas tenus de mesurer avec précision la nature et l’étendue de leur recours à la force. La loi leur donne une certaine latitude; ce qui est requis de leur part, c’est une réaction raisonnable, et pas nécessairement mesurée de façon rigoureuse : R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S 206; R. v. Baxter (1975), 27 CCC (2 d) 96 (Ont. C.A.). Au moment de la première décharge d’arme à impulsions, le plaignant avait donné aux agents des raisons de croire qu’il était en état d’ébriété, qu’il s’introduisait sans autorisation dans une propriété privée et qu’il n’était pas prêt à se laisser arrêter pacifiquement puisqu’il continuait d’agiter les bras et refusait de les placer dans le dos, comme les agents lui en donnaient l’ordre. Le plaignant était également un homme corpulent et il n’aurait pas été facile de le maîtriser s’il offrait de la résistance. [5] Je ne peux donc pas conclure avec tant soit peu de certitude que la première décharge d’arme à impulsions sortait des limites de ce qui était raisonnablement nécessaire à ce moment-là pour faciliter l’appréhension du plaignant.

Ce qui a suivi a été une lutte intense entre les agents et le plaignant. Après le premier déploiement d’une arme à impulsions, le plaignant s’est relevé et s’est précipité vers l’AI no 2, qui lui a échappé en sautant de la terrasse sur le sol. À peu près au même moment, une autre décharge d’arme à impulsions semble avoir neutralisé temporairement le plaignant en le faisant tomber. Avec peu de succès, l’AI no 3 et l’AI no 1 ont tenté de contrôler les bras du plaignant alors que l’AI no 2 se tenait au-dessus de lui pour l’empêcher d’agiter les jambes. Bien qu’il n’y ait pas de témoignage à cet effet, il est possible que l’AI no 1 et/ou l’AI no 3 aient également donné des coups de poing ou de pied au plaignant pendant cette lutte, étant donné la présence d’ecchymoses sur le torse et les bras du plaignant. Le plaignant faisait preuve d’une force incroyable et a réussi à contrer les efforts des agents. Les agents ont de nouveau eu recours à leurs armes à impulsions. Bien que l’on ne sache pas exactement dans quel ordre les décharges ont eu lieu, d’après les données téléchargées à partir de leurs armes à impulsions, l’AI no 2, l’AI no 1 et l’AI no 3 ont tiré cinq, cinq et deux fois, respectivement. Le plaignant a néanmoins continué de se débattre sans relâche; les décharges des armes à impulsions n’avaient apparemment aucun effet sur lui. [6] Finalement, l’AI no 2 a sorti son pulvérisateur d’OC et a dirigé un jet vers la tête du plaignant. Quelques instants plus tard, les agents sont parvenus à menotter le plaignant dans le dos.

Ici aussi, la preuve ne permet pas d’établir raisonnablement qu’une force excessive a été utilisée contre le plaignant. Il ressort des récits des trois témoins de la lutte qui ont fourni des éléments de preuve à l’UES – un agent impliqué et deux civils – que le plaignant s’est avéré un formidable défi physique pour les agents. L’AI no 2 l’a décrit comme étant dans un état de frénésie et croyait qu’il était en proie à un délire agité. Selon l’agent, compte tenu de son comportement, le plaignant avait besoin d’aide et il fallait l’appréhender rapidement. En ce qui concerne le nombre de décharges d’armes à impulsions, il est important de noter qu’aucune de ces décharges ne semble avoir immobilisé le plaignant suffisamment, voire pas du tout, pour permettre aux agents de le menotter. [7] De plus, ces décharges ont eu lieu pendant un bref moment durant lequel chaque agent, dans le feu de l’action, réagissait indépendamment aux exigences du moment. À mon avis, on peut très bien dire la même chose de tout coup que l’AI no 1 ou l’AI no 3 aurait pu asséner au même moment. [8] Quant au pulvérisateur de poivre, il semble avoir été utilisé seulement après que les décharges répétées d’armes à impulsions n’ont pas suffi à maîtriser le plaignant. Dans ces circonstances, j’estime la preuve insuffisante pour conclure raisonnablement que la force utilisée par les agents après la décharge initiale de l’arme à impulsions sortait des limites prescrites par le droit criminel.

Le pathologiste a décrit la cause du décès du plaignant comme suit : [traduction]

La cause du décès est la mort subite chez un homme à plat ventre, attaché, agité et massivement obèse ayant subi des blessures contondantes dans une lutte impliquant le déploiement d’armes à impulsions et d’un jet pulvérisé d’oléorésine capsicum (OC). Le mécanisme de la mort était probablement une arythmie cardiaque mortelle. Plusieurs facteurs ont contribué à la mort de cet homme, dont, possiblement, son état d’agitation et l’interaction avec la police, y compris des blessures contondantes, sa contention, sa position à plat ventre dans le contexte de l’obésité morbide et le déploiement d’armes à impulsions et d’un jet pulvérisé d’OC avant le décès.

Bien que je sois convaincu, d’après l’analyse qui précède, que la force utilisée par les agents n’était pas illégale, la preuve pathologique soulève des questions de négligence possible qui doivent être évaluées dans l’analyse de la responsabilité criminelle. Par exemple, après avoir arrêté le plaignant, les agents l’ont laissé à plat ventre pendant un certain temps, les mains attachées dans le dos, avant qu’il perde ses signes vitaux et qu’on commence à lui administrer la RCP. De plus, la preuve suggère que le plaignant était en détresse mentale au moment de sa confrontation avec la police, ce qui soulève la question de l’opportunité de l’intervention de la police face à une personne qui n’avait pas toutes ses facultés mentales.

En ce qui concerne d’abord la maladie mentale du plaignant, la preuve indique qu’il souffrait de schizophrénie et qu’il prenait des médicaments pour cette maladie. La preuve indique en outre que le plaignant était un consommateur régulier de cannabis et que sa consommation de cette drogue entraînait souvent des poussées de comportement psychotique. Selon des témoins, le plaignant a commencé à agir de façon étrange après avoir consommé du cannabis vers 23 h 30, le 19 novembre 2019.

Au moment des événements en question, la PRP disposait d’une équipe d’appui à l’évaluation en cas de crise – l’équipe COAST. Chaque unité COAST se compose d’un agent en tenue civile qui fait équipe avec un professionnel de la santé mentale. Le service de l’équipe COAST est disponible 24 h sur 24, 7 jours sur 7. COAST est une méthode par laquelle le service de police cherche à répondre plus efficacement aux appels de service impliquant des personnes en situation de crise de santé mentale ou de détresse émotionnelle. Cependant, conformément à la politique de la PRP en vigueur au moment de l’incident, les unités COAST ne sont mobilisées que si les quatre conditions suivantes sont remplies : l’appel concerne une personne de 16 ans ou plus qui souffre d’un trouble de santé mentale; l’appel n’est pas une urgence; il n’y a pas d’armes impliquées dans l’appel; et, la situation est calme. Aucune unité COAST n’a été déployée en réponse à cet appel. La PRP aurait-elle dû en déployer une?

L’infraction à prendre en considération à cet égard est la négligence criminelle causant la mort, une infraction visée par l’article 220 du Code criminel. Une simple négligence ne suffira pas à engager la responsabilité en vertu de cette disposition. La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué et important par rapport au degré de diligence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Tout bien considéré, je ne suis pas convaincu, pour des motifs raisonnables, que les agents impliqués ont fait preuve de négligence criminelle dans la manière dont ils ont d’abord abordé le plaignant, puis l’ont traité après son arrestation.

Il est entendu que placer une personne obèse et très agitée à plat ventre avec les bras retenus dans le dos peut présenter un risque pour la santé. Dans son rapport d’autopsie, le pathologiste a mentionné cette possibilité tout en reconnaissant les preuves contradictoires dans la littérature concernant la relation entre la position couchée et les décès sous garde. Les agents impliqués auraient mieux fait de repositionner le plaignant rapidement après l’avoir menotté de façon à ce qu’il ne soit plus à plat ventre par terre. Cela dit, bien que l’on ne sache pas exactement combien de temps le plaignant est resté à plat ventre, la preuve suggère que ce n’était pas plus d’une minute ou deux. [9] De plus, pendant cet intervalle, rien n’indique que le plaignant était visiblement en état de détresse médicale aiguë avant l’arrivée de l’AT no 2 sur les lieux. À ce moment-là, l’AT no 2 a remarqué ce qu’il a décrit comme une respiration « agonisante » et une substance mousseuse sortant de la bouche du plaignant, et a pris des mesures pour le retourner sur le dos. Ainsi, même si chaque seconde compte dans ces situations, il ne semble pas que le plaignant soit resté à plat ventre très longtemps. Dans les circonstances, même si je conclus que les agents impliqués sur les lieux n’ont peut-être pas agi aussi rapidement qu’ils auraient pu le faire pour faire changer le plaignant de position après l’avoir menotté, leurs manquements ne constituent pas un écart marqué et important par rapport à un niveau de diligence raisonnable.

On peut se demander si une unité COAST aurait dû être déployée et si cela aurait fait une différence. D’une part, aucun des renseignements fournis au départ au service de police ne laissait pas nécessairement entendre qu’il s’agissait d’un cas impliquant une personne en crise de santé mentale. L’appel consistait principalement en une plainte pour tapage impliquant une personne en état d’ébriété. La police n’était au courant d’aucune mise en garde suggérant que le plaignant souffrait d’un trouble mental. Dans tous les cas, aucune information de cette nature n’a été communiquée aux agents envoyés sur les lieux. Par contre, on se demande si l’AI no 2, quand il est arrivé sur les lieux et a observé le comportement étrange et sans réaction du plaignant, aurait pu demander le déploiement de ressources en santé mentale. Cependant, il ne faut pas oublier que les choses ont évolué rapidement entre le moment où l’agent s’est trouvé en présence du plaignant pour la première fois et celui où le plaignant est entré dans l’arrière-cour de sa résidence. Dans les circonstances, les agents avaient des raisons de croire qu’ils devaient intervenir rapidement à la lumière de ce qu’ils percevaient, raisonnablement à mon avis, comme un risque émergent pour la sécurité des occupants de la maison. Au vu de ces considérations, je ne peux pas conclure que l’omission d’avoir mobilisé une unité COAST dans cet incident constituait une faute, et il ne semble pas non plus qu’une unité COAST, si elle avait été déployée, aurait fait une différence, compte tenu de la rapidité à laquelle les événements se sont déroulés.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les raisons qui précèdent, qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement que les agents impliqués ont agi autrement que légalement à l’égard du plaignant, que ce soit par la force qu’ils ont utilisée pour procéder à son arrestation ou par la manière dans laquelle ils l’ont approché avant et après la lutte qui a marqué son arrestation. Par conséquent, bien que la mort du plaignant soit sans aucun doute une tragédie, il n’y a pas de raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 25 mars 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) L'âge du plaignant au moment de l'incident. [Retour au texte]
  • 2) Les heures associées aux événements de l'arme à impulsions ne sont pas nécessairement synchronisées avec l'heure réelle ni avec celles des autres armes. [Retour au texte]
  • 3) Le TC no 11 a pris des vidéos et des photos en format jpeg avec son téléphone cellulaire; cependant, en raison d'une mise à jour logicielle inopinée sur son téléphone, toutes les images étaient très floues et de très mauvaise qualité. [Retour au texte]
  • 4) L'expert qui a analysé les données téléchargées des trois armes à impulsions en question a conclu qu'aucune des 12 pressions sur la détente de ces armes n'a abouti à l'établissement d'une connexion maintenue à la charge optimale. [Retour au texte]
  • 5) À l'autopsie, le plaignant a été décrit comme mesurant 6 pi 3 po et pesant 334 livres. [Retour au texte]
  • 6) Voir supra, note 4. [Retour au texte]
  • 7) Ibid. [Retour au texte]
  • 8) Il n'y avait aucun témoin ou preuve pathologique formelle de coups de matraque, même si le pathologiste n'a pas pu les exclure entièrement. L'AI no 2 a dit que ni lui ni ses collègues n'avait frappé le plaignant. Selon l'AI no 3, à aucun moment de la lutte, le plaignant n'a été frappé par un agent. [Retour au texte]
  • 9) Dans ses notes et lors de son entrevue avec l'UES, l'AT no 2 a indiqué être arrivé sur les lieux vers 3 h 33. Cette heure, cependant, n'était pas nécessairement synchronisée avec l'heure horodatée des enregistrements des communications dans lesquels on entend l'AI no 1 demande par radio qu'on envoie d'urgene une ambulance vers 3 h 31, ce qui suggère que les agents ont pris conscience de la détresse médicale du plaignant très peu de temps après l'avoir menotté et, en fait, moins d'une minute après que l'AI a annoncé que le plaignant était sous garde, à 3 h 30. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.