Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCD-133

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 35 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 9 juin 2020, à 0 h 4, le Service de police régional de York a avisé l’UES du décès du plaignant.

Le Service de police régional de York a signalé que, le 8 juin 2020 à 23 h, ses agents avaient répondu à un appel lié à un incident de violence familiale mettant en cause le plaignant qui avait peut-être un trouble psychiatrique et qui faisait brûler des objets dans la maison. Le premier agent qui est arrivé à la résidence a été attaqué par le plaignant. L’agent était incapable de demander de l’aide par la radio, et c’est la femme du plaignant qui a appelé le 911. Deux agents du Service de police régional de York se sont rendus sur les lieux et ont prêté main-forte pour l’arrestation du plaignant. L’un des agents impliqués a déployé son arme à impulsions en mode contact. Les agents ont réussi à menotter le plaignant les mains derrière le dos, mais ce dernier a soudainement cessé de réagir. Les agents ont commencé à prodiguer des soins. Des ambulanciers sont arrivés sur les lieux, mais ils n’ont pas pu ranimer le plaignant.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés :

Plaignant

Homme de 35 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées


Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans une maison de Jade Crescent dans la ville de Vaughan. Le plaignant a été retrouvé mort à l’intérieur de la maison tout près des portes avant. Il était étendu sur le dos, les pieds droits et les bras le long du corps, et il y avait des compresses médicales sur sa poitrine. Le visage et le nez du plaignant semblaient couverts de sang et son œil droit était fermé par l’enflure. Il y avait deux petites marques linéaires dans le bas du corps du plaignant, du côté droit.

L’UES a effectué un examen médicolégal des lieux et a pris des photos et des mesures.

Éléments de preuve matériels


Données de l’arme à impulsions de l’AI no 2


Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a extrait les données de l’arme à impulsions de l’AI no 2. Les données ont révélé que l’arme semblait en bon état de marche. En outre, elles ont montré que l’arme avait été activée à 23 h 7 min 53 s le 8 juin 2020 et avait ensuite été déployée pendant une seconde à 23 h 7 min 58 s. À 23 h 8 min 1 s, l’arme à impulsions a été désamorcée.

Figure 1 – L’arme à impulsions de l’AI no 2

Figure 1 – L’arme à impulsions de l’AI no 2

Enregistrements audio et vidéo de la caméra interne de la voiture de police de l’AT no 1


Le 8 juin 2020, l’AT no 1 travaillait à la division de la circulation à Aurora. Au moment de l’incident, il conduisait un véhicule Explorer Ford non identifié affecté à la circulation. Il a répondu à un appel radio signalant que l’AI no 1 avait besoin d’une aide immédiate. La voiture de police de l’AT no 1 était dotée d’une caméra interne et il y avait sur la veste pare-balles de l’agent un microphone, qui était activé au moment de l’incident.

La caméra interne de la voiture de police a capté des images de l’AT no 1 qui se rendait à une résidence de Jade Crescent. Peu après son arrivée à la résidence en question, l’AT no 1 est sorti de sa voiture de police, a couru et a demandé à quelqu’un : [Traduction] « Laquelle? » [on sait maintenant que l’AT no 1 voulait qu’on lui indique la maison du plaignant]. Peu après, on a entendu sur l’enregistrement audio une respiration forte [il s’agissait présumément de l’AI no 1] indiquant que quelqu’un était à bout de souffle.

En arrière-plan de l’enregistrement audio, on pouvait entendre une femme bouleversée dire : [Traduction] « Je suis désolée. » Un homme a ensuite demandé à quelqu’un de reculer. Un autre homme [présumément l’AI no 2] a dit : « Ouais, je lui ai donné une décharge en mode contact. » D’autres hommes ont dit : [Traduction] « Il y a du sang, retourne-le. » Pendant ce temps, on entendait une respiration forte sur l’enregistrement. Malheureusement, les communications par radio de la police ont créé des interférences sur l’enregistrement audio de l’AT no 1; par conséquent, une partie de celui-ci était inaudible.

Sur l’enregistrement audio, on entendait des hommes, présumément les agents impliqués, qui essayaient de ranimer le plaignant et qui lui demandaient s’il allait bien et lui disaient de se réveiller. Peu après, les agents ont entrepris des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire et on a demandé à la radio d’envoyer une ambulance à la résidence du plaignant. Sur le reste de l’enregistrement audio, on entendait les agents impliqués dire que le plaignant respirait ainsi que les communications par radio des agents informant un répartiteur de la police que le plaignant respirait mais qu’il n’avait plus de pouls. Il y a eu une communication par radio visant à demander que d’autres agents soient dépêchés sur les lieux afin de retirer les menottes. Les ambulanciers sont arrivés, ont dit aux agents d’arrêter les manœuvres de réanimation cardiopulmonaire et ont signalé qu’il fallait un masque. On pouvait entendre un agent dire aux ambulanciers que la situation était plutôt dynamique et que le plaignant avait un problème de santé mentale.

Par la suite, les ambulanciers ont demandé à tout le monde, y compris aux agents impliqués, de sortir de la maison.

Le reste de l’enregistrement audio ne contenait pas d’autres renseignements utiles concernant l’incident.

Enregistrements des communications de la police

L’UES a reçu et examiné les fichiers audio relatifs aux deux appels au 911 que la femme du plaignant, le TC no 2, a faits au centre de répartition du Service de police régional de York le 8 juin 2020. La femme a fait un premier appel au 911 à 22 h 49 min 15 s pour signaler que son mari était en situation de crise et qu’il avait mis le feu à des gants de caoutchouc dans le sous-sol de leur maison. Elle a ajouté qu’elle craignait pour la sécurité de sa famille et qu’elle avait besoin de la police pour faire sortir son mari de la maison. Elle a informé le répartiteur du 911 que des agents de police s’étaient rendus à son domicile récemment et avaient conduit son mari à l’hôpital, mais qu’il avait obtenu son congé. Elle a aussi mentionné au répartiteur que le comportement de son mari avait empiré depuis son congé de l’hôpital et que les médicaments qui lui avaient été prescrits ne calmaient pas ses hallucinations. Le répartiteur l’a informée qu’un agent de police venait d’arriver à sa résidence et qu’elle pouvait sortir lui parler en toute sécurité. L’appel téléphonique au 911 a pris fin à 22 h 58 min 10 s.

À 23 h 4 min 3 s, la femme du plaignant a fait un deuxième appel au 911. Elle était dans tous ses états et a signalé que son mari était violent avec un agent de police et que l’agent avait besoin d’aide. Elle a répété plusieurs fois au répartiteur du 911 que son mari attaquait l’agent et que c’était un homme corpulent. Elle a dit au répartiteur que l’agent était sur son mari mais qu’il n’arrivait pas à le maîtriser. Par la suite, elle a indiqué que son mari était sur l’agent, que celui-ci était étendu sur le dos au sol et qu’il luttait avec son mari. Elle a ajouté que l’agent avait besoin d’aide.

Sur l’enregistrement de l’appel au 911, on entendait du tapage en arrière-plan et plusieurs voix affolées. La femme du plaignant est demeurée au téléphone avec le répartiteur du 911 et a crié à son mari d’arrêter. Peu après, la femme a informé le répartiteur que d’autres agents étaient arrivés chez elle. Sur le reste de l’enregistrement, on pouvait entendre la femme crier à un membre de sa famille de ne pas gêner les agents.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police régional de York :
  • les rapports des appels du système de répartition assisté par ordinateur (x2);
  • la copie papier des rapports d’incident général (x3);
  • les données du GPS en format de fichier rediffusé;
  • la demande de divulgation des enregistrements de la caméra interne du véhicule;
  • les enregistrements de la caméra interne du véhicule de l’AT no 1;
  • les messages du terminal de données mobile;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les registres des activités des agents;
  • le registre de formation et de renouvellement de la certification de l’AI no 2;
  • le registre de formation et de renouvellement de la certification de l’AI no 1;
  • la procédure relative à l’utilisation de la force.

Éléments obtenus d’autres sources

L’UES a également obtenu et examiné le document suivant d’une source autre que la police :
  • le rapport d’autopsie du 13 janvier 2021 établi par le Bureau du coroner.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est celui qui ressort d’après les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec l’AI no 1, les deux agents témoins (dont l’un a participé à l’arrestation) et deux témoins civils, qui ont vu les événements en question. L’autre agent impliqué, soit l’AI no 2, a choisi de ne faire aucune déclaration à l’UES, comme la loi l’y autorise. Vers 22 h 50 le 8 juin 2020, la femme du plaignant, soit le TC no 2, a appelé le 911 pour signaler que son mari était dans un état de détresse mentale et qu’il faisait brûler des objets dans la maison. Elle craignait pour sa sécurité et celle de sa famille et voulait qu’on amène son mari à l’hôpital pour un examen. La femme a indiqué que la police était récemment venue chez elle pour intervenir auprès du plaignant et avait amené celui-ci à l’hôpital à ce moment-là. Des agents ont donc été dépêchés à la résidence de Jade Crescent, à Vaughan.

L’AI no 1 a été le premier agent à arriver sur les lieux à 23 h. La femme du plaignant, le TC no 2, et deux autres membres de la famille qui étaient présents à ce moment-là l’ont laissé entrer. Ils semblaient inquiets et ont indiqué que le plaignant était dans le garage. Lorsque l’agent s’est approché de la porte intérieure du garage pour parler au plaignant, la porte s’est soudainement ouverte et le plaignant est apparu. L’AI no 1 lui a expliqué que sa famille était inquiète à son sujet et c’est pourquoi il était venu vérifier s’il allait bien. Le plaignant a indiqué que, mis à part les symptômes de sa maladie mentale, il se sentait bien. L’agent a fouillé rapidement le plaignant sans incident. Les choses semblaient bien se passer jusqu’à ce que le plaignant écarte l’AI no 1 de son chemin et se dirige vers la cuisine.

Tenant le plaignant par le biceps gauche avec sa main droite, l’AI no 1 l’a accompagné sur une certaine distance pour essayer de l’obliger à aller dans le salon; l’agent craignait que le plaignant ait accès à des armes potentielles dans la cuisine, comme des couteaux. Le plaignant était déterminé à entrer dans la cuisine et a dit qu’il y avait des rayons laser qui sortaient du plafond. Peu après, alors que l’AI no 1 lui tenait toujours le bras gauche, le plaignant s’est retourné vers l’agent et, de sa main gauche, l’a frappé sur le côté gauche du visage. Une confrontation violente s’est ensuivie entre les deux hommes.

L’AI no 1 a réussi à plaquer le plaignant au sol après le coup au visage, mais ce dernier l’a tiré au sol dans le couloir tout près de la porte avant. Au cours des minutes qui ont suivi, les deux hommes ont tenté de se positionner pendant qu’il luttaient. À certains moments, l’AI no 1 était sur le plaignant et prenait le dessus et à d’autres moments, c’était l’inverse. Durant la lutte, l’AI no 1 a frappé le plaignant au visage à plusieurs reprises et lui a donné de nombreux coups de genou, de coude et de tête. Ne se laissant pas décourager, le plaignant a tenté d’étouffer l’agent chaque fois qu’il en a eu l’occasion. Les membres de la famille du plaignant lui ont crié d’arrêter, mais sans succès. Vers 23 h 4, le TC no 2, qui s’inquiétait pour l’AI, a appelé de nouveau le 911 pour signaler que l’agent avait besoin d’aide.

L’AT no 2 et l’AI no 2, qui se rendaient à la résidence à la suite du premier appel au 911, ont été informés du deuxième appel. Ils sont entrés dans la résidence pendant que le TC no 2 était toujours au téléphone et ont vu le plaignant sur l’AI no 1 dans le vestibule avant de la maison. L’AT no 2 et l’AI no 2 sont immédiatement intervenus et ont tenté d’attraper les bras du plaignant. Ce dernier a résisté et l’ AI no 2 lui a donné un coup de poing du côté droit. Voyant que le coup n’avait pas permis de maîtriser le plaignant, l’AI no 2 a sorti son arme à impulsions et l’a déployée en mode contact dans le bas du dos du plaignant. Celui-ci a levé la tête sous l’effet de la décharge, ce qui a permis aux agents de lui mettre les bras derrière le dos et de le menotter.

Peu après que le plaignant a été menotté, les agents ont remarqué qu’il ne réagissait plus. L’AI no 2 a demandé une ambulance, et les manœuvres de réanimation cardiopulmonaire ont été entreprises sur le plaignant. Les ambulanciers qui se sont rendus sur les lieux ont pris le plaignant en charge et ont demandé aux agents de sortir de la résidence. Un peu plus tard, un ambulancier est sorti de la maison et a avisé la police que le plaignant avait été déclaré mort.

Cause du décès


Le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie n’a pu déterminer avec certitude la cause du décès du plaignant.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale -- Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :
a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire
b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles
c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :
a) elle s’infligera des lésions corporelles graves
b) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne
c) elle subira un affaiblissement physique grave

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 8 juin 2020, le plaignant est décédé dans sa résidence à la suite de son arrestation par plusieurs agents du Service de police régional de York. Deux des agents ayant procédé à l’arrestation, soit les AI nos 1 et 2, ont été identifiés comme les agents impliqués pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents a commis une infraction criminelle en relation avec le décès du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Au moment de l’attaque, l’AI no 1 avait décidé d’arrêter le plaignant en vertu de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. Le plaignant avait reçu un diagnostic de trouble mental et se comportait étrangement le jour en question, au point où sa femme, craignant pour la sécurité de sa famille, avait décidé d’appeler la police. Une fois arrivé à la maison, AI no 1 a pu observer des signes du comportement déconcertant du plaignant, notamment un tas de gants en latex que le plaignant venait de faire brûler à l’intérieur de la maison sans raison apparente. Dans les circonstances, j’ai la conviction que l’AI no 1 avait le droit de tenter d’arrêter le plaignant en vertu de la Loi sur la santé mentale.

De plus, j’estime que la force employée par les AI nos 1 et 2, qui ont prêté main-forte pour arrêter le plaignant quelques minutes après le début de la bagarre, était légitime. Même s’il est clair que l’AI no 1 a donné de nombreux coups au plaignant pendant la bagarre au sol, ce qui a causé des lacérations, des éraflures et des ecchymoses, il est également évident que le plaignant a combattu vigoureusement l’agent pendant l’interaction et a tenté de l’étouffer à plusieurs reprises. Le plaignant était un homme corpulent et fort et a donné du fil à retordre aux agents, même après l’arrivée des renforts. Ce n’est que lorsque l’AI no 2 a déployé son arme à impulsions que le plaignant a été maîtrisé et que les agents ont pu le menotter. La décharge en soi, comme le montrent les données téléchargées de l’arme, n’a pas duré plus d’une seconde. Au vu du dossier, je n’ai pas de motifs suffisants pour conclure que la force globale employée par les agents était disproportionnée, excessive ou déraisonnable.

Pour parvenir à cette conclusion, je garde à l’esprit les résultats de l’autopsie du médecin légiste. Même s’il n’a pas pu déterminer la cause exacte du décès, le médecin légiste était d’avis que le décès du plaignant pouvait être attribuable à une maladie coronarienne athérosclérotique ou au syndrome de délire actif, ou aux deux. En outre, le médecin légiste a indiqué qu’il était peu probable que l’utilisation d’une arme à impulsions ait pu causer le décès et que les ecchymoses, les éraflures et les lacérations sur le corps du plaignant n’étaient pas des blessures graves et n’avaient aucun lien avec le décès.

Il est évident que le plaignant n’avait pas toute sa tête au moment des malheureux événements. Il avait des problèmes de santé mentale depuis un certain temps et avait même été hospitalisé au moins une fois auparavant. L’AI no 1 savait que le plaignant avait des antécédents de maladie mentale et il a fait ce qu’il a pu lors de leur première interaction pour éviter d’amplifier la détresse du plaignant, tout en sachant qu’il aurait à le mettre sous garde en vertu de la Loi sur la santé mentale compte tenu des inquiétudes et des craintes de la famille. Ses premières paroles étaient exemptes d’agressivité. Il s’est présenté au plaignant en lui disant qu’il était là pour vérifier s’il allait bien et non pas pour appliquer la loi. L’AI no 1 cherchait ainsi à gagner du temps en attendant l’arrivée d’autres agents, ce qui aurait pu permettre de procéder à une arrestation moins violente. Malheureusement, le plaignant a forcé la main de l’agent lorsqu’il s’est attaqué violemment à lui avant l’arrivée des autres agents. Quoi qu’il en soit, je considère que les AI nos 1 et 2 ont agi en toute légalité dans leurs interactions avec le plaignant. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations au criminel et le dossier est clos.


Date : 1er mars 2021


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.