Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OFI-158

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par un homme de 24 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 juin 2020, à 20 h 50, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES qu’une personne avait subi une blessure par balle lors de son arrestation plus tôt dans la journée.

Selon ce qu’a rapporté la PRP, des enquêteurs spécialistes des affaires de vol qualifié avaient suivi un véhicule impliqué dans un détournement de voiture survenu plus tôt dans la région de York, et ce, jusqu’à l’intersection du chemin Torbram et de la promenade Williams, à Brampton. À 19 h 46, une manœuvre visant à coincer le véhicule a été effectuée sur le terrain d’une station-service Petro-Canada. Au cours de l’incident, un agent de police a tiré avec son arme à feu et l’un des occupants du véhicule a été touché au bras.

Le blessé a été transporté au Centre Sunnybrook des sciences de la santé. Son identité n’avait pas encore été établie à ce moment-là. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Homme de 24 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (refus)
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue
AT no 9 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 10 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 11 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 12 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées


Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue; notes reçues et examinées


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit sur le terrain d’une station-service Petro-Canada, située à l’angle sud-est de l’intersection du chemin Torbram et de la promenade Williams. Il y avait plusieurs pompes à essence, ainsi qu’un kiosque de service à la clientèle dans l’aire principale de la station-service; un lave-auto se trouvait à l’est du kiosque.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Une voiture Ford Mustang noire, orientée vers le nord, se trouvait entre une pompe à essence et le kiosque. Le véhicule d’un civil était derrière la Ford Mustang, orienté vers le sud. Devant la Ford Mustang, il y avait deux véhicules de l’équipe tactique de la PRP. Un véhicule utilitaire sport (VUS) Ford Expedition noir se trouvait au coin avant côté passager de la Mustang, tandis qu’une camionnette noire Ford F350 se trouvait au coin avant côté conducteur de cette même voiture.

Figure 1 – La Ford Mustang noire et, devant celle-ci, les deux véhicules de police banalisés de couleur noire.

Figure 1 – La Ford Mustang noire et, devant celle-ci, les deux véhicules de police banalisés de couleur noire.


Des douilles de balle de pistolet et une cartouche d’arme à impulsions ont été trouvées près de la portière côté conducteur de la Ford Mustang.

Éléments de preuves médicolégaux


Examen du véhicule


Le 1er juillet 2020, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont accompagné ceux de la PRP pour examiner la Ford Mustang impliquée dans cet incident. La PRP avait obtenu un mandat de perquisition pour examiner l’intérieur de la Mustang.

Trois coups de feu ont atteint la Mustang; un projectile a touché le capot, un autre, le pare-brise, et le dernier, la portière côté conducteur.

Figure 2 – Traces de balle sur le capot, le pare-brise et la portière côté conducteur de la Ford Mustang.

Figure 2 – Traces de balle sur le capot, le pare-brise et la portière côté conducteur de la Ford Mustang.


Le projectile qui a perforé le capot du véhicule a suivi une trajectoire descendante orientée quelque peu de gauche à droite. Le projectile a poursuivi son trajet et a heurté le mécanisme de lame d’essuie-glace. Un petit morceau de chemise de balle de cuivre a été trouvé tout près pendant l’examen des lieux. Le projectile n’a pas été récupéré. La balle a atteint le véhicule avant que le capot ne soit endommagé par l’impact avec les véhicules de l’équipe tactique de la PRP.

La trace de balle sur le pare-brise se trouvait près du montant de toit du côté conducteur. La balle a perforé le pare-brise, mais ne semble pas avoir touché un autre composant du véhicule à l’intérieur de celui-ci. Le projectile n’a pas été récupéré [1].

La balle ayant atteint la portière côté conducteur a pénétré légèrement sous le bord supérieur de celle-ci. Le projectile n’a pas perforé le panneau intérieur de la portière. Le projectile a suivi une trajectoire légèrement descendante et perpendiculaire à la portière. Le projectile a été récupéré entre les panneaux de la portière.

Un pistolet récupéré entre la portière et le siège côté passager a été examiné et photographié. On a déterminé qu’il s’agissait d’un pistolet à air comprimé. 

Données téléchargées des armes à impulsions


Deux armes à impulsions ont été utilisées au cours de l’incident faisant l’objet de l’enquête. Les données téléchargées à partir de celles-ci indiquent que l’arme à impulsions de l’AT no 1 a été déployée une fois, à 19 h 44 min 10 s [2], pendant 7 secondes.

Les données de la deuxième arme à impulsions, appartenant à l’AT no 6, indiquent que l’arme a été déployée 3 fois : la première fois à 19 h 45 min 22 s, pendant 5 secondes, la deuxième fois à 19 h 45 min 28 s, pendant 5 secondes, et la troisième fois à 19 h 45 min 37 s, pendant 2 secondes. 

Rapport sur l’arme à feu du Centre des sciences judiciaires (CSJ)


L’arme à feu de l’AI, un pistolet semi-automatique Smith & Wesson de calibre .40, a été remise au CSJ aux fins d’examen. On a également remis au CSF un projectile récupéré dans la portière côté conducteur de la Mustang, une pièce de chemise de balle de cuivre récupérée près du pare-brise de cette même voiture et trois douilles de balle tirée trouvées sur les lieux.

Figure 3 – Le pistolet Smith & Wesson de l’AI.

Figure 3 – Le pistolet Smith & Wesson de l’AI.


Dans son rapport daté du 16 octobre 2020, le CSJ a indiqué que les trois douilles de balle tirée récupérées sur les lieux provenaient de l’arme à feu de l’AI.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Enregistrement vidéo de l’hélicoptère Air 2 de la Police régionale de York (PRY)


Le 30 juin 2020, à 18 h 12 min, l’hélicoptère Air 2 de la PRY survole le secteur du chemin Britannia Ouest et de l’avenue Tenth Line, à Mississauga, et surveille une voiture Range Rover rouge suivie d’une Ford Mustang noire portant les plaques d’immatriculation d’un concessionnaire. Les agents de police participant à l’opération de surveillance discutent d’une voiture Dodge Durango qui a été aperçue en déplacement avec la Mustang noire.

À certains moments, la Dodge Durango est visible sur l’enregistrement vidéo de l’hélicoptère Air 2.

À 18 h 18 min, on signale que l’équipe tactique de la PRP se dirige vers le secteur.

La Dodge Durango, la Ford Mustang et la Range Rover rouge entrent dans le territoire de la région de Halton.

Les agents de police discutent d’un plan d’action en cas de vol de véhicule. Il est décidé que les agents de la PRP arrêteraient la Range Rover, pendant que les agents de la PRY arrêteraient la Ford Mustang. Les canaux de radio de la PRP et de la PRY sont connectés.

À 18 h 58 min, la Ford Mustang est à la hauteur de la Range Rover, avant de se retrouver de nouveau derrière le véhicule.

La conductrice de la Range Rover rouge se gare au bout d’une voie d’accès pour autos et descend de son véhicule. Le conducteur de la Ford Mustang sort de sa voiture à son tour. La femme contourne le côté passager de la Range Rover et un homme, que l’on sait maintenant être son mari, se rend derrière la Range Rover et regarde le véhicule, comme s’il voulait voir s’il y avait des dommages à cet endroit. Le conducteur de la Mustang, le plaignant, remonte ensuite à bord de celle-ci et quitte les lieux.

La Ford Mustang est suivie par l’hélicoptère Air 2; le conducteur roule de façon très dangereuse en direction est sur l’autoroute 401. Le plaignant s’engage ensuite sur l’autoroute 407, puis sur l’autoroute 427, en direction nord. Il entre finalement dans la ville de Brampton.

Le plaignant entre dans un quartier de Brampton et se gare. Un passager sur la banquette arrière de la Mustang descend du véhicule. Le plaignant repart et se dirige vers le chemin Torbram en direction nord.

À 19 h 43 min, le plaignant entre sur le terrain de la station-service Petro-Canada, à l’intersection du chemin Torbram et de la promenade Williams. Il fait le tour du kiosque de service à la clientèle par le côté est et fait marche arrière en s’engageant dans la voie des pompes à essence, du côté ouest du kiosque. Plusieurs véhicules banalisés arrivent sur les lieux par l’entrée de la promenade Williams et se rendent derrière le kiosque.

À 19 h 44 min 44 s, la camionnette noire Ford F350 et le VUS noir Ford Expedition de l’équipe tactique de la PRP entrent sur le terrain de la station-service et se placent devant la Ford Mustang.

À 19 h 44 min 50 s, le conducteur de la Ford Mustang recule violemment dans un véhicule garé derrière lui, puis fait marche avant et entre en collision avec les véhicules de l’équipe tactique de la PRP. Les pieds de l’AI sont visibles au nord des pompes à essence, au moment où le conducteur de la Mustang avance de nouveau en dirigeant son véhicule vers la gauche, soit vers l’AI. Les mouvements de la caméra de l’hélicoptère brouillent alors l’image et il est donc difficile de déterminer si la Ford Mustang heurte l’AI; quoi qu’il en soit, ce dernier tombe au sol.

Un agent de l’équipe tactique qui prenait place à bord de la camionnette Ford F350 – on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 1 – s’approche de la portière côté conducteur de la Ford Mustang avec une carabine C8, qu’il pointe en direction du conducteur. Les maîtres-chiens de la PRP s’approchent de la Ford Mustang avec leurs chiens. L’AT no 7 descend du VUS de l’équipe tactique de la PRP et frappe la vitre de la portière côté passager de la Ford Mustang avec son pistolet.

Le passager de la Ford Mustang, le TC no 1, est sorti du véhicule en premier.

À 19 h 46 min 25 s, la portière côté conducteur est ouverte et le plaignant est sorti du véhicule; un chien de police (que l’on a laissé entrer dans le véhicule) lui mord l’épaule gauche. Le plaignant est placé au sol et on libère son épaule de l’emprise du chien. Son bras droit saigne et un garrot est appliqué à son épaule droite. 

Enregistrement vidéo de la station-service Petro-Canada


La caméra est installée sur la pompe à essence la plus près du kiosque de service à la clientèle. Son champ s’étend de la pompe sud à la pompe nord. La pompe à essence située au nord bloque la vue et on ne peut donc pas voir ce qui se passe derrière celle-ci.

À 29 min 33 s (temps écoulé de la vidéo), un VUS Nissan noir se dirige vers le sud dans la voie de la pompe à essence la plus près du kiosque (remarque : Il s’agit du véhicule heurté par la Ford Mustang, plus tard, lorsqu’elle a fait marche arrière). Le véhicule est garé à côté de la pompe sud.

À 29 min 54 s, la Ford Mustang noire apparaît, recule dans la voie de la pompe à essence la plus proche du kiosque et se gare à côté de la pompe nord.

À 30 min 45 s, la Ford Expedition noire de l’équipe tactique de la PRP se déplace du côté nord du kiosque et heurte le coin avant, côté passager, de la Ford Mustang. L’AI descend de la Ford Expedition, côté passager, et pointe son pistolet vers le conducteur de la Ford Mustang. À 30 min 49 s, la camionnette noire Ford F350 de l’équipe tactique de la PRP s’approche du coin avant, côté conducteur, de la Ford Mustang.

À 30 min 51 s, alors que l’AI contourne en marchant le coin avant, côté passager, de la Ford Expedition, la Ford Expedition s’avance légèrement, se plaçant très près de lui. La Ford Mustang commence à reculer.

À 30 min 53 s, la Ford Mustang cesse de reculer. L’AI se trouve à environ cinq mètres du coin avant, côté conducteur, de la Mustang, son pistolet pointé vers le conducteur. La Ford Mustang commence à avancer et l’AI se déplace vers sa droite, soit vers l’ouest. L’AI est ensuite caché, sur l’image, par la pompe à essence nord. La Ford Mustang roule vers l’AI, montant sur la bordure autour de la pompe à essence.

La Ford Mustang heurte la Ford F350 et la Ford Expedition, et l’AI tombe au sol près de l’aile avant, côté conducteur, de la Ford Mustang. L’AT no 1 descend par le côté passager de la Ford F350 et s’approche de la portière côté conducteur de la Ford Mustang, armé d’une carabine C8. L’AT no 7 sort de la Ford Expedition et court vers la portière côté passager de la Ford Mustang. Un maître-chien de la PRP, l’AT no 6, s’approche de la Mustang avec son chien.

À 31 min 4 s, le conducteur de la Ford Mustang commence à ouvrir sa portière, mais la referme ensuite. L’AT no 6 soulève son chien et le fait entrer dans la voiture par l’ouverture de la vitre fracassée de la portière côté conducteur de la Ford Mustang, pendant que l’AI se lève et s’éloigne de la Mustang en boitant. 

Enregistrement vidéo de la dépanneuse


À 19 h 30, une dépanneuse arrive sur les lieux et se gare dans le coin nord-ouest du stationnement de la station-service. Une caméra installée à l’arrière de la dépanneuse a permis de capter une vidéo du secteur des pompes à essence.

À 19 h 41 min 42 s, une Ford Mustang noire apparaît près des pompes à essence. Le conducteur recule dans la voie d’une pompe à essence à côté du kiosque de service à la clientèle.

À 19 h 42 min 23 s, trois VUS du service de chiens policiers de la PRP et la camionnette Ford F350 de l’équipe tactique s’engagent dans le stationnement par l’entrée sud du chemin Torbram. La camionnette F350 contourne les pompes à essence et s’arrête devant le coin avant, côté conducteur, de la Mustang. Étant donné sa position, soit entre la dépanneuse et les pompes à essence, elle bloque la vue et empêche donc de voir, sur les images, ce qui se produit dans la zone des pompes à essence.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants de la PRP, et les a examinés :
  • rapport renfermant la version écrite des enregistrements audio/appels téléphoniques de la PRP;
  • rapport renfermant la version écrite des enregistrements audio/transmissions radio de la PRP;
  • liste des témoins civils dressée par la PRP;
  • liste des agents concernés dressée par la PRP;
  • notes de tous les agents témoins désignés;
  • rapport sur les détails de l’événement;
  • photos prises par la PRP;
  • registre de divulgation de la PRP;
  • chronologie des événements établie par la PRP
  • plan opérationnel de la PRP;
  • télémandat de perquisition de la PRP;
  • dossier de formation de l’AI (PRP).

L’UES a obtenu les éléments suivants de la PRY :
  • copie de l’enregistrement vidéo de l’hélicoptère Air 2;
  • notes de tous les agents témoins désignés;
  • liste des agents de police concernés.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a également obtenu un enregistrement vidéo capté depuis une dépanneuse qui était garée dans le stationnement de la station-service Petro-Canada, ainsi que les dossiers médicaux du plaignant de la part du Centre Sunnybrook des sciences de la santé.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprennent des entrevues avec le plaignant et l’AI, ainsi qu’avec des agents témoins et des témoins civils qui ont vu une partie des événements en question. En outre, dans le cadre de l’enquête, on a grandement bénéficié des enregistrements vidéo de l’incident captés depuis un hélicoptère de police et un local commercial.

Dans la soirée du 30 juin 2020, des enquêteurs spécialistes des affaires de vol qualifié de la PRP ont demandé à une équipe tactique de la PRP, dirigée par l’AI, de les aider dans l’arrestation de personnes soupçonnées d’avoir commis une série de détournements de voiture violents. Au cours des semaines précédentes, il y avait eu une augmentation marquée des crimes de ce type dans la région de Peel et du Grand Toronto; les voitures de marque Range Rover en étaient souvent la cible. Habituellement, les suspects planifiaient une collision mineure avec le véhicule ciblé, accostaient ensuite le conducteur après sa sortie du véhicule, le menaçaient avec une arme à feu ou un couteau, le battaient s’il offrait la moindre résistance et s’enfuyaient avec le véhicule. En date du 30 juin 2020, les enquêteurs spécialistes des affaires de vol qualifié de la PRP avaient repéré de multiples véhicules utilisés par les auteurs de ces crimes, dont une Ford Mustang noire, ainsi que plusieurs suspects. Le plaignant faisait partie des suspects.

Plus tôt dans la journée, les enquêteurs spécialistes des affaires de vol qualifié de la PRP avaient été informés par des agents de la PRY, avec lesquels ils collaboraient dans le cadre de l’enquête sur les détournements de voiture, d’un incident de ce type survenu à Markham. Deux hommes s’étaient approchés d’une Range Rover noire, avaient frappé le propriétaire à la tête avec un pistolet et s’étaient enfuis avec le véhicule. La Ford Mustang était impliquée dans le vol. Plusieurs heures plus tard, la PRP a appris du Service de police régional de Halton que la même Ford Mustang avait suivi une femme qui conduisait une Range Rover blanche jusqu’à sa résidence d’Oakville. Au moment où la conductrice s’était garée dans son garage, un homme était descendu de la Mustang, avait couru jusqu’à la Range Rover et avait tenté d’ouvrir la portière. La conductrice avait alors fait marche arrière pour sortir du garage, et l’homme avait fui les lieux à bord de la Mustang. Cet homme était le plaignant. Enfin, environ une heure plus tard, les enquêteurs de la PRP ont été informés qu’on avait vu la Mustang entrer en collision avec l’arrière d’une Range Rover rouge. La conductrice avait demandé au conducteur de la Mustang – le plaignant – de la suivre jusqu’à son domicile pour discuter des dommages, ce qu’il avait fait. Toutefois, en arrivant à la résidence de la conductrice, le plaignant avait aperçu l’époux de cette dernière, qui inspectait les dommages sur la voiture, et avait fui les lieux.

Ainsi, au moment de la dernière tentative de détournement de voiture, les enquêteurs spécialistes des affaires de vol qualifié de la PRP, de même que l’AI et son équipe d’agents, se trouvaient dans leurs véhicules et surveillaient les déplacements de la Ford Mustang, qu’on avait vu entrer dans la ville de Brampton. À un certain moment, le plaignant s’est arrêté pour laisser descendre un passager depuis la banquette arrière, pour ensuite se rendre sur le chemin Torbram, en direction nord. Alors qu’il s’approchait de la promenade Williams, le plaignant est entré dans le stationnement de la station-service Petro-Canada, à l’angle sud-est de l’intersection, et a arrêté son véhicule près de la pompe la plus au nord, juste à l’ouest du kiosque de service à la clientèle.

L’AI était le passager d’un VUS Ford Expedition conduit par l’AT no 7. L’agent s’est entretenu avec le détective principal de la PRP chargé de l’enquête sur les détournements de voiture; il a décidé qu’on tenterait d’intercepter le véhicule et d’arrêter ses occupants. Il a donné le signal pour qu’on entreprenne une manœuvre visant à coincer le véhicule; il était environ 19 h 45.

La Ford Expedition est entrée dans le stationnement de la station-service depuis le chemin Torbram, a fait le tour du kiosque de service à la clientèle par le côté est et s’est rendue à la hauteur du côté passager avant de la Mustang, heurtant cette dernière tandis qu’elle s’immobilisait. L’AI est descendu de la Ford Expedition par la portière côté passager, tenant son pistolet pointé en direction de la Mustang, au même moment où la camionnette Ford F350, occupée par l’AT no 1 et l’AT no 8, s’arrêtait à un angle de 90 degrés avec le coin avant, côté conducteur, de la Mustang.

Voyant que l’AI et plusieurs véhicules encerclaient sa Mustang, le plaignant a fait marche arrière rapidement pour essayer d’échapper au barrage. Il ne s’est pas rendu très loin toutefois, puisque sa Mustang est entrée en collision avec l’arrière du VUS d’un civil qui était garé devant la pompe sud. À peu près au même moment, l’AI se rendait en marchant vers l’avant de la Mustang, pointant toujours le plaignant avec son arme de poing et lui criant d’arrêter le véhicule. L’agent avait remarqué un autre véhicule civil du côté opposé des pompes à essence et se dirigeait maintenant dans cette direction, car il craignait que le plaignant ne tente de voler le véhicule pour s’enfuir.

Après avoir heurté le véhicule derrière lui, le plaignant a accéléré vers l’avant, en direction nord-ouest et de l’AI. Tout en se déplaçant vers la droite pour éviter le véhicule, l’agent a fait feu à trois reprises, en succession rapide, en direction du plaignant. Le dernier coup de feu a été tiré environ au même moment où le véhicule du plaignant a heurté l’AI, l’envoyant au sol. La Ford F350 a avancé légèrement et est entrée en collision avec l’avant de la Mustang.

La Mustang étant immobilisée, l’AT no 1 est descendu de la Ford F350 par la portière côté passager avec une carabine C8 à la main et, accompagné de l’AT no 6, un maître-chien qui prenait part à l’opération et qui avait garé son véhicule au sud du kiosque de service à la clientèle de la station-service, s’est approché de la portière côté conducteur du véhicule du plaignant et a ordonné à ce dernier de sortir du véhicule. Puisque le plaignant n’obéissait pas et qu’il continuait plutôt à appuyer sur l’accélérateur, l’AT no 6 a soulevé son chien policier et l’a fait entrer dans le véhicule par l’ouverture de la vitre fracassée de la portière côté conducteur. Le chien a mordu le plaignant au haut du bras gauche, près de l’épaule, et a maintenu son emprise. Peu de temps après, l’AT no 6 et l’AT no 1 ont utilisé leurs armes à impulsions à l’endroit du plaignant. Par la suite, l’AT no 6 a donné deux coups de poing à la tête du plaignant, après quoi les agents ont sorti le plaignant de force la Mustang et l’ont placé au sol. Le chien, qui mordait toujours le plaignant lorsqu’on l’a sorti de la Mustang, a été dégagé par l’AT no 6. Le plaignant a ensuite été menotté.

On a également arrêté le passager avant de la Mustang, le TC no 1, au moment d’arrêter le plaignant. Le TC no 1 a été sorti de la Mustang par l’AT no 7 et l’AT no 8. Une fois le TC no 1 au sol et menotté, l’AT no 8 a remarqué un pistolet à côté du siège du passager avant de la Mustang. Après examen, on a constaté qu’il s’agissait d’un pistolet à air comprimé.

Les trois coups de feu tirés par l’AI ont touché la Mustang. L’un des projectiles a heurté le capot du véhicule du côté conducteur, un autre a touché le coin inférieur du pare-brise du côté conducteur, et le dernier a touché la portière côté conducteur, légèrement en dessous de son extrémité supérieure.

Une seule des balles tirées par l’AI a atteint le plaignant. Le projectile est entré dans le bras droit de celui-ci.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 30 juin 2020, le plaignant a été atteint par balle et gravement blessé par un agent de la PRP au cours de son arrestation. L’agent en question – l’AI – a été désigné comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux blessures du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire. Lorsque la force en question est employée avec l’intention de causer, ou qu’elle est de nature à causer, la mort ou des lésions corporelles graves, le paragraphe 25(3) indique que l’usage d’une telle force n’est pas justifié, à moins que l’agent n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger lui-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. D’après les éléments de preuve recueillis, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’AI a agi de façon non conforme à ces dispositions lorsqu’il a tiré avec son arme à feu vers le plaignant.

L’AI exerçait ses fonctions légitimes en participant à l’opération policière visant à intercepter la Mustang sur le terrain de la station-service et à arrêter ses occupants. Les enquêteurs spécialistes des affaires de vol qualifié de la PRP avaient informé l’AI et son équipe tactique au sujet du détournement de voiture et des tentatives de détournements de voiture impliquant la Mustang et le plaignant qui avaient eu lieu cette journée-là. L’AI et son équipe avaient aussi été mis au courant de la série de détournements de voiture violents, s’accompagnant du recours à des armes à feu et à des couteaux pour intimider et agresser les victimes, dans le cadre desquels le plaignant avait été impliqué au cours des semaines précédant son arrestation. Dans ce dossier, et puisque j’ai pu visionner l’enregistrement vidéo capté par un hélicoptère de la PRY qui surveillait le plaignant et sa Mustang pendant la journée en question, j’estime qu’il est bien clair qu’il était justifié de tenter d’arrêter le plaignant pour de multiples infractions violentes.

L’AI affirme qu’il a tiré des coups de feu en direction du conducteur du véhicule, car il croyait que cela était nécessaire pour se protéger, soit éviter d’être heurté par la Mustang qui accélérait dans sa direction. Les éléments de preuve circonstanciels l’appuient à cet égard. Comme on peut le constater sur l’enregistrement capté par une caméra de la station-service, dix secondes tout au plus se sont écoulées entre le moment où l’AI est descendu de la Ford Expedition et celui où il a tiré vers le plaignant. Au cours de cette période, le plaignant a donné bien des raisons de croire qu’il n’allait pas se rendre de manière pacifique. En effet, le plaignant a plutôt fait marche arrière rapidement et est entré en collision avec un véhicule derrière lui, passant près, du même coup, de heurter un homme qui faisait le plein de son VUS. Ensuite, alors que l’AI passait devant la Mustang et se dirigeait vers le côté conducteur de celle-ci, en criant au plaignant de s’arrêter et en pointant son arme à feu dans sa direction, ce dernier a accéléré vers l’avant de façon agressive, en direction de l’agent. D’ailleurs, les pneus avant et arrière du côté conducteur de la Mustang ont monté sur la bordure de la plateforme où se trouvait la pompe à essence, avant que le mouvement avant du véhicule ne soit arrêté lorsque ce dernier a heurté le coin avant du côté passager de la Ford F350. C’est à ce moment-là, en se déplaçant vers la droite pour éviter la Mustang qui se dirigeait vers lui, que l’AI a fait feu, à bout portant. Dans ces circonstances, puisque le véhicule accélérait dans sa direction et qu’il se trouvait à moins de deux ou trois mètres de lui au moment des coups de feu, je suis convaincu que l’AI estimait, sur la base d’un jugement raisonnable, qu’il était nécessaire afin de se protéger contre la mort de faire feu sur le conducteur et, ainsi, de l’empêcher de poursuivre ses manœuvres avec la Mustang.

En prenant un peu de recul, je suis également convaincu que la conduite de l’AI a été raisonnable dans les moments qui ont précédé les coups de feu. L’agent avait de bonnes raisons de descendre de son véhicule avec son arme à feu à la main. L’AI et les autres agents de l’équipe tactique avaient été informés de la violence avec laquelle les détournements de voiture avaient été exécutés, notamment le recours à des armes à feu et à des couteaux pour menacer et agresser les victimes. D’ailleurs, un pistolet à air comprimé a été récupéré dans la Mustang après l’arrestation du plaignant et du TC no 1. L’agent avait également des raisons de croire que le plaignant, en tentant d’échapper aux agents de police, aurait bien pu descendre de sa Mustang et entrer dans un véhicule se trouvant de l’autre côté de la pompe à essence. Ainsi, je ne peux reprocher à l’AI de s’être dirigé dans cette direction pour empêcher le plaignant de recourir à cette option, même si cela signifiait qu’il allait se placer dans le chemin de la Mustang.

À mon avis, les limites prescrites par la législation applicable quant au recours à une force raisonnable n’ont pas non plus été enfreintes lorsqu’on a utilisé les armes à impulsions et le chien policier ni lorsque l’AT no 6 a donné deux coups de poing au plaignant. Tel qu’il a été mentionné précédemment, les agents avaient été avisés que les occupants de la Mustang étaient probablement armés d’un pistolet et qu’ils avaient d’ailleurs déjà montré qu’ils étaient disposés à brandir des armes lors de leurs agressions violentes à l’endroit des victimes des détournements de voiture. Puisque le plaignant a continué à appuyer sur l’accélérateur même après qu’il eut été atteint par une balle, comme le montrent les éléments de preuve, les agents avaient le droit de recourir à la force pour le maîtriser et contrôler ses mouvements. Compte tenu de la tension qui régnait tandis que se déroulaient les événements en question, je ne peux conclure sur la base d’un jugement raisonnable que ce recours à la force dépassait les limites établies, d’autant plus que les éléments de preuve recueillis montrent que les décharges des armes à impulsions ainsi que la morsure du chien n’ont pas arrêté le plaignant, dont la résistance a seulement pris fin après les deux coups de poing donnés par l’AT no 6.

Par conséquent, comme je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’AI et les autres agents qui ont participé à l’opération ayant mené à l’arrestation du plaignant se sont conduits de façon conforme à la loi tout au long de l’incident, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.



Date : 16 février 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) On croit qu’il s’agit de la balle qui a causé la blessure du plaignant. [Retour au texte]
  • 2) Les heures associées aux événements qui se rapportent aux armes à impulsions proviennent de l’horloge interne des armes mêmes et ne correspondent pas nécessairement aux heures réelles. [Retour au texte]

Note:

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