Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PCI-139

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures subies par un homme de 36 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 16 juin 2020, à 20 h 23, la Police provinciale de l’Ontario a signalé ce qui suit.

Le 16 juin 2020, à 17 h 21, le détachement du comté de Wellington de la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel au sujet d’un homme suicidaire à une résidence de Guelph, en Ontario. Lorsque les agents sont arrivés sur les lieux, l’homme en question, soit le plaignant, n’était pas là. La Police provinciale s’est alors mise à la poursuite du plaignant en suivant le signal de son téléphone cellulaire pour le géolocaliser. À environ 18 h 8, le plaignant a été retrouvé dans son véhicule sur Side Road 30, à Kincardine. Les agents ont tenté d’engager la conversation avec le plaignant, mais il a refusé de coopérer. Il s’était aspergé d’essence et se tenait sur le bord de sa voiture. La Police provinciale avait fait venir les services d’incendie de Tiverton, avait mis les services ambulanciers du comté de Bruce en attente, prêts à intervenir, et avait demandé à un négociateur de venir sur place.

Lorsque les discussions ont échoué, le plaignant est entré dans sa voiture, dont toutes les poignées, intérieures comme extérieures, avaient été enlevées, et il a mis le feu à son corps. Les premiers intervenants se sont précipités vers le véhicule et ont fracassé les vitres pour ensuite éteindre le feu. Une ambulance a conduit le plaignant au South Bruce Grey Health Centre. Des brûlures au troisième degré ont été diagnostiquées sur 80 % du corps du plaignant. Compte tenu de ses blessures, le plaignant a été transporté en ambulance aérienne d’Ornge à l’Unité de soins aux brûlés de l’Hôpital général de Hamilton.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs de l’UES ont interrogé des témoins civils et des agents témoins et ont ratissé le secteur pour trouver d’autres témoins. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires a pris des photos numériques des lieux.

Un enquêteur du Bureau du commissaire des incendies et de la gestion des situations d’urgence (BCIGSU) s’est rendu sur les lieux. Il a rédigé un rapport, qu’il a mis à la disposition de l’UES
 

Plaignant :

Homme de 36 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue

Agent témoin

AT A participé à une entrevue; notes reçues et examinées


Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident est survenu le long de l’emprise d’une ligne de transport d’électricité à environ 0,2 kilomètre à l’est de Side Road 30. La route de desserte menant à l’emprise était à approximativement 0,8 kilomètre au sud de Bruce County Road 20. Juste au bord de la route de desserte se trouvait dans une allée le véhicule du plaignant, une minifourgonnette Sienna Toyota de couleur grise. Le véhicule en question était orienté face vers le nord, sur la route de desserte et avait été détruit par un incendie. L’intérieur du véhicule avait complètement brûlé et un produit chimique sec en poudre, comme ceux communément contenus dans les extincteurs, avait été pulvérisé. Une odeur d’essence était très perceptible dans le véhicule.

Les poignées extérieures des portières coulissantes arrière des deux côtés du véhicule avaient été enlevées et les poignées intérieures de ces mêmes portières avaient également été trafiquées. À l’intérieur, une des banquettes arrière normalement fixées directement derrière les sièges avant était manquante. Une autre banquette complètement à l’arrière du véhicule était toujours en place. Il y avait donc un espace important entre les sièges avant et la banquette arrière.

Parmi les restes carbonisés à l’intérieur, dans le coin de la banquette arrière, on a retrouvé une paire de lunettes d’ordonnance endommagées et un briquet, qui semblait intact. Il y avait aussi des signes que de l’alcool avait été consommé puisque de nombreuses bouteilles de bière ont été retrouvées un peu partout à l’intérieur. À part le pare-brise, toutes les glaces latérales ainsi que la glace du hayon arrière avaient été fracassées.

Sous la portière coulissante du côté passager, on a retrouvé un autre tas de bouteilles de bière vides. Il y avait quelques effets personnels près des bouteilles, y compris une petite glacière, qui penchait à cause du poids de bouteilles de bière non ouvertes éparpillées, et un grand bidon à essence qui semblait plein, d’après le poids. Le bidon à essence avait un bouchon et était fermé. Au même endroit se trouvaient des traces de l’intervention des services ambulanciers, notamment une trousse pour brûlures avec un contenu stérile.

Du côté du conducteur, à environ 9 mètres de distance dans de hautes herbes, on a retrouvé un autre grand bidon à essence et un contenant plus petit sans étiquette. Le bidon à essence était prêt pour verser de l’essence, puisque le bec verseur était sorti et qu’il n’y avait pas de bouchon. Les deux contenants semblaient vides et étaient recouverts du même produit chimique en poudre qu’à l’intérieur du véhicule.

Figure 1 – Le véhicule du plaignant après l’incendie

Figure 1 – Le véhicule du plaignant après l’incendie


Figure 2 – Bidon à essence avec bec verseur

Figure 2 – Bidon à essence avec bec verseur

Éléments de preuves médicolégaux


Rapport du BCIGSU

Le rapport d’enquête sur l’incendie du BCIGSU du 8 décembre 2020 a été remis à l’UES. Il indiquait qu’il s’agissait d’un feu de cause incendiaire.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo et de photographies, mais sans succès.

Enregistrements des communications de la police

Le premier appel au 911 a été fait le 16 juin 2020, à 17 h 19, et venait d’une ligne d’assistance d’un organisme de santé mentale. La personne au bout du fil relayait de l’information communiquée par un collègue, soit le TC no 5, qui était sur une autre ligne avec le plaignant. Elle a répété au téléphoniste du 911 que le plaignant appelait à partir du canton d’Eramosa dans le comté de Wellington [ce qu’on sait maintenant être une ruse employée par le plaignant pour retarder l’arrivée des services d’urgence et de la police, qui ont retrouvé le plaignant avec sa minifourgonnette près de Glammis, en Ontario, dans le comté de Bruce]. Celui-ci avait dit qu’il avait aspergé d’essence l’intérieur de sa minifourgonnette, qu’il était à l’intérieur, qu’il s’apprêtait à mettre le feu et que personne ne devait s’en approcher parce qu’il allait la faire exploser.

Le deuxième appel au 911 a été reçu le 16 juin 2020, à 17 h 28, et provenait du centre de répartition de la Police provinciale de l’Ontario à London, qui voulait joindre les services d’incendie de Guelph. On croyait qu’il fallait intervenir à la résidence du plaignant où il était avec son véhicule dans une zone rurale à Guelph. Le répartiteur a relayé l’information obtenue durant le premier appel au 911 et a indiqué qu’il ferait le compte rendu des événements au fur et à mesure.

Le troisième appel au 911 a été reçu le 16 juin 2020, à 17 h 35, et provenait des services d’incendie de Guelph, qui demandaient l’autorisation de se retirer de l’intervention, avec les services ambulanciers, pour la résidence du plaignant dans le canton d’Eramosa.

Le quatrième appel au 911 a été fait le 16 juin 2020, à 18 h 9, et provenait des services d’incendie de Kincardine, qui appelaient la Police provinciale pour signaler que des agents du corps de police étaient sur les lieux avec le plaignant, près de Kincardine, et pour demander le numéro d’incident de la Police provinciale afin de justifier leur présence sur les lieux.

Le cinquième appel au 911 a été fait le 16 juin 2020, à 18 h 28. C’était le Service de police régional de Waterloo qui appelait la Police provinciale de l’Ontario au sujet d’une demande du détachement de Wellington de la Police provinciale concernant la surveillance d’un homme suicidaire [maintenant identifié comme le plaignant]. Le but était de signaler que des agents du Service de police régional de Waterloo s’étaient rendus à l’adresse fournie par le détachement de la Police provinciale pour le plaignant, mais qu’ils n’avaient pas trouvé le véhicule du plaignant à cette adresse.

Le sixième appel au 911 a été fait le 16 juin 2020, à 18 h 29. C’était le Service de police régional de Waterloo qui voulait fournir un complément d’information à la suite du cinquième appel, qui avait été interrompu avant que la personne ait eu le temps de finir de parler.

Les deux premiers des cinq enregistrements audio des communications par radio du centre de communication de la Police provinciale et les communications par radio et par téléphone du détachement portaient sur l’envoi d’agents de la Police provinciale à la résidence potentielle du plaignant dans le comté de Wellington, sur l’obtention d’une autorisation pour suivre le signal du téléphone cellulaire du plaignant, sur l’organisation du personnel de la police et des services d’incendie dans les comtés de Wellington et de Bruce et sur la fermeture des routes une fois le plaignant et son véhicule retrouvés sur la route de desserte de l’emprise d’une ligne de transport d’électricité.

Sur le troisième enregistrement audio des communications radio du centre de communication de la Police provinciale, qui a commencé à 17 h 40 et s’est terminé 32 minutes et 25 secondes plus tard, on a indiqué, environ 17 minutes et 40 secondes après le début, qu’il n’y avait que l’AI qui parlait. L’enregistrement ne comprenait pas les paroles prononcées par l’AI et le plaignant. On a entendu l’AI, qui pouvait voir le plaignant et qui lui parlait, demander que les services d’incendie et l’ambulance, s’ils arrivaient par la route principale, n’utilisent pas leur sirène. Le but était de faire en sorte que le plaignant reste calme. Un tapis clouté a été installé pour empêcher le plaignant de prendre la fuite. On a entendu l’AI indiquer que le plaignant craignait que la police le mette en prison et avait dit qu’il allait se suicider de toute façon en mettant le feu à son corps et à son véhicule. L’AI a ajouté que le plaignant demandait à la police de s’éloigner parce qu’il ne voulait blesser personne d’autre.

À 23 minutes et 15 secondes après le début de l’enregistrement, l’AI a signalé que le plaignant était monté dans la minifourgonnette, qu’il avait fermé la portière et que les poignées semblaient avoir été cassées pour empêcher d’autres personnes d’entrer. L’AI a ensuite indiqué que l’intérieur de la minifourgonnette était en feu et qu’il essayait d’ouvrir la portière pour atteindre le plaignant. Un agent (présumément l’AT) a exprimé son inquiétude au sujet de l’entrée soudaine d’air qui se produirait si la portière était ouverte, car il y aurait un important retour de flamme compte tenu du vent qui soufflait dans le secteur. Il a aussi précisé que les flammes monteraient si de l’oxygène pénétrait à l’intérieur. Les ambulanciers s’étaient approchés de la minifourgonnette et étaient prêts à intervenir. On a alors entendu l’AT ordonner à l’AI de reculer et de laisser les services d’incendie gérer la situation à cause du risque d’explosion. Sur les deux autres enregistrements audio des communications radio, on donnait des nouvelles au sujet des démarches des pompiers pour accéder à l’intérieur de la minifourgonnette afin d’éteindre le feu et de secourir le plaignant.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de la Police provinciale de l’Ontario :
  • les notes de l’AI;
  • les notes de l’AT;
  • la liste des incidents connexes;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur sur les détails de l’événement;
  • les enregistrements audio des communications;
  • la liste des témoins civils;
  • la liste des agents indiquant leur participation;
  • le rapport sur les détails de l’événement du détachement de Wellington de la Police provinciale;
  • le rapport sur les détails de l’événement du détachement de South Bruce de la Police provinciale;
  • les rapports supplémentaires sur l’événement de la Police provinciale;
  • le rapport sur les biens de la Police provinciale;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur sur les détails de l’événement du détachement de Wellington de la Police provinciale;
  • des photographies des lieux.

Éléments obtenus d’autres sources

L’UES a également obtenu et examiné les documents et éléments suivants de sources autres que la police :
  • les captures d’écran des textos échangés entre le plaignant et sa conjointe, dont il était séparé;
  • le rapport d’appel d’ambulance des services ambulanciers;
  • le rapport et les déclarations des témoins des services d’incendie de Kincardine;
  • les dossiers médicaux du plaignant utiles pour l’enquête sur l’incident;
  • les notes rédigées par le plaignant.

Description de l’incident

Le déroulement des événements pertinents ressort clairement, compte tenu des éléments de preuve recueillis par l’UES, et il peut se résumer brièvement. En fin d’après-midi le 16 juin 2020, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel au 911 venant d’une ligne d’assistance. Un intervenant était, semblait il, au téléphone avec le plaignant, qui menaçait de se suicider. D’après les dires de l’intervenant, le plaignant avait dit qu’il avait aspergé sa minifourgonnette d’essence, qu’il était à l’intérieur et qu’il s’apprêtait à mettre le feu. Des agents ont été dépêchés pour qu’ils retrouvent le plaignant.

Le plaignant était alors suicidaire. Il avait acheté des bidons à essence et était allé dans un boisé d’un secteur éloigné sur une route de desserte, à environ 200 mètres de Side Road 30, près de l’intersection de Side Road 30 et de Bruce County Road 20, à Kincardine. Une fois sur place, il avait répandu de l’essence à l’intérieur de son véhicule, avait téléphoné à une ligne d’assistance et avait échangé quelques textos avec sa conjointe, dont il était séparé.

L’AI a été le premier agent à arriver sur les lieux, à environ 18 h 10. Il a garé sa voiture de police sur la route de desserte à une certaine distance de la minifourgonnette, en est sorti et a appelé le plaignant, qui était alors hors de son véhicule. L’AI a tenté d’engager la conversation avec le plaignant. Pendant qu’il approchait de la minifourgonnette à pied, le plaignant l’a prévenu de ne pas s’approcher davantage pour ne pas être blessé lorsque le véhicule s’enflammerait. L’AI a assuré le plaignant qu’il était là pour l’aider. Il l’a exhorté à ne se faire aucun mal et lui a rappelé que ses enfants avaient besoin d’un père. Lorsque le plaignant a dit qu’il ne faisait pas confiance à la police à cause des mauvaises expériences qu’il avait eues auparavant avec des agents, l’AI s’est excusé pour les mauvais traitements que la police avait pu lui infliger par le passé.

À environ 18 h 39, le plaignant est entré dans sa minifourgonnette, a fermé la portière coulissante du côté passager et, à l’aide d’un briquet, a mis le feu à l’essence dans le véhicule. Le feu a immédiatement envahi l’habitacle. Des pompiers, qui attendaient sur Side Road 30 près de la route de desserte, se sont approchés de la minifourgonnette et, avec l’aide des agents, sont arrivés à maîtriser les flammes et à retrouver le plaignant dans le véhicule. Il était alors environ 18 h 45.

Le plaignant a été sorti de la minifourgonnette, placé dans une ambulance et conduit rapidement à l’hôpital. Il a ensuite subi plusieurs interventions chirurgicales pour ses brûlures.

Dispositions législatives pertinentes

Les articles 219 et 221 du Code criminel -- Négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles 

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. 
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 16 juin 2020, le plaignant a subi des brûlures graves en présence de deux agents de la Police provinciale de l’Ontario. L’un des agents, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec les blessures du plaignant.

La seule infraction à prendre en considération dans cette affaire serait celle de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles, contraire aux exigences de l’article 221 du Code criminel. Pour établir qu’il y a eu une infraction, il faut notamment que la conduite représente un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Ce qu’il faut déterminer dans ce dossier, c’est s’il y a eu de la part de l’AI, durant son interaction avec le plaignant, un manque de diligence qui a causé les blessures du plaignant ou y a contribué et qui était grave au point de mériter une sanction pénale. À mon avis, ce n’est de toute évidence par le cas.

L’AI faisait manifestement son devoir le plus important, c’est à-dire tenter de protéger et de préserver la vie, lorsqu’il s’est rendu sur les lieux où se trouvait une personne suicidaire et qu’il a tenté de l’empêcher de se faire du mal. Même si le plaignant a fourni des renseignements trompeurs à l’intervenant de la ligne d’assistance au sujet de l’endroit où il se trouvait, lesquels renseignements ont ensuite été transmis à la police, l’AI est arrivé sur place en l’espace d’une demi-heure après avoir été envoyé à la recherche du plaignant, grâce aux efforts de la Police provinciale de l’Ontario, qui avait réussi à localiser le plaignant en retraçant son téléphone cellulaire.

J’ai la conviction qu’une fois sur les lieux, l’AI a fait tout en son pouvoir pour amener le plaignant à revenir sur ses intentions de se faire du mal. Sur un ton rassurant, l’agent a expliqué au plaignant qu’il était là pour lui venir en aide. Il n’a pas mis de pression et il est resté éloigné de la minifourgonnette, comme le plaignant lui avait demandé. Pendant les négociations avec le plaignant, l’AI a demandé que les pompiers et les ambulanciers s’approchent, mais sans leur sirène pour éviter de provoquer le plaignant. Malheureusement, il n’a pas réussi à dissuader le plaignant. Environ 30 minutes après l’arrivée de l’AI, le plaignant a mis le feu à sa minifourgonnette avec lui dedans. Malgré tout, l’AI et son collègue, aussi présent durant la majeure partie des négociations, se sont précipités vers le véhicule en flamme pour prêter assistance. Ils ont songé à forcer une portière de la minifourgonnette, mais ils ont eu la présence d’esprit de penser qu’une entrée d’air dans le véhicule risquait d’alimenter les flammes. Ils ne l’ont donc pas fait, ce qui était une sage décision à mon avis, et ils ont plutôt attendu l’arrivée des pompiers. Dans les minutes qui ont suivi l’arrivée des pompiers, le feu a été éteint et le plaignant sorti du véhicule.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît évident que l’AI a pleinement respecté la loi dans son interaction avec le plaignant. En fait, c’est probablement grâce à l’intervention policière, et notamment au rôle joué par l’AI, que le plaignant n’est pas décédé ce jour-là. Par conséquent, puisqu’il n’existe pas de motifs de porter des accusations dans cette affaire, le dossier est clos.


Date : 16 février 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.