Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-201

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure subie par un homme de 43 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 17 août 2020, le Service de police régional de Waterloo a avisé l’UES de la blessure du plaignant.

Le Service de police régional de Waterloo a signalé que, le 16 août 2020, vers 20 h 38, le plaignant avait été arrêté près du refuge The Bridges situé au 26, rue Simcoe, à Cambridge, en relation avec des voies de fait sur deux femmes survenues la veille. Le plaignant a lutté avec les agents et a été plaqué au sol. Par la suite, il s’est plaint de douleur à l’épaule et a été conduit à l’Hôpital Grand River, où une fracture de la clavicule a été diagnostiquée. Il a été traité, puis remis sous la garde des policiers.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0 
 

Plaignant

Homme de 43 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées


Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant a été arrêté à côté d’un boisé à proximité du refuge The Bridges, à Cambridge.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo et de photographies et a réussi à trouver ce qui suit :
  • des enregistrements de caméras de surveillance situées sur la rue Market.

Enregistrements de caméras de surveillance situées sur la rue Market


Enregistrement vidéo no 1

Vers 20 h 37 min 8 s, un VUS de police identifié qui circulait sur la rue Market est passé lentement devant l’entrée du refuge The Bridges. La lumière du jour était suffisante de sorte qu’aucune lumière artificielle n’était nécessaire. La voiture de police [maintenant identifiée comme celle occupée par l’AT no 1 et l’AI] s’est arrêtée brièvement, puis a suivi une légère courbe sur la rue Market avant de s’immobiliser vers 20 h 37 min 23 s. Les deux agents sont sortis. En face de l’endroit où ils se sont arrêtés, il y avait une colline couverte de terre et de broussailles qui se trouvait à l’extérieur de la clôture du refuge. Les agents de police se sont rendus sur la colline et sont ensuite sortis du champ de la caméra. Ils sont réapparus avec un homme qui était présumément le plaignant vers 20 h 39 min 56 s. Le plaignant a été fouillé et installé dans la voiture de police.

Enregistrement vidéo no 2

La voiture de police s’est arrêtée sur la rue Market vers 20 h 37 min 23 s, devant une colline couverte de terre et de broussailles à l’extérieur de la clôture du refuge. Deux agents de police en sont sortis et ont marché en direction de la colline vers 20 h 37 min 38 s. Vers 20 h 38 min 50 s, le plaignant a été remis debout et menotté derrière le dos. À environ 20 h 39, le plaignant a été escorté jusqu’à la voiture de police et il y a eu du tapage. Le plaignant a été poussé au sol. Il n’y a pas eu d’autre recours à la force pour le plaquer au sol.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police régional de Waterloo :
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2;
  • la procédure relative à l’utilisation de la force du Service de police régional de Waterloo;
  • la procédure relative à l’arrestation et à la mise en liberté du Service de police régional de Waterloo;
  • les détails du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le rapport d’incident général.

Éléments obtenus d’autres sources

L’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de sources autres que la police :
  • les dossiers médicaux de l’Hôpital Grand River;
  • des enregistrements de caméras de surveillance situées sur la rue Market.

Description de l’incident

Le déroulement des événements pertinents ressort de façon évidente des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec le plaignant, l’AI, l’AT no 1, soit l’autre agent ayant procédé à l’arrestation, et deux témoins civils. Les enregistrements vidéo de l’incident effectués par une caméra de surveillance dans le secteur ont aussi été utiles pour l’enquête.

Dans la soirée du 16 août 2020, l’AI et l’AT no 1 se sont rendus en voiture de police au refuge appelé The Bridges au 26, rue Simcoe. Ils voulaient arrêter le plaignant compte tenu de renseignements reçus d’un autre agent indiquant que le plaignant avait commis des voies de fait sur deux jeunes femmes à l’extérieur du refuge le jour précédent.

À leur arrivée dans le secteur peu après 20 h 30, l’AI et l’AT no 1 ont vu le plaignant assis sur une colline couverte de terre adjacente au terrain du refuge du côté sud-est. Ils sont sortis de la voiture de police, se sont approchés du plaignant à pied et l’ont avisé qu’il était en état d’arrestation. Le plaignant a placé ses bras derrière son dos et a été menotté par les agents sans incident.

Lorsque les agents ont commencé à avancer pour escorter le plaignant en bas de la colline, celui-ci a fait un mouvement brusque en avant pour essayer de se libérer de l’AI, qui le tenait par le bras droit. L’AI a tiré en arrière, a continué de tenir fermement le plaignant et l’a plaqué au sol. Le plaignant a été averti de ne pas recommencer, a été mis debout et a été amené jusqu’à la voiture de police au pied de la colline.

L’AI et l’AT no 1 ont conduit le plaignant au poste de police central dans leur voiture de police. Avant d’entrer dans l’aire de transfert, le plaignant a commencé à se plaindre de douleur à l’épaule droite.

Après une courte période dans une cellule, le plaignant a été conduit à l’hôpital, où une fracture de la clavicule droite a été diagnostiquée.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 16 août 2020, le plaignant a été arrêté par des agents du Service de police régional de Waterloo et a subi une blessure grave durant l’arrestation. L’AI était parmi les agents ayant procédé à l’arrestation et il a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. D’après les renseignements dont disposaient les agents, je ne peux raisonnablement conclure qu’ils n’avaient pas des motifs suffisants pour arrêter le plaignant pour des voies de fait qu’il aurait commises sur deux personnes le jour précédent.

De même, je n’ai pas la conviction que la force employée par l’AI, soit le placage au sol, était excessive. Il faut préciser que l’AI et le plaignant étaient dans une position précaire à ce moment-là puisqu’ils étaient debout sur la pente descendante d’une colline couverte de terre. Dans les circonstances, lorsque le plaignant a tenté de se dégager de l’AI, ce dernier avait le droit de recourir à la force pour placer le plaignant sous garde de manière rapide et radicale. Au vu du dossier, il semble qu’un placage au sol ait été une tactique raisonnable. En effet, si l’AI n’avait pas réussi à retenir le plaignant, il est fort possible que celui-ci aurait été projeté vers l’avant de façon dangereuse. Par la suite, le plaignant a été rapidement dissuadé et remis debout sans autre recours à la force.

En définitive, même si je conviens que le plaignant s’est fracturé la clavicule en tombant au sol lorsqu’il a été plaqué par l’AI, j’ai des motifs raisonnables de croire que l’agent a respecté les limites prescrites par le droit criminel dans son interaction. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 25 janvier 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.