Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TFI-087

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures subies par un homme de 43 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 15 avril 2020, à 1 h 30, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES des blessures subies par le plaignant. Le SPT a ainsi fait savoir que le 15 avril 2020, à 0 h 16, des agents de son service ont répondu à un appel concernant une « personne perturbée émotionnellement » à une résidence de Scarborough. Un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] cognait à la porte et demandait aux occupants d’ouvrir.

Des agents de la 43e division du SPT (on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI et des AT no 2 et no 1) sont arrivés sur les lieux à 0 h 20. Le plaignant s’est approché d’eux et avait à la main un couteau de type hachette. Un des agents [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 2] a déployé une arme à impulsions, et un autre [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 1] a déployé un fusil à pompe non létal. Ces deux armes se sont révélées inefficaces. Pour sa part, l’AI a tiré deux balles de son arme à feu et a atteint le plaignant aux jambes. Le plaignant a été transporté à l’Hôpital St. Michael de Toronto, et les deux agents ont été emmenés à l’Hôpital général de Scarborough pour être examinés. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés :
 
Les enquêteurs de l’UES ont réalisé des entrevues auprès de témoins civils et de la police, et ont cherché d’autres témoins au moyen d’affiches incitant les témoins à se manifester qui ont été apposées et distribuées dans l’immeuble d’habitation où l’incident s’est produit. Les enquêteurs de l’UES ont également cherché et obtenu des vidéos pertinentes captées par un système de télévision en circuit fermé.

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont photographié les lieux de l’arrestation et en ont réalisé des dessins, en plus de recueillir des éléments de preuve liés à l’incident. Ces enquêteurs ont également recueilli les données de l’arme à impulsions de l’AT no 2, et ils ont recueilli, photographié et examiné les vêtements du plaignant. 

Plaignant :

Homme de 43 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 6 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 7 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 8 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 9 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées


Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées


Éléments de preuve

Les lieux

Le 15 avril 2020, à 4 h 45, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES est arrivé sur les lieux et a rencontré les agents du SPT qui surveillaient l’endroit.

L’un des ascenseurs avait été sécurisé, et il y avait des traces de ce que l’on présumait être du sang sur le sol entre l’ascenseur et le hall d’entrée. Un agent du SPT qui se trouvait dans le hall d’entrée a indiqué que ce qui était présumé être du sang à cet endroit était le sang du plaignant qui s’était écoulé lorsque les ambulanciers transportaient ce dernier. L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a dit à l’agent que le SPT pouvait cesser de garder l’ascenseur, puisqu’il ne présentait pas de valeur probante pour l’enquête sur l’incident, qui s’était produit au quatrième étage.

L’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au quatrième étage de l’immeuble et a constaté qu’il était gardé par des agents du SPT. Un agent a indiqué à l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES l’appartement occupé par le plaignant.

Le couloir à l’extérieur de l’appartement du plaignant était orienté est-ouest. La porte de l’appartement se trouvant directement à l’ouest de celui du plaignant présentait des dommages sous la forme d’éraflures dans la peinture et le bois. Plus à l’ouest, en direction des ascenseurs, il y avait des signes du déploiement d’une arme à impulsions; il s’agissait d’une sonde d’arme à impulsions qui était restée fixée au tapis du couloir, ainsi que de dépôts d’AFID (Anti Felon Identification Tag) dispersés sur le tapis à l’est des ascenseurs.

Sur le plancher en carrelage devant les portes de l’un des ascenseurs se trouvaient d’autres signes du déploiement d’une arme à impulsions, y compris des portes de décharge et des dépôts d’AFID. De plus, il y avait sur le sol des indications du déploiement d’armes non létales, soit des projectiles en sachet, du rembourrage de cartouche et des douilles.

À l’ouest des ascenseurs, il y avait un couloir orienté nord-sud qui rejoignait le couloir orienté est ouest. Sur le tapis se trouvant près des ascenseurs et à l’ouest de ceux-ci, il y avait d’autres signes du déploiement d’une arme à impulsions et d’armes non létales, notamment des éléments d’arme à impulsions, des dépôts d’AFID, des douilles et des projectiles en sachet. Plus loin dans ce couloir, près d’un escalier, se trouvait une trousse de premiers soins ouverte appartenant au SPT. Près de la porte du premier appartement, au sud de l’escalier, on pouvait voir une douille, une trace de ce que l’on présumait être du sang, des déchets médicaux, un dispositif de contention en nylon pour les jambes, un câble d’arme à impulsions et une sandale. Plus loin dans le couloir, en direction sud, se trouvaient un couperet à viande et une autre douille.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

Après que les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES eurent photographié les lieux de l’incident, les éléments de preuve suivants y ont été recueillis :
1 – sonde d’arme à impulsions;
2 – dépôts d’AFID à l’est des ascenseurs
3 – portes de décharge d’arme à impulsions près des ascenseurs;
4 – projectile en sachet;
5 – projectile en sachet;
6 – rembourrage près des ascenseurs;
7 – douille;
8 – projectile en sachet;
9 – dépôts d’AFID à l’ouest des ascenseurs;
10 – douille;
11 – douille;
12 – projectile en sachet;
13 – douille;
14 – douille de cartouche;
15 – dispositif de contention en nylon pour les jambes;
16 – échantillon de ce que l’on présumait être du sang;
17 – sandale;
18 – couperet à viande;
19 – douille de cartouche.


Figure 1 – Photo du couperet à viande prise par l’UES

Figure 1 – Photo du couperet à viande prise par l’UES


Le 15 avril 2020, à 8 h, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont recueilli l’équipement de police suivant, qui a été utilisé sur les lieux :

• Équipement de police utilisé par l’AT no 1


Fusil à pompe Remington modèle 870 de calibre .12 (non létal).

• Équipement de police utilisé par l’AT no 2


Cartouches d’arme à impulsions (x2);
Données de l’arme à impulsions du SPT utilisée par l’AT no 2.

• Équipement de police utilisé par l’AI


Pistolet semi-automatique Glock modèle 22 de calibre .40;
Chargeur et 11 cartouches retirés du pistolet une fois l’arme jugée sécuritaire;
Une cartouche retirée de la culasse du pistolet Glock une fois que l’arme a été jugée sécuritaire;
Deux chargeurs Glock de rechange contenant 14 cartouches chacun.


Figure 2 – L’arme à feu de l’AI

Figure 2 – L’arme à feu de l’AI


Données de l’arme à impulsions du SPT


Le 15 avril 2020, l’arme à impulsions déployée par l’AT no 2 a été armée à 0 h 30 min 48 s [1], comme le montre le point 5250 de la séquence d’événements, et sa gâchette a été activée à 0 h 31 min 5 s, puis une autre fois à 0 h 31 min 10 s, comme le montrent les points 5251 et 5252, respectivement, de la séquence d’événements; les moments où la gâchette a été activée correspondent à l’information fournie à l’UES par l’AT no 2. La charge de la pile, au moment des deux décharges consécutives, est descendue à 76 %.

Données de l’arme à impulsions du SPT


Enregistrements audio captés par le système de caméras à bord du véhicule du SPT


Le 15 avril 2020, l’AI et l’AT no 2 se trouvaient à bord d’un véhicule du SPT muni d’un système de caméras. Ce système comprend une caméra pointant vers l’avant et une autre pointant vers l’arrière, des micros à l’intérieur du véhicule, des micros externes que les agents portent sur eux et de l’équipement de surveillance d’urgence du véhicule. Le système peut être activé manuellement ou s’activer automatiquement lorsque l’équipement d’urgence du véhicule est activé.

À 0 h 19 min 28 s, l’AI et l’AT no 2 se rendent à l’immeuble d’habitation du plaignant en réponse à un appel et activent l’équipement d’urgence de leur véhicule.

À 0 h 20 min 29 s, l’AI et l’AT no 2 arrivent sur les lieux, s’engagent dans la voie d’accès pour autos à côté de l’immeuble et stationnent leur véhicule. Il y a déjà un véhicule de police aux couleurs du SPT [on sait maintenant qu’il s’agissait de celui de l’AT no 1] immobilisé dans la rue devant l’immeuble.

À 0 h 20 min 56 s, on entend l’AT no 1 dire [traduction] « tu as ton Taser et ton arme non létale, et moi, j’ai mon arme létale… espérons que nous n’aurons pas besoin de nous en servir ».

À 0 h 21 min 15 s, on entend un interphone sonner. L’AI demande que l’on bloque la porte pour qu’elle reste ouverte. On entend la sonnerie à la porte, puis les agents entrent dans l’immeuble.

À 0 h 21 min 34 s, l’AI avise le répartiteur de la police que les agents sont entrés dans l’immeuble et qu’ils sont dans l’escalier, ce que l’AT no 1 répète ensuite, à la demande du répartiteur.

À 0 h 21 min 41 s, l’AI déclare [traduction] « je me demande si nous devrions prendre l’ascenseur », et on entend un autre homme suggérer de prendre l’ascenseur jusqu’au troisième étage, puis d’utiliser l’escalier.

À 0 h 22 min 1 s, l’AI déclare [traduction] « sortons ensemble en même temps que … (inaudible) … laisse-le y aller en premier ».

À 0 h 22 min 29 s, on entend une voix forte, mais il est impossible de discerner ce qui est dit.

À 0 h 22 min 36 s, on entend l’AT no 1 dire [traduction] « hé, toi », puis un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait de celle du plaignant] répondre « quoi? » L’AT no 1 dit alors « as-tu quelque chose dans la main? Éloigne-toi de la porte ». Le plaignant répond, mais il est impossible de discerner ce qu’il dit.

À 0 h 22 min 47 s, on entend l’AI dire [traduction] « lâche-le, lâche-le, lâche-le! » On entend d’autres voix, vraisemblablement celles de l’AT no 2 et de l’AT no 1, et peut-être aussi celle du plaignant, mais il est impossible de discerner ce qui est dit.

À 0 h 22 min 50 s, le plaignant crie [traduction] « tirez sur moi … … tirez! »

À 0 h 22 min 51 s, on entend un homme – dont on ne peut déterminer l’identité – dire [traduction] « lâche l’objet en métal », puis l’AI qui dit « lâche-le, lâche-le, lâche-le. »

À 0 h 22 min 53 s, le plaignant crie [traduction] « tirez! », puis l’AT no 2 crie « Taser, Taser, Taser! »; une seconde plus tard, soit à 0 h 22 min 54 s, on entend le son de son arme à impulsions qui est déployée.

À 0 h 22 min 55 s, on entend un homme – dont on ne peut déterminer l’identité – dire [traduction] « couche-toi par terre, couche-toi ». On entend une forte détonation, suivie d’une autre détonation semblable une demie seconde plus tard [on sait maintenant qu’il s’agissait du son de la première, puis de la deuxième décharge de l’arme non létale de calibre .12 chargée de projectiles en sachet]. L’AI dit ensuite « couche-toi, couche-toi! »

À 0 h 23 min, on entend un deuxième son provenant de l’arme à impulsions de l’AT no 2, qui est déployée de nouveau, et un gémissement de douleur de la part du plaignant, en plus du son de l’arme à impulsions qui se maintient.

À 0 h 23 min 4 s, on entend un répartiteur de la police demander que l’un des agents répète une transmission.

À 0 h 23 min 6 s, on entend les troisième et quatrième déploiements du fusil à pompe non létal.

On entend l’AI dire [traduction] « couche-toi » dix fois entre le moment du premier déploiement de l’arme à impulsions et celui des troisième et quatrième déploiements du fusil à pompe non létal.

À 0 h 23 min 11 s, on entend l’AI crier [traduction] « vas-y, vas-y, vas-y, de l’autre côté, de l’autre côté! », et trois secondes plus tard, soi à 0 h 23 min 14 s, on entend un homme – dont on ne peut déterminer l’identité – dire « couche-toi! »

À 0 h 23 min 13 s, l’AI crie [traduction] « couche-toi », puis on entend une forte détonation accompagnée d’un écho [on sait maintenant qu’il s’agissait de la première décharge du pistolet de calibre .40 de l’AI]; ensuite, l’AI crie encore une fois « couche-toi! »

À 0 h 23 min 15 s, on entend une deuxième forte détonation accompagnée d’un écho [on sait maintenant qu’il s’agissait de la deuxième décharge du pistolet de calibre .40 de l’AI], puis l’AI qui crie [traduction] « coups tirés, coups tirés! » et « envoyez les services médicaux d’urgence ».

À 0 h 23 min 16 s, on entend encore une fois l’AI dire [traduction] « couche-toi, couche toi ».

À 0 h 23 min 44 s, on entend l’AI ainsi qu’un autre homme – dont on ne peut déterminer l’identité – qui dit au plaignant [traduction] « tourne-toi sur le côté ».

À 0 h 23 min 48 s, on entend l’AI dire [traduction] « trouve quelque chose pour sa jambe ». La qualité des enregistrements audio devient alors très mauvaise en raison de brouillages radio. L’AI dirige les efforts de premiers soins, et on entend l’AT no 2 descendre l’escalier, sortir pour prendre une trousse de premiers soins dans le coffre de son véhicule, puis remonter dans l’immeuble en courant.

À 0 h 25 min 15 s, l’AT no 2 est de retour au quatrième étage. On entend la voix d’une femme [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AT no 6], mais il est impossible de discerner les mots. Dans le reste de l’enregistrement, on entend des voix brouillées tandis que les agents donnent les premiers soins au plaignant en attendant l’arrivée des services médicaux d’urgence.

Éléments de preuves médicolégaux


Éléments de preuve présentés au Centre des sciences judiciaires et résultats


Éléments de preuve présentés


Le 24 avril 2020, on a remis au personnel du Centre des sciences judiciaires le pistolet Glock du SPT utilisé par l’AI et les deux cartouches de calibre .40 recueillis en tant qu’éléments de preuve pour que celui-ci vérifie si les deux cartouches avaient bien été tirées depuis cette arme.

Résultats


Le 14 juillet 2020, le Centre des sciences judiciaires a signalé avoir déterminé, [traduction] « dans les limites de la certitude pratique », que les douilles avaient été tirées depuis le pistolet Glock du SPT utilisé par l’AI.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements vidéo ou audio, ou encore de photographies; il a recueilli les éléments de preuve suivants :
  • enregistrements vidéo captés par le système de télévision en circuit fermé de l’immeuble d’habitation du plaignant.


Enregistrements vidéo captés par le système de télévision en circuit fermé de l’immeuble d’habitation du plaignant


Les enregistrements vidéo captés par le système de télévision en circuit fermé ont été fournis à l’UES par le gestionnaire de la propriété et montrent l’intérieur des ascenseurs de l’immeuble d’habitation du plaignant. Le 15 avril 2020, à 0 h 3 min 15 s [horodatage], l’AT no 2, l’AT no 1 et l’AI entrent dans l’ascenseur, et 19 secondes plus tard, ils en sortent au troisième étage et empruntent l’escalier pour se rendre au quatrième étage. À 0 h 4 min 20 s, l’AT no 6 et l’AT no 9 entrent dans l’ascenseur. À leur arrivée au quatrième étage, l’AT no 9 a son arme à feu à la main, et il vérifie le couloir pour voir à la sécurité des agents.

Enregistrements de communications

Le SPT a demandé et reçu des enregistrements audio contenant de l’information pertinente pour l’enquête. Les enregistrements contenant des conversations d’importance significative pour l’enquête ont été transcrits. On a résumé les autres conversations pour en conserver les éléments pertinents. 

Appel no 1 – reçu à 1 h 45 min 6 s le 8 avril 2020; a pris fin à 1 h 47 min 39 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Téléphoniste du SPT
TC no 1

Sommaire de l’appel :
  • La TC no 1 a appelé pour signaler qu’un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] frappait contre la porte de son appartement. On entendait les coups dans l’enregistrement audio.
  • La TC no 1 a affirmé savoir que le plaignant avait des problèmes de santé mentale, car il avait déjà uriné sur sa porte.
  • La TC no 1 n’arrivait pas à comprendre ce que disait le plaignant, mais a précisé qu’il parlait constamment.
  • La TC no 1 a décrit l’apparence du plaignant.


Appel no 2 – reçu à 11 h 28 min 32 s le 8 avril 2020; a pris fin à 11 h 31 min 41 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Téléphonistes du SPT
• Concierge de l’immeuble

Sommaire de l’appel :
  • Le concierge de l’immeuble a fait savoir qu’on l’avait avisé qu’un locataire de l’immeuble [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] était dans son appartement et criait contre lui-même. La police s’était rendue à l’appartement plus tôt le matin, puisque le plaignant avait cogné à la porte d’un autre résident.
  • Le concierge savait que le plaignant souffrait de problèmes de santé mentale, précisant qu’il avait été emmené à l’hôpital deux fois par le passé, et en a informé le téléphoniste du SPT.
  • Il connaissait le nom du plaignant, en a donné une description physique et a indiqué qu’il souffrait de problèmes de santé mentale.
  • Le concierge a affirmé qu’à sa connaissance, le plaignant n’avait jamais été violent avec la police et ne possédait pas d’armes autres que [traduction] « des couteaux ordinaires ».
  • Il a été avisé que la police serait dépêchée à l’immeuble.


Appel no 3 – reçu à 0 h 16 min 14 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 21 min 17 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Téléphoniste du SPT
TC no 1

Sommaire de l’appel :
  • La TC no 1 a téléphoné au 9-1-1 pour demander à la police de se rendre à son immeuble d’habitation, car un autre résident [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] frappait à sa porte; elle a précisé qu’il l’avait aussi fait la semaine précédente et qu’elle avait alors dû appeler la police.
  • La TC no 1 a dit qu’elle ne connaissait pas le nom du plaignant, mais qu’elle savait qu’il était schizophrène, ajoutant qu’il avait déjà uriné sur sa porte et qu’il avait aussi frappé à celle-ci de manière répétée.
  • La TC no 1 a verrouillé sa porte au moyen du verrou à chaîne, craignant que le plaignant défonce la porte.
  • À 0 h 17 min 2 s, la TC no 1 a dit que le plaignant avait un couteau. En arrière plan, on entendait un homme – que l’on croit être le TC no 2 – parler fort.
  • La TC no 1 a indiqué qu’ils pouvaient voir le plaignant par le judas de la porte, mais non le couteau, qu’ils ne parvenaient qu’à entendre frotter contre la porte; on entend effectivement ce bruit en arrière-plan dans l’enregistrement, à 0 h 18 min 5 s.
  • Le téléphoniste a dit à la TC no 1 de s’éloigner de la porte et de ne pas parler au plaignant afin de ne pas l’agiter davantage.
  • À 0 h 19 min, la TC no 1 a indiqué que le bruit de frottement s’était arrêté et qu’elle entendait le plaignant qui se déplaçait. Le téléphoniste, pour sa part, lui a dit encore une fois qu’ils ne devaient pas ouvrir la porte.
  • À 0 h 19 min 20 s, le téléphoniste a demandé à la TC no 1 son code d’entrée dans l’immeuble, et elle lui a donné.
  • À 0 h 19 min 33 s, la TC no 1 a indiqué que le plaignant grattait toujours à la porte.
  • À 0 h 19 min 44 s, le téléphoniste a demandé à la TC no 1 si elle arrivait à discerner ce que disait le plaignant, et elle a répondu qu’elle était trop loin de la porte.
  • La TC no 1 a décrit l’incident qui s’était produit le 8 avril 2020.
  • À 0 h 20 min 27 s, le répartiteur a indiqué que des unités du SPT arrivaient sur les lieux.
  • Le téléphoniste a demandé à la TC no 1 de rester dans sa résidence et lui a posé des questions relatives au protocole lié à la COVID-19.
  • À 0 h 21 min 6 s, le téléphoniste a indiqué que les agents du SPT avaient signalé qu’ils se trouvent au rez-de-chaussée de l’immeuble.


Appel no 4 – reçu à 0 h 18 min 12 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 19 min 19 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Agent de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) du SPT

Sommaire de l’appel :
  • À 0 h 18 min 12 s, le superviseur des agents dépêchés a été informé d’un appel concernant une « personne perturbée émotionnellement munie d’un couteau » à l’immeuble d’habitation du plaignant.
  • Le superviseur des agents dépêchés a avisé l’agent de l’EIU de l’appel à l’immeuble d’habitation et du fait que la personne concernée était armée d’un couteau. L’agent a demandé s’il s’agissait d’un [traduction] « vrai couteau » cette fois, et on lui a répondu « c’est une personne perturbée émotionnellement qui a un couteau ».
  • À 0 h 19 min 6 s, le superviseur des agents dépêchés a informé le responsable des opérations du SPT au sujet d’une « personne perturbée émotionnellement munie d’un couteau » se trouvant à l’immeuble d’habitation du plaignant.


Appel no 5 – reçu à 0 h 23 min 32 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 24 min 38 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Responsable des appels manuels du SPT
• Répartitrice des ambulances de Toronto

Sommaire de l’appel :
  • À 0 h 23 min 49 s, le responsable des appels manuels du SPT a demandé à ce qu’une ambulance se rende à l’immeuble d’habitation du plaignant; la répartitrice des ambulances a alors demandé s’il s’agissait d’un nouvel appel.
  • Le responsable des appels manuels a dit qu’une ambulance était requise à un numéro d’appartement spécifique pour un homme de 45 ans qui avait reçu des projectiles d’une arme non létale et qui devait être examiné.
  • La répartitrice des ambulances s’est informée du type d’arme qui avait été déployée, et on lui a répondu encore une fois [traduction] « non létale »; elle a alors demandé « voulez-vous dire un Taser? » Le responsable des appels manuels a répondu qu’il s’agissait probablement d’un « projectile qui ressemble à une sorte de sac de pois ». Il a dit que le patient était conscient, qu’il respirait et qu’il ne saignait pas.


Appel no 6 – reçu à 0 h 23 min 43 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 24 min 54 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Répartitrice des ambulances de Toronto

Sommaire de l’appel :
  • On a pu entendre le superviseur des agents dépêchés indiquer par la radio de police [traduction] « 10-4, DSA demandés [on sait maintenant qu’il était question des services médicaux d’urgence de Toronto], arme non létale déployée », tandis qu’il attendait qu’un répartiteur d’ambulances réponde.
  • Le superviseur des agents dépêchés a demandé à ce qu’une ambulance soit envoyée à l’immeuble d’habitation du plaignant, au quatrième étage.
  • À 0 h 24 min 26 s, on a pu entendre le superviseur des agents dépêchés indiquer par la radio de police [traduction] « 10-4, conscient et respire, blessure par balle à la jambe », alors qu’il était au téléphone avec la répartitrice des ambulances; puis, à 0 h 24 min 34 s, il a déclaré « nous avons déployé une arme non létale; il est conscient et il respire ».


Appel no 7 – reçu à 0 h 25 min 1 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 26 min 23 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Responsable des appels manuels du SPT
• Répartitrice des ambulances de Toronto

Sommaire de l’appel :
  • À 0 h 25 min 7 s, on a pu entendre le téléphone sonner et le responsable des appels manuels dire [traduction] « atteint par balle aux deux jambes ».
  • À 0 h 25 min 28 s, le responsable des appels manuels était au téléphone avec la répartitrice des ambulances lorsqu’on lui a dit qu’une arme à feu et une arme à impulsions avaient été déployées. Le responsable des appels manuels a alors fait savoir à la répartitrice des ambulances que l’homme avait reçu des projectiles dans le haut de chaque cuisse, et celle-ci a demandé [traduction] « vous voulez dire de vraies balles? »; le responsable des appels manuels lui a répondu que cela n’avait pas encore été déterminé.
  • À 0 h 25 min 54 s, le responsable des appels manuels a indiqué que les agents avaient tiré sur l’homme avec une arme non létale, ainsi qu’avec une arme à feu et une arme à impulsions.


Appel no 8 – reçu à 0 h 26 min 5 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 26 min 19 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Partie/groupe inconnu

Sommaire de l’appel :
  • Le superviseur des agents dépêchés a parlé à un homme qui a demandé si l’opération était liée à l’appel à l’immeuble d’habitation du plaignant, et lorsque le superviseur a répond que oui, l’homme a dit que son groupe était à l’écoute.


Appel no 9 – reçu à 0 h 26 min 26 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 27 min 14 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Répartitrice des ambulances de Toronto

Sommaire de l’appel :
  • À 0 h 26 min 34 s, le superviseur des agents dépêchés a indiqué par la radio de police, pendant qu’il attendait qu’un répartiteur d’ambulances réponde à son appel, [traduction] « 10-4, tous les agents sont 10-4 et présents, tous les agents vont bien, j’informe l’ambulance maintenant ».
  • Le superviseur des agents dépêchés a dit à la répartitrice des ambulances que le plaignant avait reçu des projectiles d’arme non létale, qu’il avait également reçu des projectiles d’arme à feu dans la jambe et que les agents avaient déployé une arme à impulsions contre lui. La répartitrice a confirmé que le plaignant avait reçu des projectiles d’arme à feu et a indiqué que l’ambulance est en route.


Appel no 10 – reçu à 0 h 26 min 44 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 27 min 22 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Agent de l’EIU du SPT

Sommaire de l’appel :
  • À 0 h 26 min 44 s, le superviseur des agents dépêchés a demandé à l’agent de l’EIU s’il était au courant de ce qui se passait à l’immeuble d’habitation du plaignant; l’agent de l’EIU lui a demandé à son tour s’il parlait de l’appel concernant une personne ayant un couteau et a indiqué qu’il n’avait pas écouté les transmissions à ce sujet. Le superviseur a informé l’agent qu’une arme non létale avait été déployée.


Appel no 11 – reçu à 0 h 30 min 1 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 30 min 47 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Répartitrice des ambulances de Toronto

Sommaire de l’appel :
  • Le superviseur des agents dépêchés, au nom des agents du SPT qui se trouvaient sur place, a demandé une estimation du moment où allait arriver l’ambulance qui se rendait à l’immeuble d’habitation du plaignant, et on lui a répondu que l’ambulance se trouvait près de là.


Appel no 12 – reçu à 0 h 32 min 24 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 32 min 51 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Répartiteur du SPT

Sommaire de l’appel :
  • Le superviseur des agents dépêchés du SPT a appelé le répartiteur du SPT pour faire le point sur l’intervention à l’immeuble d’habitation du plaignant.
  • Le répartiteur du SPT l’a informé que les agents sur les lieux avaient déployé une arme non létale, une arme à feu et une arme à impulsions.


Appel no 13 – reçu à 0 h 34 min 8 s le 15 avril 2020; a pris fin à 0 h 34 min 26 s


Parties ayant pris part à l’appel :
• Superviseur des agents dépêchés du SPT
• Répartiteur du SPT

Sommaire de l’appel :
  • Le superviseur des agents dépêchés du SPT a demandé au répartiteur du SPT de prendre note des numéros d’insigne des agents qui avaient déployé l’équipement de recours à la force.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants du SPT, et les a examinés :
  • copies papier de la transcription des appels (x 4);
  • enregistrements audio des communications et des appels au 911;
  • courriel du SPT contenant les numéros d’identification des armes à feu saisies;
  • rapport d’utilisation d’une arme à feu;
  • copies papier des rapports d’incident généraux;
  • rapports d’incident généraux tirés du système Versadex et rapports supplémentaires;
  • données du système de caméras du véhicule du SPT;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur d’Intergraph;
  • rapport sur les blessures;
  • notes de l’AI;
  • notes de l’AT no 6;
  • notes de l’AT no 4;
  • notes de l’AT no 3;
  • notes de l’AT no 5;
  • notes de l’AT no 2;
  • notes de l’AT no 1;
  • notes de l’AT no 7;
  • notes de l’AT no 8;
  • notes de l’AT no 9;
  • photographies;
  • rapport d’acquisition d’armes à feu de la police;
  • rapport d’arrestation;
  • dossier de formation – AT no 2 – recours à la force;
  • dossier de formation – AT no 2 – Taser X2;
  • dossier de formation – AT no 1 – fusil à pompe non létal;
  • dossier de formation – AT no 1 – recours à la force;
  • dossier de formation – AT no 1 – Taser X2;
  • dossier de formation – AI – recours à la force;
  • politique du SPT sur le recours à la force;
  • politique du SPT sur les personnes perturbées émotionnellement;
  • liste des victimes et des témoins civils.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès de sources autres que la police, et les a examinés :
  • dossiers médicaux du plaignant;
  • vidéos captées par le système de télévision en circuit fermé de l’immeuble d’habitation du plaignant.

Description de l’incident

Il est possible d’établir clairement les principaux événements qui se sont déroulés au moyen des éléments de preuve recueillis et des déclarations fournies par le plaignant, l’AI, deux agents témoins (qui étaient présents au moment où les coups de feu ont été tirés) de même que quelques témoins civils qui ont vu et entendu des parties de l’incident. Dans le cadre de l’enquête, on a également bénéficié d’un examen des enregistrements des communications de la police, dont un enregistrement audio des événements capté par le micro qu’un des agents portait sur lui et qui était relié au système de caméras à bord du véhicule du SPT, ainsi que des constatations tirées d’un examen des lieux fondé sur les sciences judiciaires et des éléments de preuve matériels, notamment l’arme à feu qui a été déployée.

Vers 0 h 16 le 15 avril 2020, la TC no 1 a appelé la police par l’intermédiaire du 9-1-1. Elle appelait pour signaler qu’un autre résident de son immeuble d’habitation de Scarborough – le plaignant, qu’elle savait schizophrène – cognait à sa porte et lui demandait de le laisser entrer. La TC no 1 a aussi indiqué que le plaignant était muni d’un couteau, qu’il utilisait pour gratter la porte. La TC no 1 craignait pour sa sécurité et pour celle de sa famille. Des agents ont été dépêchés sur place.

En compagnie de l’AT no 2, un stagiaire qui travaillait avec lui cette journée-là, l’AI est arrivé à l’immeuble d’habitation vers 0 h 21. Les agents ont rencontré l’AT no 1 près de l’entrée de l’immeuble et ont planifié la manière dont ils s’approcheraient des lieux. Ils ont décidé de prendre l’ascenseur jusqu’au troisième étage, puis d’emprunter l’escalier pour se rendre au quatrième étage, de manière à éviter une situation où quelqu’un les affronterait dès l’ouverture des portes de l’ascenseur. Ils ont également décidé que l’AT no 1, qui était muni d’une arme à feu non létale [2], s’avancerait en premier, suivi de l’AT no 2, qui préparerait son arme à impulsions dans l’éventualité où le fusil ne serait pas suffisant pour neutraliser le plaignant. Enfin, ils ont établi que l’AI serait à l’arrière, avec son arme de poing au cas où une force létale serait nécessaire.

Les trois agents sont arrivés au quatrième étage et ont franchi les portes de la cage d’escalier, lesquelles donnaient sur un couloir orienté nord-sud. Entendant des sons provenant de leur droite, ils se sont avancés dans le couloir. L’AT no 1 marchait le long du mur est, son fusil à la main, suivi de l’AT no 2 et de l’AI, et a atteint l’intersection avec un couloir orienté est ouest. Lorsque les agents se sont avancés dans ce couloir, ils ont vu le plaignant, à environ 15 mètres d’eux, devant la porte d’un appartement. Il avait un couperet à viande à la main ainsi qu’une jambe gauche artificielle à partir du bas de la cuisse.

L’AT no 1 s’est avancé en direction est dans le corridor orienté est-ouest et a interpellé le plaignant, lui demandant ce qu’il avait dans la main. Le plaignant s’est retourné vers les agents, tenant le couperet à la hauteur de son torse ou de ses épaules, et a entrepris de marcher dans leur direction. Les agents ont commencé à reculer, criant au plaignant de lâcher le couperet, et le plaignant, à son tour, a crié aux agents de lui tirer dessus, tout en continuant d’avancer. Alors que la distance entre les parties était de cinq ou six mètres, l’AT no 1 a tiré en direction du plaignant avec son fusil à pompe. Les projectiles ont atteint leur cible, mais n’ont pas immobilisé le plaignant. Environ au même moment, l’AT no 2 a déployé son arme à impulsions en direction du plaignant, ce qui n’a pas eu d’effet non plus. Les agents ont crié au plaignant de se coucher par terre tandis qu’ils continuaient de reculer.

Alors que les agents s’approchaient du bout du couloir orienté est-ouest, l’AT no 2 a déployé son arme à impulsions une deuxième fois, à une distance d’environ trois ou quatre mètres du plaignant. La décharge a immobilisé ce dernier, mais seulement temporairement. Peu après, l’AT no 1 a tiré deux autres fois en direction du plaignant. À ce moment-là, les agents avaient tourné le coin, à l’intersection des couloirs, et se dirigeaient vers le sud dans le couloir orienté nord-sud. Encore une fois, même si les projectiles ont semblé atteindre le plaignant, celui-ci a continué de s’avancer vers les agents, le couperet levé.

Lorsque les agents se sont retrouvés près des portes de la cage d’escalier par lesquelles ils étaient arrivés, l’AI a tiré deux coups de feu en direction du plaignant, qui s’était approché à deux ou trois mètres d’eux. Les projectiles ont pénétré l’extérieur de la cuisse gauche du plaignant. L’un des projectiles a perforé la jambe gauche du plaignant et a pénétré l’intérieur de sa cuisse droite. Le plaignant a titubé vers l’avant sur une certaine distance, puis est tombé au sol. L’AI s’est approché du plaignant et, d’un coup de pied, a délogé le couperet qu’il tenait dans la main droite.

Peu après les coups de feu, d’autres agents sont arrivés sur les lieux et ont aidé à donner les premiers soins au plaignant. Les agents ont fabriqué des garrots et les ont appliqués aux jambes du plaignant; de même, ils ont posé des bandages sur ses blessures.

Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux et le plaignant a été transporté à l’hôpital, où il a été traité et a subi une évaluation psychiatrique.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Aux petites heures du matin le 15 avril 2020, dans un couloir du quatrième étage de l’immeuble d’habitation où il résidait, le plaignant a été blessé par balle par un agent du SPT, soit l’AI. L’AI a été désigné en tant qu’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. À la lumière des conclusions de l’enquête, je suis convaincu qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux coups de feu qui ont été tirés lors de cet incident.

L’article 34 du Code criminel définit les limites dans lesquelles un acte qui constituerait une infraction dans d’autres circonstances est justifié lorsqu’il s’agit de se protéger ou de protéger autrui contre une attaque réelle ou qu’il est raisonnable d’appréhender. Essentiellement, un tel acte est permis s’il est raisonnable dans les circonstances, ce qu’on détermine, notamment, en tenant compte de divers facteurs comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, de même que la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme. À mon avis, la force létale employée par l’AI était justifiée aux termes de l’article 34.

D’abord, il est important de noter que l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 1 exerçaient leurs fonctions légitimes lorsqu’ils se sont rendus dans le couloir du quatrième étage et qu’ils y ont affronté le plaignant. Ils se trouvaient à cet endroit en réponse à un appel d’urgence à la police fait par l’intermédiaire du 9-1-1 par une résidente du quatrième étage, qui avait signalé que le plaignant souffrait de troubles de santé mentale, qu’il était armé d’un couteau et qu’il tentait d’entrer dans son appartement. Les agents ont en effet trouvé le plaignant devant l’appartement en question, au quatrième étage.

Chacun des agents a indiqué dans sa déclaration à l’UES que le plaignant représentait une menace réelle et grave pour leur santé et leur sécurité lorsqu’il a commencé à s’approcher d’eux avec un couperet à viande à la main. Aucun élément de preuve ne jette de doute sur la véracité des déclarations des agents quant à leur état d’esprit. Au contraire, l’évaluation objective des circonstances qui prévalaient à ce moment-là, décrite ci-dessous, donne de la crédibilité à ces déclarations.

Le premier élément de preuve, qui est peut-être aussi le plus important, est le couperet à viande que le plaignant tenait. L’UES l’a récupéré dans le couloir orienté nord-sud du quatrième étage, tout près de l’endroit où le plaignant était tombé après avoir été atteint par balle. Le couperet est entièrement fait de métal, et sa lame est longue de 18 centimètres et large de 8 centimètres, approximativement. Il est évident que ce couperet aurait pu infliger de graves blessures.

En outre, les éléments de preuve établissent clairement que le plaignant s’approchait des agents en tenant le couperet bien haut, de la main droite, d’une façon menaçante. Même si les agents lui ont dit à de nombreuses reprises de s’arrêter et de lâcher le couperet, le plaignant a continué d’avancer vers eux en leur disant, d’une manière défiante, de tirer sur lui. J’admets que le plaignant n’était pas sain d’esprit à ce moment-là et que son comportement était le malheureux résultat de ce qui semble être une maladie mentale de longue date. Cela dit, les agents ont seulement eu le temps de réagir à la situation dangereuse qui se déroulait devant eux; pas plus de 40 secondes se sont écoulées entre le moment où ils ont vu le plaignant pour la première fois et celui où des coups de feu ont été tirés.

Les considérations tactiques soulignées par les agents et la séquence des événements ayant mené aux coups de feu sont convaincantes et instructives. Les agents avaient établi un plan qui consistait à utiliser d’abord une force non létale, au besoin, et à recourir à une arme à feu seulement en dernier recours. Je ne peux pas reprocher aux agents d’avoir choisi de prendre leur arme tandis qu’ils se rendaient au quatrième étage, compte tenu de l’information qu’ils avaient reçue, à savoir que le plaignant avait un couteau en sa possession. En outre, il est très révélateur que les premiers mots que l’AT no 1 ait dits au plaignant concernaient l’objet que ce dernier tenait dans sa main. Il est vrai que le ton est monté rapidement dans la conversation et que celle-ci s’est vite transformée en affrontement, mais cela semble s’être produit uniquement après que le plaignant se fut retourné vers les agents et qu’il eut commencé à marcher vers eux. Malgré cela, les agents ont évité de recourir à la force pendant un moment, avant que l’AT no 2 et l’AT no 1, conformément à ce dont ils avaient convenu, déploient leurs armes respectives à une distance d’environ cinq à six mètres du plaignant. Ce dernier a continué de s’approcher des agents et a encore une fois reçu une décharge de l’arme à impulsions de l’AT no 2, alors qu’il avait réduit la distance entre eux à trois ou quatre mètres environ. Même si le plaignant a semblé saisi par la décharge de l’arme à impulsions, il n’a pas lâché le couperet et a rapidement été en mesure de continuer à avancer. Environ six secondes après la deuxième décharge de l’arme à impulsions, l’AT no 1 a tiré pour une troisième et une quatrième fois. Même s’il avait été atteint par les projectiles, le plaignant continuait à avancer, et ce sont deux balles de l’arme de poing de l’AI qui l’ont finalement fait tomber au sol. Dans cette situation, il est évident que les agents ont agi d’une manière proportionnelle à l’ampleur de la menace à laquelle ils étaient confrontés et à l’évolution de la situation, et qu’ils ont eu recours à une force potentiellement létale uniquement après que leurs tentatives de neutraliser le plaignant au moyen d’une force non létale eurent échoué et que le plaignant se fut approché à deux à trois mètres d’eux. À cette distance, étant donné son état d’esprit et puisqu’il était armé d’un couperet, il y a peu de doute que le plaignant représentait un risque imminent de mort ou de blessure grave pour l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 1. Même dans de telles circonstances, l’AI a visé le bas du corps du plaignant, parce qu’il craignait que s’il visait le torse mais manquait sa cible, la balle puisse pénétrer dans un appartement et blesser un résident. Cette décision a non seulement atténué les risques de blessure chez des tiers, mais peut très bien avoir permis d’éviter le décès du plaignant.

Dans cette affaire, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure sur la base d’un jugement raisonnable que la force utilisée par l’AI de même que par l’AT no 2 et l’AT no 1 dépassait ce qui est permis par la loi. Au contraire, je suis persuadé que les agents ont agi d’une manière se situant dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour se protéger contre une menace de mort ou de blessure réelle et immédiate. Plus précisément, en ce qui concerne l’AI, à la lumière des éléments de preuve, je suis d’avis qu’après avoir attendu pendant un bon moment avant de tirer, il devait le faire étant donné la proximité du plaignant et du danger que cela posait pour la vie de tous les agents.

Par ailleurs, puisque cette affaire concerne une personne qui a été blessée dans une interaction avec la police pendant une crise de santé mentale, il convient de se demander si l’équipe mobile d’intervention en situation de crise du SPT aurait pu être déployée. Cette équipe comporte des agents ayant reçu, de la part de membres du personnel infirmier en santé mentale, une formation sur des techniques de désamorçage pour ainsi être en mesure d’agir rapidement dans des situations où il faut composer avec des personnes perturbées émotionnellement. L’équipe est une composante de la stratégie du Service de police visant à obtenir des résultats positifs lorsqu’il doit intervenir auprès de personnes qui menacent de se blesser ou de blesser autrui en raison de comportements attribuables à une crise affective ou de santé mentale en général. Toutefois, peu importe si l’équipe était disponible ou non au moment où les agents ont été dépêchés sur les lieux, il est clair qu’elle n’aurait pas pu être déployée, puisqu’aux termes de la politique applicable, les équipes de ce type ne peuvent être déployées comme premiers intervenants dans les incidents où il y a une arme, alors qu’il y avait bel et bien une arme dans cette affaire.

En conclusion, je suis convaincu, sur la base de motifs raisonnables, que l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 1 ont agi conformément à la loi et qu’ils ont employé une force qui était justifiée aux termes de l’article 34 du Code criminel; il n’y a donc aucune raison de porter des accusations criminelles contre les agents dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 25 janvier 2021



Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures associées aux données de l’arme à impulsions sont celles enregistrées par l’arme même et ne correspondent pas nécessairement à l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 2) Un fusil Remington modèle 870 de calibre .12 qui tire des projectiles en sachet, soit des sacs remplis de billes de plomb. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.