Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCD-108

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 60 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 mai 2020, à 15 h 27, le Service de police de North Bay a avisé l’UES du décès du plaignant, qui vivait à North Bay.

Le Service de police de North Bay a indiqué qu’un agent retraité de la Police provinciale de l’Ontario avait parlé au plaignant à 9 h 10 ce jour-là et que celui-ci lui avait dit avoir des problèmes conjugaux avec sa femme. Le plaignant avait alors mentionné qu’il n’en avait plus pour longtemps à vivre.

On savait que le plaignant possédait beaucoup d’armes à feu.

Le Service de police de North Bay a été appelé. Des agents ont été dépêchés et sont arrivés sur les lieux à 10 h 38. L’AI était l’agent responsable des lieux.

À 14 h 44, des agents du Service de police de North Bay ont enfoncé la porte et ont trouvé le plaignant mort sur le sofa, une arme de poing dans la main. Le plaignant s’était tiré une balle dans la bouche et était manifestement décédé.

Le Service de police de North Bay s’était rendu à la résidence les 5, 7 et 9 mai 2020 à la suite d’appels liés à la vérification du bien être et à des incidents de violence familiale.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant

Défunt


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue 

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées


Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident est survenu à l’intérieur d’une résidence située dans le secteur de Trout Lake Road et de Feronia Road. Le plaignant, qui était décédé, était assis au milieu du sofa dans le salon. Il y avait une grande quantité d’une substance rouge séchée ressemblant à du sang sur le visage du plaignant, sous son nez jusqu’à son menton et sur sa poitrine, ainsi que sur le sofa derrière sa tête. Au-dessus de sa tête, sur le mur nord, il y avait un petit renfoncement dans la cloison sèche. Il semblait y avoir un trou de sortie sur le dessus de la tête du plaignant.

Le plaignant avait les deux bras et les deux mains le long du corps. Sa main droite reposait légèrement sur sa cuisse droite. Son pouce droit était dans le pontet d’un pistolet semi-automatique M&P 40 de Smith and Wesson. Il y avait ce qui ressemblait à une éclaboussure de sang sur son avant-bras droit.

Directement devant le plaignant, il y avait une table basse sur laquelle étaient posés un bloc-notes avec une note manuscrite ainsi qu’une boîte de balles Hornady Critical Duty de calibre .40. Il manquait 4 balles sur 20.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de North Bay :
  • la chronologie des événements;
  • les rapports généraux du Service de police de North Bay;
  • les notes des AT.

Éléments obtenus d’autres sources

En octobre 2020, l’UES a reçu du Bureau du coroner un rapport d’autopsie et un rapport de toxicogie concernant le plaignant.

Description de l’incident

Le déroulement des événements en question est clair, d’après les éléments de preuve réunis par l’UES, notamment les entrevues avec l’AI et les autres agents ayant participé à l’opération policière ainsi qu’avec plusieurs civils qui avaient communiqué avec le plaignant dans les jours ayant précédé son décès jusqu’à la date de celui-ci.

Le 10 mai 2020, le plaignant a exprimé son intention de se suicider et, en conséquence, la police a été appelée. L’AI et plusieurs autres agents ont été dépêchés à la résidence du plaignant vers 9 h 50 pour qu’ils vérifient s’il allait bien. Comme on leur avait dit que le plaignant était suicidaire et possédait plusieurs armes à feu, les agents ont procédé avec beaucoup de prudence. Ils ont bloqué la circulation dans le secteur et ont établi un périmètre autour de la maison. Par la suite, l’AI a demandé que quelqu’un au poste de police appelle le plaignant sur son téléphone filaire et son téléphone cellulaire. Le but était de joindre le plaignant pour lui demander de sortir de la maison et de parler aux agents. Lorsque les appels faits vers 10 h 45 et 10 h 50 sont restés sans réponse, l’AI a demandé qu’on récupère les clés de la maison auprès du TC no 1 pour faciliter l’entrée dans la maison. Une fois les clés récupérées, des agents sont entrés dans le garage et n’y ont trouvé personne.

Vers 12 h 15, l’AI a été avisé que l’équipe d’intervention d’urgence serait déployée à la résidence. Les agents de l’équipe ont commencé à arriver sur les lieux vers 13 h, ce qui a permis à l’AI et à ses agents de se placer en retrait dans le périmètre extérieur.

D’autres appels téléphoniques ont été faits à la résidence, mais personne n’a répondu. Il en a été de même vers 14 h 10, lorsque des agents se sont mis à crier devant la maison pour attirer l’attention du plaignant.

Les agents de l’équipe d’intervention d’urgence sont entrés dans la maison vers 14 h 45 et ont trouvé le corps inanimé du plaignant, assis sur un sofa dans le salon. Le plaignant tenait un pistolet semi-automatique Smith and Wesson de calibre .40 dans sa main droite.

Cause du décès


Le médecin légiste ayant procédé à l’autopsie a indiqué que le décès du plaignant était attribuable à une blessure par balle intrabuccale.

Dispositions législatives pertinentes

Les articles 219 et 220 du Code criminel -- Négligence criminelle ayant causé la mort

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. 
(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 10 mai 2020, le plaignant est décédé dans sa maison d’une blessure par balle qu’il s’est lui-même infligée. Puisque des agents de police s’étaient rendus à la résidence du plaignant pour vérifier s’il allait bien ce matin-là et étaient peut-être présents près de la maison au moment où le plaignant s’est tiré une balle, l’UES a mené une enquête. L’AI, un membre du Service de police régional de North Bay, a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec le décès du plaignant.

La seule infraction à prendre en considération dans cette affaire serait la négligence criminelle ayant causé la mort contraire aux exigences de l’article 220 du Code criminel. Le fait qu’il y ait ou non infraction dépend en partie de l’existence d’une conduite représentant un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation.

Il n’y a pas d’indication dans les éléments de preuve portant à croire que la conduite de l’AI a pu s’apparenter à de la négligence criminelle. Compte tenu des renseignements dont ils disposaient au sujet des armes à feu du plaignant et de ses récentes idées suicidaires, l’AI et les agents sous ses ordres ont fait preuve de prudence en sécurisant les lieux et en érigeant un périmètre autour de la maison avant d’essayer d’établir un contact. Par conséquent, je ne peux blâmer les agents d’avoir continué d’essayer d’engager la conversation avec le plaignant à distance par téléphone. De plus, la décision de déployer l’équipe d’intervention d’urgence environ deux heures après l’arrivée sur les lieux des premiers agents semble avoir été une tactique raisonnable. Même s’il a fallu un certain temps avant que les agents d’intervention tactique se mobilisent sur les lieux, le délai était minime et probablement inévitable puisqu’il était de plus en plus probable que les agents allaient devoir entrer dans la maison et que, une fois à l’intérieur, les armes à feu représentaient un risque réel. Lorsque le corps du plaignant a été trouvé dans la maison, on s’est empressé de prodiguer des soins médicaux même si le plaignant semblait déjà mort.

Il est difficile de déterminer si l’AI ou les autres agents qui se sont rendus sur les lieux auraient pu faire quoi que ce soit pour empêcher le plaignant de s’enlever la vie. Autrement dit, il est fort possible que le plaignant se soit infligé sa blessure mortelle avant que les agents de police soient dépêchés ou arrivent à sa maison. Quoi qu’il en soit, comme je ne peux raisonnablement conclure que l’opération policière qui s’est déroulée à proximité et à l’intérieur de la maison du plaignant a été réalisée de façon non professionnelle et sans que la santé et la sécurité du plaignant soient prises en compte, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire. Le dossier est donc clos.

Date : 25 janvier 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.