Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PCI-128

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 30 ans (« le plaignant »)

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 juin 2020, à 2 h 50 du matin, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES et lui a signalé que le 2 juin 2020 vers 23 h, le plaignant avait subi une blessure grave lors d’une interaction avec des agents de la Police provinciale.

Le 2 juin 2020, vers 20 h 30, des agents de la Police provinciale ont répondu à un appel sur County Road 4, dans le canton de Loyalist. À leur arrivée, le plaignant s’est enfui d’une maison en courant vers un boisé voisin. Plusieurs agents de l’Équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU) et un chien de police de la Police provinciale se sont lancés à sa recherche. Vers 23 h, le plaignant a été repéré dans une zone marécageuse. Au cours de l’interaction subséquente avec les agents de police, le plaignant a subi une grave morsure de chien au mollet gauche. Le plaignant a été conduit à l’Hôpital général de Kingston où il a été soigné pour des perforations et des déchirures cutanées causées par les morsures. Le plaignant aurait également besoin d’une intervention chirurgicale pour retirer des éclats d’os de sa jambe.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
 

Plaignant :

Homme de 30 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans le boisé bordant une propriété sur County Road 4, à Odessa.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, sur demande, la Police provinciale :
  • Notes des agents témoins;
  • Rapport général – voies de fait;
  • Résumé de l’incident;
  • Dossiers de formation du chien de police et de l’AI;
  • Carte de piste de chien policier, AT no 1;
  • Carte de piste de chien policier, AT no 3.

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

Sur demande, l’UES a obtenu auprès d’une autre source les documents suivants :
  • Dossiers médicaux du plaignant.

Description de l’incident

Les événements importants en question sont clairs d’après la prépondérance des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec le plaignant, avec l’AI et avec trois agents témoins qui ont participé à l’arrestation. Peu après 20 h 30, la Police provinciale a reçu un appel au 9-1-1 au sujet d’un incident de violence. L’appelant a dit que le plaignant venait de renverser une femme avec son véhicule. Selon cet appel, l’incident s’était déroulé aux environs d’une résidence de County Road 4, à Odessa. D’après des renseignements obtenus par la suite, le plaignant avait abandonné le véhicule sur la propriété et s’était enfui à pied dans les bois environnants. Des agents de police, dont des membres de l’EIU et un maître-chien (l’AI) de la Police provinciale, ont été dépêchés sur les lieux.

Les agents de l’EIU et l’AI ont commencé à arriver sur les lieux vers 21 h 30. Vers 21 h 45, une fois un périmètre de sécurité mis en place, l’AI, l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3 se sont lancés à la recherche du plaignant. Les agents ont suivi le chien vers l’est, dans un boisé. Leur piste a continué vers le sud-ouest à travers la forêt sur une certaine distance, puis vers le nord-ouest.

Vers 23 h, le chien a repéré le plaignant et l’a mordu au mollet gauche. Couché sur le sol, le plaignant s’était dissimulé dans une ouverture entre deux rochers. Le plaignant a crié de douleur et a tenté de repousser le chien. Le chien semble avoir mordu le plaignant au moins deux fois à la jambe avant que l’AI n’arrive à cet endroit et ordonne au chien de lâcher prise. Les agents de l’EIU ont menotté le plaignant et l’ont escorté jusqu’à une voiture de police, qui l’a ensuite transporté jusqu’à une ambulance qui attendait dans le secteur.

Le plaignant a été amené à l’hôpital où on l’a soigné pour des blessures graves, dont des perforations et lacérations au bas de la jambe gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 2 juin 2020, le plaignant a subi des blessures graves à la jambe gauche lorsqu’il a été mordu par un chien policier au cours de son arrestation. Le maître-chien a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les policiers sont exonérés de toute responsabilité criminelle lorsqu’ils ont recours à la force dans l’exécution de leurs fonctions, pour autant que cette force n’excède pas ce qui est raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire en vertu de la loi. Je suis convaincu qu’étant donné les renseignements dont ils disposaient, les agents agissaient légalement en procédant à l’arrestation du plaignant pour l’agression qu’il avait apparemment commise contre une femme.

Je suis en outre convaincu, pour des motifs raisonnables, que le recours au chien policier et les blessures par morsure que le chien a infligées au plaignant restaient dans des limites de la justification légale. Il ne fait aucun doute que l’utilisation du chien équivalait à un recours sérieux à la force qui a causé de graves blessures à la jambe gauche du plaignant. Cela dit, les circonstances étaient telles que les agents avaient raison de s’inquiéter pour leur sécurité personnelle et voulaient aborder le plaignant à distance. À leur connaissance, le plaignant venait de commettre un acte de violence grave contre une femme en la frappant avec un véhicule. Ils savaient également que le plaignant avait été libéré par voie judiciaire la semaine précédente à la suite d’une accusation de voies de fait. La nuit était tombée et les agents cherchaient le plaignant dans un boisé dense sur un terrain accidenté. La situation exigeait une grande prudence. De plus, selon les éléments de preuve, le plaignant a tenté d’écarter le chien, ce qui a très probablement causé les multiples morsures qu’il a subies parce que le chien s’efforçait de maintenir sa prise. De son propre aveu, l’AI n’a pas ordonné immédiatement au chien de lâcher prise, car il était initialement seul avec le plaignant. Il avait également remarqué la présence d’un objet sous le corps du plaignant et craignait que ce soit une arme. Même si ce retard a vraisemblablement causé une blessure supplémentaire au plaignant, je suis convaincu que les craintes de l’agent et sa décision étaient raisonnables dans les circonstances. En fait, lorsque les agents ont relevé le plaignant, ils ont découvert une lampe de poche sur le sol.

En conséquence, comme il n’y a pas suffisamment de preuves à mon avis pour conclure raisonnablement que l’AI s’est conduit autrement que légalement tout au long de son interaction avec le plaignant, il n’y a aucun fondement pour des accusations criminelles contre lui. Le dossier est donc clos.


Date : 18 janvier 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.