Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-167

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure subie par un homme de 23 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 7 juillet 2020, une femme a téléphoné à l’UES pour signaler que son frère, le plaignant, avait subi une blessure grave durant une interaction avec des agents du Service de police de Stratford le 27 juin 2015. Le plaignant marchait le long de la voie ferrée en revenant du travail lorsque deux agents du Service de police de Stratford se sont approchés de lui. [L’un des agents a été identifié comme l’agent impliqué (AI) no 1.] Le plaignant a continué de marcher sans prêter attention aux agents de police, qui lui ont alors donné des coups de poing à la tête, l’ont plaqué au sol et ont exercé une pression sur son visage pendant qu’il était au sol.

Les agents de police ont mis le plaignant sous garde et l’ont amené au poste de police, où il a reçu une contravention pour une infraction à la Loi sur la sécurité ferroviaire et a été accusé d’avoir résisté à son arrestation, ce qui est interdit par le Code criminel.

Le lendemain, le plaignant s’est rendu à l’Hôpital général de Stratford, où il a été vu par un médecin. Le plaignant a reçu un diagnostic de commotion, de coupures au visage et d’œil poché.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

Homme; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées



Éléments de preuve

Les lieux

Comme l’incident est survenu il y a longtemps, personne ne s’est rendu sur les lieux pour procéder à un examen. L’emplacement concerné, une gare de VIA Rail, était à l’adresse municipale 101, rue Shakespeare, à Stratford, entre la rue Front et la rue Nile. L’immeuble de la gare se trouvait au nord de la cour de la Goderich-Exeter Railway Company, laquelle était couverte de gravier grossier comme on en trouve habituellement dans une cour ferroviaire et aménagée pour la manœuvre et l’entreposage de matériel ferroviaire, de véhicules et de marchandises. La propriété comprenait également de nombreuses annexes utilisées à diverses fins industrielles.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques


Sommaire de l’enregistrement vidéo de l’entrevue réalisée avec le plaignant dans le cadre du Programme de déjudiciarisation pour adultes après sa condamnation


À l’issue de la comparution devant la cour criminelle de Stratford, l’accusation de résistance à l’arrestation a été retirée [1], à la condition que le plaignant participe au Programme de déjudiciarisation pour adultes ainsi qu’à une entrevue sur l’affaire. Le plaignant a été interrogé par un sergent-détective.

L’entrevue entre le sergent-détective et le plaignant a eu lieu le 6 novembre 2015; elle a commencé à 15 h 59 [2] et s’est terminée à 16 h 30. Durant l’entrevue, le plaignant a relaté ce dont il se souvenait des événements du 27 juin 2015, et le sergent-détective a expliqué pourquoi le plaignant avait été arrêté et ce que celui-ci aurait pu faire différemment pour éviter une arrestation.

La version des faits du plaignant concernant son arrestation concordait avec les renseignements qu’il avait fournis à l’UES. Dans la vidéo de l’entrevue, le plaignant a raconté qu’il se trouvait sur le terrain appartenant à la compagnie de chemin de fer lorsque l’AI no 1 est allé lui parler et qu’il savait que l’AI no 1 était un agent de police. L’AI no 1 a demandé au plaignant de décliner son identité, et celui-ci a répondu qu’il n’était pas obligé de le faire et s’est éloigné.

Le plaignant était profondément convaincu qu’il n’était en aucun cas obligé de parler à un agent de police et il a refusé de s’identifier à plusieurs reprises.

Lorsque l’AI no 1 a demandé au plaignant de se retourner et de mettre les mains derrière le dos, le plaignant a répondu : [Traduction] « Non ». C’est alors que l’AI no 1 a demandé des renforts et que l’AI no 2 est arrivé. Les trois hommes ont lutté sans que le plaignant comprenne pourquoi les agents de police voulaient qu’il fasse ce qu’ils lui demandaient. Le plaignant a été jeté au sol, et un agent de police [maintenant identifié comme l’AI no 2] lui a donné des coups de poing sur le côté du visage et lui a dit de cesser de lutter.

Le plaignant a obtempéré, et les agents de police lui ont passé les menottes et l’ont mis dans une voiture de police. Il a été conduit au poste de police, où il a attendu dans une salle d’entrevue.

Le plaignant a expliqué que s’il n’avait pas répondu aux questions de l’agent de police, c’est que sa mère lui avait dit de ne pas parler à la police, mais il ignorait pourquoi elle lui avait dit cela. De plus, le plaignant était amateur d’émissions policières et ne voulait pas parler à la police pour éviter d’avoir des ennuis; il croyait qu’on s’attirait des ennuis quand on parlait à la police.

Le sergent-détective a expliqué que le fait qu’un agent de police veuille parler à quelqu’un ne signifiait pas nécessairement qu’il y avait un problème.

Le plaignant a expliqué de nouveau qu’il était mal à l’aise de parler aux gens (à cause de ses problèmes de santé) et qu’il persistait à croire qu’il ne faisait rien de mal ce soir-là.

Le plaignant a reconnu, après les explications du sergent-détective, qu’il aurait dû dire aux agents de police qui il était. Ils auraient alors pu discuter, et l’arrestation n’aurait peut être pas été nécessaire.

Le sergent-détective a parlé au plaignant du rôle qu’ont les agents de police en tant que personnes et protecteurs de la sécurité publique. Le plaignant a manifesté de la frustration et a expliqué que dans sa tête, il savait ce qu’il voulait dire mais avait de la difficulté à communiquer. Il n’aimait pas parler aux gens et cela le mettait mal à l’aise.

Le sergent-détective a rassuré le plaignant et lui a dit être attristé par la façon dont les choses s’étaient passées. Le plaignant a indiqué qu’il était maintenant au courant que le fait de marcher sur la voie ferrée constituait une infraction. Le sergent-détective a mentionné au plaignant qu’il était important de dire aux gens qu’il avait des problèmes de santé qui rendaient ses interactions avec les autres difficiles. Le plaignant a reconnu que sa nervosité durant ses interactions avec d’autres personnes empirait les choses.

Sommaire des enregistrements vidéo des installations du Service de police de Stratford


Les installations du Service de police de Stratford étaient dotées de caméras de surveillance. Des images de l’aire de transfert, de l’escalier de l’aire de transfert, du couloir principal et de la salle de fouille ont été captées.

Aire de transfert 

À 23 h 10 min 29 s, le plaignant a été escorté par les AI nos 1 et 2 de la banquette arrière du côté passager de la voiture de police de l’AI no 1 jusqu’à l’escalier de l’aire de transfert. Le plaignant était coopératif. Ses mains étaient menottées derrière son dos, et il y avait de la saleté ou de la boue sur les jambes de son pantalon et sa veste. On pouvait voir une blessure du côté droit du visage du plaignant ainsi que de la saleté ou de la boue sur les deux côtés de son visage.

À 0 h 38 min 55 s, le plaignant est entré dans l’aire de transfert suivi des AI nos 1 et 2. Le plaignant avait les mains menottées devant le corps. Il a été accompagné jusqu’à la banquette arrière du côté passager de la voiture de police de l’AI no 1. Ce dernier s’est assis sur le siège du conducteur et a quitté le poste de police avec le plaignant.

À 1 h 11 min, le plaignant est sorti par la portière arrière du côté passager de la voiture de police de l’AI no 1 et, les mains menottées devant le corps, s’est dirigé vers l’escalier de l’aire de transfert suivi de l’AI no 1.

À 1 h 19 min 55 s, le plaignant est entré dans l’aire de transfert avec son sac à dos et s’est dirigé vers la banquette arrière du côté passager de la voiture de police de l’AI no 1.

À 1 h 20 min 29 s, le plaignant et l’AI no 1 ont quitté les installations du Service de police.

Escalier de l’aire de transfert

À 23 h 10 min 36 s, le plaignant a monté l’escalier, escorté par l’AI no 1. Il y avait du sang et de la boue du côté droit du visage du plaignant et sur son front. Il y avait aussi de la saleté du côté gauche de son visage et sur son menton. On pouvait voir de la saleté sur le devant des jambes de son pantalon ainsi que sur sa veste, sa chemise et ses chaussures. Le plaignant et l’AI no 1 étaient suivis de l’AI no 2 et d’un agent de police non identifié.

À 0 h 38 min 50 s, le plaignant, suivi des AI nos 1 et 2, a descendu l’escalier pour se rendre dans l’aire de transfert.

À 1 h 11 min 6 s, le plaignant, les mains menottées devant le corps, a monté l’escalier suivi de l’AI no 1.

À 1 h 19 min 51 s, le plaignant a descendu l’escalier avec son sac à dos, suivi de l’AI no 1.

Couloir principal

À 23 h 10 min 48 s, le plaignant, qui arrivait par l’escalier de l’aire de transfert, est entré dans le couloir principal escorté par l’AI no 1, suivi de l’AI no 2. Le plaignant a été amené dans la salle de fouille. À 23 h 11 min 1 s, la porte de la salle de fouille s’est fermée. On entendait des voix, mais les paroles étaient inintelligibles. À 23 h 15 min 16 s, l’AI no 2 est sorti de la salle de fouille en poussant les chaussures du plaignant à l’extérieur. À 23 h 15 min 24 s, l’AI no 1 est sorti de la salle de fouille et a verrouillé la porte.

À 1 h 22 min 36 s, un troisième agent de police s’est approché de la porte de la salle de fouille avec l’AI no 1. Les deux agents ont discuté des problèmes de santé mentale, et l’agent de police non identifié a dit : [Traduction] « Oh mon Dieu, est-ce plus grave que ça en a l’air? » L’AI no 1 a pointé son propre front du doigt et a expliqué que le plaignant avait une bosse et du sang du côté droit du front parce qu’il était tombé sur le gravier. Le troisième agent de police a demandé à l’AI no 1 s’il avait découvert où le plaignant allait et quelle était son adresse. Les réponses de l’AI no 1 étaient inaudibles. À ce moment-là, l’AI no 2 se trouvait dans le couloir principal, et le troisième agent de police a demandé si le plaignant était ivre. L’AI no 1 a répondu : [Traduction] « Non, il ne semble pas l’être. » Le troisième agent de police a proposé que l’AI no 1 donne des serviettes de table et de l’eau au plaignant pour qu’il se nettoie, et tous les agents de police ont quitté le couloir principal.

À 23 h 25 min 39 s, le troisième agent a déverrouillé la salle de fouille et y est entré avec des serviettes dans la main. Il a dit au plaignant qu’il avait [Traduction] « quelques chiffons au cas où il voulait s’essuyer ». À 23 h 25 min 52 s, l’agent est sorti de la salle de fouille et a verrouillé la porte.

À 23 h 26 min 11 s, l’agent a pénétré dans la salle de fouille avec un bac à déchets et, à 23 h 26 min 54 s, il est ressorti et a demandé au plaignant de lui dire s’il avait besoin de plus de serviettes mouillées.

À 23 h 34 min 54 s, l’AI no 1 est entré dans la salle de fouille et a dit au plaignant qu’il avait l’avocat de service au téléphone. À 23 h 35 min 12 s, l’AI no 1 est sorti de la salle de fouille, à arrêté l’enregistrement audio et a verrouillé la porte.

À 23 h 52 min 18 s, le troisième agent a demandé au plaignant s’il avait besoin de quoi que ce soit, et celui-ci a répondu que tout allait bien.

À 0 h 21 min 21 s, l’AI no 2 est entré dans la salle de fouille avec une caméra numérique, puis il est ressorti en verrouillant la porte à 0 h 22 min 50 s.

À 0 h 27 min 21 s, le troisième policier a pénétré dans la salle de fouille; il en est ressorti à 0 h 27 min 58 s et a rejoint l’AI no 1. Il a demandé à l’AI no 1 de conduire le plaignant à l’hôpital avant qu’il soit relâché pour s’assurer qu’il n’avait pas de fracture. Les deux agents ont discuté des papiers à remplir pour relâcher le plaignant et le troisième agent a indiqué que le plaignant [Traduction] « avait une grosse entaille et ne saignait pas tellement mais pourrait avoir besoin de quelques points de suture ».

À 0 h 37 min 36 s, l’AI no 1 est entré dans la salle de fouille tandis que l’AI no 2 restait debout dans le couloir principal. L’AI no 1 a annoncé au plaignant qu’il serait conduit à l’hôpital et que par la suite, il serait ramené au poste de police pour la paperasse. À 0 h 38 min 39 s, le plaignant est sorti de la salle de fouille et il a marché dans le couloir principal, avec à sa suite les AI nos 1 et 2.

À 1 h 11 min 18 s, le plaignant, avec les mains menottées devant le corps, a marché le long du couloir principal avec l’AI no 1 et il est entré dans la salle de fouille. L’AI no 1 est sorti et a verrouillé la porte. À 1 h 13 min 12 s, le troisième agent et l’AI no 1 ont pénétré dans la salle de fouille avec la paperasse. Le troisième agent a dit au plaignant : [Traduction] « Nous avons les documents à remplir pour te faire sortir d’ici, OK? » À 1 h 19 min 10 s, l’AI no 1, le plaignant et le troisième agent sont sortis de la salle de fouille. Le troisième agent a dit qu’il se sentait mieux depuis que le plaignant était allé à l’hôpital et qu’il savait que [Traduction] « tout allait bien ». Le plaignant a dit « OK ». L’AI no 1 et le plaignant ont marché jusqu’au bout du couloir principal.

Salle de fouille

À 23 h 10 min 58 s, le plaignant et les AI nos 1 et 2 sont entrés dans la salle de fouille. Le plaignant avait les mains menottées derrière le dos et on l’a assis sur une chaise. L’AI no 1 a avisé le plaignant qu’il y avait dans la salle une caméra en marche pour enregistrer le son et les images, et le plaignant a dit qu’il comprenait. L’AI no 1 a informé le plaignant qu’il avait été arrêté pour avoir enfreint la Loi sur la sécurité ferroviaire et pour avoir refusé de décliner son identité. Le plaignant a dit qu’il comprenait et qu’il voulait appeler son avocat. L’AI no 1 a lu au plaignant son droit à l’assistance d’un avocat garanti par la Charte et lui a fait la deuxième mise en garde. Le plaignant a indiqué qu’il comprenait et a demandé que quelqu’un appelle sa mère. Il a également demandé qu’on appelle l’aide juridique. L’AI no 1 a expliqué qu’avant d’être libéré, le plaignant devait fournir à la police son nom complet, sa date de naissance et son adresse. Le plaignant a dit qu’il comprenait et, à 23 h 12 min 52 s, il a décliné son identité.

L’AI no 1 a dit au plaignant que, s’il s’était identifié plus tôt au lieu de résister et de donner des coups de poing aux policiers, il n’aurait eu qu’une contravention.

Les AI nos 1 et 2 ont fouillé le plaignant et ont discuté de ses antécédents criminels. On lui a retiré ses menottes et on a pris ses chaussures. À 23 h 15 min 13 s, les AI nos 1 et 2 sont sortis de la salle de fouille.

À 23 h 25 min 38 s, le troisième agent de police est entré dans la salle de fouille, a donné des lingettes au plaignant pour qu’il essuie la boue sur son visage et est sorti. Il est revenu à 23 h 26 min 16 s avec un bac à déchets tandis que le plaignant enlevait la saleté sur son visage. L’agent de police a offert au plaignant d’utiliser le lavabo, mais celui-ci a refusé en disant qu’il prendrait une douche une fois rentré chez lui.

À 23 h 34 min 56 s, l’AI no 1 est entré dans la salle de fouille et a dit au plaignant qu’il avait l’avocat de service au téléphone et que celui-ci voulait lui parler. L’AI no 1 a pris le téléphone et l’a donné au plaignant. Il a ensuite dit au plaignant d’attendre qu’il soit sorti pour parler. Le son de l’enregistrement vidéo a été coupé pour permettre au plaignant de s’entretenir en privé avec l’avocat de service. Le plaignant est resté assis sur sa chaise une fois l’appel terminé.

À 0 h 21 min 22 s, l’AI no 2 est entré dans la salle et a pris des photographies du visage et de la tête du plaignant.

À 0 h 27 min 23 s, le troisième agent de police est entré dans la salle de fouille et a examiné la blessure au visage du plaignant; les deux hommes semblaient se parler. Le plaignant a montré d’un geste le côté gauche de sa tête. À 0 h 27 min 56 s, l’agent de police a quitté la salle.

À 0 h 37 min 40 s, l’AI no 1 est entré dans la salle de fouille et a redonné ses chaussures au plaignant. À 0 h 37 min 54 s, l’AI no 2 est entré dans la salle à son tour avec la carte Santé du plaignant. Ce dernier semblait répondre aux questions et l’AI no 2 est sorti. L’AI no 1 a menotté le plaignant les mains devant le corps et, à 0 h 38 min 39 s, le plaignant et l’AI no 1 sont sortis de la salle de fouille.

À 1 h 11 min 23 s, le plaignant et l’AI no 1 sont revenus dans la salle; l’AI no 1 a retiré les menottes du plaignant et est sorti.

À 1 h 13 min 14 s, l’AI no 1 et le troisième agent de police sont entrés dans la salle avec les documents de mise en liberté du plaignant. L’AI no 1 a expliqué l’avis d’infraction provinciale délivré en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire et a indiqué au plaignant qu’il était dangereux de marcher sur la voie ferrée. En outre, l’AI no 1 a expliqué au plaignant que s’il avait fourni une pièce d’identité lorsqu’on le lui avait demandé, son arrestation n’aurait pas été nécessaire. Le troisième agent de police lui a dit la même chose en ajoutant que le plaignant avait résisté à son arrestation, que d’autres agents de police s’étaient rendus sur place et que le plaignant avait été blessé. L’agent a indiqué au plaignant que sa mère pouvait téléphoner si elle avait des questions, mais qu’il espérait que le plaignant prendrait ses responsabilités et raconterait à sa mère exactement ce qui s’était passé sans inventer d’histoire. Il trouvait regrettable ce qui était arrivé. Il a expliqué au plaignant l’accusation de résistance à son arrestation et a examiné les documents de mise en liberté avec lui. Il lui a dit que l’AI no 1 pouvait le ramener chez lui s’il le voulait et le plaignant a accepté. À 1 h 19 min 9 s, l’AI no 1, le plaignant et le troisième agent de police sont sortis de la salle de fouille.

Résumé des dispositions de la Loi sur la sécurité ferroviaire et du pouvoir d’arrestation

Le plaignant a d’abord fait l’objet d’une enquête et a fini par être arrêté pour avoir enfreint l’article 26.1 de la Loi sur la sécurité ferroviaire : « Il est interdit de pénétrer, sans excuse légitime, sur l’emprise d’une ligne de chemin de fer. »

Les deux agents impliqués ont invoqué le pouvoir d’arrestation accordé par l’alinéa 495(1)a) du Code criminel, vu qu’aucune restriction prévue à l’alinéa 495(2)d)(i) du Code criminel ne s’applique.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Stratford :
  • les vérifications faites auprès du Centre d’information de la police canadienne;
  • les détails du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le sommaire du DVD de l’entrevue avec le plaignant réalisée le 6 novembre 2015;
  • le DVD de l’entrevue avec le plaignant;
  • les enregistrements vidéo du poste de police et de l’aire de transfert;
  • les notes de l’AI no 2;
  • les rapports d’incident;
  • les ordonnances générales du Service de police de Stratford concernant l’arrestation, le bloc cellulaire et la maîtrise des prisonniers et les soins à prodiguer à ceux-ci;
  • l’ordonnance générale du Service de police de Stratford concernant l’usage de la force;
  • le profil individuel du plaignant;
  • le protocole d’entente entre le Service de police de Stratford et Goderich-Exeter Railway;
  • le registre de formation de l’AI no 1;
  • le registre de formation de l’AI no 2.

Éléments obtenus d’autres sources

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents suivants de sources autres que la police :
  • les dossiers médicaux de l’Hôpital général de Stratford;
  • les dossiers médicaux et les photographies de la blessure fournis par la famille du plaignant.

Description de l’incident

Les événements se sont déroulés comme suit d’après le poids des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les déclarations du plaignant et des deux agents impliqués. Juste avant 23 h, le 27 juin 2015, l’AI no 1 patrouillait dans sa voiture de police lorsque le plaignant a retenu son attention. Celui-ci marchait sur la voie ferrée, à l’intersection de la rue McKenzie avec la rue Cambria, ce qui constituait d’après l’agent une infraction à la Loi sur la sécurité ferroviaire. L’AI no 1 a continué à surveiller le plaignant. Il s’inquiétait pour sa sécurité, au cas où un train passerait, puisque le plaignant portait des vêtements foncés et avait de gros écouteurs sur les oreilles.

Dans le stationnement de la gare Via Rail, l’AI no 1 s’est garé près du plaignant et est sorti de sa voiture. Il a expliqué au plaignant qu’il enfreignait la Loi sur la sécurité ferroviaire ainsi que la Loi sur l’entrée sans autorisation. Après un moment où le plaignant refusait de parler à l’agent, il a été avisé qu’il serait arrêté s’il ne s’identifiait pas. Comme il continuait de refuser de s’identifier, le plaignant a été avisé qu’il était en état d’arrestation.

L’AI no 1 a demandé des renforts par radio et l’AI no 2 n’a pas tardé à arriver dans le stationnement. Lorsque les agents lui ont attrapé les bras, le plaignant a tenté de leur échapper. Debout, les agents et le plaignant se sont engagés dans une brève lutte d’environ dix secondes, après laquelle les AI nos 1 et 2 ont plaqué le plaignant au sol. Celui-ci a continué à lutter avec les agents pendant qu’ils tentaient de lui passer les menottes, et l’AI no 2 lui a alors donné un seul coup à la tête avec sa main. Les agents ont ensuite réussi à attraper les bras du plaignant et à le menotter.

Après son arrestation, le plaignant a été conduit au poste de police, puis à l’hôpital, car il saignait à la tête. Il a été traité à l’hôpital, puis remis sous la garde des policiers, qui l’ont ramené au poste de police. Le plaignant a par la suite été accusé d’avoir résisté à son arrestation et il a été relâché, avec promesse de comparaître.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été examiné par son médecin de famille le 28 juin 2015 et celui-ci a diagnostiqué une commotion légère. Le jour d’avant, le plaignant avait été arrêté par deux agents du Service de police de Stratford. Le 7 juillet 2020, les membres de la famille du plaignant ont communiqué avec l’UES pour signaler que la blessure du plaignant résultait de la force exercée par les agents durant l’arrestation survenue le 27 juin 2015. L’UES a entrepris une enquête et a désigné les agents ayant procédé à l’arrestation, soit les AI nos 1 et 2, comme les agents impliqués. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation du plaignant et sa blessure.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Je considère que les AI nos 1 et 2 étaient dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont entrepris d’arrêter le plaignant. De fait, le plaignant a par la suite plaidé coupable à l’accusation d’entrée sans autorisation en relation avec les événements qui ont donné lieu à son arrestation. Ce qu’il faut déterminer, c’est le bien-fondé de la force employée par les agents pour procéder à l’arrestation du plaignant.

Puisque le plaignant a franchement admis qu’il avait résisté à son arrestation pendant qu’il était debout en tentant de se dégager des deux agents, il ne m’est pas possible de conclure de manière raisonnable que les AI nos 1 et 2 ont fait usage d’une force excessive en plaquant le plaignant au sol. À mon avis, il s’agissait d’un moyen raisonnable pour les agents de vaincre de façon rapide et sécuritaire la résistance du plaignant et de le dissuader de continuer à lutter au sol compte tenu de la position désavantageuse dans laquelle il se trouvait. Le même raisonnement s’applique au coup donné par l’AI no 2 avec la main après une courte lutte au sol avec le plaignant.

En définitive, même si je conviens que la commotion du plaignant résulte de la force employée contre lui durant son arrestation, que ce soit le placage au sol ou le coup donné avec la main, il n’existe pas de motifs suffisants de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a agi de manière illégale. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 11 janvier 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) L’accusation portée en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire a aussi été retirée, et une nouvelle accusation a été portée pour une infraction à la Loi sur l’entrée sans autorisation, à laquelle le plaignant a plaidé coupable. [Retour au texte]
  • 2) La date et l’heure indiquées sur l’enregistrement étaient inexactes; il y avait une heure d’avance par rapport à l’heure réelle. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.