Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TCI-311
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 24 ans le 23 octobre 2017.
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 24 ans le 23 octobre 2017.
L’enquête
Notification de l’UES
L’UES a été avisée de l’incident le 27 octobre 2017 par un membre du Service de police de Toronto (SPT) qui a signalé que le plaignant, âgé de 24 ans, avait subi une blessure lors de son arrestation le 23 octobre 2017.Le membre du SPT a précisé que des membres du Groupe d’intervention d’urgence (GIU) du SPT étaient entrés en force dans une résidence de North York le lundi 23 octobre 2017 à 23 h 26. Le GIU exécutait un mandat de perquisition à cette adresse en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Le plaignant a été plaqué au sol et a subi une fracture nasale. Il a été emmené par la suite à l’hôpital Humber River pour y recevoir des soins.
Le membre du SPT a expliqué que la notification tardive de cette affaire résultait d’un problème de communication. À l’origine, on pensait que le plaignant n’avait eu qu’un saignement de nez. Le membre du SPT a avisé l’UES lorsqu’il a appris que le plaignant avait eu le nez fracturé.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 7 Le 30 octobre 2017, deux enquêteurs de l’UES ont mené une entrevue avec le plaignant et obtenu son consentement signé à la divulgation de son dossier médical.
L’UES a désigné des agents témoins (AT) et a d’abord interrogé tous les membres de la brigade des stupéfiants de Toronto (BST) du SPT pour tenter d’identifier le ou les éventuels agents impliqués (AI). Cet effort s’est avéré infructueux.
L’UES a ensuite commencé à mener des entrevues avec les membres du GIU qui semblaient avoir participé à l’opération, mais n’avaient pas eu affaire au plaignant. Ces entrevues avec le GIU ont été organisées de manière séquentielle, en commençant par les agents qui étaient intervenus le moins directement (d’après leurs notes de service) et en terminant par ceux les plus susceptibles d’avoir causé la blessure. Au bout du compte, l’UES a interrogé presque tous les agents intervenus dans cet incident. Comme l’enquête n’a pas permis d’identifier l’agent qui a causé la blessure du plaignant, l’UES n’a désigné aucun agent impliqué dans cette affaire.
Plusieurs membres de la famille du plaignant étaient présents lorsque le GIU est entré dans la résidence. Ils ont dit à l’UES qu’ils ne pouvaient pas voir le plaignant lors de l’incident parce que les policiers pointaient leurs armes à feu dans leur direction en criant. Ils n’ont pas vu ce qui arrivait au plaignant.
Les policiers ont trouvé plusieurs personnes dans le garage à l’arrière de la maison lors de l’exécution du mandat. Les enquêteurs de l’UES ne les ont pas interrogés, car elles ne sont pas entrées dans la maison et n’ont donc pas pu observer ce qui se passait à l’intérieur.
Plaignant :
Homme de 24 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinésTémoins civils
TC no 1 A participé à une entrevueTC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue
AT no 8 A participé à une entrevue
AT no 9 A participé à une entrevue
AT no 10 A participé à une entrevue
AT no 11 A participé à une entrevue
AT no 12 A participé à une entrevue
AT no 13 A participé à une entrevue
AT no 14 A participé à une entrevue
AT no 15 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 16 A participé à une entrevue
AT no 17 A participé à une entrevue
AT no 18 A participé à une entrevue
AT no 19 A participé à une entrevue
AT no 20 A participé à une entrevue
AT no 21 A participé à une entrevue
AT no 22 A participé à une entrevue
AT no 23 A participé à une entrevue
AT no 24 A participé à une entrevue
AT no 25 A participé à une entrevue
AT no 26 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 27 A participé à une entrevue
AT no 28 A participé à une entrevue
AT no 29 A participé à une entrevue
AT no 30 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 31 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 32 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 33 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 34 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 35 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 36 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
Les notes de tous les agents témoins ont été examinées. La participation de l’AT no 3 et de l’AT no 15 à cet incident a été décrite par d’autres membres du groupe d’intervention d’urgence (GIU), et leurs notes ne suggéraient aucun contact avec le plaignant. Par conséquent, il ne leur a pas été demandé de participer à une entrevue. L’AT no 26 est un maître-chien de l’escouade canine, et il n’est pas entré dans la résidence. D’autres agents de police sont intervenus dans le placement sous garde du plaignant après son transfert à l’hôpital. Il ne leur pas été demandé de participer à une entrevue.
Description de l’incident
Le 23 octobre 2017, vers 23 h 19, le GIU et la BST du SPT ont exécuté un mandat de perquisition au domicile du plaignant, à Toronto. Plusieurs agents du SPT portant des uniformes similaires sont entrés dans la maison et ont déployé un dispositif de distraction. Le plaignant a été trouvé dans un couloir et a reçu l’ordre de s’allonger au sol, tandis que des agents du SPT sécurisaient la maison. Le plaignant a obéi et est resté allongé à plat ventre jusqu’à ce qu’il soit menotté.
Le plaignant avait des blessures au côté gauche du visage; il a été conduit en ambulance à l’hôpital Humber River (HRH) où l’on a constaté qu’il avait de multiples fractures au nez. Il est allégué que les blessures ont été causées par un agent du SPT – dont on ignore l’identité – qui aurait donné un coup de pied au côté gauche du visage du plaignant alors qu’il était étendu par terre comme on le lui avait ordonné.
Le plaignant avait des blessures au côté gauche du visage; il a été conduit en ambulance à l’hôpital Humber River (HRH) où l’on a constaté qu’il avait de multiples fractures au nez. Il est allégué que les blessures ont été causées par un agent du SPT – dont on ignore l’identité – qui aurait donné un coup de pied au côté gauche du visage du plaignant alors qu’il était étendu par terre comme on le lui avait ordonné.
Éléments de preuve
Les lieux
Le domicile du plaignant est une petite maison individuelle, avec une marche surélevée à l’entrée principale. L’allée se trouve à gauche de la maison, et une porte latérale permet d’entrer dans la maison depuis l’allée pour se rendre soit au rez-de-chaussée, soit au sous-sol. Au bout de l’allée, il y a un garage détaché de la maison.Quand on entre dans la maison par la porte principale, on trouve d’abord un petit couloir d’environ deux mètres de long. Une fois passé ce petit couloir, il y a un salon sur la droite et la cuisine directement devant. Quand on traverse la petite cuisine, il y a une petite marche sur la droite, puis un couloir menant aux chambres à coucher à l’arrière de la maison. Le couloir arrière fait environ quatre mètres de long. Lorsqu’on entre dans ce couloir arrière, il y a, sur la gauche, une porte d’accès au sous-sol, puis la porte de la salle de bain. Il y a une chambre à droite et deux autres chambres au bout du couloir.
Juste à l’intérieur de l’entrée principale de la maison, les enquêteurs ont trouvé de la suie et un carreau brisé sur le sol du couloir, ce qui est compatible avec un dispositif de distraction déployé à cet endroit.
Éléments obtenus auprès du Service de police
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants du SPT :- Photo du plaignant à l’enregistrement;
- Fiche d’information de la BST concernant le plaignant;
- Enregistrements des communications radio et téléphoniques liées à l’affaire;
- Résumé de l’enregistrement des communications;
- Courriels envoyés par l’AT no 1 au sujet de l’incident;
- Rapport sur les détails de l’événement;
- Rapport général d’incident;
- Fiches de renseignements concernant les personnes trouvées dans la maison et dans le garage à l’arrière de la maison;
- Enregistrement vidéo de l’intérieur de la maison, créé par l’AT no 20 à la suite de la perquisition;
- Rapports d’historiques et de messages narratifs de plusieurs unités de police;
- Liste des agents concernés;
- Notes prises par tous les agents témoins dans leurs carnets de service respectifs.
Dispositions législatives pertinentes
Article 267 du Code criminel -- Agression armée ou infliction de lésions corporelles
267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :a) porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme
b) inflige des lésions corporelles au plaignant
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
Analyse et décision du directeur
Le 23 octobre 2017, le Groupe d’intervention d’urgence (GIU) et la brigade des stupéfiants de Toronto (BST) du Service de police de Toronto (SPT) ont exécuté un mandat de perquisition au domicile du plaignant. Le mandat visait le plaignant, un étudiant universitaire. Les policiers ont trouvé le plaignant dans un couloir et lui ont donné l’ordre de s’allonger par terre à plat ventre. Il est allégué qu’après avoir obéi à cet ordre, le plaignant a subi une fracture nasale sous l’effet d’un coup de pied au visage asséné par un agent dont on ignore l’identité. Cette allégation semble crédible et la blessure du plaignant ne s’explique pas autrement. Néanmoins, aucun témoin n’a pu identifier la personne responsable de la blessure du plaignant. Ainsi, même si j’ai des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise dans cette affaire, je ne suis malheureusement pas en mesure d’identifier précisément l’agent qui a commis l’acte reproché, et aucune accusation ne sera donc portée.
L’enquête de l’UES a consisté en partie en des entretiens avec le plaignant, trois témoins civils (TC) et 26 agents témoins (AT). Après un examen minutieux de cette preuve, pour l’essentiel, les circonstances entourant l’arrestation du plaignant sont claires, à l’exception de l’identité de la personne qui a causé la blessure du plaignant.
Le plaignant ayant apparemment vendu des stupéfiants à un agent d’infiltration, la BST a obtenu un mandat de perquisition, en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour fouiller son domicile. Comme le plaignant avait également offert à l’agent d’infiltration de se procurer une arme à feu et de la lui vendre, la BST a demandé l’aide du GIU pour exécuter le mandat. Il était prévu que les agents du GIU entrent d’abord dans la maison et la sécurisent, puis que les agents de la BST entrent pour mener à bien leur enquête. Le 23 octobre 2017, vers 23 h 19, des agents du GIU sont entrés un à un dans la maison par une porte non verrouillée, envahissant la maison de policiers en uniforme – la plupart portant une cagoule. Les agents du GIU ont annoncé à haute voix leur présence et déployé un dispositif de distraction. Plusieurs d’entre eux sont entrés dans le salon et la cuisine où se trouvaient des membres de la famille du plaignant. D’autres agents du GIU et de la BST, qui étaient à l’extérieur, sont allés au garage détaché, au bout de l’allée, où se trouvaient quatre hommes.
Le plaignant et son oncle, le TC no 3, étaient dans des chambres séparées jouxtant un couloir étroit; les deux sont sortis de leurs chambres dans le couloir. L’AT no 2 et l’AT no 4 les ont vus et leur ont ordonné de se mettre à terre. Les deux hommes ont obéi et se sont allongés à plat ventre sans problème. Le plaignant était allongé dans le couloir, la tête vers la porte d’entrée, tandis que le TC no 3 était en partie dans le couloir et en partie dans une chambre à coucher, la tête près de celle du plaignant. Les hommes ont reçu l’ordre de ne pas bouger et les AT no 4, no 5, no 7 et no 9 les ont enjambés pour inspecter les chambres au fond du couloir. Les AT no 10, no 11 et no 12 sont également entrés dans le couloir pour forcer la porte d’accès au sous-sol. Le plaignant et le TC no 3 ont finalement été menottés, et le TC no 3 a été conduit dans une chambre à coucher parce qu’il était trop près de la porte du sous-sol. Des membres de la BST sont entrés dans la maison pour effectuer la fouille et l’AT no 17 a pris en charge la garde du plaignant. Il a alors constaté que le plaignant avait des coupures au nez et à l’œil gauche, une enflure sous l’œil gauche et qu’il saignait du nez. Le plaignant a dit à l’AT no 17 qu’il avait reçu un coup de pied au visage lors de l’exécution du mandat de perquisition. Le plaignant a ensuite été conduit à l’hôpital Humber River, où il a été constaté qu’il avait des fractures multiples au nez.
Le plaignant allègue qu’il a été blessé lorsqu’un agent de police lui a donné un coup de pied au côté gauche du visage (sur la joue), alors qu’il était allongé par terre. À mon avis, le plaignant est un témoin à la fois crédible et fiable. L’AT no 17 et l’enquêteur de l’UES qui a interrogé le plaignant pensaient tous deux qu’il disait la vérité, et l’allégation est restée la même tout au long. Rien d’autre ne permet d’expliquer la blessure du plaignant. Aucun des agents témoins n’a décrit avoir utilisé une force quelconque à l’encontre du plaignant, même si certains d’entre eux ont suggéré d’autres causes possibles pour la blessure qu’il a subie. Certains ont déclaré que le plaignant s’était peut-être cogné le visage contre le mur en se mettant par terre; rien ne corrobore toutefois une telle possibilité. D’autres ont dit qu’ils avaient peut-être cogné le plaignant par inadvertance quand ils l’ont enjambé dans le couloir, mais aucun de ces policiers n’a avoué avoir lui-même ainsi causé la blessure. Je ne crois pas que la blessure du plaignant ait été causée par inadvertance, car, selon toute vraisemblance, un policier qui aurait accidentellement heurté le plaignant avec suffisamment de force pour lui fracturer le nez s’en souviendrait. Il semble plus probable que la blessure ait été causée par un policier qui a donné un coup de pied au plaignant, comme celui-ci l’affirme, et que le policier n’a pas avoué qu’il avait donné le coup de pied, car il l’a fait intentionnellement.
Dans ces circonstances, la seule infraction criminelle qui puisse s’appliquer est une agression causant des lésions corporelles, une infraction prévue au paragraphe de 267 b) du Code criminel. Une agression causant des lésions corporelles est commise lorsqu’une personne emploie la force d’une manière intentionnelle ou menace d’employer la force à l’endroit d’une autre personne, sans son consentement, et que cette force cause des lésions corporelles. Le paragraphe 25 (1) du Code criminel offre une défense aux policiers qui utilisent la force raisonnablement nécessaire pour exécuter des tâches légitimes. Même si les policiers agissaient dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lors de l’exécution d’un mandat de perquisition, je ne peux pas conclure que la force employée contre le plaignant était raisonnable ou nécessaire. Il ne fait aucun doute que le plaignant était allongé au sol, comme il en avait reçu l’ordre, lorsqu’il a reçu un coup de pied au visage. Aucune preuve n’établit qu’un coup de pied au visage était nécessaire et, en fait, toute la preuve suggère que le plaignant ne constituait aucune menace. Il était coopératif, et les agents du GIU se sentaient suffisamment à l’aise pour le laisser dans le couloir, sans menottes, pendant qu’ils faisaient le tour des chambres à coucher (ce qui me suggère fortement qu’aucun des agents ne le jugeait dangereux). J’ai examiné la jurisprudence qui établit que les policiers ne sont pas tenus à une norme de perfection dans l’exercice de leurs fonctions (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 RCS 206) et qu’on ne doit pas s’attendre non plus à ce qu’ils mesurent avec précision le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. (R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (Ont. CA). Toutefois, en l’espèce, je ne crois pas que la force utilisée correspondait à ces paramètres. J’estime que cette force était inutile et excessive et constituait une voie de fait.
Néanmoins, même si j’ai des motifs de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle, je suis incapable d’identifier l’agent qui a commis l’acte reproché. En dépit d’efforts exhaustifs, l’UES n’a pas été en mesure d’identifier l’agent de police qui a donné le coup de pied au plaignant, et aucun agent impliqué n’a donc été désigné. L’allégation ne comportait aucun trait distinctif de l’agent, ce qui n’est pas surprenant puisque la plupart des agents portaient des uniformes et des cagoules presque identiques et que personne d’autre n’a indiqué avoir vu l’agression. Dans certaines circonstances, la possibilité unique de commettre une infraction peut constituer une puissante preuve circonstancielle pour établir l’identité de l’auteur de cette effraction. Néanmoins, dans ce cas, plusieurs agents étaient présents et auraient pu agresser le plaignant comme il l’allègue [1]. En outre, il ne semble y avoir aucun motif qui permettrait d’expliquer pourquoi un agent a donné un coup de pied au plaignant, même si celui-ci pense qu’il a reçu un coup de pied parce qu’il avait bougé la tête ou ne l’avait pas tourné vers le mur lorsque quelqu’un lui a dit en criant : [traduction] « Tourne la tête, ne regarde pas ». [2] Par conséquent, les preuves quant à l’identité sont insuffisantes pour constituer un motif raisonnable de porter des accusations contre un agent en particulier, et aucun chef d’accusation ne sera donc déposé.
Date : 18 septembre 2018
Original signé par
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
L’enquête de l’UES a consisté en partie en des entretiens avec le plaignant, trois témoins civils (TC) et 26 agents témoins (AT). Après un examen minutieux de cette preuve, pour l’essentiel, les circonstances entourant l’arrestation du plaignant sont claires, à l’exception de l’identité de la personne qui a causé la blessure du plaignant.
Le plaignant ayant apparemment vendu des stupéfiants à un agent d’infiltration, la BST a obtenu un mandat de perquisition, en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour fouiller son domicile. Comme le plaignant avait également offert à l’agent d’infiltration de se procurer une arme à feu et de la lui vendre, la BST a demandé l’aide du GIU pour exécuter le mandat. Il était prévu que les agents du GIU entrent d’abord dans la maison et la sécurisent, puis que les agents de la BST entrent pour mener à bien leur enquête. Le 23 octobre 2017, vers 23 h 19, des agents du GIU sont entrés un à un dans la maison par une porte non verrouillée, envahissant la maison de policiers en uniforme – la plupart portant une cagoule. Les agents du GIU ont annoncé à haute voix leur présence et déployé un dispositif de distraction. Plusieurs d’entre eux sont entrés dans le salon et la cuisine où se trouvaient des membres de la famille du plaignant. D’autres agents du GIU et de la BST, qui étaient à l’extérieur, sont allés au garage détaché, au bout de l’allée, où se trouvaient quatre hommes.
Le plaignant et son oncle, le TC no 3, étaient dans des chambres séparées jouxtant un couloir étroit; les deux sont sortis de leurs chambres dans le couloir. L’AT no 2 et l’AT no 4 les ont vus et leur ont ordonné de se mettre à terre. Les deux hommes ont obéi et se sont allongés à plat ventre sans problème. Le plaignant était allongé dans le couloir, la tête vers la porte d’entrée, tandis que le TC no 3 était en partie dans le couloir et en partie dans une chambre à coucher, la tête près de celle du plaignant. Les hommes ont reçu l’ordre de ne pas bouger et les AT no 4, no 5, no 7 et no 9 les ont enjambés pour inspecter les chambres au fond du couloir. Les AT no 10, no 11 et no 12 sont également entrés dans le couloir pour forcer la porte d’accès au sous-sol. Le plaignant et le TC no 3 ont finalement été menottés, et le TC no 3 a été conduit dans une chambre à coucher parce qu’il était trop près de la porte du sous-sol. Des membres de la BST sont entrés dans la maison pour effectuer la fouille et l’AT no 17 a pris en charge la garde du plaignant. Il a alors constaté que le plaignant avait des coupures au nez et à l’œil gauche, une enflure sous l’œil gauche et qu’il saignait du nez. Le plaignant a dit à l’AT no 17 qu’il avait reçu un coup de pied au visage lors de l’exécution du mandat de perquisition. Le plaignant a ensuite été conduit à l’hôpital Humber River, où il a été constaté qu’il avait des fractures multiples au nez.
Le plaignant allègue qu’il a été blessé lorsqu’un agent de police lui a donné un coup de pied au côté gauche du visage (sur la joue), alors qu’il était allongé par terre. À mon avis, le plaignant est un témoin à la fois crédible et fiable. L’AT no 17 et l’enquêteur de l’UES qui a interrogé le plaignant pensaient tous deux qu’il disait la vérité, et l’allégation est restée la même tout au long. Rien d’autre ne permet d’expliquer la blessure du plaignant. Aucun des agents témoins n’a décrit avoir utilisé une force quelconque à l’encontre du plaignant, même si certains d’entre eux ont suggéré d’autres causes possibles pour la blessure qu’il a subie. Certains ont déclaré que le plaignant s’était peut-être cogné le visage contre le mur en se mettant par terre; rien ne corrobore toutefois une telle possibilité. D’autres ont dit qu’ils avaient peut-être cogné le plaignant par inadvertance quand ils l’ont enjambé dans le couloir, mais aucun de ces policiers n’a avoué avoir lui-même ainsi causé la blessure. Je ne crois pas que la blessure du plaignant ait été causée par inadvertance, car, selon toute vraisemblance, un policier qui aurait accidentellement heurté le plaignant avec suffisamment de force pour lui fracturer le nez s’en souviendrait. Il semble plus probable que la blessure ait été causée par un policier qui a donné un coup de pied au plaignant, comme celui-ci l’affirme, et que le policier n’a pas avoué qu’il avait donné le coup de pied, car il l’a fait intentionnellement.
Dans ces circonstances, la seule infraction criminelle qui puisse s’appliquer est une agression causant des lésions corporelles, une infraction prévue au paragraphe de 267 b) du Code criminel. Une agression causant des lésions corporelles est commise lorsqu’une personne emploie la force d’une manière intentionnelle ou menace d’employer la force à l’endroit d’une autre personne, sans son consentement, et que cette force cause des lésions corporelles. Le paragraphe 25 (1) du Code criminel offre une défense aux policiers qui utilisent la force raisonnablement nécessaire pour exécuter des tâches légitimes. Même si les policiers agissaient dans l’exercice de leurs fonctions légitimes lors de l’exécution d’un mandat de perquisition, je ne peux pas conclure que la force employée contre le plaignant était raisonnable ou nécessaire. Il ne fait aucun doute que le plaignant était allongé au sol, comme il en avait reçu l’ordre, lorsqu’il a reçu un coup de pied au visage. Aucune preuve n’établit qu’un coup de pied au visage était nécessaire et, en fait, toute la preuve suggère que le plaignant ne constituait aucune menace. Il était coopératif, et les agents du GIU se sentaient suffisamment à l’aise pour le laisser dans le couloir, sans menottes, pendant qu’ils faisaient le tour des chambres à coucher (ce qui me suggère fortement qu’aucun des agents ne le jugeait dangereux). J’ai examiné la jurisprudence qui établit que les policiers ne sont pas tenus à une norme de perfection dans l’exercice de leurs fonctions (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 RCS 206) et qu’on ne doit pas s’attendre non plus à ce qu’ils mesurent avec précision le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. (R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (Ont. CA). Toutefois, en l’espèce, je ne crois pas que la force utilisée correspondait à ces paramètres. J’estime que cette force était inutile et excessive et constituait une voie de fait.
Néanmoins, même si j’ai des motifs de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle, je suis incapable d’identifier l’agent qui a commis l’acte reproché. En dépit d’efforts exhaustifs, l’UES n’a pas été en mesure d’identifier l’agent de police qui a donné le coup de pied au plaignant, et aucun agent impliqué n’a donc été désigné. L’allégation ne comportait aucun trait distinctif de l’agent, ce qui n’est pas surprenant puisque la plupart des agents portaient des uniformes et des cagoules presque identiques et que personne d’autre n’a indiqué avoir vu l’agression. Dans certaines circonstances, la possibilité unique de commettre une infraction peut constituer une puissante preuve circonstancielle pour établir l’identité de l’auteur de cette effraction. Néanmoins, dans ce cas, plusieurs agents étaient présents et auraient pu agresser le plaignant comme il l’allègue [1]. En outre, il ne semble y avoir aucun motif qui permettrait d’expliquer pourquoi un agent a donné un coup de pied au plaignant, même si celui-ci pense qu’il a reçu un coup de pied parce qu’il avait bougé la tête ou ne l’avait pas tourné vers le mur lorsque quelqu’un lui a dit en criant : [traduction] « Tourne la tête, ne regarde pas ». [2] Par conséquent, les preuves quant à l’identité sont insuffisantes pour constituer un motif raisonnable de porter des accusations contre un agent en particulier, et aucun chef d’accusation ne sera donc déposé.
Date : 18 septembre 2018
Original signé par
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Tout au plus, je suis en mesure de limiter à huit le nombre d’agents qui auraient pu commettre l’agression, en me fondant sur les éléments de preuve concernant le moment où le plaignant a subi ses blessures. L’AT no 1 a remarqué la blessure du plaignant alors qu’il le menottait et je crois que le plaignant a été agressé avant d’être mis sous garde. Avant cela, les AT no 4, no 5, no 7 et no 9 ont enjambé le plaignant pour aller inspecter les chambres donnant sur le couloir, et les AT no 10, no 11 et no 12 sont aussi entrés dans ce couloir pour forcer la porte du sous-sol. L’AT no 14 est également entré dans le couloir à un moment donné. [Retour au texte]
- 1) Tout au plus, je suis en mesure de limiter à huit le nombre d’agents qui auraient pu commettre l’agression, en me fondant sur les éléments de preuve concernant le moment où le plaignant a subi ses blessures. L’AT no 1 a remarqué la blessure du plaignant alors qu’il le menottait et je crois que le plaignant a été agressé avant d’être mis sous garde. Avant cela, les AT no 4, no 5, no 7 et no 9 ont enjambé le plaignant pour aller inspecter les chambres donnant sur le couloir, et les AT no 10, no 11 et no 12 sont aussi entrés dans ce couloir pour forcer la porte du sous-sol. L’AT no 14 est également entré dans le couloir à un moment donné. [Retour au texte]
- 2) Plusieurs agents du GIU ont déclaré à l’UES qu’on pouvait demander à quelqu’un de détourner le regard ou de tourner la tête vers le mur pour plusieurs raisons : empêcher la communication entre les personnes détenues, éviter l’asphyxie positionnelle, prévenir l’observation de techniques de police confidentielles et empêcher la formation d’un plan d’attaque. Ce détail fourni à l’UES corrobore la véracité des dires du plaignant, car il est très improbable qu’il ait pu décrire une pratique du GIU qu’il ne connaissait pas à priori, à moins d’avoir entendu ce qu’il affirme avoir entendu. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.