Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-220
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’un homme de 40 ans a subie lors de son arrestation le 21 août 2017.
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave qu’un homme de 40 ans a subie lors de son arrestation le 21 août 2017.
L’enquête
Notification de l’UES
Le lundi 21 août 2017, vers 14 h 55, la Police régionale de York (PRY) a avisé l’UES de la blessure subie sous garde par le plaignant.La PRY a donné le rapport suivant : vers 11 h 58, ce jour-là, des agents du PRY ont répondu à un appel signalant la présence d’un homme [maintenant identifié comme étant le plaignant] armé d’une machette dans le secteur de la rue Yonge et de Savage Road, dans la ville de Newmarket.
Initialement, deux agents de police sont intervenus auprès du plaignant; quatre autres agents sont ensuite venus en renfort. À un moment donné, le plaignant a lâché sa machette et les policiers l’ont arrêté. Lors de son arrestation, le plaignant a été grièvement blessé et a été transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de l’humérus droit. On lui a plâtré le bras droit puis on l’a libéré de l’hôpital. Le plaignant a ensuite été transporté au poste de police, où on a porté contre lui le chef d’accusation de possession d’une arme dangereuse pour la paix publique.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3 Nombre d’enquêteurs de l’UES spécialistes des sciences judiciaires assignés : 2
Plaignant
Homme de 40 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.Témoins civils
TC no 1 A participé à une entrevueTC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 5 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Témoins employés de la police
TEP no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées TEP no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Agents impliqués
AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué AI no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Description de l’incident
Le 21 août 2017, des gens ont vu le plaignant en possession d’une machette dans un centre commercial. Des agents de la PRY se sont rapidement rendus sur les lieux et ont confronté le plaignant, sans s’approcher de plus d’une vingtaine de pieds de lui, et lui ont ordonné de lâcher son arme. Très agité, le plaignant a ignoré les ordres de la police et a continué de brandir la machette. Il s’est ensuite éloigné des policiers, qui l’ont suivi à pied en l’exhortant à plusieurs reprises de s’arrêter et de lâcher la machette. Les agents de police l’ayant encerclé, le plaignant a mis les bras en l’air, s’est agenouillé et a placé la machette par terre devant lui. L’AI no 1 s’est alors approché de lui et, en le poussant de sa botte, l’a forcé à s’allonger par terre. Quelques secondes plus tard, d’autres agents se sont précipités pour maîtriser le plaignant.
Pendant que le plaignant était à terre, l’agent impliqué (AI) no 1 et l’AI no 2 ont tenté de lui mettre les mains dans le dos pour le menotter. L’agent témoin (AT) no 2 a saisi la jambe gauche du plaignant, tandis que l’AI no 1 lui tenait les deux jambes. Le plaignant était robuste et continuait de résister aux policiers. L’AI no 2, qui était à droite du plaignant, s’est servi de son bras droit pour maintenir en place le coude droit du plaignant et de sa main gauche pour contrôler son poignet droit. Le plaignant continuait de se débattre et, à un moment donné, a tenté de dégager son bras. L’AI no 2 a répété à plusieurs reprises au plaignant de cesser de résister. Soudainement, le plaignant a réussi à libérer son bras droit et l’AI no 2 a alors entendu un bruit sec venant de l’épaule droite du plaignant. Le plaignant a alors complètement cessé de se débattre et de résister. L’AI no 1 et l’AI no 2 l’ont alors menotté. Le plaignant s’est calmé et a cessé de crier.
Nature des blessures et traitement
Le plaignant a été transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture vers le milieu de l’humérus droit avec une angulation modérée; on lui a plâtré le bras.
Pendant que le plaignant était à terre, l’agent impliqué (AI) no 1 et l’AI no 2 ont tenté de lui mettre les mains dans le dos pour le menotter. L’agent témoin (AT) no 2 a saisi la jambe gauche du plaignant, tandis que l’AI no 1 lui tenait les deux jambes. Le plaignant était robuste et continuait de résister aux policiers. L’AI no 2, qui était à droite du plaignant, s’est servi de son bras droit pour maintenir en place le coude droit du plaignant et de sa main gauche pour contrôler son poignet droit. Le plaignant continuait de se débattre et, à un moment donné, a tenté de dégager son bras. L’AI no 2 a répété à plusieurs reprises au plaignant de cesser de résister. Soudainement, le plaignant a réussi à libérer son bras droit et l’AI no 2 a alors entendu un bruit sec venant de l’épaule droite du plaignant. Le plaignant a alors complètement cessé de se débattre et de résister. L’AI no 1 et l’AI no 2 l’ont alors menotté. Le plaignant s’est calmé et a cessé de crier.
Nature des blessures et traitement
Le plaignant a été transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture vers le milieu de l’humérus droit avec une angulation modérée; on lui a plâtré le bras.Éléments de preuve
Les lieux
L’incident s’est déroulé un grand centre de commerces au détail situé au 16635, rue Yonge, dans la ville de Newmarket, À l’arrivée des enquêteurs de l’UES, une bande jaune de la polie sécurisait une partie du stationnement du côté est de la propriété et deux agents de la PRY montaient la garde. Ce secteur faisait partie d’une allée qui traverse d’est en ouest le site du centre commercial, le divisant en deux sections.
Le bâtiment du côté nord de l’allée abrite des établissements arborant les enseignes suivantes : Cuties and Patooties Day Care, Function Health and Yoga Studio, et Punter’s Café and Sandwiches. Il y a deux portes de service sur la façade sud du bâtiment : l’une près de l’extrémité ouest et l’autre, près de l’extrémité est. Des dômes de vidéosurveillance (x2) sont fixés sur les murs, près de ces portes de service.
Le bâtiment du côté sud de l’allée abrite un commerce arborant l’enseigne Bill Gosling Outsourcing. Ce bâtiment comporte également une aire de repos clôturée réservée aux employés. Une porte pour le personnel se trouve près de la zone sécurisée par la police, mais n’était pas dans le périmètre sécurisé. Une caméra de sécurité est fixée au mur sur le coin nord-est de ce bâtiment. L’avant de la caméra est dirigé vers l’ouest, parallèlement à l’allée.
Les enquêteurs ont examiné les lieux à la recherche de sang et d’indices de recours à la force, sans succès.
Éléments de preuve matériels
Éléments de preuves médicolégaux
Aucun élément n’a été soumis au Centre des sciences judiciaires.Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies
Enregistrements de vidéosurveillance
Le 21 août 2017, les enquêteurs de l’UES ont fait le tour des établissements commerciaux du site et des alentours à la recherche d’enregistrements vidéo. Le Bill Gosling Outsourcing Centre, situé au 16635, rue Yonge à Newmarket, a fourni des enregistrements vidéo. Toutefois, ces vidéos ne montrent pas l’arrestation du plaignant et n’ont donc aucune valeur pour l’enquête.Enregistrements de téléphone cellulaire
Le 21 août 2017, les enquêteurs de l’UES ont obtenu l’enregistrement du téléphone cellulaire d’un témoin civil (TC). Cette vidéo ne montre pas l’arrestation du plaignant et n’a donc aucune valeur pour l’enquête. Enregistrements de caméras à bord de véhicules de la PRY
La PRY a remis à l’UES neuf enregistrements pris le 21 août 2017 sur les lieux par des caméras à bord de véhicules de police. Huit de ces neuf vidéos ne montrent pas l’arrestation du plaignant et ne sont donc pas utiles pour l’enquête. Par contre, la vidéo enregistrée par la caméra du véhicule de police de l’AI no 1 présentait un certain intérêt et montrait ce qui suit :
- À 12 h 5 min 45 s, l’AI no 1 immobilise son véhicule de police au coin nord-ouest du Bill Gosling Outsourcing Centre, à l’extrémité est du centre commercial;
- On voit un patio extérieur au coin nord-ouest de cet établissement. À 12 h 5 min 54 s, le plaignant court, d’ouest en est, en tenant dans la main droite une machette dans un fourreau. On entendit un homme non identifié crier [traduction] : « Police, ne bouge pas, lâche-la, lâche-la »;
- À 12 h 5 min 58 s, le plaignant s’arrête au coin nord-ouest du Bill Gosling Outsourcing Centre, au nord de l’entrée du patio. Il fait face au nord et lève les deux bras en l’air, en tenant encore la machette gainée dans la main droite.
- À 12 h 5 min 59 s, un agent de police (vraisemblablement l’AI no 2) avance vers le plaignant, sa carabine sur l’épaule. Le plaignant se retourne et fait maintenant face au sud. Le plaignant se penche alors en avant et, de la main droite, dépose la machette par terre, toujours dans le fourreau. Ses deux bras sont abaissés;
- À 12 h 6 min 4 s, deux agents de police [identifiés maintenant comme étant l’AT no 4 et l’AT no 1], leurs armes dégainées, et l’AI no 2 marchent d’est en ouest en direction du plaignant. Un policier en tenue civile (vraisemblablement l’AI no 1) s’approche du plaignant par-derrière et le pousse dans le dos de son pied pour le faire tomber;
- À 13 h 6 min 13 s, cinq agents de police [maintenant identifiés comme étant l’AT no 2, l’AI no 2, l’AI no 1, l’AT no 1 et l’AT no 4] tentent de maîtriser le plaignant au sol. Les agents sont agenouillés par terre et sur le plaignant. L’AI no 2 et l’AI no 1 sont près du torse du plaignant, l’AT no 1 près de sa taille et l’AT no 4 près de ses pieds. L’AT no 2 est debout près des pieds du plaignant. On ne voit pas le plaignant — il est complètement masqué par tous les agents de police;
- On ne peut pas voir les détails de l’interaction entre les agents et le plaignant, parce que le champ de vision de la caméra est obstrué par un poteau en ciment et par une clôture en métal noir entourant le patio;
- À 12 h 6 min 52 s, on entend la voix d’un homme, dont on ignore l’identité, demander une ambulance par radio. L’ambulance arrive à 12 h 13 min 34 s et la vidéo prend fin.
Enregistrements des communications
Les enquêteurs de l’UES ont obtenu et analysé les enregistrements des appels au 9-1-1 et des communications de la police.Éléments obtenus auprès du Service de police
L’UES a demandé les documents et éléments suivants au détachement de Kawartha Lakes de la Police provinciale et à la PRY, qu’elle a obtenus et examinés :- Renseignements sur l’enregistrement;
- Photo du plaignant à l’enregistrement;
- Rapport du CIPC;
- Résumé détaillé d’appel;
- Rapports généraux d’incident (x3);
- Liste et rôles des agents concernés;
- Transport médical d’un prisonnier;
- Notes des AT no 1 à no 5, des TCP no 1 et 2 et de l’AI no 2;
- Dossier papier sur le plaignant;
- Procédure — Utilisation de la force;
- Procédure : traitement d’un contrevenant (arrestation, infractions provinciales et mise en liberté);
- Procédure : personnes atteintes de troubles émotionnels;
- Photos des lieux;
- Dossiers de formation de l’AI no 1 et de l’AI no 2;
- Liste de témoins;
- Enregistrements d’appels non urgents;
- Enregistrement des communications radio de la police;
- Enregistrements d’appels au 9-1-1;
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les éléments et documents suivants d’autres sources :
- Dossiers médicaux du plaignant liés à cet incident.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Paragraphe 88(1) du Code criminel -- Port d’arme dans un dessein dangereux
88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.Analyse et décision du directeur
Le 21 août 2017, le centre de communication de la Police régionale de York (PRY) a reçu plusieurs appels au 9-1-1, signalant la présence d’un homme, le plaignant, brandissant une machette dans le stationnement d’un établissement commercial situé dans le secteur de la rue Yonge et de Savage Road, à Newmarket.
En réponse à ces appels, de nombreux véhicules de police se sont rendus sur les lieux. L’agent impliqué (AI) no 2, les agents témoins (AT) no 1 et no 3 sont arrivés en premier, suivis de près par l’AT no 2, l’AT no 4, l’AT no 5 et l’AI no 1. Le plaignant a finalement été appréhendé et arrêté pour possession d’une arme dangereuse pour la paix publique, en contravention de l’article 88 du Code criminel. À la suite de son interaction avec la police, le plaignant a été transporté en ambulance à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture au milieu de l’humérus droit (l’humérus est l’os long de la partie supérieure du bras) avec une angulation modérée.
Même si le plaignant a consenti à répondre aux questions des enquêteurs de l’UES, il ressort clairement de sa déclaration, qui décrivait de nombreux scénarios matériellement impossibles, qu’il était incapable de se souvenir avec précision de son interaction avec la police ni de comment il a été blessé. Compte tenu des nombreuses et évidentes inexactitudes de sa déclaration, je ne me suis pas appuyé sur cet élément de preuve pour formuler ma conclusion quant à savoir s’il y avait des motifs raisonnables de croire que la blessure du plaignant avait été causée par un recours excessif à la force par la police.
Néanmoins, outre le plaignant, les enquêteurs de l’UES ont interrogé cinq témoins civils, deux agents spéciaux d’un autre service de police qui se trouvaient dans le secteur pour des raisons indépendantes de l’incident, ainsi que six agents de police de la PRY. Les enquêteurs ont également examiné les notes de ces six agents. L’AI no 1 n’a pas consenti à participer à une entrevue avec les enquêteurs ni à leur remettre les notes de son carnet pour examen, comme la loi l’y autorise. L’AI no 2 a participé à une entrevue avec les enquêteurs et leur a remis ses notes. En outre, les enquêteurs ont pu analyser les vidéos des caméras à bord de divers véhicules de police, les enregistrements des transmissions radio de la police, les enregistrements des appels au 9-1-1 ainsi que les dossiers médicaux du plaignant.
À l’exception du témoignage du plaignant, les déclarations de tous les autres témoins concordent à tous points de vue, donnant une image claire des événements.
D’après tous les éléments de preuve, tant que le plaignant n’était pas au sol et qu’il était encore en possession de son arme, même si de nombreux témoins ont vu des policiers avec leurs armes à feu dégainés, aucun agent n’a eu de contact physique avec le plaignant. Le premier contact physique n’a eu lieu que lorsque le plaignant, déjà à terre, a été maîtrisé puis menotté.
En raison de l’endroit où le plaignant a finalement été arrêté, aucun des témoins civils n’a vu ce qui se passait, à l’exception de la TC no 1, qui a vu le plaignant à terre, entouré de plusieurs agents de police en civil pendant qu’on le menottait. La TC no 1 a toutefois précisé qu’elle n’avait pas vu comment le plaignant était arrivé à terre, mais qu’elle n’avait vu à aucun moment un policier exercer contre lui une force excessive.
En outre, même si de nombreux policiers ont été vus armés d’une carabine ou d’une arme de poing dégainée et si l’AT no 2 avait son arme à impulsion en main, rien ne remet en cause la preuve selon laquelle aucune option de recours à la force n’a été utilisée contre le plaignant.
Selon l’AI no 2, une fois sur les lieux, il a tenté de communiquer avec le plaignant, mais celui-ci s’est contenté de le fixer d’un regard sans expression. Le TC no 2 confirme ce fait et décrit le plaignant comme ayant un « regard perdu » et une expression effrayante sur le visage.
L’AI no 2 a expliqué que le plaignant agitait de temps à autre la machette au-dessus de sa tête et qu’il lui avait ordonné de la laisser tomber, tout en essayant de le rassurer en lui disant que la police n’était pas là pour lui faire du mal. La TC no 3 a dit avoir entendu l’AT no 1 parler au plaignant et lui demander [traduction] : « Est-ce qu’on peut discuter un peu? », mais que le plaignant n’a pas répondu.
Lorsque le plaignant a fait demi-tour et s’est éloigné, l’AI no 2, l’AT no 1, l’AT no 3 et l’AT no 2 l’ont suivi. Le plaignant s’est finalement arrêté près d’un patio clôturé adjacent à un immeuble commercial; il tenait toujours la machette. On a alors vu l’AI no 1 s’approcher et immobiliser son véhicule de police de façon à bloquer le plaignant. Lorsque l’AI no 1 est sorti de son véhicule, il a dit au plaignant [traduction] : « Police, ne bougez pas! » et lui a ordonné de lâcher la machette. La TC no 1 et l’employé témoin de la police (ETP) no 1 ont confirmé que divers policiers avaient crié à de nombreuses reprises de lâcher le couteau. Le TC no 2 a entendu les agents crier au plaignant de se mettre à terre.
L’AI no 2 a déclaré que l’AI no 1 et lui-même ont continué d’ordonner au plaignant de laisser tomber la machette et que le plaignant a fini par s’agenouiller et placer la machette gainée par terre. L’AI no 1 a ensuite utilisé son pied pour « pousser » le plaignant en avant, ce que confirme la vidéo de la caméra de la voiture de police de l’AI no 1 où on voit l’AI no 1 placer son pied contre le dos du plaignant pour le pousser en avant et le forcer à s’allonger à plat ventre.
Une fois le plaignant allongé par terre, l’AI no 2 a épaulé sa carabine et s’est approché du plaignant avec d’autres agents. L’AI no 2 a expliqué que l’AI no 1 était à gauche du plaignant pour tenter de lui maîtriser le bras gauche tandis qu’il était lui-même à droite du plaignant pour tenter de lui maîtriser le bras droit. L’AT no 2 et l’AT no 1 étaient aussi à terre pour tenter d’immobiliser le plaignant tandis qu’un autre policier — que l’AI no 2 n’a pas pu identifier — tenait les jambes du plaignant pour l’empêcher de donner des coups de pied. Cette description est confirmée par la vidéo de la caméra du véhicule de police dans laquelle on voit les policiers s’agenouiller autour du plaignant en se penchant sur lui, avec l’AI no 2 et l’AI no 1 près du torse, l’AT no 1 près de sa taille et l’AT no 4 près de ses pieds; l’AT no 2 est debout près des pieds du plaignant.
L’AI no 2 a précisé qu’il tenait le bras droit du plaignant dans ce qu’il a décrit comme une prise de bras : il a utilisé son bras droit pour maîtriser le coude droit du plaignant et sa main gauche pour maîtriser le poignet droit du plaignant, tandis que ce dernier se débattait et essayait de dégager son bras et que l’AI no 2 ne cessait de lui répéter d’arrêter de résister. L’AI no 2 a ajouté que le plaignant a brusquement dégagé son bras. À ce moment-là, l’AI no 2 a entendu un bruit sec provenant de l’épaule droite du plaignant; le plaignant a alors cessé complètement de se débattre et n’a plus résisté. Les agents de police ont ensuite menotté le plaignant et appelé une ambulance.
L’AT no 4 a expliqué que lorsque l’AI no 2 essayait de tirer les bras du plaignant dans le dos pour le menotter, le plaignant résistait et se débattait, et ne permettait pas aux policiers de le maîtriser physiquement.
L’AT no 5 a dit qu’une fois à plat ventre sur le sol et avant d’être menotté, le plaignant était agité, confus et peu coopératif avec les policiers, en ce sens qu’il hurlait et se débattait. L’AT no 5 a déclaré avoir entendu tous les policiers essayer de calmer et de rassurer le plaignant et a précisé que l’AI no 2, l’AI no 1, l’AT no 4 et l’AT no 1 tentaient tous de maîtriser physiquement le plaignant; l’AI no 2 était sur son torse et le tenait plaqué au sol tandis que les trois autres policiers étaient quelque part au-dessous des épaules du plaignant. L’AT no 5 a ensuite saisi la tête et le cou du plaignant pour l’empêcher de continuer de balancer la tête d’avant en arrière et a placé son genou sur son épaule gauche.
L’AT no 1 a dit que, alors que l’AI no 1 et l’AI no 2 essayaient de menotter le plaignant dans le dos, le plaignant résistait et a essayé de se retourner sur le dos, et qu’à ce moment-là, elle a entendu un bruit sec.
L’AT no 2 a déclaré que le plaignant se débattait lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 tentaient de le menotter dans le dos et qu’il essayait de leur échapper. L’AT no 2 a décrit le plaignant comme étant un homme robuste, car l’AI no 1 et l’AI no 2 avaient dû lutter ensemble pour le menotter et qu’il avait fallu un effort concerté pour parvenir à le menotter. L’AT no 2 a ajouté qu’après avoir demandé une ambulance, l’AI no 2 lui avait dit que l’épaule du plaignant avait fait un bruit sec et qu’il croyait que son épaule était peut-être disloquée.
Les témoignages de tous les policiers présents lors de l’arrestation du plaignant sont cohérents; ils ont tous dit n’avoir employé aucune option de recours à la force et qu’aucun agent n’avait frappé le plaignant ni ne lui avait asséné de coups de pied ou de poing, l’interaction étant décrite comme une lutte pour le maîtriser et le menotter.
Sur l’ensemble de la preuve, j’accepte qu’au moment où l’AI no 1 et l’AI no 2 tentaient de tirer les mains du plaignant derrière son dos, ils ont entendu un bruit et que c’est à ce moment-là que le plaignant s’est fracturé l’humérus droit. Je reconnais en outre, en l’absence de preuve fiable à l’effet contraire, qu’aucun agent de police n’a eu recours à la force et qu’aucun n’a frappé le plaignant ni ne lui a asséné de coup de poing ou de pied. Il reste donc à savoir si les actes de l’AI no 1, lorsqu’il a poussé du pied le plaignant dans le dos pour le plaquer à terre, ou les actes de l’AI no 2 et de l’AI no 1, lorsqu’ils ont lutté avec le plaignant pour le maîtriser et lui ont tiré les mains dans le dos pour le menotter, constituaient un recours excessif à la force dans les circonstances.
En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’employer la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.
S’agissant d’abord de la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement du témoignage de toutes les personnes présentes – que ce soit les témoins indépendants ou les témoins de la police – que le plaignant constituait, à tout le moins, un danger pour le public puisqu’il brandissait en l’agitant une machette dans un lieu public où il y avait de nombreux piétons à cette heure de la journée et qu’il risquait donc de causer des blessures graves. Il ressort clairement de cette preuve que la police avait ample motif d’arrêter le plaignant pour possession d’une arme dangereuse pour la paix publique, en contravention de l’article 88 du Code criminel, et que la poursuite et l’appréhension du plaignant qui en ont résultaient étaient légalement justifiées dans les circonstances.
En ce qui concerne le recours à la force par la police, en commençant par l’AI no 1 qui a plaqué le plaignant au sol en le poussant du pied dans le dos, je ne peux pas conclure qu’il s’agit d’un recours excessif à la force dans ces circonstances. Même si, apparemment, le plaignant s’est mis à genou de son propre gré, il avait toujours la machette à portée de main et, tant qu’il n’était pas complètement maîtrisé et désarmé, continuait de présenter un danger pour les policiers et le public. Dans ces circonstances — le plaignant ayant forcé la police à le poursuivre à pied en traversant un stationnement très fréquenté, tout en agitant une machette et en ignorant tous les ordres de la police de lâcher son arme — je ne peux pas conclure que les actes de l’AI no 1 constituaient un usage excessif de la force.
Tous les éléments de preuve établissent clairement qu’il était urgent d’appréhender et de maitriser le plaignant avant qu’il ne puisse reprendre sa machette. En outre, il n’aurait pas été raisonnable, pour l’AI no 1, de s’approcher du plaignant avant que l’arme soit complètement hors de sa portée et qu’il soit mis hors d’état de nuire. Par conséquent, sa décision de pousser le plaignant du pied pour le plaquer au sol était plus que raisonnable dans les circonstances. En dernière analyse, bien sûr, il est clair que ce n’est pas ce qui a causé la blessure du plaignant.
Même si j’accepte le fait que le plaignant a subi une fracture à l’humérus droit lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 ont tenté de le menotter dans le dos, alors qu’il luttait et résistait activement, je conclus que, conformément au paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents impliqués n’utilisaient pas plus de force qu’il n’était raisonnablement nécessaire dans l’exercice de leurs fonctions légitimes. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai tenu compte de l’état du droit, tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, à savoir :
De plus, j’ai pris en considération la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (C.A. Ont.) selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. J’estime que le degré de force employé par les deux agents de police pour menotter le plaignant était directement proportionnel à la résistance qu’il leur opposait et que les agents ne pouvaient pas prévoir que leur lutte avec le plaignant pour lui immobiliser les mains et le menotter pourrait causer la fracture de son humérus.
Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI no 1 et l’AI no 2, ainsi que par les autres agents qui sont intervenus dans l’arrestation et le menottage du plaignant, n’excédait pas ce qui était nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légitime du plaignant et éliminer le risque qu’il continuerait de poser s’il n’était pas correctement maîtrisé et menotté. Par conséquent, en me fondant sur cette preuve, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents de police a eu un recours excessif à la force, et rien ne justifierait de porter des accusations criminelles.
Date : 27 juin 2018
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
En réponse à ces appels, de nombreux véhicules de police se sont rendus sur les lieux. L’agent impliqué (AI) no 2, les agents témoins (AT) no 1 et no 3 sont arrivés en premier, suivis de près par l’AT no 2, l’AT no 4, l’AT no 5 et l’AI no 1. Le plaignant a finalement été appréhendé et arrêté pour possession d’une arme dangereuse pour la paix publique, en contravention de l’article 88 du Code criminel. À la suite de son interaction avec la police, le plaignant a été transporté en ambulance à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture au milieu de l’humérus droit (l’humérus est l’os long de la partie supérieure du bras) avec une angulation modérée.
Même si le plaignant a consenti à répondre aux questions des enquêteurs de l’UES, il ressort clairement de sa déclaration, qui décrivait de nombreux scénarios matériellement impossibles, qu’il était incapable de se souvenir avec précision de son interaction avec la police ni de comment il a été blessé. Compte tenu des nombreuses et évidentes inexactitudes de sa déclaration, je ne me suis pas appuyé sur cet élément de preuve pour formuler ma conclusion quant à savoir s’il y avait des motifs raisonnables de croire que la blessure du plaignant avait été causée par un recours excessif à la force par la police.
Néanmoins, outre le plaignant, les enquêteurs de l’UES ont interrogé cinq témoins civils, deux agents spéciaux d’un autre service de police qui se trouvaient dans le secteur pour des raisons indépendantes de l’incident, ainsi que six agents de police de la PRY. Les enquêteurs ont également examiné les notes de ces six agents. L’AI no 1 n’a pas consenti à participer à une entrevue avec les enquêteurs ni à leur remettre les notes de son carnet pour examen, comme la loi l’y autorise. L’AI no 2 a participé à une entrevue avec les enquêteurs et leur a remis ses notes. En outre, les enquêteurs ont pu analyser les vidéos des caméras à bord de divers véhicules de police, les enregistrements des transmissions radio de la police, les enregistrements des appels au 9-1-1 ainsi que les dossiers médicaux du plaignant.
À l’exception du témoignage du plaignant, les déclarations de tous les autres témoins concordent à tous points de vue, donnant une image claire des événements.
D’après tous les éléments de preuve, tant que le plaignant n’était pas au sol et qu’il était encore en possession de son arme, même si de nombreux témoins ont vu des policiers avec leurs armes à feu dégainés, aucun agent n’a eu de contact physique avec le plaignant. Le premier contact physique n’a eu lieu que lorsque le plaignant, déjà à terre, a été maîtrisé puis menotté.
En raison de l’endroit où le plaignant a finalement été arrêté, aucun des témoins civils n’a vu ce qui se passait, à l’exception de la TC no 1, qui a vu le plaignant à terre, entouré de plusieurs agents de police en civil pendant qu’on le menottait. La TC no 1 a toutefois précisé qu’elle n’avait pas vu comment le plaignant était arrivé à terre, mais qu’elle n’avait vu à aucun moment un policier exercer contre lui une force excessive.
En outre, même si de nombreux policiers ont été vus armés d’une carabine ou d’une arme de poing dégainée et si l’AT no 2 avait son arme à impulsion en main, rien ne remet en cause la preuve selon laquelle aucune option de recours à la force n’a été utilisée contre le plaignant.
Selon l’AI no 2, une fois sur les lieux, il a tenté de communiquer avec le plaignant, mais celui-ci s’est contenté de le fixer d’un regard sans expression. Le TC no 2 confirme ce fait et décrit le plaignant comme ayant un « regard perdu » et une expression effrayante sur le visage.
L’AI no 2 a expliqué que le plaignant agitait de temps à autre la machette au-dessus de sa tête et qu’il lui avait ordonné de la laisser tomber, tout en essayant de le rassurer en lui disant que la police n’était pas là pour lui faire du mal. La TC no 3 a dit avoir entendu l’AT no 1 parler au plaignant et lui demander [traduction] : « Est-ce qu’on peut discuter un peu? », mais que le plaignant n’a pas répondu.
Lorsque le plaignant a fait demi-tour et s’est éloigné, l’AI no 2, l’AT no 1, l’AT no 3 et l’AT no 2 l’ont suivi. Le plaignant s’est finalement arrêté près d’un patio clôturé adjacent à un immeuble commercial; il tenait toujours la machette. On a alors vu l’AI no 1 s’approcher et immobiliser son véhicule de police de façon à bloquer le plaignant. Lorsque l’AI no 1 est sorti de son véhicule, il a dit au plaignant [traduction] : « Police, ne bougez pas! » et lui a ordonné de lâcher la machette. La TC no 1 et l’employé témoin de la police (ETP) no 1 ont confirmé que divers policiers avaient crié à de nombreuses reprises de lâcher le couteau. Le TC no 2 a entendu les agents crier au plaignant de se mettre à terre.
L’AI no 2 a déclaré que l’AI no 1 et lui-même ont continué d’ordonner au plaignant de laisser tomber la machette et que le plaignant a fini par s’agenouiller et placer la machette gainée par terre. L’AI no 1 a ensuite utilisé son pied pour « pousser » le plaignant en avant, ce que confirme la vidéo de la caméra de la voiture de police de l’AI no 1 où on voit l’AI no 1 placer son pied contre le dos du plaignant pour le pousser en avant et le forcer à s’allonger à plat ventre.
Une fois le plaignant allongé par terre, l’AI no 2 a épaulé sa carabine et s’est approché du plaignant avec d’autres agents. L’AI no 2 a expliqué que l’AI no 1 était à gauche du plaignant pour tenter de lui maîtriser le bras gauche tandis qu’il était lui-même à droite du plaignant pour tenter de lui maîtriser le bras droit. L’AT no 2 et l’AT no 1 étaient aussi à terre pour tenter d’immobiliser le plaignant tandis qu’un autre policier — que l’AI no 2 n’a pas pu identifier — tenait les jambes du plaignant pour l’empêcher de donner des coups de pied. Cette description est confirmée par la vidéo de la caméra du véhicule de police dans laquelle on voit les policiers s’agenouiller autour du plaignant en se penchant sur lui, avec l’AI no 2 et l’AI no 1 près du torse, l’AT no 1 près de sa taille et l’AT no 4 près de ses pieds; l’AT no 2 est debout près des pieds du plaignant.
L’AI no 2 a précisé qu’il tenait le bras droit du plaignant dans ce qu’il a décrit comme une prise de bras : il a utilisé son bras droit pour maîtriser le coude droit du plaignant et sa main gauche pour maîtriser le poignet droit du plaignant, tandis que ce dernier se débattait et essayait de dégager son bras et que l’AI no 2 ne cessait de lui répéter d’arrêter de résister. L’AI no 2 a ajouté que le plaignant a brusquement dégagé son bras. À ce moment-là, l’AI no 2 a entendu un bruit sec provenant de l’épaule droite du plaignant; le plaignant a alors cessé complètement de se débattre et n’a plus résisté. Les agents de police ont ensuite menotté le plaignant et appelé une ambulance.
L’AT no 4 a expliqué que lorsque l’AI no 2 essayait de tirer les bras du plaignant dans le dos pour le menotter, le plaignant résistait et se débattait, et ne permettait pas aux policiers de le maîtriser physiquement.
L’AT no 5 a dit qu’une fois à plat ventre sur le sol et avant d’être menotté, le plaignant était agité, confus et peu coopératif avec les policiers, en ce sens qu’il hurlait et se débattait. L’AT no 5 a déclaré avoir entendu tous les policiers essayer de calmer et de rassurer le plaignant et a précisé que l’AI no 2, l’AI no 1, l’AT no 4 et l’AT no 1 tentaient tous de maîtriser physiquement le plaignant; l’AI no 2 était sur son torse et le tenait plaqué au sol tandis que les trois autres policiers étaient quelque part au-dessous des épaules du plaignant. L’AT no 5 a ensuite saisi la tête et le cou du plaignant pour l’empêcher de continuer de balancer la tête d’avant en arrière et a placé son genou sur son épaule gauche.
L’AT no 1 a dit que, alors que l’AI no 1 et l’AI no 2 essayaient de menotter le plaignant dans le dos, le plaignant résistait et a essayé de se retourner sur le dos, et qu’à ce moment-là, elle a entendu un bruit sec.
L’AT no 2 a déclaré que le plaignant se débattait lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 tentaient de le menotter dans le dos et qu’il essayait de leur échapper. L’AT no 2 a décrit le plaignant comme étant un homme robuste, car l’AI no 1 et l’AI no 2 avaient dû lutter ensemble pour le menotter et qu’il avait fallu un effort concerté pour parvenir à le menotter. L’AT no 2 a ajouté qu’après avoir demandé une ambulance, l’AI no 2 lui avait dit que l’épaule du plaignant avait fait un bruit sec et qu’il croyait que son épaule était peut-être disloquée.
Les témoignages de tous les policiers présents lors de l’arrestation du plaignant sont cohérents; ils ont tous dit n’avoir employé aucune option de recours à la force et qu’aucun agent n’avait frappé le plaignant ni ne lui avait asséné de coups de pied ou de poing, l’interaction étant décrite comme une lutte pour le maîtriser et le menotter.
Sur l’ensemble de la preuve, j’accepte qu’au moment où l’AI no 1 et l’AI no 2 tentaient de tirer les mains du plaignant derrière son dos, ils ont entendu un bruit et que c’est à ce moment-là que le plaignant s’est fracturé l’humérus droit. Je reconnais en outre, en l’absence de preuve fiable à l’effet contraire, qu’aucun agent de police n’a eu recours à la force et qu’aucun n’a frappé le plaignant ni ne lui a asséné de coup de poing ou de pied. Il reste donc à savoir si les actes de l’AI no 1, lorsqu’il a poussé du pied le plaignant dans le dos pour le plaquer à terre, ou les actes de l’AI no 2 et de l’AI no 1, lorsqu’ils ont lutté avec le plaignant pour le maîtriser et lui ont tiré les mains dans le dos pour le menotter, constituaient un recours excessif à la force dans les circonstances.
En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’employer la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.
S’agissant d’abord de la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement du témoignage de toutes les personnes présentes – que ce soit les témoins indépendants ou les témoins de la police – que le plaignant constituait, à tout le moins, un danger pour le public puisqu’il brandissait en l’agitant une machette dans un lieu public où il y avait de nombreux piétons à cette heure de la journée et qu’il risquait donc de causer des blessures graves. Il ressort clairement de cette preuve que la police avait ample motif d’arrêter le plaignant pour possession d’une arme dangereuse pour la paix publique, en contravention de l’article 88 du Code criminel, et que la poursuite et l’appréhension du plaignant qui en ont résultaient étaient légalement justifiées dans les circonstances.
En ce qui concerne le recours à la force par la police, en commençant par l’AI no 1 qui a plaqué le plaignant au sol en le poussant du pied dans le dos, je ne peux pas conclure qu’il s’agit d’un recours excessif à la force dans ces circonstances. Même si, apparemment, le plaignant s’est mis à genou de son propre gré, il avait toujours la machette à portée de main et, tant qu’il n’était pas complètement maîtrisé et désarmé, continuait de présenter un danger pour les policiers et le public. Dans ces circonstances — le plaignant ayant forcé la police à le poursuivre à pied en traversant un stationnement très fréquenté, tout en agitant une machette et en ignorant tous les ordres de la police de lâcher son arme — je ne peux pas conclure que les actes de l’AI no 1 constituaient un usage excessif de la force.
Tous les éléments de preuve établissent clairement qu’il était urgent d’appréhender et de maitriser le plaignant avant qu’il ne puisse reprendre sa machette. En outre, il n’aurait pas été raisonnable, pour l’AI no 1, de s’approcher du plaignant avant que l’arme soit complètement hors de sa portée et qu’il soit mis hors d’état de nuire. Par conséquent, sa décision de pousser le plaignant du pied pour le plaquer au sol était plus que raisonnable dans les circonstances. En dernière analyse, bien sûr, il est clair que ce n’est pas ce qui a causé la blessure du plaignant.
Même si j’accepte le fait que le plaignant a subi une fracture à l’humérus droit lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 ont tenté de le menotter dans le dos, alors qu’il luttait et résistait activement, je conclus que, conformément au paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents impliqués n’utilisaient pas plus de force qu’il n’était raisonnablement nécessaire dans l’exercice de leurs fonctions légitimes. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai tenu compte de l’état du droit, tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, à savoir :
Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 1981 CanLII 339 (BC CA), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C. B.) :
[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]
De plus, j’ai pris en considération la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 CCC (2d) 96 (C.A. Ont.) selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. J’estime que le degré de force employé par les deux agents de police pour menotter le plaignant était directement proportionnel à la résistance qu’il leur opposait et que les agents ne pouvaient pas prévoir que leur lutte avec le plaignant pour lui immobiliser les mains et le menotter pourrait causer la fracture de son humérus.
Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI no 1 et l’AI no 2, ainsi que par les autres agents qui sont intervenus dans l’arrestation et le menottage du plaignant, n’excédait pas ce qui était nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légitime du plaignant et éliminer le risque qu’il continuerait de poser s’il n’était pas correctement maîtrisé et menotté. Par conséquent, en me fondant sur cette preuve, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents de police a eu un recours excessif à la force, et rien ne justifierait de porter des accusations criminelles.
Date : 27 juin 2018
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.