Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-TVI-108
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 23 ans lors de son arrestation le 11 mai 2017.
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 23 ans lors de son arrestation le 11 mai 2017.
L’enquête
Notification de l’UES
Vers 9 h 45, le jeudi 11 mai 2017, le Service de police de Toronto (SPT) a informé l’UES d’une collision impliquant un seul véhicule automobile, qui s’est écrasé contre une bibliothèque sur la rue Bloor Ouest entre l’avenue Gladstone et la rue Dufferin, à Toronto. Le SPT a indiqué que plus tôt ce matin là, à 3 h 56, l’AI et l’AT no 1 se trouvaient à bord d’un véhicule de police lorsqu’ils ont constaté qu’un véhicule, conduit par le plaignant, se déplaçait dans le mauvais sens dans une rue à sens unique. Le plaignant a pris la fuite et a heurté un bâtiment abritant une bibliothèque. Le plaignant a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic posé, il avait une fracture comminutive à la vertèbre L2. Plus tard, il a été placé sous garde.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6 Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2
L’UES a accepté de partager les lieux de l’accident avec le SPT, qui souhaitait enquêter sur la Chevrolet Cruze, et lui a permis de prendre le contrôle de ce véhicule, pour examen judiciaire. Les enquêteurs judiciaires (EJ) de l’UES ont assisté à l’examen de la Chevrolet Cruze, qui a eu lieu à une date ultérieure.
Les EJ de l’UES ont procédé à un examen des lieux, et ont notamment pris des mesures sur place en utilisant un appareil « Total Station » aux fins de création d’un schéma judiciaire et ont pris des photographies des lieux. Ils ont également examiné et photographié les lieux de l’arrestation du plaignant.
Les EJ de l’UES se sont également rendus à la Division du SPT pour examiner et photographier le véhicule de police de l’AI.
L’itinéraire du plaignant et de l’AI a été filmé sur vidéo.
Les EJ ont exploré le secteur où s’était produite la collision ainsi que le lieu d’arrestation du plaignant, à la recherche de caméras de surveillance et d’éventuels témoins.
Plaignant
Homme âgé de 23 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinésTémoins civils (TC)
TC no 1 A participé à une entrevue TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
Agents témoins (AT)
AT no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées AT no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire. Lorsque l’AT no 5 est arrivé sur les lieux, les ambulanciers paramédicaux étaient déjà présents et s’occupaient du plaignant, qui était couché par terre.
AT no 6 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire. Lorsque l’AT no 6 est arrivé sur les lieux, le plaignant était sur le sol et se plaignait de douleur au dos et était en train d’être soigné par des ambulanciers paramédicaux.
Agent impliqué (AI)
AI n° 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées. Description de l’incident
Le 11 mai 2017, peu avant 4 h, le plaignant conduisait une Chevrolet Cruze blanche en direction sud sur l’avenue Lansdowne et a tourné à gauche pour se rendre dans la direction est sur l’avenue Lappin. Le plaignant avait un passager à bord de son véhicule.
D’après l’AI et l’AT no 1, le plaignant a coupé le coin pour se diriger vers l’est sur l’avenue Lappin, auquel moment il est entré dans la voie opposée et s’approchait des agents de police, qui se déplaçaient en direction ouest sur l’avenue Lappin vers l’intersection. Puis, le plaignant a redressé le véhicule et est retourné dans la voie correcte.
Ensuite, le plaignant s’est arrêté sur l’avenue Lappin pour déposer son passager. Le véhicule de police a fait demi tour pour s’approcher du véhicule du plaignant par derrière. Le plaignant a accéléré pour s’éloigner rapidement et a tourné dans une rue latérale. Le plaignant a continué de rouler et à un moment donné, a tourné un coin à un taux de vitesse élevé, a perdu le contrôle de son véhicule et a percuté un bâtiment abritant la Bibliothèque publique de Toronto (BPT).
Puis, le plaignant est sorti de son véhicule et s’est enfui des lieux de la collision, pour ensuite se cacher dans un escalier se trouvant dans une allée.
Quand l’AI et l’AT no 1 sont arrivés sur les lieux de la collision, des piétons leur ont indiqué où se trouvait le plaignant. D’autres agents de police sont arrivés, et le plaignant a été arrêté pour conduite dangereuse.
Puis, le plaignant a été transporté à l’hôpital où l’on a déterminé qu’il avait plusieurs fractures à la colonne vertébrale. Le plaignant a allégué qu’un agent de police l’avait frappé aux côtes et au dos du côté droit.
D’après l’AI et l’AT no 1, le plaignant a coupé le coin pour se diriger vers l’est sur l’avenue Lappin, auquel moment il est entré dans la voie opposée et s’approchait des agents de police, qui se déplaçaient en direction ouest sur l’avenue Lappin vers l’intersection. Puis, le plaignant a redressé le véhicule et est retourné dans la voie correcte.
Ensuite, le plaignant s’est arrêté sur l’avenue Lappin pour déposer son passager. Le véhicule de police a fait demi tour pour s’approcher du véhicule du plaignant par derrière. Le plaignant a accéléré pour s’éloigner rapidement et a tourné dans une rue latérale. Le plaignant a continué de rouler et à un moment donné, a tourné un coin à un taux de vitesse élevé, a perdu le contrôle de son véhicule et a percuté un bâtiment abritant la Bibliothèque publique de Toronto (BPT).
Puis, le plaignant est sorti de son véhicule et s’est enfui des lieux de la collision, pour ensuite se cacher dans un escalier se trouvant dans une allée.
Quand l’AI et l’AT no 1 sont arrivés sur les lieux de la collision, des piétons leur ont indiqué où se trouvait le plaignant. D’autres agents de police sont arrivés, et le plaignant a été arrêté pour conduite dangereuse.
Puis, le plaignant a été transporté à l’hôpital où l’on a déterminé qu’il avait plusieurs fractures à la colonne vertébrale. Le plaignant a allégué qu’un agent de police l’avait frappé aux côtes et au dos du côté droit.
Preuve
Les lieux de l’incident
L’intersection de la rue Bloor Ouest et de l’avenue Gladstone se trouve dans un secteur commercial et résidentiel. La rue Bloor Ouest est généralement à direction est ouest. La chaussée est pavée et comporte deux voies dans chaque direction séparées par une ligne jaune solide. La chaussée est droite, plate et généralement en bon état. La limite de vitesse affichée y est de 40 km/h.Directement au nord de la rue Bloor Ouest, l’avenue Gladstone est une rue à sens unique en direction sud. La limite de vitesse qui y est affichée est de 30 km/h. La route est pavée et non marquée; des voitures stationnent du côté est, et le côté ouest est réservé à la circulation. L’avenue Gladstone rencontre la rue Bloor Ouest à une intersection en T et la circulation y est contrôlée au moyen d’un panneau d’arrêt pour les véhicules se rendant vers le sud sur l’avenue Gladstone.
La BPT est située au côté sud de la rue Bloor Ouest, directement en face de l’avenue Gladstone. L’avenue Gladstone continue en direction sud immédiatement à l’est de la BPT.
Une Chevrolet Cruze blanche reposait contre le mur extérieur nord de la BPT, du côté sud de la rue Bloor Ouest à l’intersection avec l’avenue Gladstone. Le véhicule se trouvait sur les marches en béton menant à la bibliothèque. Le véhicule avait subi d’importants dommages à l’avant ainsi que des dommages aux roues, aux jantes et à l’arrière, et les sacs gonflables latéraux et avant avaient tous été déployés.
Des traces de pneu formaient un arc vers la gauche depuis l’avenue Gladstone jusqu’à l’arrière du véhicule, ce qui montrait que la Chevrolet Cruze s’était dirigée vers le sud sur l’avenue Gladstone lorsqu’elle avait franchi un panneau d’arrêt sans s’arrêter sur la rue Bloor Ouest, n’avait pas réussi à négocier le virage, avait dérapé et avait traversé la rue Bloor Ouest, avait heurté un poteau d’attache de bicyclettes et était entrée en collision avec la BPT.
Les dommages causés à la bibliothèque étaient minimes.
Les enquêteurs ont également examiné et photographié les lieux de l’arrestation du plaignant. À part des impressions de chaussures au bas des marches, il n’y avait aucun élément de preuve notable.
L’itinéraire
Les EJ de l’UES sont arrivés et ont filmé l’itinéraire sur une vidéo. L’itinéraire aurait débuté dans le secteur de l’avenue Lansdowne et de l’avenue Lappin. Les véhicules se sont déplacés vers l’est sur l’avenue Lappin, vers le sud sur la rue Dufferin et puis vers l’est sur la rue Hallam. Les véhicules ont tourné en direction sud sur l’avenue Gladstone, mais cette section de la rue est toutefois à sens unique en direction nord. Les véhicules ont continué à se diriger vers le sud sur l’avenue Gladstone jusqu’à la rue Shanly, où la circulation est à sens unique vers le sud sur environ 1.5 km jusqu’à l’intersection en forme de T à la rue Bloor Ouest.Durant l’enregistrement de la vidéo, on a noté les conditions routières suivantes :
Avenue Lappin (640 mètres)
- rue résidentielle à deux directions, avec stationnement des deux côtés de la rue;
- une seule voie dans chaque direction;
- zone de 40 km/h qui devient une zone de 30 km/h, cette dernière limite de vitesse étant celle qui s’applique à la majeure partie de la rue;
- route identifiée comme partagée avec les cyclistes dans les deux directions;
- trois panneaux d’arrêt;
- sept dos d’âne.
Rue Dufferin (70 mètres)
- rue résidentielle/commerciale à deux sens;
- deux voies dans chaque direction.
Rue Hallam (100 mètres)
- rue résidentielle à deux directions;
- une voie dans chaque direction;
- panneau indiquant que la rue est une « zone de ralentissement de la circulation »;
- zone à limite de vitesse de 30 km/h;
- identifiée comme partagée avec les cyclistes dans les deux directions;
- un dos d’âne.
Avenue Gladstone (entre les rues Hallam et Shanly) (330 mètres)
- rue à sens unique vers le nord;
- le véhicule du plaignant et le véhicule de l’agent impliqué se sont déplacés vers le sud dans le sens opposé au sens de la circulation.
Avenue Gladstone (entre la rue Shanly et la rue Bloor Ouest) (370 mètres)
- rue résidentielle à deux directions, avec stationnement d’un côté de la rue;
- plus loin, devient une rue à sens unique en direction sud;
- zone où la limite de vitesse affichée est de 30 km/h;
- deux dos d’âne;
- panneau d’arrêt à la rue Bloor Ouest.
Preuve matérielle
Données téléchargées de la Chevrolet Cruze
Le 26 mai 2017, après que le SPT avait obtenu un mandat de perquisition pour le véhicule, les EJ de l’UES se sont rendus au garage des Services de la circulation du SPT pour participer au téléchargement des données de la Chevrolet Cruze. Le SPT a procédé à un examen judiciaire de l’intérieur du véhicule. À 8 h 52, un reconstitutionniste des collisions du SPT a téléchargé les données directement à partir du module. L’outil d’extraction de données sur les collisions (EDC) a produit un rapport faisant état de deux événements de déploiement de sacs gonflables durant la collision. Le premier déploiement est probablement survenu lorsque la Chevrolet a heurté et a franchi la bordure ou le bord en béton du parterre qui se trouve devant la bibliothèque. Le deuxième déploiement s’est probablement produit lorsque le véhicule a heurté le mur de la bibliothèque, environ une demi seconde après le premier impact. Cinq secondes avant de monter sur la bordure, la Chevrolet Cruze se déplaçait à 140 km/h, à environ 136 mètres au nord de l’intersection. Durant les cinq secondes qui ont précédé l’impact, le plaignant a freiné pour ralentir le véhicule à environ 58 km/h au moment où il est monté sur la bordure, et le véhicule se déplaçait à environ 32 km/h lorsqu’il a percuté le bâtiment. Le rapport EDC montre qu’au moment de la collision, le plaignant ne portait pas sa ceinture de sécurité et qu’il n’y avait aucun passager dans le véhicule.Immédiatement après le téléchargement des données, un mécanicien certifié pour les véhicules du SPT a inspecté la Chevrolet Cruze pour déterminer s’il y avait un problème mécanique et/ou une autre défaillance apparente qui aurait pu causer la collision ou aurait pu y contribuer. Il n’y avait cependant aucun signe de défaillance mécanique qui aurait pu contribuer ainsi à l’accident.
Voiture de police de l’AI
Ce véhicule de police identifié était équipé de feux d’urgence et d’une sirène. On a examiné le véhicule de police, qui ne présentait aucun dommage résultant d’une collision qui aurait pu être reliée à cet incident.Données LAV de la voiture de police de l’AI
Les données de localisation automatisée du véhicule (LAV) qui documentent le déplacement de la voiture de patrouille de l’AI ont été examinées pour la période entre 3 h 45 et 4 h, examen qui a révélé qu’il y avait 36 points de données enregistrés par le système de positionnement mondial (GPS).Les données LAV ont révélé qu’en général, l’AI a conduit son véhicule de police à des vitesses de moins de 40 km/h. À 3 h 53, l’AI se déplaçait vers l’ouest sur l’avenue Lappin, à environ 24 km/h. À 3 h 54, il se trouvait à l’intersection des avenues Lappin et Lansdowne, pour ensuite se diriger vers l’est sur l’avenue Lappin et passer les avenues St. Clarens et Emerson vers la rue Dufferin, à une vitesse qui est passée d’environ 54 km/h à environ 64 km/h. À 3 h 55, l’AI se déplaçait en direction sud sur l’avenue Gladstone, avant de franchir la rue Shanly, parcourant une distance d’environ 325 mètres et conduisant dans le sens contraire de cette partie de la rue qui est à sens unique, à environ 82 km/h.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies
Caméra située dans le véhicule de police de l’AI
On a examiné les images filmées par la caméra qui se trouvait dans le véhicule de police conduit par l’AI. La vidéo corroborait l’information fournie par l’AI à l’UES.Le seul moment où la Chevrolet Cruze était visible dans l’enregistrement vidéo était après sa collision avec la BPT.
Séquences de télévisions en circuit fermé d’un dépanneur
L’UES a obtenu des enregistrements de télévisions en circuit fermé (TVCF) d’un dépanneur au coin sud est de l’avenue Lappin et de la rue Dufferin. Ces enregistrements vidéo étaient horodatés et les heures indiquées étaient en retard d’environ 35 à 40 minutes par rapport à l’heure normale de l’Est (HNE).La « caméra 13 » montrait le trottoir du côté sud de l’avenue Lappin, juste à l’ouest de la rue Dufferin. À 3 h 11 m 40 s [fn]1[/fn], un véhicule entièrement identifié du SPT, dont on croit qu’il était conduit par l’AI, se déplace lentement en direction ouest sur l’avenue Lappin et puis sort du plan de la caméra. À 3 h 14 m 06 s [fn]2[/fn], un véhicule blanc, dont on sait maintenant qu’il s’agissait d’une Chevrolet Cruze, se déplace vers l’est sur l’avenue Lappin, apparemment, à une vitesse élevée. À 3 h 14 m 14 s [fn]3[/fn], un véhicule de police sans ses feux d’urgence allumés roule en direction est sur l’avenue Lappin, plus ou moins à la même vitesse que la Chevrolet Cruze.
La « caméra 14 » montrait le trottoir devant le magasin au côté ouest de la rue Dufferin, à l’intersection de la rue Dufferin et de l’avenue Lappin. À 3 h 14 m 13 s [fn]4[/fn], un véhicule inconnu se déplace vers le sud sur l’avenue Dufferin et entre dans l’intersection. Alors que le véhicule inconnu entre dans l’intersection, la Chevrolet Cruze vire à droite depuis l’avenue Lappin en direction est sur la rue Dufferin en direction sud, directement devant le véhicule inconnu. Il semble que le conducteur du véhicule inconnu soit obligé de freiner afin d’éviter une possible collision avec la Chevrolet Cruze. Il semble aussi que la Chevrolet Cruze ne s’arrête pas au panneau d’arrêt à l’avenue Lappin. À 3 h 14 m 22 s [fn]5[/fn], le véhicule de police conduit par l’AI se déplace vers l’est sur l’avenue Lappin et tourne à droite pour poursuivre sa route vers le sud sur la rue Dufferin, sans s’arrêter au panneau d’arrêt de l’avenue Lappin. Les feux d’urgence du véhicule de police ne sont pas activés.
Séquences de TVCF d’un Tim Horton’s
L’UES a obtenu des séquences d’une TVCF au Tim Horton’s situé au coin nord ouest de la rue Bloor Ouest et de l’avenue Gladstone. La caméra vidéo est pointée vers le sud vers l’intersection de la rue Bloor Ouest et de l’avenue Gladstone. Il s’agissait d’une caméra activée par le mouvement.À 3 h 55 m 34 s, la Chevrolet Cruze se déplace à haute vitesse en direction sud sur l’avenue Gladstone, et franchit sans s’arrêter le panneau d’arrêt à l’intersection de l’avenue Gladstone et de la rue Bloor Ouest et puis entre en collision avec le mur extérieur de la BPT du côté sud de la rue Bloor Ouest à l’avenue Gladstone.
À 3 h 55 m 55 s, un véhicule de police conduit par l’AI se déplace en direction sud sur l’avenue Gladstone et arrive sur la rue Bloor Ouest, en roulant à une vitesse normale. Le véhicule de police entre dans l’intersection, puis se déplace en direction sud sur l’avenue Gladstone, au sud de la rue Bloor Ouest, sans que ses feux d’urgence ne soient allumés.
Enregistrements des communications
Recherche dans le registre du système de répartition assistée par ordinateur Intergraph (RAO/I)
D’après le rapport d’incident détaillé du système RAO/I, le 11 mai 2017, à 3 h 56 m 30 s, l’AI et l’AT no 1 étaient sur les lieux de l’accident sur la rue Bloor Ouest. À 3 h 58 m 43 s, les agents de police se trouvaient avec une personne dans l’allée. À 4 h 01 m 31 s, on a appelé une ambulance. À 4 h 24 m 46 s, l’AT no 2 a indiqué qu’il n’y avait eu aucune poursuite de véhicule et que le suspect se plaignait qu’il avait le dos cassé.Enregistrements des communications
Les enregistrements des communications concordaient avec l’information que l’AI a fourni à l’UES.Éléments de preuve médico-légaux
Aucun élément ou document n’a été soumis au Centre des sciences judiciaires.Éléments obtenus du service de police
L’UES a demandé au SPT les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :- tableau de données LAV pour la voiture de patrouille de l’AI;
- rapports d’incident détaillés;
- rapport général d’incident;
- résultat de la recherche dans le registre du système RAO/I;
- rapport de saisie du véhicule;
- rapport sur les blessures;
- rapport sur un grave accident de la route;
- notes des AT nos 1 à 6 et de l’AI;
- procédure 15-10 - poursuite visant l’appréhension de suspects;
- résumé de la conversation – enregistrements des communications;
- dossier complet du SPT – R. c. le plaignant;
- croquis du SPT des lieux de l’incident;
- rapport de l’historique de l’unité – voiture de patrouille de l’AI.
L’UES a également obtenu les dossiers médicaux du plaignant.
Dispositions législatives pertinentes
Articles 1 à 3 du Règlement de l’Ontario 266/10 (intitulé « Poursuites visant l’appréhension de suspects ») pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario
1. (1) Pour l’application du présent règlement, une poursuite visant l’appréhension de suspects a lieu lorsqu’un agent de police tente d’ordonner au conducteur d’un véhicule automobile de s’immobiliser, que le conducteur refuse d’obtempérer et que l’agent poursuit, en véhicule automobile, le véhicule en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule(2) La poursuite visant l’appréhension de suspects est interrompue lorsque les agents de police ne poursuivent plus un véhicule automobile en fuite afin de l’immobiliser ou de l’identifier ou d’identifier un particulier à bord du véhicule.
2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas :
a) soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas :
b) soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule
a) du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
b) d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
c) du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi
(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.
(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.
(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.
(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.
3. (1) Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects
(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
Article 249 du Code criminel -- Conduite dangereuse
249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu;
(3) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.
Article 216 (1) du Code de la route de l’Ontario – Pouvoir d’un agent de police
216 (1) Un agent de police, dans l’exercice légitime de ses fonctions, peut exiger du conducteur d’un véhicule, autre qu’une bicyclette, qu’il s’arrête. Si tel est le cas, à la suite d’une demande ou de signaux, le conducteur obéit immédiatement à la demande d’un agent de police identifiable à première vue comme tel.216 (2) Quiconque contrevient au paragraphe (1) est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, sous réserve du paragraphe (3), selon le cas :
a) d’une amende d’au moins 1 000 $ et d’au plus 10 000 $;
b) d’un emprisonnement d’au plus six mois;
c) d’une amende et d’un emprisonnement.
Analyse et décision du directeur
Le 11 mai 2017, le plaignant conduisait une Chevrolet Cruze de couleur blanche lorsqu’il a attiré l’attention de l’AI et de l’AT no 1, qui patrouillaient dans le secteur à bord de leur voiture de police identifiée. L’AI a fait demi tour pour suivre le véhicule automobile du plaignant, et en raison de cela le plaignant a accéléré. Peu de temps après, le plaignant s’est écrasé contre l’un des côtés du bâtiment abritant la Bibliothèque publique de Toronto (BPT) situé à l’intersection de l’avenue Gladstone et de la rue Bloor Ouest dans la ville de Toronto. Puis, le plaignant est sorti de son véhicule automobile et a fui et, plus tard, il a été mis en état d’arrestation alors qu’il se cachait dans un escalier dans une allée et a été transporté à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait subi une fracture au corps vertébral L2 (la vertèbre située à l’extrémité inférieure de la colonne vertébrale, au bas du dos), laquelle fracture a nécessité une intervention chirurgicale.
Les enquêteurs se sont entretenus avec quatre témoins civils, dont le plaignant, et avec cinq agents de police témoins, dont l’agent impliqué (AI); de plus, les enquêteurs avaient accès aux carnets de sept agents de police, aux enregistrements des transmissions radio, à la vidéo de surveillance de deux établissements commerciaux le long de l’itinéraire suivi par le plaignant et la voiture de police, à la vidéo filmée par la caméra dans la voiture de patrouille, aux données téléchargées de la voiture de patrouille et du véhicule automobile du plaignant et aux dossiers paramédicaux et médicaux du plaignant. Au cours de mon analyse, j’ai divisé la preuve en deux parties distinctes : la preuve concernant les faits qui ont mené à la collision du véhicule automobile du plaignant avec la BPT et la preuve concernant la conduite de la police durant l’arrestation du plaignant.
1. La collision
Le plaignant, dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, a expliqué que le 11 mai 2017, son véhicule automobile était entré en collision avec la BPT et que durant l’accident, il s’était cogné la tête et avait peut être été blessé. Après cette collision, le plaignant était parti en courant et s’était caché dans un escalier qui se trouvait dans une allée.
Selon les dossiers paramédicaux et de l’hôpital du plaignant, celui ci a dit au personnel médical qu’il [traduction] « avait perdu connaissance » ou qu’il « avait eu un blanc » et qu’à cause de cela, il avait eu un accident; le plaignant n’a pas répété cette affirmation lors de sa déclaration aux enquêteurs de l’UES. En outre, dans les dossiers paramédicaux, les ambulanciers ont noté que [traduction] « le patient ne se souvient pas s’il avait mis sa ceinture de sécurité ». Dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, le plaignant a indiqué qu’il portait sa ceinture de sécurité au moment de la collision, mais cette affirmation semble contredire non seulement le commentaire qu’il a fait aux ambulanciers paramédicaux, mais aussi sa propre déclaration où il a dit qu’il s’était cogné la tête durant l’accident. Les données téléchargées du véhicule conduit par le plaignant ont confirmé qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité au moment de la collision.
Les données téléchargées de la Chevrolet Cruze que conduisait le plaignant ont révélé également que cinq secondes avant de monter sur la bordure entourant la bibliothèque, le plaignant conduisait à 140 km/h à un endroit se trouvant approximativement 136 mètres au nord de l’intersection où se situe la bibliothèque. Durant les cinq dernières secondes avant l’impact, le plaignant a appuyé sur les freins et a ramené sa vitesse à environ 58 km/h lorsque son véhicule est monté sur la bordure et il a ralenti ensuite à 32 km/h avant l’impact avec le bâtiment; cet élément de preuve semble contredire l’affirmation qu’a faite le plaignant au personnel médical selon laquelle il avait perdu connaissance, puisqu’il appuyait clairement et fortement sur les freins juste avant d’entrer en collision avec la bibliothèque.
Les données de localisation automatisée du véhicule (LAV) provenant de la voiture de patrouille conduite par l’AI ont révélé que le véhicule de police se déplaçait continuellement à des vitesses de moins de 40 km/h avant que l’AI aperçoive le véhicule automobile du plaignant. Alors que l’AI se dirigeait vers l’ouest sur l’avenue Lappin, à 3 h 54, sa vitesse était d’environ 24 km/h; après avoir fait demi tour, il s’est dirigé vers l’est sur l’avenue Lappin vers la rue Dufferin à des vitesses qui ont augmenté pour se situer entre 54 et 64 km/h. À 3 h 55, la voiture de patrouille s’est dirigée en direction sud sur l’avenue Gladstone sur 325 mètres, c’est-à-dire dans le mauvais sens d’une rue qui à cet endroit est à sens unique, à une vitesse d’approximativement 82 km/h.
La vidéo provenant de la caméra dans la voiture de patrouille de l’AI a révélé qu’après que la caméra avait été activée, le véhicule automobile du plaignant est seulement devenu visible pour les occupants de la voiture de patrouille après qu’il était déjà entré en collision avec le bâtiment abritant la bibliothèque, puisque la caméra n’avait pas été activée à temps pour enregistrer les images au moment où les agents de police avaient vu le véhicule automobile pour la première fois.
Les enregistrements des transmissions radio de la police révèlent que l’AI et l’AT no 1 ont signalé qu’ils se trouvaient sur les lieux de la collision à 3 h 56 m 30 s, qu’ils avaient trouvé le plaignant dans une allée à 3 h 58 43 s et qu’à 4 h 01 m 31 s, ils ont demandé de faire venir une ambulance.
La vidéo de surveillance provenant d’un dépanneur à l’intersection de l’avenue Lappin et de la rue Dufferin montre la voiture de patrouille de l’AI se déplaçant lentement vers l’ouest sur l’avenue Lappin; elle disparaît ensuite. Puis, on voit le véhicule automobile du plaignant se dirigeant vers l’est sur l’avenue Lappin à ce qui semble être un taux de vitesse élevé, et puis tourner à droite à partir de l’avenue Lappin en direction est sur la rue Dufferin en direction sud, sans s’arrêter au panneau d’arrêt et entrer directement dans la voie d’un autre véhicule automobile, qui est obligé de freiner afin d’éviter une collision. Cet élément de preuve contredit l’affirmation du plaignant selon laquelle il s’était arrêté au panneau d’arrêt, quand il avait constaté pour la première fois que la voiture de patrouille de la police avait fait demi tour.
Selon les données provenant de la voiture de patrouille de l’AI, celle ci s’est alors dirigée vers l’ouest sur l’avenue Lappin et se trouvait à environ huit secondes derrière la Chevrolet Cruze, après avoir accéléré pour rouler à la même vitesse qu’elle, sans que ses feux d’urgence ne soient activés. Puis, la voiture de police a également tourné à droite sur la rue Dufferin huit secondes plus tard sans s’arrêter au panneau d’arrêt; les feux d’urgence n’étaient toujours pas allumés.
Ensuite, on voit la Chevrolet Cruze dans la vidéo de surveillance d’un Tim Horton’s situé directement de l’autre côté de la rue de la BPT; à 3 h 55 m 34 s, on voit la Chevrolet Cruze se diriger à haute vitesse en direction sud sur l’avenue Gladstone, franchir le panneau d’arrêt sans s’arrêter à l’intersection de l’avenue Gladstone et de la rue Bloor Ouest et heurter le mur extérieur de la bibliothèque située au côté sud de la rue Bloor Ouest. Vingt et une secondes plus tard, on voit la voiture de patrouille de l’AI se diriger vers le sud sur l’avenue Gladstone et arriver à l’intersection avec la rue Bloor Ouest; la voiture de patrouille roule à une vitesse normale et ne semble pas avoir ses feux d’urgence activés.
Tandis qu’aussi bien l’AI que l’AT no 1, dans leurs déclarations respectives, ont indiqué qu’à aucun moment ils n’avaient entamé une poursuite du plaignant, je ne répéterai pas leurs éléments de preuve ici, puisqu’ils sont entièrement conformes aux divers éléments de preuve techniques et aux images vidéo obtenus par les enquêteurs et ont déjà été décrits plus haut.
2. La conduite de la police au moment de l’arrestation
Il est allégué qu’alors que le plaignant se cachait dans un escalier, cinq agents de police en uniforme sont arrivés et avaient tous leurs armes à feu à la main et lui ont ordonné en criant de lever les mains et de ne pas bouger car sinon ils lui tireraient dessus. Puis, un agent de police aurait descendu l’escalier et aurait frappé le plaignant quatre ou cinq fois, le giflant au côté du visage, après quoi l’agent de police lui aurait donné des coups de poing ou des claques avec sa main ouverte au dos et aux côtes du plaignant, du côté droit de son corps. Il est allégué qu’après que le plaignant avait été frappé ainsi, il n’était plus en mesure de marcher tout seul.
Puis, le plaignant a été transporté à l’hôpital par ambulance. Selon le diagnostic, le plaignant avait un os fracturé au dos; il n’avait pas de blessures avant l’incident décrit ici.
Bien que les dossiers médicaux et paramédicaux ne précisent pas ce que le plaignant aurait pu dire sur la façon dont il avait subi sa blessure, un peu partout dans les dossiers, le mécanisme de sa blessure est décrite comme une collision impliquant un véhicule automobile; il n’y a jamais de mention que le plaignant aurait formulé une plainte selon laquelle il avait reçu sa blessure aux mains de la police ou qu’il avait été agressé par elle. De plus, les dossiers indiquent qu’il n’y avait pas d’éraflures, de contusions, de lacérations, ou d’autres lésions externes dans la région de sa colonne vertébrale, auxquelles on s’attendrait si la police l’avait frappé tellement fort qu’elle avait causé sa blessure, comme il l’allègue.
D’après l’opinion obtenue d’un expert médical, la blessure subie par le plaignant, c’est à dire une fracture au corps vertébral L2, est une grave blessure associée généralement à une vitesse ou vélocité élevée et/ou à des situations de grande énergie et est une blessure que l’on voit couramment après une collision impliquant un véhicule automobile. L’expert a également indiqué que même si cette blessure peut aussi être causée par une chute d’une grande hauteur ou par une grande force contondante, dans les circonstances examinées ici, il est plus que probable que la blessure du plaignant ait été causée par la collision du véhicule et non pas par une altercation subséquente.
Deux témoins civiles, qui ont entendu l’interaction du plaignant avec la police, ont décrit l’arrestation comme s’étant faite sans altercation physique ou conflit violent, et ont indiqué qu’elles n’avaient entendu aucune gifle ni d’autres coups. La première témoin a indiqué qu’elle avait d’abord entendu une personne courir et lorsqu’elle avait regardé à l’extérieur, elle avait vu deux agents de police courir dans l’allée à l’arrière de son immeuble d’habitation. Puis, elle avait entendu des personnes s’affairer et les agents de police parler avec quelqu’un, mais aucun son d’une interaction physique, seulement que les agents de police tentaient d’appréhender quelqu’un. Puis, elle a entendu une voix dire [traduction] « T’as frappé mon dos! Mon dos est cassé! » et a décrit cette voix comme celle d’une personne qui hurlait et gémissait et qu’il lui semblait que cette personne exagérait ou dépassait les limites. Par la suite, la témoin a vu le plaignant marcher vers l’ambulance avec les agents de police et a observé qu’il marchait tout seul et qu’il n’était pas traîné par la police, même s’il criait sans arrêt. La témoin a observé qu’il y avait seulement trois agents de police avec le plaignant et elle a été en mesure de décrire chacun d’eux.
La témoin a également entendu le plaignant dire aux ambulanciers paramédicaux qu’il s’était blessé durant un [traduction] « accident ».
Une autre témoin a entendu deux ou trois agents de police parler avec autorité et dire à quelqu’un [traduction] « Arrêtez. Arrêtez de bouger » et selon elle, ils semblaient exaspérés. Un agent de police se trouvait au centre de la cour. La témoin a alors entendu quelqu’un dire, de façon exagérée [traduction] « Oh, mon dos » et un agent de police répondre « Sortez de là », et la personne répondre « Je suis incapable de bouger. Je suis incapable de bouger ». Un agent de police aurait alors dit « Vous êtes descendu là, vous pouvez remonter ».
La témoin a alors vu un agent de police escorter le plaignant hors de la cour. Le plaignant marchait normalement et ne semblait pas avoir le dos cassé. De temps en temps, le plaignant se plaignait « Oh, ma jambe, oh, maintenant c’est mon dos. Oh, non », propos qu’elle a décrits comme étant presque comiques et ne donnant pas l’impression qu’il éprouvait de la douleur. Cette deuxième témoin a également confirmé qu’elle n’avait pas entendu de sons venant de l’escalier qu’elle attribuerait à une altercation entre le plaignant et les agents de police.
Ce que je trouve intéressant c’est que les deux témoins civiles ont chacune décrit le plaignant comme exagérant ou comme étant comique lorsqu’il se plaignait continuellement et à voix haute de ses blessures, ce que j’interprète comme le comportement de quelqu’un qui fait semblant et dont les plaintes n’étaient pas sincères.
L’AI, dans sa déclaration, a indiqué que le véhicule automobile du plaignant avait initialement attiré son attention lorsqu’il avait tourné abruptement sur l’avenue Lappin et avait pénétré dans la voie de circulation inverse, dans laquelle se trouvait à ce moment là la voiture de patrouille. L’AI a précisé que le plaignant avait rapidement ajusté sa conduite et avait ramené son véhicule dans la bonne voie. L’AI avait noté le numéro de la plaque d’immatriculation, après quoi il avait fait demi tour et avait suivi le plaignant. L’AI a indiqué qu’a priori son intention était simplement de suivre la Chevrolet Cruze à une certaine distance et qu’il avait observé le plaignant s’arrêter pour laisser sortir son passager, et qu’il était ensuite reparti à une vitesse plus élevée. Puis, le plaignant ne s’était pas arrêté à un panneau d’arrêt. En raison des différentes infractions commises par le plaignant jusqu’à ce moment là, l’AI avait décidé qu’il procéderait à un arrêt véhiculaire aux termes du Code de la route et il avait accéléré pour le suivre. L’AI a indiqué qu’une fois que le plaignant avait tourné sur la rue Dufferin, il l’avait perdu de vue. L’AI a également précisé qu’à aucun moment il n’avait activé ses feux d’urgence ou sa sirène. Une fois que l’AI était arrivé au panneau d’arrêt à l’avenue Gladstone et à la rue Hallam, il a constaté que le plaignant se déplaçait à haute vitesse vers le sud sur l’avenue Gladstone, et qu’il se trouvait déjà à environ 300 à 350 mètres de l’endroit où il était arrêté à l’intersection.
L’AI a expliqué qu’il s’était alors dirigé en direction sud sur l’avenue Gladstone, en dépassant la limite de vitesse, et qu’il s’était dirigé dans le mauvais sens sur cette avenue, là où elle devenait une rue à sens unique, quelque chose dont il n’était pas conscient à l’époque. L’AI a précisé qu’il n’avait pas vu de piétons. L’AI avait alors envoyé un message par la radio pour demander s’il y avait d’autres voitures de patrouille dans le secteur, mais n’avait reçu aucune réponse. Lorsque la distance entre son propre véhicule et celui du plaignant avait augmenté à environ 400 mètres, l’AI avait réalisé qu’il ne parviendrait pas à rattraper le véhicule et il avait informé le répartiteur de la marque, de la couleur et du numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule automobile, tandis qu’il le perdait de vue.
L’AT no 1 a indiqué qu’il pensait que le plaignant n’était pas conscient de la présence de la voiture de patrouille à ce moment là, parce qu’il était tellement loin derrière lui et qu’il n’avait pas activé l’équipement d’urgence.
Quand l’AI est arrivé à l’intersection de l’avenue Gladstone et de la rue Bloor Ouest, il a constaté que le plaignant s’était écrasé contre le côté de la bibliothèque. Puis, l’AI a tourné à gauche sur la rue Bloor Ouest, sans s’arrêter complètement au panneau d’arrêt et puis a de nouveau tourné sur l’avenue Gladstone là où elle continuait au sud de la rue Bloor; sa vitesse à ce moment là était entre 20 et 30 km/h. L’AI a alors observé le plaignant qui se déplaçait vers le sud et il l’a suivi, mais l’a perdu de vue. À un moment donné, l’AI a arrêté sa voiture de patrouille et a continué à chercher le plaignant à pied pendant que l’AT no 1 a pris le volant de la voiture de patrouille. Un certain nombre de piétons et puis un livreur ont pointé l’AI dans la direction où le plaignant s’était dirigé et il a abouti dans une allée entre des bâtiments. Quand l’AI a braqué sa lampe de poche vers le bas d’un escalier, il a vu deux pieds immobiles, qui semblaient être ceux d’une personne qui se cachait, et il a reculé et a utilisé sa radio pour signaler à l’AT no 1 où il se trouvait.
L’AT no 1 a expliqué qu’à son arrivée, il avait vu que le plaignant avait les deux mains en l’air et l’avait entendu crier que son dos était cassé. L’AT no 1 et l’AI ont alors tous deux ordonné au plaignant de se coucher au sol, mais il a répondu qu’il n’était pas en mesure de le faire du fait que son dos était cassé. Les deux agents de police se sont rendus vers l’escalier et l’AI a dégainé son arme à feu, puisqu’il ne savait pas si le plaignant était armé ou non, et il a dirigé sa lampe de poche vers le plaignant et a dit [traduction] « Police, ne bougez pas ». L’AI a décrit le plaignant comme étant hors d’haleine, comme tremblant comme une feuille et comme ayant l’air abattu; il se plaignait de douleur et avait besoin d’une ambulance. L’AI a alors rengainé son arme à feu et a attendu l’arrivée d’autres agents. Peu après, d’autres agents sont arrivés et l’AI est descendu pour aider le plaignant à se mettre debout. L’AI a demandé au plaignant où il avait mal, et le plaignant a répondu que c’était au dos, après quoi l’AI et l’AT no 1 ont aidé le plaignant à monter l’escalier tout en tenant chacun l’un de ses bras et tout en le soutenant. Pendant qu’ils montaient l’escalier, selon l’AI, le plaignant aurait dit : [traduction] « Je m’excuse. Je m’excuse. J’ai mal agi. Je ne suis pas censé conduire. Je pense que j’ai fucké mon dos. » L’AI l’a alors mis en état d’arrestation pour conduite dangereuse. L’AI a indiqué que ni lui ni aucun autre agent présent n’avaient jamais frappé le plaignant et que le plaignant ne s’était jamais plaint que l’AI l’avait blessé.
L’AT no 4 a indiqué que lorsqu’il était arrivé sur les lieux de l’arrestation, il avait constaté que l’AI et l’AT no 1 se trouvaient au haut d’un escalier et il avait vu le plaignant accroupi au bas de celui-ci et l’avait entendu crier qu’il avait besoin d’une ambulance et se plaindre au sujet de son dos. L’AT no 4 a expliqué qu’il avait vu l’AI et l’AT no 1 tenir le plaignant sous ses aisselles et le sortir de l’escalier, juste au moment où il quittait l’endroit pour fouiller le secteur. L’AT no 4 a indiqué qu’à aucun moment il n’avait eu de contact physique avec le plaignant.
L’AT no 3 a précisé que l’arrestation du plaignant était simple et qu’il n’y avait eu aucune altercation et qu’il n’avait eu aucun contact physique avec le plaignant.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’ensemble de la preuve et comme l’a reconnu le plaignant durant sa déclaration, que lorsqu’il avait attiré l’attention de la police, plutôt que de ralentir ou de s’arrêter au bord de la route, il avait décidé d’accélérer et de s’échapper. De plus, la vidéo de surveillance et les données téléchargées de son véhicule automobile montrent clairement qu’il a omis de s’arrêter à un certain nombre d’intersections contrôlées, qu’il a gêné la circulation en agissant ainsi et qu’il se déplaçait à des vitesses excessives. Par conséquent, l’AI avait le droit légal d’arrêter le plaignant et d’enquêter sur lui non seulement en raison d’infractions au Code de la route, mais simplement pour confirmer qu’il était titulaire d’un permis de conduire et que son véhicule était assuré adéquatement. En vertu de l’article 216 du Code de la route et conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Ladouceur, [1990], 1 R.C.S. 1257, la police a légalement le droit d’arrêter n’importe quel véhicule automobile pour vérifier le permis de conduire et l’assurance du conducteur, la sobriété de ce dernier ou le fonctionnement mécanique du véhicule, et ses arrêts aléatoires ne sont pas contraires à la Charte canadienne des droits et libertés. La police agissait donc légalement lorsqu’elle a initialement tenté d’arrêter le plaignant et d’enquêter sur lui aux termes du Code de la route. De plus, lorsque le plaignant a alors commencé à rouler plus vite, est passé par plusieurs panneaux d’arrêt sans s’arrêter et a fini par s’écraser contre le mur de la bibliothèque, elle avait d’autres motifs de l’arrêter pour conduite dangereuse contraire au Code criminel.
Si je me fonde sur la preuve devant moi, je conclus que j’ai des motifs raisonnables de croire que la blessure subie par le plaignant a été causée par la collision impliquant un véhicule automobile en raison des éléments suivants : l’avis d’un expert médical quant au mécanisme de sa blessure; les commentaires faits par le plaignant et entendus par une témoin civile indépendante selon lesquels il avait subi sa blessure parce qu’il avait été impliqué dans un accident; et le fait que l’évaluation médicale du plaignant n’a révélé aucune ecchymose, contusion ou abrasion qui aurait dû être présente s’il avait été frappé ou avait reçu des coups de poing, comme il est allégué. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je n’ai aucune hésitation à accepter qu’il y a des motifs raisonnables de croire que la blessure du plaignant était attribuable directement au fait qu’il s’était écrasé avec son véhicule automobile contre le mur de la bibliothèque, lorsqu’il avait décéléré après avoir roulé à grande vitesse et tout en ne portant pas de ceinture de sécurité et que cette blessure ne correspond pas au genre de blessure qu’il aurait subie s’il avait reçu des coups de poing ou gifles d’un agent de police au moment de son arrestation.
En outre, dans ce dossier, je conclus que les éléments de preuve fournis dans les déclarations de l’AI et de l’AT no 1 sont confirmés entièrement par la vidéo filmée par la caméra dans le véhicule de police et les données LAV provenant de celui ci, les données téléchargées du véhicule que conduisait le plaignant, les enregistrements des communications radio de la police et la vidéo de surveillance de deux établissements commerciaux le long de l’itinéraire qu’a suivi le plaignant; ainsi, j’accepte leurs éléments de preuve dans leur entièreté comme représentant un témoignage exact de la séquence des événements et je rejette la preuve fournie par le plaignant là où elle est contredite par la preuve fournie par les agents de police.
Je me penche maintenant sur la question de savoir si la collision entre le véhicule du plaignant et la BPT et ses blessures subséquentes résultaient d’une poursuite policière entamée par l’AI et s’il y a effectivement eu une poursuite, s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle et, plus particulièrement, si sa conduite avant la collision était dangereuse et donc en contravention du par. 249 (1) du Code criminel et a causé ainsi des lésions corporelles contraires au par. 249 (3).
Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ».
Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’accepte la preuve de l’AI et de l’AT no 1 qu’à aucun moment l’AI n’a entamé de poursuite policière pour prendre en chasse le plaignant. J’accepte cette version des événements non seulement parce qu’elle est confirmée par l’ensemble des éléments de preuve matériels décrits ci dessus, mais aussi parce que le plaignant n’a jamais allégué que la police l’avait ainsi poursuivi, sauf quand la voiture de patrouille avait fait demi tour et avait accéléré pour rattraper le plaignant au début de l’incident. Le plaignant n’a pas indiqué qu’il avait même revu la voiture de patrouille avant d’entrer en collision avec la bibliothèque. En outre, je note que l’AI n’a jamais activé l’un ou l’autre équipement d’urgence et que dès qu’il a conclu qu’il ne pouvait rattraper le plaignant en toute sécurité, il a renoncé à toute tentative d’arrêter le véhicule, mais au lieu de cela, a suivi stratégiquement l’itinéraire qu’à son avis le plaignant avait suivi, à une vitesse nettement réduite, après avoir perdu de vue le véhicule automobile du plaignant. Il a également fourni au répartiteur la description du véhicule automobile du plaignant et le dernier endroit où il l’avait aperçue.
Bien que l’AI reconnaisse, comme le confirment les données provenant de sa voiture de patrouille, qu’il avait initialement dépassé la limite de vitesse dans ses efforts de rattraper le plaignant afin de procéder à un arrêt routier de son véhicule, qu’il s’était déplacé brièvement dans le sens contraire d’une rue à sens unique et qu’il avait omis de s’arrêter à deux panneaux d’arrêt, je ne puis conclure que sa conduite était grave au point d’être visé par l’art. 249 du Code criminel du fait qu’elle aurait constitué « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé »; il s’agissait d’une situation où un agent de police tente de suivre un véhicule automobile après que le conducteur a commis plusieurs infractions au Code de la route. Alors que la vitesse de l’AI était supérieure aux limites de vitesse affichées dans le secteur, elle n’a jamais été supérieure à 82 km/h et même lorsqu’il roulait à cette vitesse, ce n’était que sur 325 mètres, tandis que le restant du temps, l’AI n’a jamais dépassé 64 km/h. De plus, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI a créé un danger pour les autres utilisateurs de la chaussée en ce sens qu’il n’a jamais gêné la circulation, le nombre des autres véhicules ou les piétons à cette heure de la journée étant très limité, et que la distance complète du parcours durant lequel il a tenté de suivre le plaignant était de 1,5 km tout au plus et que ce parcours a duré moins de 90 secondes; de plus, les conditions environnementales étaient bonnes et les rues étaient sèches. L’AI n’a rien fait pour exacerber la conduite dangereuse du plaignant, puisqu’il semble qu’en raison de la distance entre la voiture de patrouille et le plaignant et du fait que l’AI n’avait pas allumé ses feux d’urgence, le plaignant ne savait pas que la voiture de patrouille le suivait toujours après qu’il avait fait demi tour initialement et avait accéléré pour tenter de procéder à un arrêt routier. En dernière analyse, je suis convaincu, dans ce dossier, que l’AI agissait légalement lorsqu’il avait tenté initialement d’arrêter le plaignant pour enquêter sur un certain nombre d’infractions au Code de la route et que sa conduite par la suite tombait dans les limites de la diligence prescrites par le droit criminel. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations contre l’AI pour la conduite de son véhicule automobile.
En ce qui concerne l’allégation que l’un des cinq agents de police, le plus grand d’entre eux, a giflé quatre ou cinq fois le plaignant au côté droit de son visage et puis a utilisé un poing ou la paume de la main pour le frapper au dos et aux côtes, je conclus que je ne peux pas vraiment me fier à la déclaration du plaignant pour les raisons suivantes : les données provenant de son véhicule automobile ont clairement démontré que son affirmation qu’il portait sa ceinture de sécurité au moment de l’accident était fausse; sa déclaration initiale faite aux ambulanciers paramédicaux et au personnel médical qu’il avait eu un accident parce qu’il avait « perdu connaissance » est contredite à la fois par sa déclaration subséquente aux enquêteurs de l’UES et par le fait qu’il avait freiné immédiatement avant l’accident; son commentaire sur les lieux de l’arrestation, entendu par une témoin civile, que sa blessure avait été causée par l’accident; l’absence complète d’ecchymoses ou de blessures extérieures alors qu’il affirmait avoir reçu des coups de poing qui étaient tellement violents qu’ils avaient causé sa blessure; les observations de deux témoins civiles différentes qu’elles n’avaient pas entendu de sons qui auraient été causés par une altercation physique; les observations des deux témoins civiles que seulement trois agents de police étaient présents lorsque le plaignant a été sorti de l’escalier (je déduis de la preuve qu’il s’agissait de l’AI, de l’AT no 1 et de l’AT no 3, puisque l’AT no 4 était parti pour retracer l’itinéraire du plaignant et voir s’il s’était débarrassé d’articles le long du chemin); les observations des deux témoins civiles indépendantes que le plaignant exagérait ou était comique lors de sa performance « qui dépassait les limites » sur les lieux de l’arrestation; et finalement, le fait que le plaignant ne pouvait faire la différence entre une gifle avec la main ouverte et un coup de poing, lorsqu’il décrivait les coups qu’il aurait reçus au corps et qui selon ses dires avaient causé sa grave blessure au dos.
Pour toutes ces raisons et parce que les déclarations de l’AI et de l’AT no 1 sont corroborées et confirmées par l’ensemble de la preuve autre que celle fournie par le plaignant, j’accepte, pour des motifs raisonnables, la version des événements telle que fournie par les deux agents de police et je rejette la version des événements fournie par le plaignant. Pour cette raison, je ne puis trouver des motifs raisonnables de conclure que l’un ou l’autre des agents a utilisé plus de force contre le plaignant que le minimum requis pour l’aider à remonter l’escalier et que les agents de police n’ont même pas eu recours à une force minimale, puisqu’ils avaient décidé de ne pas menotter le plaignant, en raison de la nature de sa blessure et de ses plaintes.
En conclusion, dans cette affaire, je rends qu’à aucun moment l’AI a entamé une poursuite du plaignant, que sa conduite automobile n’était pas dangereuse dans les circonstances et qu’aucun agent de police n’a eu recours à de la force excessive au moment de l’appréhension du plaignant. Je suis convaincu, pour des motifs raisonnables que le plaignant a été blessé lorsqu’il a percuté le mur de la BPT après avoir conduit à des vitesses excessives et de façon téméraire et sans porter sa ceinture de sécurité, parce qu’il tentait d’échapper à la police. Je conclus en outre que le plaignant s’est alors enfui à pied et qu’il a été retrouvé par la suite dans un escalier, d’où la police l’a aidé à sortir pour ensuite l’arrêter et que la force à laquelle ont eu recours les agents présents était la force absolument minimale requise. Je conclus par conséquent pour des motifs raisonnables que je ne peux en arriver à croire que l’AI ou n’importe quel autre agent de police présent durant l’arrestation du plaignant a commis une quelconque infraction criminelle.
Date : 13 mars 2018
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Les enquêteurs se sont entretenus avec quatre témoins civils, dont le plaignant, et avec cinq agents de police témoins, dont l’agent impliqué (AI); de plus, les enquêteurs avaient accès aux carnets de sept agents de police, aux enregistrements des transmissions radio, à la vidéo de surveillance de deux établissements commerciaux le long de l’itinéraire suivi par le plaignant et la voiture de police, à la vidéo filmée par la caméra dans la voiture de patrouille, aux données téléchargées de la voiture de patrouille et du véhicule automobile du plaignant et aux dossiers paramédicaux et médicaux du plaignant. Au cours de mon analyse, j’ai divisé la preuve en deux parties distinctes : la preuve concernant les faits qui ont mené à la collision du véhicule automobile du plaignant avec la BPT et la preuve concernant la conduite de la police durant l’arrestation du plaignant.
1. La collision
Le plaignant, dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, a expliqué que le 11 mai 2017, son véhicule automobile était entré en collision avec la BPT et que durant l’accident, il s’était cogné la tête et avait peut être été blessé. Après cette collision, le plaignant était parti en courant et s’était caché dans un escalier qui se trouvait dans une allée.
Selon les dossiers paramédicaux et de l’hôpital du plaignant, celui ci a dit au personnel médical qu’il [traduction] « avait perdu connaissance » ou qu’il « avait eu un blanc » et qu’à cause de cela, il avait eu un accident; le plaignant n’a pas répété cette affirmation lors de sa déclaration aux enquêteurs de l’UES. En outre, dans les dossiers paramédicaux, les ambulanciers ont noté que [traduction] « le patient ne se souvient pas s’il avait mis sa ceinture de sécurité ». Dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, le plaignant a indiqué qu’il portait sa ceinture de sécurité au moment de la collision, mais cette affirmation semble contredire non seulement le commentaire qu’il a fait aux ambulanciers paramédicaux, mais aussi sa propre déclaration où il a dit qu’il s’était cogné la tête durant l’accident. Les données téléchargées du véhicule conduit par le plaignant ont confirmé qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité au moment de la collision.
Les données téléchargées de la Chevrolet Cruze que conduisait le plaignant ont révélé également que cinq secondes avant de monter sur la bordure entourant la bibliothèque, le plaignant conduisait à 140 km/h à un endroit se trouvant approximativement 136 mètres au nord de l’intersection où se situe la bibliothèque. Durant les cinq dernières secondes avant l’impact, le plaignant a appuyé sur les freins et a ramené sa vitesse à environ 58 km/h lorsque son véhicule est monté sur la bordure et il a ralenti ensuite à 32 km/h avant l’impact avec le bâtiment; cet élément de preuve semble contredire l’affirmation qu’a faite le plaignant au personnel médical selon laquelle il avait perdu connaissance, puisqu’il appuyait clairement et fortement sur les freins juste avant d’entrer en collision avec la bibliothèque.
Les données de localisation automatisée du véhicule (LAV) provenant de la voiture de patrouille conduite par l’AI ont révélé que le véhicule de police se déplaçait continuellement à des vitesses de moins de 40 km/h avant que l’AI aperçoive le véhicule automobile du plaignant. Alors que l’AI se dirigeait vers l’ouest sur l’avenue Lappin, à 3 h 54, sa vitesse était d’environ 24 km/h; après avoir fait demi tour, il s’est dirigé vers l’est sur l’avenue Lappin vers la rue Dufferin à des vitesses qui ont augmenté pour se situer entre 54 et 64 km/h. À 3 h 55, la voiture de patrouille s’est dirigée en direction sud sur l’avenue Gladstone sur 325 mètres, c’est-à-dire dans le mauvais sens d’une rue qui à cet endroit est à sens unique, à une vitesse d’approximativement 82 km/h.
La vidéo provenant de la caméra dans la voiture de patrouille de l’AI a révélé qu’après que la caméra avait été activée, le véhicule automobile du plaignant est seulement devenu visible pour les occupants de la voiture de patrouille après qu’il était déjà entré en collision avec le bâtiment abritant la bibliothèque, puisque la caméra n’avait pas été activée à temps pour enregistrer les images au moment où les agents de police avaient vu le véhicule automobile pour la première fois.
Les enregistrements des transmissions radio de la police révèlent que l’AI et l’AT no 1 ont signalé qu’ils se trouvaient sur les lieux de la collision à 3 h 56 m 30 s, qu’ils avaient trouvé le plaignant dans une allée à 3 h 58 43 s et qu’à 4 h 01 m 31 s, ils ont demandé de faire venir une ambulance.
La vidéo de surveillance provenant d’un dépanneur à l’intersection de l’avenue Lappin et de la rue Dufferin montre la voiture de patrouille de l’AI se déplaçant lentement vers l’ouest sur l’avenue Lappin; elle disparaît ensuite. Puis, on voit le véhicule automobile du plaignant se dirigeant vers l’est sur l’avenue Lappin à ce qui semble être un taux de vitesse élevé, et puis tourner à droite à partir de l’avenue Lappin en direction est sur la rue Dufferin en direction sud, sans s’arrêter au panneau d’arrêt et entrer directement dans la voie d’un autre véhicule automobile, qui est obligé de freiner afin d’éviter une collision. Cet élément de preuve contredit l’affirmation du plaignant selon laquelle il s’était arrêté au panneau d’arrêt, quand il avait constaté pour la première fois que la voiture de patrouille de la police avait fait demi tour.
Selon les données provenant de la voiture de patrouille de l’AI, celle ci s’est alors dirigée vers l’ouest sur l’avenue Lappin et se trouvait à environ huit secondes derrière la Chevrolet Cruze, après avoir accéléré pour rouler à la même vitesse qu’elle, sans que ses feux d’urgence ne soient activés. Puis, la voiture de police a également tourné à droite sur la rue Dufferin huit secondes plus tard sans s’arrêter au panneau d’arrêt; les feux d’urgence n’étaient toujours pas allumés.
Ensuite, on voit la Chevrolet Cruze dans la vidéo de surveillance d’un Tim Horton’s situé directement de l’autre côté de la rue de la BPT; à 3 h 55 m 34 s, on voit la Chevrolet Cruze se diriger à haute vitesse en direction sud sur l’avenue Gladstone, franchir le panneau d’arrêt sans s’arrêter à l’intersection de l’avenue Gladstone et de la rue Bloor Ouest et heurter le mur extérieur de la bibliothèque située au côté sud de la rue Bloor Ouest. Vingt et une secondes plus tard, on voit la voiture de patrouille de l’AI se diriger vers le sud sur l’avenue Gladstone et arriver à l’intersection avec la rue Bloor Ouest; la voiture de patrouille roule à une vitesse normale et ne semble pas avoir ses feux d’urgence activés.
Tandis qu’aussi bien l’AI que l’AT no 1, dans leurs déclarations respectives, ont indiqué qu’à aucun moment ils n’avaient entamé une poursuite du plaignant, je ne répéterai pas leurs éléments de preuve ici, puisqu’ils sont entièrement conformes aux divers éléments de preuve techniques et aux images vidéo obtenus par les enquêteurs et ont déjà été décrits plus haut.
2. La conduite de la police au moment de l’arrestation
Il est allégué qu’alors que le plaignant se cachait dans un escalier, cinq agents de police en uniforme sont arrivés et avaient tous leurs armes à feu à la main et lui ont ordonné en criant de lever les mains et de ne pas bouger car sinon ils lui tireraient dessus. Puis, un agent de police aurait descendu l’escalier et aurait frappé le plaignant quatre ou cinq fois, le giflant au côté du visage, après quoi l’agent de police lui aurait donné des coups de poing ou des claques avec sa main ouverte au dos et aux côtes du plaignant, du côté droit de son corps. Il est allégué qu’après que le plaignant avait été frappé ainsi, il n’était plus en mesure de marcher tout seul.
Puis, le plaignant a été transporté à l’hôpital par ambulance. Selon le diagnostic, le plaignant avait un os fracturé au dos; il n’avait pas de blessures avant l’incident décrit ici.
Bien que les dossiers médicaux et paramédicaux ne précisent pas ce que le plaignant aurait pu dire sur la façon dont il avait subi sa blessure, un peu partout dans les dossiers, le mécanisme de sa blessure est décrite comme une collision impliquant un véhicule automobile; il n’y a jamais de mention que le plaignant aurait formulé une plainte selon laquelle il avait reçu sa blessure aux mains de la police ou qu’il avait été agressé par elle. De plus, les dossiers indiquent qu’il n’y avait pas d’éraflures, de contusions, de lacérations, ou d’autres lésions externes dans la région de sa colonne vertébrale, auxquelles on s’attendrait si la police l’avait frappé tellement fort qu’elle avait causé sa blessure, comme il l’allègue.
D’après l’opinion obtenue d’un expert médical, la blessure subie par le plaignant, c’est à dire une fracture au corps vertébral L2, est une grave blessure associée généralement à une vitesse ou vélocité élevée et/ou à des situations de grande énergie et est une blessure que l’on voit couramment après une collision impliquant un véhicule automobile. L’expert a également indiqué que même si cette blessure peut aussi être causée par une chute d’une grande hauteur ou par une grande force contondante, dans les circonstances examinées ici, il est plus que probable que la blessure du plaignant ait été causée par la collision du véhicule et non pas par une altercation subséquente.
Deux témoins civiles, qui ont entendu l’interaction du plaignant avec la police, ont décrit l’arrestation comme s’étant faite sans altercation physique ou conflit violent, et ont indiqué qu’elles n’avaient entendu aucune gifle ni d’autres coups. La première témoin a indiqué qu’elle avait d’abord entendu une personne courir et lorsqu’elle avait regardé à l’extérieur, elle avait vu deux agents de police courir dans l’allée à l’arrière de son immeuble d’habitation. Puis, elle avait entendu des personnes s’affairer et les agents de police parler avec quelqu’un, mais aucun son d’une interaction physique, seulement que les agents de police tentaient d’appréhender quelqu’un. Puis, elle a entendu une voix dire [traduction] « T’as frappé mon dos! Mon dos est cassé! » et a décrit cette voix comme celle d’une personne qui hurlait et gémissait et qu’il lui semblait que cette personne exagérait ou dépassait les limites. Par la suite, la témoin a vu le plaignant marcher vers l’ambulance avec les agents de police et a observé qu’il marchait tout seul et qu’il n’était pas traîné par la police, même s’il criait sans arrêt. La témoin a observé qu’il y avait seulement trois agents de police avec le plaignant et elle a été en mesure de décrire chacun d’eux.
La témoin a également entendu le plaignant dire aux ambulanciers paramédicaux qu’il s’était blessé durant un [traduction] « accident ».
Une autre témoin a entendu deux ou trois agents de police parler avec autorité et dire à quelqu’un [traduction] « Arrêtez. Arrêtez de bouger » et selon elle, ils semblaient exaspérés. Un agent de police se trouvait au centre de la cour. La témoin a alors entendu quelqu’un dire, de façon exagérée [traduction] « Oh, mon dos » et un agent de police répondre « Sortez de là », et la personne répondre « Je suis incapable de bouger. Je suis incapable de bouger ». Un agent de police aurait alors dit « Vous êtes descendu là, vous pouvez remonter ».
La témoin a alors vu un agent de police escorter le plaignant hors de la cour. Le plaignant marchait normalement et ne semblait pas avoir le dos cassé. De temps en temps, le plaignant se plaignait « Oh, ma jambe, oh, maintenant c’est mon dos. Oh, non », propos qu’elle a décrits comme étant presque comiques et ne donnant pas l’impression qu’il éprouvait de la douleur. Cette deuxième témoin a également confirmé qu’elle n’avait pas entendu de sons venant de l’escalier qu’elle attribuerait à une altercation entre le plaignant et les agents de police.
Ce que je trouve intéressant c’est que les deux témoins civiles ont chacune décrit le plaignant comme exagérant ou comme étant comique lorsqu’il se plaignait continuellement et à voix haute de ses blessures, ce que j’interprète comme le comportement de quelqu’un qui fait semblant et dont les plaintes n’étaient pas sincères.
L’AI, dans sa déclaration, a indiqué que le véhicule automobile du plaignant avait initialement attiré son attention lorsqu’il avait tourné abruptement sur l’avenue Lappin et avait pénétré dans la voie de circulation inverse, dans laquelle se trouvait à ce moment là la voiture de patrouille. L’AI a précisé que le plaignant avait rapidement ajusté sa conduite et avait ramené son véhicule dans la bonne voie. L’AI avait noté le numéro de la plaque d’immatriculation, après quoi il avait fait demi tour et avait suivi le plaignant. L’AI a indiqué qu’a priori son intention était simplement de suivre la Chevrolet Cruze à une certaine distance et qu’il avait observé le plaignant s’arrêter pour laisser sortir son passager, et qu’il était ensuite reparti à une vitesse plus élevée. Puis, le plaignant ne s’était pas arrêté à un panneau d’arrêt. En raison des différentes infractions commises par le plaignant jusqu’à ce moment là, l’AI avait décidé qu’il procéderait à un arrêt véhiculaire aux termes du Code de la route et il avait accéléré pour le suivre. L’AI a indiqué qu’une fois que le plaignant avait tourné sur la rue Dufferin, il l’avait perdu de vue. L’AI a également précisé qu’à aucun moment il n’avait activé ses feux d’urgence ou sa sirène. Une fois que l’AI était arrivé au panneau d’arrêt à l’avenue Gladstone et à la rue Hallam, il a constaté que le plaignant se déplaçait à haute vitesse vers le sud sur l’avenue Gladstone, et qu’il se trouvait déjà à environ 300 à 350 mètres de l’endroit où il était arrêté à l’intersection.
L’AI a expliqué qu’il s’était alors dirigé en direction sud sur l’avenue Gladstone, en dépassant la limite de vitesse, et qu’il s’était dirigé dans le mauvais sens sur cette avenue, là où elle devenait une rue à sens unique, quelque chose dont il n’était pas conscient à l’époque. L’AI a précisé qu’il n’avait pas vu de piétons. L’AI avait alors envoyé un message par la radio pour demander s’il y avait d’autres voitures de patrouille dans le secteur, mais n’avait reçu aucune réponse. Lorsque la distance entre son propre véhicule et celui du plaignant avait augmenté à environ 400 mètres, l’AI avait réalisé qu’il ne parviendrait pas à rattraper le véhicule et il avait informé le répartiteur de la marque, de la couleur et du numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule automobile, tandis qu’il le perdait de vue.
L’AT no 1 a indiqué qu’il pensait que le plaignant n’était pas conscient de la présence de la voiture de patrouille à ce moment là, parce qu’il était tellement loin derrière lui et qu’il n’avait pas activé l’équipement d’urgence.
Quand l’AI est arrivé à l’intersection de l’avenue Gladstone et de la rue Bloor Ouest, il a constaté que le plaignant s’était écrasé contre le côté de la bibliothèque. Puis, l’AI a tourné à gauche sur la rue Bloor Ouest, sans s’arrêter complètement au panneau d’arrêt et puis a de nouveau tourné sur l’avenue Gladstone là où elle continuait au sud de la rue Bloor; sa vitesse à ce moment là était entre 20 et 30 km/h. L’AI a alors observé le plaignant qui se déplaçait vers le sud et il l’a suivi, mais l’a perdu de vue. À un moment donné, l’AI a arrêté sa voiture de patrouille et a continué à chercher le plaignant à pied pendant que l’AT no 1 a pris le volant de la voiture de patrouille. Un certain nombre de piétons et puis un livreur ont pointé l’AI dans la direction où le plaignant s’était dirigé et il a abouti dans une allée entre des bâtiments. Quand l’AI a braqué sa lampe de poche vers le bas d’un escalier, il a vu deux pieds immobiles, qui semblaient être ceux d’une personne qui se cachait, et il a reculé et a utilisé sa radio pour signaler à l’AT no 1 où il se trouvait.
L’AT no 1 a expliqué qu’à son arrivée, il avait vu que le plaignant avait les deux mains en l’air et l’avait entendu crier que son dos était cassé. L’AT no 1 et l’AI ont alors tous deux ordonné au plaignant de se coucher au sol, mais il a répondu qu’il n’était pas en mesure de le faire du fait que son dos était cassé. Les deux agents de police se sont rendus vers l’escalier et l’AI a dégainé son arme à feu, puisqu’il ne savait pas si le plaignant était armé ou non, et il a dirigé sa lampe de poche vers le plaignant et a dit [traduction] « Police, ne bougez pas ». L’AI a décrit le plaignant comme étant hors d’haleine, comme tremblant comme une feuille et comme ayant l’air abattu; il se plaignait de douleur et avait besoin d’une ambulance. L’AI a alors rengainé son arme à feu et a attendu l’arrivée d’autres agents. Peu après, d’autres agents sont arrivés et l’AI est descendu pour aider le plaignant à se mettre debout. L’AI a demandé au plaignant où il avait mal, et le plaignant a répondu que c’était au dos, après quoi l’AI et l’AT no 1 ont aidé le plaignant à monter l’escalier tout en tenant chacun l’un de ses bras et tout en le soutenant. Pendant qu’ils montaient l’escalier, selon l’AI, le plaignant aurait dit : [traduction] « Je m’excuse. Je m’excuse. J’ai mal agi. Je ne suis pas censé conduire. Je pense que j’ai fucké mon dos. » L’AI l’a alors mis en état d’arrestation pour conduite dangereuse. L’AI a indiqué que ni lui ni aucun autre agent présent n’avaient jamais frappé le plaignant et que le plaignant ne s’était jamais plaint que l’AI l’avait blessé.
L’AT no 4 a indiqué que lorsqu’il était arrivé sur les lieux de l’arrestation, il avait constaté que l’AI et l’AT no 1 se trouvaient au haut d’un escalier et il avait vu le plaignant accroupi au bas de celui-ci et l’avait entendu crier qu’il avait besoin d’une ambulance et se plaindre au sujet de son dos. L’AT no 4 a expliqué qu’il avait vu l’AI et l’AT no 1 tenir le plaignant sous ses aisselles et le sortir de l’escalier, juste au moment où il quittait l’endroit pour fouiller le secteur. L’AT no 4 a indiqué qu’à aucun moment il n’avait eu de contact physique avec le plaignant.
L’AT no 3 a précisé que l’arrestation du plaignant était simple et qu’il n’y avait eu aucune altercation et qu’il n’avait eu aucun contact physique avec le plaignant.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’ensemble de la preuve et comme l’a reconnu le plaignant durant sa déclaration, que lorsqu’il avait attiré l’attention de la police, plutôt que de ralentir ou de s’arrêter au bord de la route, il avait décidé d’accélérer et de s’échapper. De plus, la vidéo de surveillance et les données téléchargées de son véhicule automobile montrent clairement qu’il a omis de s’arrêter à un certain nombre d’intersections contrôlées, qu’il a gêné la circulation en agissant ainsi et qu’il se déplaçait à des vitesses excessives. Par conséquent, l’AI avait le droit légal d’arrêter le plaignant et d’enquêter sur lui non seulement en raison d’infractions au Code de la route, mais simplement pour confirmer qu’il était titulaire d’un permis de conduire et que son véhicule était assuré adéquatement. En vertu de l’article 216 du Code de la route et conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Ladouceur, [1990], 1 R.C.S. 1257, la police a légalement le droit d’arrêter n’importe quel véhicule automobile pour vérifier le permis de conduire et l’assurance du conducteur, la sobriété de ce dernier ou le fonctionnement mécanique du véhicule, et ses arrêts aléatoires ne sont pas contraires à la Charte canadienne des droits et libertés. La police agissait donc légalement lorsqu’elle a initialement tenté d’arrêter le plaignant et d’enquêter sur lui aux termes du Code de la route. De plus, lorsque le plaignant a alors commencé à rouler plus vite, est passé par plusieurs panneaux d’arrêt sans s’arrêter et a fini par s’écraser contre le mur de la bibliothèque, elle avait d’autres motifs de l’arrêter pour conduite dangereuse contraire au Code criminel.
Si je me fonde sur la preuve devant moi, je conclus que j’ai des motifs raisonnables de croire que la blessure subie par le plaignant a été causée par la collision impliquant un véhicule automobile en raison des éléments suivants : l’avis d’un expert médical quant au mécanisme de sa blessure; les commentaires faits par le plaignant et entendus par une témoin civile indépendante selon lesquels il avait subi sa blessure parce qu’il avait été impliqué dans un accident; et le fait que l’évaluation médicale du plaignant n’a révélé aucune ecchymose, contusion ou abrasion qui aurait dû être présente s’il avait été frappé ou avait reçu des coups de poing, comme il est allégué. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je n’ai aucune hésitation à accepter qu’il y a des motifs raisonnables de croire que la blessure du plaignant était attribuable directement au fait qu’il s’était écrasé avec son véhicule automobile contre le mur de la bibliothèque, lorsqu’il avait décéléré après avoir roulé à grande vitesse et tout en ne portant pas de ceinture de sécurité et que cette blessure ne correspond pas au genre de blessure qu’il aurait subie s’il avait reçu des coups de poing ou gifles d’un agent de police au moment de son arrestation.
En outre, dans ce dossier, je conclus que les éléments de preuve fournis dans les déclarations de l’AI et de l’AT no 1 sont confirmés entièrement par la vidéo filmée par la caméra dans le véhicule de police et les données LAV provenant de celui ci, les données téléchargées du véhicule que conduisait le plaignant, les enregistrements des communications radio de la police et la vidéo de surveillance de deux établissements commerciaux le long de l’itinéraire qu’a suivi le plaignant; ainsi, j’accepte leurs éléments de preuve dans leur entièreté comme représentant un témoignage exact de la séquence des événements et je rejette la preuve fournie par le plaignant là où elle est contredite par la preuve fournie par les agents de police.
Je me penche maintenant sur la question de savoir si la collision entre le véhicule du plaignant et la BPT et ses blessures subséquentes résultaient d’une poursuite policière entamée par l’AI et s’il y a effectivement eu une poursuite, s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle et, plus particulièrement, si sa conduite avant la collision était dangereuse et donc en contravention du par. 249 (1) du Code criminel et a causé ainsi des lésions corporelles contraires au par. 249 (3).
Selon la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, pour que l’article 249 puisse être invoqué, il faut établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ».
Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, j’accepte la preuve de l’AI et de l’AT no 1 qu’à aucun moment l’AI n’a entamé de poursuite policière pour prendre en chasse le plaignant. J’accepte cette version des événements non seulement parce qu’elle est confirmée par l’ensemble des éléments de preuve matériels décrits ci dessus, mais aussi parce que le plaignant n’a jamais allégué que la police l’avait ainsi poursuivi, sauf quand la voiture de patrouille avait fait demi tour et avait accéléré pour rattraper le plaignant au début de l’incident. Le plaignant n’a pas indiqué qu’il avait même revu la voiture de patrouille avant d’entrer en collision avec la bibliothèque. En outre, je note que l’AI n’a jamais activé l’un ou l’autre équipement d’urgence et que dès qu’il a conclu qu’il ne pouvait rattraper le plaignant en toute sécurité, il a renoncé à toute tentative d’arrêter le véhicule, mais au lieu de cela, a suivi stratégiquement l’itinéraire qu’à son avis le plaignant avait suivi, à une vitesse nettement réduite, après avoir perdu de vue le véhicule automobile du plaignant. Il a également fourni au répartiteur la description du véhicule automobile du plaignant et le dernier endroit où il l’avait aperçue.
Bien que l’AI reconnaisse, comme le confirment les données provenant de sa voiture de patrouille, qu’il avait initialement dépassé la limite de vitesse dans ses efforts de rattraper le plaignant afin de procéder à un arrêt routier de son véhicule, qu’il s’était déplacé brièvement dans le sens contraire d’une rue à sens unique et qu’il avait omis de s’arrêter à deux panneaux d’arrêt, je ne puis conclure que sa conduite était grave au point d’être visé par l’art. 249 du Code criminel du fait qu’elle aurait constitué « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé »; il s’agissait d’une situation où un agent de police tente de suivre un véhicule automobile après que le conducteur a commis plusieurs infractions au Code de la route. Alors que la vitesse de l’AI était supérieure aux limites de vitesse affichées dans le secteur, elle n’a jamais été supérieure à 82 km/h et même lorsqu’il roulait à cette vitesse, ce n’était que sur 325 mètres, tandis que le restant du temps, l’AI n’a jamais dépassé 64 km/h. De plus, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI a créé un danger pour les autres utilisateurs de la chaussée en ce sens qu’il n’a jamais gêné la circulation, le nombre des autres véhicules ou les piétons à cette heure de la journée étant très limité, et que la distance complète du parcours durant lequel il a tenté de suivre le plaignant était de 1,5 km tout au plus et que ce parcours a duré moins de 90 secondes; de plus, les conditions environnementales étaient bonnes et les rues étaient sèches. L’AI n’a rien fait pour exacerber la conduite dangereuse du plaignant, puisqu’il semble qu’en raison de la distance entre la voiture de patrouille et le plaignant et du fait que l’AI n’avait pas allumé ses feux d’urgence, le plaignant ne savait pas que la voiture de patrouille le suivait toujours après qu’il avait fait demi tour initialement et avait accéléré pour tenter de procéder à un arrêt routier. En dernière analyse, je suis convaincu, dans ce dossier, que l’AI agissait légalement lorsqu’il avait tenté initialement d’arrêter le plaignant pour enquêter sur un certain nombre d’infractions au Code de la route et que sa conduite par la suite tombait dans les limites de la diligence prescrites par le droit criminel. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations contre l’AI pour la conduite de son véhicule automobile.
En ce qui concerne l’allégation que l’un des cinq agents de police, le plus grand d’entre eux, a giflé quatre ou cinq fois le plaignant au côté droit de son visage et puis a utilisé un poing ou la paume de la main pour le frapper au dos et aux côtes, je conclus que je ne peux pas vraiment me fier à la déclaration du plaignant pour les raisons suivantes : les données provenant de son véhicule automobile ont clairement démontré que son affirmation qu’il portait sa ceinture de sécurité au moment de l’accident était fausse; sa déclaration initiale faite aux ambulanciers paramédicaux et au personnel médical qu’il avait eu un accident parce qu’il avait « perdu connaissance » est contredite à la fois par sa déclaration subséquente aux enquêteurs de l’UES et par le fait qu’il avait freiné immédiatement avant l’accident; son commentaire sur les lieux de l’arrestation, entendu par une témoin civile, que sa blessure avait été causée par l’accident; l’absence complète d’ecchymoses ou de blessures extérieures alors qu’il affirmait avoir reçu des coups de poing qui étaient tellement violents qu’ils avaient causé sa blessure; les observations de deux témoins civiles différentes qu’elles n’avaient pas entendu de sons qui auraient été causés par une altercation physique; les observations des deux témoins civiles que seulement trois agents de police étaient présents lorsque le plaignant a été sorti de l’escalier (je déduis de la preuve qu’il s’agissait de l’AI, de l’AT no 1 et de l’AT no 3, puisque l’AT no 4 était parti pour retracer l’itinéraire du plaignant et voir s’il s’était débarrassé d’articles le long du chemin); les observations des deux témoins civiles indépendantes que le plaignant exagérait ou était comique lors de sa performance « qui dépassait les limites » sur les lieux de l’arrestation; et finalement, le fait que le plaignant ne pouvait faire la différence entre une gifle avec la main ouverte et un coup de poing, lorsqu’il décrivait les coups qu’il aurait reçus au corps et qui selon ses dires avaient causé sa grave blessure au dos.
Pour toutes ces raisons et parce que les déclarations de l’AI et de l’AT no 1 sont corroborées et confirmées par l’ensemble de la preuve autre que celle fournie par le plaignant, j’accepte, pour des motifs raisonnables, la version des événements telle que fournie par les deux agents de police et je rejette la version des événements fournie par le plaignant. Pour cette raison, je ne puis trouver des motifs raisonnables de conclure que l’un ou l’autre des agents a utilisé plus de force contre le plaignant que le minimum requis pour l’aider à remonter l’escalier et que les agents de police n’ont même pas eu recours à une force minimale, puisqu’ils avaient décidé de ne pas menotter le plaignant, en raison de la nature de sa blessure et de ses plaintes.
En conclusion, dans cette affaire, je rends qu’à aucun moment l’AI a entamé une poursuite du plaignant, que sa conduite automobile n’était pas dangereuse dans les circonstances et qu’aucun agent de police n’a eu recours à de la force excessive au moment de l’appréhension du plaignant. Je suis convaincu, pour des motifs raisonnables que le plaignant a été blessé lorsqu’il a percuté le mur de la BPT après avoir conduit à des vitesses excessives et de façon téméraire et sans porter sa ceinture de sécurité, parce qu’il tentait d’échapper à la police. Je conclus en outre que le plaignant s’est alors enfui à pied et qu’il a été retrouvé par la suite dans un escalier, d’où la police l’a aidé à sortir pour ensuite l’arrêter et que la force à laquelle ont eu recours les agents présents était la force absolument minimale requise. Je conclus par conséquent pour des motifs raisonnables que je ne peux en arriver à croire que l’AI ou n’importe quel autre agent de police présent durant l’arrestation du plaignant a commis une quelconque infraction criminelle.
Date : 13 mars 2018
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.