Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 18-TCI-354
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 37 ans (plaignant).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 37 ans (plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES
Le 4 décembre 2018, à 13 h 49, l’avocat du plaignant a transmis les renseignements suivants à l’UES.Le 26 novembre 2018, à 20 h 30, le plaignant se trouvait dans son logement sur McCowan Road lorsqu’il a entendu cogner à la porte et quelqu’un à l’extérieur crier son nom.
Le plaignant a vu la poignée de la porte d’entrée tourner, comme si quelqu’un essayait d’entrer dans son logement en se servant d’une clé, et le plaignant a immédiatement verrouillé la porte. Plusieurs personnes ont fini par entrer dans le logement du plaignant et elles ont pointé une arme à feu sur lui.
Le plaignant a été battu par les personnes entrées dans son logement. Après le début de l’agression, quelqu’un a crié [Traduction] « police de Toronto » et le plaignant s’est aperçu que les personnes dans son logement étaient des agents de police.
Le plaignant a été transporté à l’Hôpital général de Scarborough et il a subi une intervention chirurgicale visant à fermer une coupure sous l’œil. Le plaignant a aussi déclaré qu’il entendait dans sa tête des sons ressemblant au bruit d’une cloche. L’avocat a fait parvenir par courriel à l’UES une photo de la blessure du plaignant.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2 Plaignant :
Homme de 40 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.Témoins civils
TC no 1 A participé à une entrevue TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
Agents impliqués
AI no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées. AI no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées.
AI no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées .
Éléments de preuve
Les lieux
Lorsque l’UES a été avisée, il était trop tard pour examiner les lieux où le plaignant avait été blessé.Éléments obtenus auprès du Service de police
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Toronto :- le rapport du système de répartition assisté par ordinateur sur les détails de l’événement;
- les notes des AI nos 1 et 2;
- les enregistrements des communications;
- le courriel du Service de police de Toronto concernant la liste des agents impliqués;
- le rapport d’incident général;
- le rapport sur les blessures du plaignant;
- les notes des agents témoins et des agents impliqués;
- la procédure relative à l’utilisation de la force;
- les dossiers de qualification en matière d’utilisation de la force des agents impliqués;
- les photographies des lieux;
- le mandat de perquisition (nom supprimé).
Description de l’incident
Le scénario exposé ci-dessous est corroboré par le poids des éléments de preuve réunis par l’UES durant son enquête, y compris la déclaration du plaignant, de chacun des trois agents impliqués et de plusieurs agents témoins qui étaient présents dans le logement au moment de l’incident. Le 26 novembre 2018, l’unité des agents du voisinage de la division 43 se sont réunis pour exécuter un mandat de perquisition obtenu en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Le but était de chercher des drogues illégales et de l’attirail servant à la consommation des drogues. Le mandat concernait un logement dans un immeuble d’habitation sur McCowan Road. Le plaignant était la seule personne présente dans le logement lorsque les agents se sont présentés à sa porte un peu avant 22 h.
Les agents, y compris les AI nos 1, 2 et 3, sont entrés dans le logement et ont maîtrisé le plaignant en le plaquant au sol et en lui passant les menottes derrière le dos. Lorsqu’ils ont constaté que celui-ci avait une vilaine coupure sous l’œil droit, une ambulance a été appelée et elle a conduit le plaignant à l’hôpital, où ses blessures ont été diagnostiquées et traitées. Le plaignant a été accusé d’avoir résisté à son arrestation et d’entrave à la justice.
Les agents, y compris les AI nos 1, 2 et 3, sont entrés dans le logement et ont maîtrisé le plaignant en le plaquant au sol et en lui passant les menottes derrière le dos. Lorsqu’ils ont constaté que celui-ci avait une vilaine coupure sous l’œil droit, une ambulance a été appelée et elle a conduit le plaignant à l’hôpital, où ses blessures ont été diagnostiquées et traitées. Le plaignant a été accusé d’avoir résisté à son arrestation et d’entrave à la justice.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
Analyse et décision du directeur
Dans la soirée du 26 novembre 2018, le plaignant a subi une fracture du nez et la lacération de sa paupière inférieure droite durant une interaction avec des agents du Service de police de Toronto. Les AI nos 1, 2 et 3 comptaient parmi ces agents et ils ont été identifiés comme ceux ayant vraisemblablement causé les blessures du plaignant. Ils faisaient en fait partie d’un groupe d’agents plus nombreux ayant pénétré dans le logement du plaignant pour exécuter un mandat de perquisition. Pour les motifs qui suivent, j’ai la conviction qu’il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les AI nos 1, 2 et 3 aient commis une infraction criminelle ayant un lien avec les blessures du plaignant.
Les éléments de preuve sont largement contradictoires en ce qui concerne ce qui s’est passé au juste à l’intérieur du logement qui a été à l’origine des blessures du plaignant. Selon certains éléments de preuve, il semblerait que le plaignant ne savait pas que les personnes à sa porte étaient des agents et que, dès leur entrée dans le logement, ils avaient commencé à le battre. Ces éléments indiquent en particulier qu’un agent aurait donné trois à cinq coups de poing du côté droit du visage du plaignant et près de l’œil, ce qui aurait présumément eu pour effet de causer sa blessure à l’œil. Il paraîtrait également, toujours selon ces preuves, que le plaignant a été plaqué au sol et que le même agent a continué de lui donner des coups de poing et qu’il l’a étranglé. Un deuxième agent serait alors intervenu et aurait donné au plaignant une dizaine de coups de poing de plus près de son œil droit. Pendant qu’il était au sol, le plaignant aurait reçu des coups de pied donnés par deux agentes et un agent, y compris un coup de pied sur le nez venant d’ine agente. Il semblerait aussi qu’une fois le plaignant menotté, une arme à feu a été pointée dans sa direction jusqu’à l’arrivée des ambulanciers.
Les éléments de preuve présentés par les agents qui ont pénétré dans le logement du plaignant ne concordent pas tout à fait et j’estime plausible que le scénario décrit ci-dessous corresponde à ce qui s’est passé, d’après le poids de leurs éléments de preuve. L’AI no 3 portant son uniforme complet a été le premier à entrer dans le logement. Il a annoncé d’une voix forte qu’il était de la « police », en précisant qu’ils étaient là pour exécuter un mandat de perquisition. Les autres agents ont suivi l’AI no 3 dans le logement. Certains portaient l’uniforme, tandis que d’autres étaient en civil, mais portaient une veste avec l’inscription « police » inscrite à l’avant. Beaucoup d’entre eux ont aussi crié « police » en entrant et ont indiqué qu’ils avaient un mandat de perquisition. Le plaignant est allé dans le couloir menant aux chambres et à la salle de bain et il a été confronté par l’AI no 3. L’intention de l’agent était de se rendre rapidement dans les pièces auxquelles le couloir donnait accès afin de préserver toutes les preuves possibles et de mettre les autres occupants potentiels au courant de ce qui était en train de se passer. Ce faisant, l’AI no 3 a forcé le plaignant à se déplacer vers le côté, et il a ordonné à l’AI no 2, qui se trouvait derrière lui, de maîtriser le plaignant. L’AI no 2 a pour sa part dit au plaignant de rester là où il était, puis il l’a poussé contre le mur du couloir lorsque celui-ci a tenté de se diriger vers la salle de bain. Selon l’AI no 2, elle craignait à ce stade que les libres déplacements du plaignant représentent des risques pour la sécurité des agents et l’intégrité des preuves pouvant se trouver dans le logement. Le plaignant a continué d’essayer d’avancer vers la salle de bain, ce qui a amené l’AI no 2 à tenter de le faire agenouiller en poussant de ses deux mains sur les épaules du plaignant. Pendant ce temps, le plaignant aurait touché avec ses mains le devant de la veste de l’AI no 2 près de l’endroit où se trouvaient sa bombe aérosol d’oléorésine capsicum et sa matraque. Craignant qu’il ne s’empare d’une de ses armes, l’AI no 2 a donné deux coups de poing au visage du plaignant, un avec chaque main. Comme le plaignant continuait de tendre les mains vers la veste de l’AI no 2, l’AI no 1 est intervenu et a plaqué le plaignant au sol. L’AI no 1s’est ensuite placé sur le dos du plaignant et, comme il était incapable de lui attraper les bras, le plaignant les ayant placés sous lui, l’AI no 1 a donné un coup de poing du côté droit, ce qui a permis de libérer son bras droit. L’AT no 6, qui participait à l’intervention auprès du plaignant, a donné un coup de genou à l’épaule gauche du plaignant, qui a été efficace pour permettre de lui attraper le bras gauche. Par la suite, le plaignant a été menotté et mis debout et il a été installé sur un fauteuil du salon pendant que la fouille de son logement se poursuivait, en attendant les ambulanciers.
Les agents nient que le plaignant ait reçu autant de coups de poing que les éléments de preuve incriminants ne le laissent croire et que le plaignant ait été étranglé, qu’il ait reçu des coups de pied et qu’une arme ait été pointée sur lui en attendant l’ambulance.
Si ce scénario le plus compromettant était vrai, cela signifierait que le plaignant a été victime d’une agression illégale par plusieurs agents à la fois. Il y a néanmoins des parties de cette preuve qui soulèvent des doutes importants quant à leur fiabilité. Par exemple, d’après les preuves médicales obtenues par l’UES, il est très peu vraisemblable que le plaignant n’ait pas eu plus de blessures après avoir reçu une vingtaine de coups de poing au visage. De plus, il est peu plausible que le plaignant n’ait pas su dès le départ qu’il s’agissait de la police et que les agents étaient là pour fouiller son logement. La supposition que les agents n’aient pas révélé qui ils étaient et ce qu’ils faisaient là pour des raisons hautement condamnables est en contradiction avec le fait que l’AI no 3 et d’autres agents portaient un uniforme complet et que les autres, habillés en civil, portaient une veste avec le mot « police » inscrit à l’avant. En définitive, même si je reconnais qu’une entité chargée de déposer des accusations doit limiter son évaluation du poids des éléments de preuve contradictoires, j’ai la conviction qu’il serait malavisé et dangereux de mettre l’ensemble de la preuve à l’épreuve en la soumettant à un juge de faits en l’absence de corroboration. Les blessures subies par le plaignant auraient pu servir à corroborer les faits, mais leur valeur probante est limitée dans cette affaire par la possibilité qu’elles aient pu être causées par le placage au sol et les coups de poing donnés par l’AI no 2, qui, conformément à conclusion figurant ci-dessous, représentaient un degré de force légalement justifiable dans les circonstances.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Les agents qui ont pénétré dans le logement et qui ont eu une altercation avec le plaignant ont agi conformément à un mandat de perquisition qui semblait valide selon les apparences. D’après la version ressortant des déclarations des agents, qui concorde avec les éléments de preuve médicaux et n’est contredite par la preuve d’aucun tiers, le plaignant se serait rapidement dirigé vers la salle de bain à partir de la porte d’entrée. À ce stade, les agents pouvaient légitimement conclure que les mouvements du plaignant devaient être maîtrisés pour qu’une fouille efficace puisse s’effectuer. L’AI no 3 a été le premier à confronter le plaignant. L’agent l’a écarté de son chemin pour l’empêcher d’accéder à la salle de bain et aux chambres le long du couloir, et il a donné aux autres agents l’ordre d’empêcher le plaignant de bouger. L’AI no 2 a tenté de l’immobiliser, mais le plaignant a résisté physiquement et donnait l’impression de vouloir suivre l’AI no 3 dans le couloir, et la situation a dégénéré au point que le plaignant a tenté d’atteindre la veste de l’agente avec ses mains. Craignant que le plaignant puisse s’emparer d’une de ses armes, l’AI no 2 lui a donné deux coups de poing au visage, soit un avec chaque main. Comme le plaignant continuait d’essayer de toucher la veste de l’AI no 2, l’AI no 1 est intervenu pour plaquer vigoureusement le plaignant au sol. Il s’est ensuivi une lutte au sol durant laquelle le plaignant a battu des jambes en refusant de libérer ses bras. Il a alors reçu un autre coup de poing du côté droit du torse qui a été donné par l’AI no 1 et un seul coup de genou donné par l’AT no 6 à l’épaule gauche du plaignant. Après ces coups, les agents ont réussi à menotter le plaignant.
Je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure, d’après ce qui précède, que le recours à la force contre le plaignant a dépassé les limites prescrites par le droit criminel. Les agents avaient le droit de fouiller le logement et de faire le nécessaire pour assurer leur sécurité et préserver l’intégrité des preuves. Lorsque le plaignant a tenté de les en empêcher, il s’est exposé à une arrestation pour entrave à la justice, et les agents avaient le droit de recourir à une certaine force pour le mettre sous garde. La force employée était, à mon avis, proportionnelle à la résistance du plaignant, et elle a augmenté en intensité à mesure que le plaignant représentait une menace de plus en plus grande. En dernière analyse, puisque la force en question était légalement justifiée, il n’existe pas de motifs de déposer des accusations contre quelque agent concerné que ce soit, malgré les blessures subies par le plaignant. Le dossier est donc clos.
Date : 23 septembre 2019
Original signé par
Joseph Martino
Directeur intérimaire,
Unité des enquêtes spéciales
Les éléments de preuve sont largement contradictoires en ce qui concerne ce qui s’est passé au juste à l’intérieur du logement qui a été à l’origine des blessures du plaignant. Selon certains éléments de preuve, il semblerait que le plaignant ne savait pas que les personnes à sa porte étaient des agents et que, dès leur entrée dans le logement, ils avaient commencé à le battre. Ces éléments indiquent en particulier qu’un agent aurait donné trois à cinq coups de poing du côté droit du visage du plaignant et près de l’œil, ce qui aurait présumément eu pour effet de causer sa blessure à l’œil. Il paraîtrait également, toujours selon ces preuves, que le plaignant a été plaqué au sol et que le même agent a continué de lui donner des coups de poing et qu’il l’a étranglé. Un deuxième agent serait alors intervenu et aurait donné au plaignant une dizaine de coups de poing de plus près de son œil droit. Pendant qu’il était au sol, le plaignant aurait reçu des coups de pied donnés par deux agentes et un agent, y compris un coup de pied sur le nez venant d’ine agente. Il semblerait aussi qu’une fois le plaignant menotté, une arme à feu a été pointée dans sa direction jusqu’à l’arrivée des ambulanciers.
Les éléments de preuve présentés par les agents qui ont pénétré dans le logement du plaignant ne concordent pas tout à fait et j’estime plausible que le scénario décrit ci-dessous corresponde à ce qui s’est passé, d’après le poids de leurs éléments de preuve. L’AI no 3 portant son uniforme complet a été le premier à entrer dans le logement. Il a annoncé d’une voix forte qu’il était de la « police », en précisant qu’ils étaient là pour exécuter un mandat de perquisition. Les autres agents ont suivi l’AI no 3 dans le logement. Certains portaient l’uniforme, tandis que d’autres étaient en civil, mais portaient une veste avec l’inscription « police » inscrite à l’avant. Beaucoup d’entre eux ont aussi crié « police » en entrant et ont indiqué qu’ils avaient un mandat de perquisition. Le plaignant est allé dans le couloir menant aux chambres et à la salle de bain et il a été confronté par l’AI no 3. L’intention de l’agent était de se rendre rapidement dans les pièces auxquelles le couloir donnait accès afin de préserver toutes les preuves possibles et de mettre les autres occupants potentiels au courant de ce qui était en train de se passer. Ce faisant, l’AI no 3 a forcé le plaignant à se déplacer vers le côté, et il a ordonné à l’AI no 2, qui se trouvait derrière lui, de maîtriser le plaignant. L’AI no 2 a pour sa part dit au plaignant de rester là où il était, puis il l’a poussé contre le mur du couloir lorsque celui-ci a tenté de se diriger vers la salle de bain. Selon l’AI no 2, elle craignait à ce stade que les libres déplacements du plaignant représentent des risques pour la sécurité des agents et l’intégrité des preuves pouvant se trouver dans le logement. Le plaignant a continué d’essayer d’avancer vers la salle de bain, ce qui a amené l’AI no 2 à tenter de le faire agenouiller en poussant de ses deux mains sur les épaules du plaignant. Pendant ce temps, le plaignant aurait touché avec ses mains le devant de la veste de l’AI no 2 près de l’endroit où se trouvaient sa bombe aérosol d’oléorésine capsicum et sa matraque. Craignant qu’il ne s’empare d’une de ses armes, l’AI no 2 a donné deux coups de poing au visage du plaignant, un avec chaque main. Comme le plaignant continuait de tendre les mains vers la veste de l’AI no 2, l’AI no 1 est intervenu et a plaqué le plaignant au sol. L’AI no 1s’est ensuite placé sur le dos du plaignant et, comme il était incapable de lui attraper les bras, le plaignant les ayant placés sous lui, l’AI no 1 a donné un coup de poing du côté droit, ce qui a permis de libérer son bras droit. L’AT no 6, qui participait à l’intervention auprès du plaignant, a donné un coup de genou à l’épaule gauche du plaignant, qui a été efficace pour permettre de lui attraper le bras gauche. Par la suite, le plaignant a été menotté et mis debout et il a été installé sur un fauteuil du salon pendant que la fouille de son logement se poursuivait, en attendant les ambulanciers.
Les agents nient que le plaignant ait reçu autant de coups de poing que les éléments de preuve incriminants ne le laissent croire et que le plaignant ait été étranglé, qu’il ait reçu des coups de pied et qu’une arme ait été pointée sur lui en attendant l’ambulance.
Si ce scénario le plus compromettant était vrai, cela signifierait que le plaignant a été victime d’une agression illégale par plusieurs agents à la fois. Il y a néanmoins des parties de cette preuve qui soulèvent des doutes importants quant à leur fiabilité. Par exemple, d’après les preuves médicales obtenues par l’UES, il est très peu vraisemblable que le plaignant n’ait pas eu plus de blessures après avoir reçu une vingtaine de coups de poing au visage. De plus, il est peu plausible que le plaignant n’ait pas su dès le départ qu’il s’agissait de la police et que les agents étaient là pour fouiller son logement. La supposition que les agents n’aient pas révélé qui ils étaient et ce qu’ils faisaient là pour des raisons hautement condamnables est en contradiction avec le fait que l’AI no 3 et d’autres agents portaient un uniforme complet et que les autres, habillés en civil, portaient une veste avec le mot « police » inscrit à l’avant. En définitive, même si je reconnais qu’une entité chargée de déposer des accusations doit limiter son évaluation du poids des éléments de preuve contradictoires, j’ai la conviction qu’il serait malavisé et dangereux de mettre l’ensemble de la preuve à l’épreuve en la soumettant à un juge de faits en l’absence de corroboration. Les blessures subies par le plaignant auraient pu servir à corroborer les faits, mais leur valeur probante est limitée dans cette affaire par la possibilité qu’elles aient pu être causées par le placage au sol et les coups de poing donnés par l’AI no 2, qui, conformément à conclusion figurant ci-dessous, représentaient un degré de force légalement justifiable dans les circonstances.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Les agents qui ont pénétré dans le logement et qui ont eu une altercation avec le plaignant ont agi conformément à un mandat de perquisition qui semblait valide selon les apparences. D’après la version ressortant des déclarations des agents, qui concorde avec les éléments de preuve médicaux et n’est contredite par la preuve d’aucun tiers, le plaignant se serait rapidement dirigé vers la salle de bain à partir de la porte d’entrée. À ce stade, les agents pouvaient légitimement conclure que les mouvements du plaignant devaient être maîtrisés pour qu’une fouille efficace puisse s’effectuer. L’AI no 3 a été le premier à confronter le plaignant. L’agent l’a écarté de son chemin pour l’empêcher d’accéder à la salle de bain et aux chambres le long du couloir, et il a donné aux autres agents l’ordre d’empêcher le plaignant de bouger. L’AI no 2 a tenté de l’immobiliser, mais le plaignant a résisté physiquement et donnait l’impression de vouloir suivre l’AI no 3 dans le couloir, et la situation a dégénéré au point que le plaignant a tenté d’atteindre la veste de l’agente avec ses mains. Craignant que le plaignant puisse s’emparer d’une de ses armes, l’AI no 2 lui a donné deux coups de poing au visage, soit un avec chaque main. Comme le plaignant continuait d’essayer de toucher la veste de l’AI no 2, l’AI no 1 est intervenu pour plaquer vigoureusement le plaignant au sol. Il s’est ensuivi une lutte au sol durant laquelle le plaignant a battu des jambes en refusant de libérer ses bras. Il a alors reçu un autre coup de poing du côté droit du torse qui a été donné par l’AI no 1 et un seul coup de genou donné par l’AT no 6 à l’épaule gauche du plaignant. Après ces coups, les agents ont réussi à menotter le plaignant.
Je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure, d’après ce qui précède, que le recours à la force contre le plaignant a dépassé les limites prescrites par le droit criminel. Les agents avaient le droit de fouiller le logement et de faire le nécessaire pour assurer leur sécurité et préserver l’intégrité des preuves. Lorsque le plaignant a tenté de les en empêcher, il s’est exposé à une arrestation pour entrave à la justice, et les agents avaient le droit de recourir à une certaine force pour le mettre sous garde. La force employée était, à mon avis, proportionnelle à la résistance du plaignant, et elle a augmenté en intensité à mesure que le plaignant représentait une menace de plus en plus grande. En dernière analyse, puisque la force en question était légalement justifiée, il n’existe pas de motifs de déposer des accusations contre quelque agent concerné que ce soit, malgré les blessures subies par le plaignant. Le dossier est donc clos.
Date : 23 septembre 2019
Original signé par
Joseph Martino
Directeur intérimaire,
Unité des enquêtes spéciales
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.