Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-385

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 21 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

Le 19 septembre 2023, à 4 h 14, la Police régionale de York (PRY) a laissé un message vocal sur le système de messagerie vocale de l’UES. L’UES a rappelé la PRY et la PRY l’a avisée de ce qui suit.

Le 18 septembre 2023, vers 21 h, une personne a téléphoné à la PRY pour signaler une dispute familiale dans une résidence du secteur de la rue Bathurst et de King Road, à Richmond Hill. La personne a indiqué que le plaignant était complètement ivre et qu’il se comportait de façon violente et agressive envers les membres de sa famille. À leur arrivée, les agents de la PRY ont aperçu le plaignant qui s’éloignait de la résidence. Lorsque l’AI l’a interpellé, le plaignant lui a donné un coup de poing au visage et a cassé ses lunettes. Le plaignant a mis au sol et arrêté. Son son nez s’est mis à saigner et il a été transporté à l’Hôpital Cortellucci de Vaughan (HCV), où l’on a constaté qu’il était cassé. Le plaignant, qui devait être détenu jusqu’à son enquête sur remise en liberté, se trouvait au HCV, où il avait été admis en vertu de la Loi sur la santé mentale.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 19 septembre 2023 à 12 h 16

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 19 septembre 2023 à 13 h 8

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 21 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 19 septembre 2023.

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 20 septembre 2023.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 2 octobre 2023.

Agent témoin (AT)

AT A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

L’agent témoin a participé à une entrevue le 22 septembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur un trottoir près d’un arrêt d’autobus sur King Road, à Richmond Hill, et aux alentours.

Le 19 septembre 2023, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu sur les lieux. Il y avait une flaque de sang et des traces de pas sur le trottoir, près de l’arrêt d’autobus de la York Region Transit.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]

Enregistrement vidéo — York Region Transit

Le 21 septembre 2023, la York Region Transit a fourni à l’UES des images vidéo captées dans par un autobus.

Le 18 septembre 2023, vers 21 h 13 min 29 s (heure indiquée sur les images), l’autobus s’approche d’un arrêt d’autobus sur King Road. Deux véhicules de police identifiés sont garés, avec leurs gyrophares activés, dans la voie à côté de l’arrêt d’autobus. On peut voir une silhouette immobile sur le trottoir menant à l’arrêt d’autobus. L’autobus n’a pas ralenti et a continué son chemin sans s’arrêter.
 

Enregistrements des communications de la police

Le 18 septembre 2023, vers 21 h, un répartiteur demande que des agents se rendent à une résidence située dans le secteur de la rue Bathurst et de King Road, à Richmond Hill, pour une dispute familiale. Le plaignant est ivre et se comporte de façon agressive envers les membres de la famille. Le répartiteur recommande aux agents de faire preuve de prudence, car le plaignant a déjà craché sur des agents de police et a des antécédents de voies de fait et en matière d’armes à feu.

Vers 21 h 15, un agent signale que le plaignant a frappé l’AI et qu’il a été arrêté.

Documents obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès de la PRY entre le 20 septembre 2023 et le 19 octobre 2023 :
  • Enregistrements de communications
  • Information provenant du système de répartition assistée par ordinateur
  • Enregistrement provenant d’une caméra intégrée au véhicule
  • Notes de l’AT
  • Notes de l’AI
  • Photos prises par la PRY
  • Politiques : arrestation du délinquant et usage de la force

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre les 21 et 25 septembre 2023 :
  • Enregistrement vidéo — York Region Transit
  • Rapport d’ambulance — Services médicaux d’urgence de York
  • Dossier médical du plaignant — HCV

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant et l’AI, dresse le portrait suivant de l’incident.

Dans la soirée du 18 septembre 2023, l’AI et l’AT ont été dépêchés à une résidence située dans le secteur de la rue Bathurst et de King Road, à Richmond Hill, pour une dispute familiale. Le TC, qui s’inquiétait pour les membres de la famille, avait téléphoné à la police pour signaler que le plaignant était ivre et se comportait de façon agressive. Sachant que le plaignant avait quitté le domicile et s’était dirigé vers King Road, les agents l’ont retrouvé peu après leur arrivée dans le secteur. Il se tenait debout à un arrêt d’autobus.

L’AI a abordé le plaignant par la fenêtre du côté passager du véhicule de police, mais le plaignant l’a ignoré. Lorsque le véhicule de police s’est arrêté et que l’agent en est sorti pour s’approcher du plaignant, ce dernier a continué à l’ignorer. Le plaignant s’est mis à s’éloigner de l’AI en marchant sur le trottoir, puis s’est retourné et a brandi sa main droite en direction de l’agent. Le coup de poing a atteint l’AI au visage.
L’AI a réagi au coup de poing en agrippant le plaignant et en le mettant au sol. Alors que le plaignant était au sol sur le dos et essayait de frapper l’AI, ce dernier, qui était assis à califourchon sur son torse, lui a donné un coup de coude rapproché au nez. Le plaignant a poursuivi son manège, a reçu un autre coup de coude au nez de la part de l’AI, et s’est mis à saigner du nez.

L’AT est arrivé après le deuxième coup et a aidé l’AI à amener les bras du plaignant derrière le dos et à lui passer les menottes.

Après son arrestation, le plaignant a été remis sur ses pieds et escorté jusqu’au véhicule de police de l’AT. Rendu là, il a tenté un coup de pied vers l’arrière en direction de l’AI. L’AI l’a remis au sol et, avec l’aide de l’AT, l’y a maintenu jusqu’à l’arrivée des ambulanciers paramédicaux.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué un nez cassé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 19 septembre 2023, le plaignant a été grièvement blessé lors d’un affrontement avec un agent de la PRY. L’UES a été avisée et a lancé une enquête. L’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure subie par le plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

L’AI avait des motifs légitimes de chercher à arrêter le plaignant pour voies de fait, puisque ce dernier lui avait donné un coup de poing.

Quant à la force utilisée par l’AI pour faciliter l’arrestation du plaignant, je suis d’avis qu’elle était justifiée en droit. Puisque le plaignant venait de l’attaquer sans provocation aucune, l’agent était en droit de l’amener au sol sans attendre afin de l’empêcher de commettre tout autre acte de violence. Par la suite, alors que le plaignant était au sol et résistait à son arrestation en continuant d’essayer de frapper l’agent, l’AI a riposté avec deux coups de coude. D’après la preuve recueillie, les coups ont été portés de façon contrôlée (l’agent n’a pas pris d’élan pour porter les coups et les a plutôt portés à courte distance) et délibérée (un court laps de temps — pendant lequel le plaignant a continué d’essayer de frapper l’agent — s’est écoulé entre les coups). Enfin, l’agent a agi de façon raisonnable lorsqu’il a mis le plaignant au sol à côté du véhicule de police de l’AT. Même s’il était menotté à ce moment-là, le plaignant venait d’essayer de donner un coup de pied à l’AI. En remettant le plaignant au sol et en le plaçant dans cette position désavantageuse, l’agent pouvait espérer mieux parer à toute nouvelle agression de sa part.
 
Par conséquent, bien que j’accepte que le nez du plaignant ait été cassé en raison de l’un ou des deux coups de coude portés par l’AI, je n’ai aucun motif raisonnable de conclure que la blessure découle d’une action illégale de la part de l’agent. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.


Date : 17 janvier 2024

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.