Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-347
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave qu’aurait subie un homme de 34 ans (le plaignant) lors de son arrestation le 23 novembre 2017.
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave qu’aurait subie un homme de 34 ans (le plaignant) lors de son arrestation le 23 novembre 2017.
L’enquête
Notification de l’UES
Vers 13 h le 24 novembre 2017, le Service de police du Grand Sudbury (SPGS) a informé l’UES de la blessure grave subie par le plaignant pendant son arrestation.Le SPGS a fait savoir que la veille, soit le 23 novembre 2017, vers 20 h 12, la police et les services médicaux d’urgence avaient été appelés en vue d’une intervention, dans le secteur des rues MacKenzie et Evergreen de la ville de Sudbury, concernant un cycliste qui avait peut-être été heurté par un véhicule. Les policiers sont arrivés sur les lieux au même moment que les ambulanciers paramédicaux. On a constaté que le cycliste, à savoir le plaignant, avait des coupures superficielles, mais on n’a vu aucun véhicule dans le secteur. Ainsi, les policiers croyaient que le plaignant était peut-être simplement tombé de sa bicyclette. Le plaignant a ensuite fui l’intersection en courant.
Peu après, un témoin civil a informé les policiers que le plaignant était sur la rue Durham. Ce témoin a dit qu’il avait vu le plaignant tomber et que ce dernier était couvert de sang.
Deux policiers se sont approchés du plaignant, sur la rue Durham, il était allongé sur le sol. Les policiers ont alors réveillé le plaignant et il est devenu agité, après quoi il a été mis en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public.
Les ambulanciers paramédicaux ont examiné le plaignant et l’ont emmené à l’hôpital; il a par la suite reçu son congé de l’hôpital, a été conduit au commissariat de police et a été placé dans une cellule.
Le 24 novembre 2017, le plaignant a été conduit a tribunal, puis renvoyé à l’hôpital parce qu’il se plaignait d’une douleur. À l’hôpital, les médecins ont établi que le plaignant souffrait d’une fracture de la mâchoire.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3 Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Plaignant :
Homme de 34 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinésTémoins civils (TC)
TC no 1 A participé à une entrevue TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
Agents témoins (AT)
AT no 1 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinéesAT no 2 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 4 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 5 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 6 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 7 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 8 A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées
AT no 9 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 10 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
Employés de la police témoins (EPT)
EPT no 1 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaireEPT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
Agent impliqué (AI)
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué, mais a fourni une déclaration écrite. Ses notes ont été reçues et examinées. Description de l’incident
Le 23 novembre 2017, vers 20 h, le plaignant roulait à bicyclette, à l’intersection des rues Evergreen et MacKenzie dans la ville de Sudbury, lorsqu’il a glissé sur la chaussée glacée et est tombé de son vélo. Le plaignant avait alors affirmé aux témoins à proximité qu’il avait été heurté par une voiture; toutefois, à ce moment-là, aucune voiture n’avait été aperçue dans les environs. Des témoins ont signalé que le plaignant avait une blessure à la tête, qui saignait, au-dessus de son œil droit. Initialement, le plaignant était inconscient, mais lorsqu’il s’est réveillé, il est devenu agité, belliqueux et agressif envers les témoins qui tentaient de l’aider. Le plaignant a fui les lieux à l’arrivée des services médicaux d’urgence. Quelque huit à dix minutes plus tard, un autre témoin a vu le plaignant allongé au milieu de la rue Beech, blessé à la tête; l’on a alors communiqué avec la police.
Deux agents de police, dont l’AI, sont arrivés sur les lieux et ont trouvé le plaignant inconscient et en détresse médicale. Une fois qu’il a repris ses esprits, le plaignant est devenu agressif, rébarbatif et réticent à recevoir de l’aide. Le plaignant a ensuite été mis en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public, avant d’être menotté.
Le plaignant, toujours menotté, a par la suite été attaché sur une civière, à l’aide des trois sangles inférieures de cette dernière, avant d’être placé à l’arrière de l’ambulance. Le plaignant est devenu de plus en plus agité et colérique, et ne voulait toujours pas qu’on lui apporte quelque forme d’aide que ce soit. Il a continué d’agir de la sorte et, à deux reprises, a été transporté à l’hôpital, où il a refusé tout traitement médical.
En ces deux occasions, le plaignant a été remis à la garde de la police sans qu’un professionnel de la santé ait pu l’examiner. Dans la matinée, après avoir été amené au tribunal, le plaignant a de nouveau été transporté à l’hôpital, parce qu’il se plaignait d’une douleur à la mâchoire. L’on a alors établi que le plaignant souffrait d’une fracture du côté droit de la mâchoire et de fractures non déplacées de l’os nasal.
Le plaignant a allégué qu’alors qu’il était attaché à son lit lors de sa première visite à l’hôpital, un policier lui avait asséné un coup de poing au visage après qu’il eut craché au visage de ce policier.
En fait, alors qu’il était à l’arrière de l’ambulance et menotté, le plaignant a pu libérer ses jambes des dispositifs de contention. Puisque le plaignant se comportait de manière agressive et qu’il endommageait de l’équipement, l’AI lui a alors donné un ou deux petits coups de poing rapides au visage, ce qui a permis aux policiers et aux ambulanciers paramédicaux de l’attacher sur la civière.
Nature des blessures/traitement
Le plaignant a reçu un diagnostic de fracture du côté droit de la mâchoire (fracture mandibulaire) et de fractures de l’os nasal. Un chirurgien plasticien a pratiqué une intervention chirurgicale parce que les dents du plaignant n’étaient pas bien ajustées ou alignées. De même, on a installé un appareil orthodontique sur les dents supérieures et inférieures du plaignant, et sa mâchoire a été complètement immobilisée à l’aide de fil. Le pronostic du plaignant était bon et on s’attendait à ce que sa mâchoire guérisse bien.
Deux agents de police, dont l’AI, sont arrivés sur les lieux et ont trouvé le plaignant inconscient et en détresse médicale. Une fois qu’il a repris ses esprits, le plaignant est devenu agressif, rébarbatif et réticent à recevoir de l’aide. Le plaignant a ensuite été mis en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public, avant d’être menotté.
Le plaignant, toujours menotté, a par la suite été attaché sur une civière, à l’aide des trois sangles inférieures de cette dernière, avant d’être placé à l’arrière de l’ambulance. Le plaignant est devenu de plus en plus agité et colérique, et ne voulait toujours pas qu’on lui apporte quelque forme d’aide que ce soit. Il a continué d’agir de la sorte et, à deux reprises, a été transporté à l’hôpital, où il a refusé tout traitement médical.
En ces deux occasions, le plaignant a été remis à la garde de la police sans qu’un professionnel de la santé ait pu l’examiner. Dans la matinée, après avoir été amené au tribunal, le plaignant a de nouveau été transporté à l’hôpital, parce qu’il se plaignait d’une douleur à la mâchoire. L’on a alors établi que le plaignant souffrait d’une fracture du côté droit de la mâchoire et de fractures non déplacées de l’os nasal.
Le plaignant a allégué qu’alors qu’il était attaché à son lit lors de sa première visite à l’hôpital, un policier lui avait asséné un coup de poing au visage après qu’il eut craché au visage de ce policier.
En fait, alors qu’il était à l’arrière de l’ambulance et menotté, le plaignant a pu libérer ses jambes des dispositifs de contention. Puisque le plaignant se comportait de manière agressive et qu’il endommageait de l’équipement, l’AI lui a alors donné un ou deux petits coups de poing rapides au visage, ce qui a permis aux policiers et aux ambulanciers paramédicaux de l’attacher sur la civière.
Nature des blessures/traitement
Le plaignant a reçu un diagnostic de fracture du côté droit de la mâchoire (fracture mandibulaire) et de fractures de l’os nasal. Un chirurgien plasticien a pratiqué une intervention chirurgicale parce que les dents du plaignant n’étaient pas bien ajustées ou alignées. De même, on a installé un appareil orthodontique sur les dents supérieures et inférieures du plaignant, et sa mâchoire a été complètement immobilisée à l’aide de fil. Le pronostic du plaignant était bon et on s’attendait à ce que sa mâchoire guérisse bien.Éléments de preuve
Les lieux
L’incident s’est produit à l’arrière de l’ambulance – un espace exigu. La civière se trouvait du côté gauche de cet espace.
Éléments de preuve matériels
Le défibrillateur rattaché à la civière, lequel a été endommagé par un coup de pied donné par le plaignant.Éléments de preuves médicolégaux
Aucun élément de preuve médicolégal n’a été présenté au Centre des sciences judiciaires.Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques
Vidéos captées pendant que le plaignant était sous la garde du SPGS
Les vidéos ont confirmé les renseignements fournis par tous les agents de police au sujet de leurs contacts avec le plaignant dans l’aire de mise en détention et dans l’aire des cellules. Les vidéos captées ne comprennent pas de piste audio. Il semble que les dispositifs de contention qui avaient été utilisés plus tôt pour restreindre le mouvement des jambes du plaignant aient été retirés avant que l’on emmène le plaignant à la voiture de police; par la suite, les deux agents de police ont tenu le plaignant jusqu’à ce qu’il soit placé dans une cellule. On a mis un masque anti-crachats sur le visage du plaignant, puis on l’a retiré lorsque le plaignant a été menotté à la porte de sa cellule; les agents ont de nouveau mis le masque sur le visage du plaignant lorsqu’ils sont entrés dans la cellule pour dévêtir ce dernier. Le plaignant portait toujours le masque lorsqu’il a quitté le commissariat de police avec les membres des services médicaux d’urgence.Enregistrements de communications
Communications du SPGS
Les communications enregistrées permettent de constater que le plaignant a révélé son nom aux personnes qui l’aidaient et qu’il est évident qu’il ne savait pas ce qui lui était arrivé.Éléments obtenus auprès du Service de police
Sur demande, l’UES a obtenu les documents et éléments suivants du SPGS, et les a examinés : - rapport d’arrestation;
- exemplaires de photos prises alors que le plaignant était dans la grande cellule commune (les photos sont étiquetées à l’arrière);
- exemplaire d’une photo du plaignant prise lorsqu’il était à l’hôpital;
- liste des agents en poste;
- registre de service;
- détails de l’événement;
- liste des agents concernés du SPGS;
- procédure relative aux prisonniers à haut risque;
- photo d’identité judiciaire du plaignant;
- procédure relative aux interventions non policières;
- notes des AT no 1 à 4 et no 5 à 10, des EPT no 1 et 2 ainsi que de l’AI;
- signaux de mise en garde concernant une personne;
- signaux de mise en garde de Chatham concernant le plaignant;
- signaux de mise en garde de Sudbury concernant le plaignant;
- rapport d’incident (personne) de Chatham concernant le plaignant;
- rapport d’incident (personne) de Sudbury concernant le plaignant;
- registre de prisonniers;
- engagement de cautionnement;
- rapport de la fouille à nu;
- enregistrements des appels au 911;
- enregistrements des communications par radio de la police;
- vidéo de la cellule;
- photos des dommages causés à l’ambulance par le plaignant;
- déclarations écrites de l’AI (2), des AT nos 1 à 4 et nos 7 à 10 ainsi que de l’EPT no 1.
- rapport d’appel des services ambulanciers de Sudbury (3);
- dossiers médicaux du plaignant concernant cet incident;
- notes relatives au triage concernant le plaignant datées du 23 novembre 2017.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :a) soit à titre de particulierest, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
Article 430 du Code criminel -- Méfait
430 (1) Commet un méfait quiconque volontairement, selon le cas :a) détruit ou détériore un bien(3) Quiconque commet un méfait à l’égard d’un bien qui constitue un titre testamentaire ou dont la valeur dépasse cinq mille dollars est coupable :
b) rend un bien dangereux, inutile, inopérant ou inefficace
c) empêche, interrompt ou gêne l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien
d) empêche, interrompt ou gêne une personne dans l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien
a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans(4) Quiconque commet un méfait à l’égard d’un bien, autre qu’un bien visé au paragraphe (3), est coupable :
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire
soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans
soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire
Paragraphe 31(4), Loi sur les permis d’alcool – Ivresse dans un lieu public
(4) Nul ne doit être en état d’ivresse :a) dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission
b) dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun
Analyse et décision du directeur
Le 23 novembre 2017, entre 20 h 10 min 25 s et 20 h 22 min 17 s, le SPGS a reçu trois appels au 911 demandant l’aide des services médicaux d’urgence dans le secteur des rues MacKenzie et Evergreen, dans la ville de Sudbury.
La première personne à avoir appelé, qui semblait être jeune, a informé le téléphoniste du 911 qu’un cycliste de sexe masculin semblait être tombé de son vélo et s’être cogné la tête. La personne a indiqué que le cycliste prétendait avoir été heurté par une voiture, mais qu’elle croyait en fait que le cycliste était simplement tombé par lui-même, se cognant ainsi la tête. La personne a également fait savoir qu’au départ, le cycliste était inconscient, mais qu’il s’était ensuite réveillé et qu’il était ivre. Le cycliste a été désigné comme étant le plaignant. Ensuite, la personne a indiqué au téléphoniste que le plaignant s’éloignait à pied, ajoutant ceci : [traduction] « Il est ivre, alors il ne comprend pas. Je suis presque certain qu’il veut se faire heurter par une voiture ». L’enregistrement de la conversation téléphonique permet d’entendre, à l’arrière-plan, des gens qui tentaient d’aider le plaignant; au moins un des hommes présents a dit ce qui suit : [traduction] « nous essayons d’aider, mais il veut se battre avec nous. Il est trop agressif. Il essaie de se battre avec tout le monde ».
La deuxième personne à avoir appelé au 911 a indiqué qu’il y avait [traduction] « un homme allongé sur le bord de la route ». Elle a ajouté : [traduction] « Il dit qu’il vient de se faire heurter par une voiture. »
À la suite de ces appels au 911, deux agents du SPGS, soit l’AI et l’AT no 1, ont été dépêchés sur les lieux pour tenter de retrouver le cycliste blessé.
À 20 h 22 min 17 s, la première personne à avoir appelé au 911 a appelé de nouveau et il a été confirmé que les policiers étaient sur les lieux.
La première personne qui a appelé au 911, un jeune, soit le TC no 9, était accompagnée de son frère; ils ont vu le plaignant allongé sur le dos, sur la chaussée, à côté d’une bicyclette. Le TC no 9 a constaté que le plaignant saignait du côté droit de son front et que le sang lui coulait dans les yeux. Alors que les deux frères cherchaient à aider le plaignant, ce dernier les a accusés de tenter de le voler. Le plaignant a essayé d’asséner un coup de poing au frère du TC no 9, mais il a raté sa cible, après quoi le plaignant est tombé à deux reprises. Le TC no 9 a ensuite vu le plaignant tenter de se jeter devant une voiture, mais cette dernière s’était déjà immobilisée. Puis, le plaignant a été vu en train de remonter la rue à pied, jusqu’à un endroit où se trouvaient des buissons, d’où il a sauté dans un fossé, atterrissant sur la tête et sur le ventre.
Un autre témoin civil, le TC no 5, a vu le plaignant se relever, puis tomber vers l’avant et se cogner la tête sur la glace, se blessant apparemment au front.
Un automobiliste, le TC no 8, s’est arrêté pour aider le plaignant, alors que ce dernier était allongé sur la chaussée; l’automobiliste a remarqué que le plaignant avait du sang sur le visage, surtout sur le côté droit de son front, en raison d’une coupure au-dessus de son œil. À un certain moment, alors qu’il tentait d’aider le plaignant, le TC no 8 l’a vu donner un coup de poing à un autre passant, le TC no 2, après quoi le plaignant s’est relevé, a commencé à crier, à jurer et à dire aux gens de ne pas le toucher, et ce, tout en continuant d’essayer de les frapper. Le TC no 8 a tenté d’expliquer au plaignant qu’ils essayaient simplement de l’aider. Ce témoignage concorde avec ce qu’a dit le TC no 2.
Lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux associés au premier appel au 911, ils ont vu le plaignant qui marchait, en boitant, dans la rue alors que du sang lui coulait autour d’un œil. Les deux ambulanciers, soit le TC no 4 et le TC no 3, ont ensuite immobilisé l’ambulance à côté du plaignant, mais celui-ci a continué de marcher.
Les ambulanciers paramédicaux ont cherché le plaignant, mais ils n’ont pas réussi à le localiser. Les policiers sont alors arrivés sur place. Le TC no 4 a alors entendu le TC no 5 dire à un agent de police qu’il avait vu le plaignant marcher, que ce dernier avait glissé sur la chaussée glacée et qu’il avait été inconscient pendant un certain temps; en apprenant cela, le TC no 4, craignant que le plaignant se soit blessé à la tête, a demandé aux policiers de retrouver le plaignant.
Le TC no 1, qui se trouvait dans le secteur de la rue Beech, a indiqué qu’il avait entendu un bruit sourd qui, selon lui, ressemblait à celui d’une tête se frappant sur le trottoir, et qu’il avait alors vu le plaignant allongé sur le dos près du passage pour piétons de la rue Beech. Le TC no 1 a fait savoir qu’il s’était alors approché du plaignant et qu’il avait constaté que ce dernier ne bougeait pas, que de l’écume ou de la salive lui sortait de la bouche et qu’il y avait du sang frais autour de son œil droit – lequel était enflé – ainsi que sur ses mains. Le TC no 1 était d’avis que le plaignant ne pouvait s’être blessé à ce moment-là, puisque celui-ci était tombé vers l’arrière, alors que sa blessure se trouvait au dessus de son œil droit.
Le TC no 1 a ensuite vu deux policiers arriver sur place; l’un d’eux, l’AI, a retourné le plaignant sur son flanc gauche et a commencé à fouiller ses poches, après quoi le plaignant a commencé à paniquer – à s’agiter grandement – et à résister aux policiers. Le TC no 1 a entendu l’AI dire au plaignant qu’il cherchait dans ses poches tout objet qui serait susceptible de causer des blessures. L’agent a ramené le bras du plaignant derrière son dos et le plaignant a crié que l’agent, l’AT no 1, lui avait cassé le bras. Le plaignant a ensuite été menotté, les mains derrière le dos, avant d’être placé sur une civière.
Selon le TC no 1, le plaignant avait un comportement changeant, soit des périodes calmes suivies de moments où il injuriait les agents de police et leur disait de s’éloigner de lui. Le TC no 1 a entendu le plaignant dire qu’il allait cracher sur un policier; le policier a alors placé son coude sur la joue gauche du plaignant afin de la pousser dans la civière, l’empêchant ainsi de cracher sur quiconque. Puis, le plaignant a été placé à l’arrière de l’ambulance. Le TC no 1 n’a vu personne, à quelque moment que ce soit, frapper le plaignant.
Dans les cinq à dix minutes suivant le moment où la police avait commencé à chercher le plaignant, le TC no 4 a été informé que le plaignant se trouvait maintenant sur la rue Beech, au coin de la rue Durham; les ambulanciers se sont donc rendus à cet endroit. À son arrivée, le TC no 4 a vu l’AI et l’AT no 1 demander au plaignant s’il avait des armes sur lui et lui dire qu’ils allaient le fouiller pour le déterminer; le plaignant s’est alors agité, refusant de révéler son identité et de permettre aux policiers de le fouiller. Le plaignant a aussi refusé de laisser les ambulanciers l’examiner et lui prodiguer des soins.
Le TC no 4 a indiqué qu’il craignait que le plaignant soit dans un état de conscience très élevée, ce qui, selon lui, pouvait être dû à un traumatisme crânien ou à la consommation de drogues. Le TC no 4 a précisé qu’étant donné cette situation, il estimait qu’il était important que le plaignant soit examiné à l’hôpital.
Le TC no 4 a vu que le plaignant devenait violent, belliqueux et non coopératif alors qu’il tentait d’empêcher les policiers de le fouiller. Les deux policiers ont ensuite emmené le plaignant dans la rue, face contre terre; il a continué à se débattre, pendant que les policiers lui menottaient les mains dans le dos. Le TC no 4 a indiqué que le plaignant était en colère parce qu’il croyait que l’AT no 1 l’avait blessé à l’épaule tandis qu’il le menottait. Le plaignant ne coopérait toujours pas lorsqu’on l’a placé sur la civière et il a dû y être attaché à l’aide de trois sangles, deux sur les jambes et une autour de la taille. Le plaignant demandait continuellement qu’on lui enlève les menottes afin qu’il puisse se battre avec l’AT no 1.
Une fois placé à l’arrière de l’ambulance, le plaignant a continué de se tortiller, de sorte qu’il a pu retirer ses jambes des deux sangles inférieures, après quoi il a donné un violent coup de pied sur le défibrillateur, lequel était monté sur un support métallique au-dessus des pieds du plaignant. Selon l’AI, le plaignant essayait en fait de lui donner un coup de pied, mais il a plutôt heurté l’écran du défibrillateur. Le plaignant a continué de donner des coups de pied sur le défibrillateur jusqu’à ce que celui-ci se détache de sa base et se heurte à la porte arrière de l’ambulance, atterrissant au pied de l’AI. Le TC no 4 a indiqué qu’il craignait que le plaignant ne se blesse lui-même ou ne blesse l’AI s’il continuait à donner de violents coups de pied de la sorte.
Le TC no 4 a fait savoir que l’AI s’est alors avancé très calmement, qu’il a placé sa main gauche sur la poitrine du plaignant et qu’il a donné deux petits coups de poing sur le côté gauche du menton et de la mâchoire du plaignant. Le plaignant s’est immédiatement calmé et s’est mis à pleurer, se plaignant que l’AI lui avait brisé la mâchoire. Le TC no 4 a indiqué qu’il croyait qu’il était possible que la mâchoire du plaignant soit cassée, précisant toutefois que ce dernier a continué de parler et que son élocution est demeurée la même. Le TC no 4 a déclaré que l’AI lui a dit qu’il avait frappé le plaignant pour le calmer et l’empêcher de causer d’autres dommages. Le TC no 4 a ajouté qu’à son avis, les actions de l’AI étaient appropriées et justifiées dans les circonstances.
Une fois à l’hôpital, le plaignant est demeuré belliqueux et le TC no 4 l’a entendu affirmer qu’il souhaitait se battre avec les policiers de nouveau; il a aussi menacé de cracher sur les policiers.
La version des événements donnée ci-dessus, établie à partir des entrevues menées auprès de tous les témoins civils, est conforme à celle fournie par l’AI dans sa déclaration écrite, et par l’AT no 1 lors de son entrevue.
De plus, l’AT no 2 a fait savoir qu’une fois à l’hôpital, l’AI lui a révélé que lorsque le plaignant avait repris connaissance dans la rue, il avait refusé de révéler son identité et qu’il était devenu agité, agressif et rébarbatif à son endroit et envers l’AT no 1, leur crachant dessus. Le plaignant a ensuite été arrêté pour ivresse dans un lieu public, une infraction à la Loi sur les permis d’alcool, et menotté. L’AI a aussi dit à l’AT no 2 qu’une fois à l’intérieur de l’ambulance, le plaignant avait donné un coup de pied sur le support du défibrillateur, faisant tomber ce dernier au sol, et qu’il avait donc frappé le plaignant près de la bouche pour atténuer son comportement agressif.
Suivant sa première visite à l’hôpital – et après avoir refusé d’être examiné ou traité par le personnel médical –, le plaignant a été remis à la garde de la police, à 21 h 37. Le plaignant a ensuite été transporté par les agents au commissariat de police; en route, il a commencé à donner des coups de pied dans les vitres de la voiture. Par conséquent, les policiers ont dû utiliser un dispositif pour restreindre les mouvements de ses pieds. Puis, au commissariat, lorsqu’on a vu que le plaignant avait, apparemment, perdu conscience de nouveau, qu’il transpirait et que de l’écume sortait de sa bouche, on a appelé encore une fois les services médicaux d’urgence, qui ont ramené le plaignant à l’hôpital.
Enfin, à 8 h 22 le lendemain, le plaignant a été examiné à l’hôpital; on a radiographié sa mâchoire et on a déterminé qu’il avait subi une fracture mandibulaire sur le côté droit de sa mâchoire et au niveau de l’os nasal. Par la suite, le plaignant a dû subir une intervention chirurgicale parce que ses dents n’étaient pas alignées correctement; on lui a mis un appareil orthodontique sur les dents supérieures et inférieures et on lui a fermé la mâchoire avec du fil métallique. Le médecin qui a pratiqué l’intervention chirurgicale a indiqué que le pronostic du plaignant était bon et qu’il s’attendait à ce que sa mâchoire guérisse bien.
Pour sa part, le plaignant avait du mal à se rappeler les événements avec précision. Il a admis qu’il avait bu une bouteille de gin et fumé de la marijuana avant de se réveiller au milieu de la route et d’être fouillé et frappé par deux policiers. Le plaignant a dit se souvenir qu’un policier lui avait enfoncé un doigt derrière l’oreille droite, entre sa mâchoire et son cou, ce qui, selon lui, avait peut-être causé la fracture de sa mâchoire; il n’en était pas certain. Le plaignant croyait également qu’il avait été heurté par une voiture ou qu’il était tombé de sa bicyclette, et se rappelait avoir eu une coupure au dessus de l’œil droit et quelques éraflures.
Le plaignant s’est rappelé avoir été menotté et placé à l’intérieur d’une ambulance avant d’être transporté à l’hôpital, et il a reconnu qu’il était tellement en colère qu’il a donné un coup de pied sur le défibrillateur dans l’ambulance.
Le plaignant ne se souvenait pas d’avoir été frappé par l’AI dans l’ambulance; il se rappelait plutôt qu’une fois à l’hôpital, tandis qu’il était attaché au lit, il avait craché au visage de l’un des policiers, après quoi on lui avait dit qu’on lui ferait du mal s’il crachait de nouveau sur eux. Le plaignant s’est souvenu qu’à ce moment, il avait craché une nouvelle fois au visage de l’agent et qu’on lui avait alors mis un masque anti-crachats et que l’un des agents lui avait asséné un coup de poing au visage. Le plaignant estimait possible que sa mâchoire ait été fracturée à ce moment-là, et non précédemment.
À la lumière de l’ensemble de la preuve, il est difficile de déterminer exactement à quel moment le plaignant a été blessé, car les hypothèses sont nombreuses. En effet, outre la possibilité qu’il ait été heurté par une voiture, il y a aussi ses nombreuses chutes sur le sol gelé, dont au moins une lui a causé une blessure au côté droit du visage, comme en témoignent la coupure et le sang remarqués au-dessus de son œil droit, le moment où il a tenté de se jeter devant une voiture et celui où il a sauté dans un fossé, le coup ou les deux coups de poing au côté gauche de sa mâchoire que le policier lui a donnés dans l’ambulance de même que tout ce qui a bien pu se produire avant que le plaignant soit aperçu par les témoins civils, les agents de police et les ambulanciers paramédicaux qui ont voulu lui venir en aide.
Le plaignant a peu de souvenirs des événements de l’après-midi et de la soirée du 23 novembre. Apparemment, il ne se rappelle pas s’il a été heurté par une voiture ou s’il est simplement tombé de sa bicyclette. De même, il fait erreur quant à l’identité du policier qui l’a accompagné dans l’ambulance, a indiqué qu’il était possible que sa mâchoire ait été fracturée parce qu’un policier lui a enfoncé un doigt derrière l’oreille, entre le cou et la mâchoire, ce qu’aucun des nombreux témoins civils et ambulanciers paramédicaux présents lors de l’arrestation du plaignant n’a vu, et a fait savoir qu’il avait été frappé par l’AI après avoir craché au visage de l’agent à deux reprises à l’hôpital. Je fais remarquer que ce dernier souvenir, celui d’avoir reçu un coup de poing au visage à l’hôpital, est contredit par ce qu’ont dit tous les autres témoins qui étaient présents à ce moment, y compris les ambulanciers et les autres agents de police.
Le plaignant croyait que sa mâchoire était peut-être déjà cassée lorsqu’un policier l’a fouillé sur la rue Beech, ce qui m’amène à penser qu’il éprouvait déjà de la douleur à la mâchoire au début des événements de cette soirée. D’ailleurs, même si le plaignant a une nouvelle fois éprouvé de la douleur lorsqu’il a reçu un coup de poing de la part de l’AI – le TC no 4 a entendu le plaignant indiquer, à ce moment, qu’il croyait avoir la mâchoire cassée –, le TC no 4 n’a remarqué aucun changement par la suite dans l’élocution du plaignant ou sa capacité de parler; il devient donc d’autant plus difficile de déterminer si l’AI a causé la blessure ou si le coup qu’il a donné du côté gauche de la mâchoire du plaignant a simplement fait prendre conscience à ce dernier, de nouveau, de la douleur ressentie auparavant.
De plus, si l’AI a indiqué qu’il avait asséné un coup de poing au côté gauche du visage du plaignant et que le TC no 4 a lui aussi fait savoir qu’il en avait été ainsi, alors que la fracture mandibulaire se trouvait du côté droit, je tiens à souligner qu’un autre élément vient brouiller davantage les pistes, soit le fait que le plaignant avait déjà, clairement, une blessure au côté droit du visage avant l’intervention des policiers.
Je fais également remarquer que le médecin qui a pratiqué l’intervention chirurgicale sur le plaignant a indiqué que le coup à l’origine de la fracture du côté droit de la mâchoire du plaignant n’avait pas nécessairement été infligé dans cette région, précisant que pour provoquer ce type de blessure, il faut simplement appliquer une certaine forme de pression, mais pas forcément au point de fracturation. Le médecin a indiqué qu’étant donné que l’os de la mâchoire agit comme un levier, la force nécessaire pour provoquer la fracture est moins grande plus l’on s’éloigne de l’endroit où survient ultimement la fracture. Le médecin a également fait savoir que ce type de blessure est le plus souvent observé chez les personnes qui sont tombées dans un escalier ou en pelletant de la neige, ajoutant qu’elle pouvait tout de même être provoquée par coup de poing.
Lorsqu’on lui a demandé directement si un coup de poing du côté gauche de la mâchoire avait pu causer une fracture du côté droit de celle-ci, le médecin a répondu que c’était possible, mais que si cela avait été le cas, il se serait attendu à déceler une fracture secondaire.
D’après l’ensemble de la preuve, il paraît très probable que le plaignant se soit blessé en tombant, peut-être lorsqu’il est tombé de sa bicyclette sur le sol gelé, se blessant également au côté supérieur droit du visage, comme l’ont observé tous les témoins civils avant l’arrivée des policiers et des ambulanciers paramédicaux, lorsqu’il a été heurté par une voiture – si cela s’est produit –, qu’il a tenté de se jeter devant une voiture ou qu’il a sauté dans un fossé, atterrissant sur la tête et sur le ventre, ou encore lors d’une des nombreuses autres occasions où il est tombé, soit sous le regard de témoins civils, soit plus tôt alors qu’il n’y avait pas de témoin.
De toute évidence, les occasions de se blesser, lorsqu’il s’agit d’un homme qui est à la fois en état d’ébriété et sous l’influence de la marijuana, et qui roule à vélo dans des rues glacées, sont innombrables. Bien que le médecin ait indiqué que la blessure pouvait aussi être attribuable à un coup de poing sur le côté gauche de la mâchoire, en l’absence de la fracture secondaire à laquelle se serait attendu le médecin, il semble beaucoup plus probable que la blessure ait été causée par une chute que par un coup de poing.
Dans le présent dossier, je ne suis pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve à ma disposition, qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le plaignant a subi sa blessure lorsqu’il a reçu un coup de poing sur le côté opposé du visage de la part de l’AI, dans l’ambulance. Si, toutefois, le coup de poing a bien provoqué la fracture, je tiens alors compte de l’avis d’expert du chirurgien, à savoir que la force utilisée par l’AI, étant donné la distance entre l’endroit où le coup a été donné et la fracture, était beaucoup moins importante que ce qui aurait été nécessaire pour fracturer la mâchoire avec un coup appliqué directement où la fracture est ultimement survenue. Par conséquent, si l’AI a causé la fracture, je conclus qu’il n’a pas utilisé une force excessive pour le faire.
Toutefois, que le coup ou les deux coups de poing rapides donnés par l’AI au plaignant aient ou non causé la blessure grave de ce dernier, je dois évaluer les actions de l’agent pour déterminer si ce ou ces coups équivalaient à un usage excessif de la force dans les circonstances.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, un agent de la paix est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à employer la force nécessaire dans l’exercice de ses fonctions légitimes. Ainsi, pour que l’AI soit admissible à la protection contre les poursuites prévue à l’article 25, il doit être établi qu’il exerçait ses fonctions légitimes, qu’il agissait en se fondant sur des motifs raisonnables et qu’il n’a pas employé une force supérieure à celle requise.
Tout d’abord, en ce qui concerne le caractère licite de l’arrestation du plaignant, il ressort clairement de ce qu’ont observé tous les témoins présents, que ce soit les civils, les ambulanciers paramédicaux ou les policiers, que le plaignant était en état d’ébriété dans un lieu public, donc en violation du paragraphe 31(4) de la Loi sur les permis d’alcool, et qu’il pouvait être arrêté pour cette raison. En outre, il est clair que le plaignant n’était pas en mesure de prendre soin de lui-même et qu’on ne pouvait pas le laisser dans la rue, alors qu’il était blessé et qu’il perdait parfois connaissance, simplement parce qu’il refusait d’être examiné ou aidé par les ambulanciers et la police. Ainsi, puisque l’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant était en état d’ébriété dans un lieu public, il a agi dans le cadre de ses fonctions légitimes et en fonction de motifs raisonnables lorsqu’il a placé le plaignant en état d’arrestation.
De même, lorsque le plaignant était sous la garde la police, il incombait aux policiers de veiller à ce qu’il reçoive les soins médicaux dont il avait besoin. Par conséquent, autant l’arrestation du plaignant que son transport à bord d’une ambulance vers l’hôpital en vue d’y recevoir un traitement médical étaient justifiés aux yeux de la loi.
En ce qui concerne la force employée à l’égard du plaignant, je suis d’avis, en m’appuyant sur tous les éléments de preuve recueillis – et malgré l’affirmation contraire du plaignant –, que seule la force nécessaire a été utilisée. Il s’agit en l’occurrence de la force employée pour menotter le plaignant sur les lieux de l’incident et l’attacher à la civière, et de celle utilisée plus tard, dans l’ambulance, à savoir le ou les deux coups de poing rapides assénés sur le côté gauche du visage du plaignant après que celui-ci eut donné un coup de pied sur le défibrillateur – et détaché celui-ci de support –, continuant par la suite à agiter ses jambes furieusement. J’estime, en me fiant au témoignage du TC no 4, que, dans l’espace exigu à l’arrière de l’ambulance à bord de laquelle étaient les trois hommes, le risque de blessure aurait été grand pour le plaignant ou l’AI, ou les deux, si l’on avait laissé le plaignant continuer de se comporter de manière aussi violente et tumultueuse.
J’accepte d’établir, en me fondant sur le témoignage du TC no 4 – qui concorde en tous points avec le témoignage de l’AI –, qu’après avoir donné un ou deux coups de poing rapides, qui ont mené le plaignant à cesser de se débattre et d’agiter ses jambes pour donner des coups, l’AI n’a plus eu recours à la force.
J’ai aussi tenu compte des observations du TC no 4 selon lesquelles l’AI n’était ni en colère ni animé par un souhait de vengeance lorsqu’il s’est calmement approché du plaignant pour lui donner le coup ou les deux coups de poing rapides. En m’appuyant sur ce témoignage, j’accepte d’établir que l’AI n’était pas animé par la vengeance ou la hargne, mais qu’il faisait simplement et calmement son travail, qui, à ce moment, demandait qu’il empêche le plaignant de causer d’autres blessures, à lui-même ou à d’autres.
Compte tenu de ces faits – et bien que le plaignant ait été menotté à la civière à ce moment-là –, je me range à l’avis du TC no 4, selon lequel les actions de l’AI étaient justifiées et appropriées, en ce sens qu’elles visaient à éliminer le risque que le plaignant allait continuer de représenter pour les trois hommes si on ne l’empêchait pas d’agir de façon violente et tumultueuse. Ainsi, même si je devais conclure que l’AI a causé la blessure au plaignant – ce dont je ne suis pas convaincu d’après les éléments de preuve –, je ne peux établir que ses actes constituaient un recours excessif à la force dans ces circonstances.
Donc, en m’appuyant sur ces faits – et malgré la blessure qu’a malheureusement subie le plaignant –, je ne peux que conclure que les actions de l’AI ne constituaient rien de plus que ce qui était nécessaire et justifié dans les circonstances. Pour en arriver à cette conclusion, je tiens compte de ce que prévoit le droit, tel que l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206 :
De plus, j’ai examiné la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans le présent dossier, il est clair que la force employée par l’AI était la seule option viable qui s’offrait à lui pour empêcher le plaignant de continuer d’agir de façon violente et, éventuellement, de causer des blessures ou d’autres dommages matériels. Si le plaignant n’avait pas agi comme il l’a fait, l’AI n’aurait pas eu besoin de recourir à la force pour mettre fin à son comportement violent et désamorcer la situation.
En somme, je ne suis pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve fiables qui m’ont été présentés, que les actions de l’AI ont été la cause des blessures du plaignant ni qu’elles ont dépassé les limites prévues par le droit criminel. Je n’ai ainsi aucun motif de porter une accusation criminelle, et aucune accusation de ce type ne sera portée.
Date : 23 octobre 2018
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
La première personne à avoir appelé, qui semblait être jeune, a informé le téléphoniste du 911 qu’un cycliste de sexe masculin semblait être tombé de son vélo et s’être cogné la tête. La personne a indiqué que le cycliste prétendait avoir été heurté par une voiture, mais qu’elle croyait en fait que le cycliste était simplement tombé par lui-même, se cognant ainsi la tête. La personne a également fait savoir qu’au départ, le cycliste était inconscient, mais qu’il s’était ensuite réveillé et qu’il était ivre. Le cycliste a été désigné comme étant le plaignant. Ensuite, la personne a indiqué au téléphoniste que le plaignant s’éloignait à pied, ajoutant ceci : [traduction] « Il est ivre, alors il ne comprend pas. Je suis presque certain qu’il veut se faire heurter par une voiture ». L’enregistrement de la conversation téléphonique permet d’entendre, à l’arrière-plan, des gens qui tentaient d’aider le plaignant; au moins un des hommes présents a dit ce qui suit : [traduction] « nous essayons d’aider, mais il veut se battre avec nous. Il est trop agressif. Il essaie de se battre avec tout le monde ».
La deuxième personne à avoir appelé au 911 a indiqué qu’il y avait [traduction] « un homme allongé sur le bord de la route ». Elle a ajouté : [traduction] « Il dit qu’il vient de se faire heurter par une voiture. »
À la suite de ces appels au 911, deux agents du SPGS, soit l’AI et l’AT no 1, ont été dépêchés sur les lieux pour tenter de retrouver le cycliste blessé.
À 20 h 22 min 17 s, la première personne à avoir appelé au 911 a appelé de nouveau et il a été confirmé que les policiers étaient sur les lieux.
La première personne qui a appelé au 911, un jeune, soit le TC no 9, était accompagnée de son frère; ils ont vu le plaignant allongé sur le dos, sur la chaussée, à côté d’une bicyclette. Le TC no 9 a constaté que le plaignant saignait du côté droit de son front et que le sang lui coulait dans les yeux. Alors que les deux frères cherchaient à aider le plaignant, ce dernier les a accusés de tenter de le voler. Le plaignant a essayé d’asséner un coup de poing au frère du TC no 9, mais il a raté sa cible, après quoi le plaignant est tombé à deux reprises. Le TC no 9 a ensuite vu le plaignant tenter de se jeter devant une voiture, mais cette dernière s’était déjà immobilisée. Puis, le plaignant a été vu en train de remonter la rue à pied, jusqu’à un endroit où se trouvaient des buissons, d’où il a sauté dans un fossé, atterrissant sur la tête et sur le ventre.
Un autre témoin civil, le TC no 5, a vu le plaignant se relever, puis tomber vers l’avant et se cogner la tête sur la glace, se blessant apparemment au front.
Un automobiliste, le TC no 8, s’est arrêté pour aider le plaignant, alors que ce dernier était allongé sur la chaussée; l’automobiliste a remarqué que le plaignant avait du sang sur le visage, surtout sur le côté droit de son front, en raison d’une coupure au-dessus de son œil. À un certain moment, alors qu’il tentait d’aider le plaignant, le TC no 8 l’a vu donner un coup de poing à un autre passant, le TC no 2, après quoi le plaignant s’est relevé, a commencé à crier, à jurer et à dire aux gens de ne pas le toucher, et ce, tout en continuant d’essayer de les frapper. Le TC no 8 a tenté d’expliquer au plaignant qu’ils essayaient simplement de l’aider. Ce témoignage concorde avec ce qu’a dit le TC no 2.
Lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux associés au premier appel au 911, ils ont vu le plaignant qui marchait, en boitant, dans la rue alors que du sang lui coulait autour d’un œil. Les deux ambulanciers, soit le TC no 4 et le TC no 3, ont ensuite immobilisé l’ambulance à côté du plaignant, mais celui-ci a continué de marcher.
Les ambulanciers paramédicaux ont cherché le plaignant, mais ils n’ont pas réussi à le localiser. Les policiers sont alors arrivés sur place. Le TC no 4 a alors entendu le TC no 5 dire à un agent de police qu’il avait vu le plaignant marcher, que ce dernier avait glissé sur la chaussée glacée et qu’il avait été inconscient pendant un certain temps; en apprenant cela, le TC no 4, craignant que le plaignant se soit blessé à la tête, a demandé aux policiers de retrouver le plaignant.
Le TC no 1, qui se trouvait dans le secteur de la rue Beech, a indiqué qu’il avait entendu un bruit sourd qui, selon lui, ressemblait à celui d’une tête se frappant sur le trottoir, et qu’il avait alors vu le plaignant allongé sur le dos près du passage pour piétons de la rue Beech. Le TC no 1 a fait savoir qu’il s’était alors approché du plaignant et qu’il avait constaté que ce dernier ne bougeait pas, que de l’écume ou de la salive lui sortait de la bouche et qu’il y avait du sang frais autour de son œil droit – lequel était enflé – ainsi que sur ses mains. Le TC no 1 était d’avis que le plaignant ne pouvait s’être blessé à ce moment-là, puisque celui-ci était tombé vers l’arrière, alors que sa blessure se trouvait au dessus de son œil droit.
Le TC no 1 a ensuite vu deux policiers arriver sur place; l’un d’eux, l’AI, a retourné le plaignant sur son flanc gauche et a commencé à fouiller ses poches, après quoi le plaignant a commencé à paniquer – à s’agiter grandement – et à résister aux policiers. Le TC no 1 a entendu l’AI dire au plaignant qu’il cherchait dans ses poches tout objet qui serait susceptible de causer des blessures. L’agent a ramené le bras du plaignant derrière son dos et le plaignant a crié que l’agent, l’AT no 1, lui avait cassé le bras. Le plaignant a ensuite été menotté, les mains derrière le dos, avant d’être placé sur une civière.
Selon le TC no 1, le plaignant avait un comportement changeant, soit des périodes calmes suivies de moments où il injuriait les agents de police et leur disait de s’éloigner de lui. Le TC no 1 a entendu le plaignant dire qu’il allait cracher sur un policier; le policier a alors placé son coude sur la joue gauche du plaignant afin de la pousser dans la civière, l’empêchant ainsi de cracher sur quiconque. Puis, le plaignant a été placé à l’arrière de l’ambulance. Le TC no 1 n’a vu personne, à quelque moment que ce soit, frapper le plaignant.
Dans les cinq à dix minutes suivant le moment où la police avait commencé à chercher le plaignant, le TC no 4 a été informé que le plaignant se trouvait maintenant sur la rue Beech, au coin de la rue Durham; les ambulanciers se sont donc rendus à cet endroit. À son arrivée, le TC no 4 a vu l’AI et l’AT no 1 demander au plaignant s’il avait des armes sur lui et lui dire qu’ils allaient le fouiller pour le déterminer; le plaignant s’est alors agité, refusant de révéler son identité et de permettre aux policiers de le fouiller. Le plaignant a aussi refusé de laisser les ambulanciers l’examiner et lui prodiguer des soins.
Le TC no 4 a indiqué qu’il craignait que le plaignant soit dans un état de conscience très élevée, ce qui, selon lui, pouvait être dû à un traumatisme crânien ou à la consommation de drogues. Le TC no 4 a précisé qu’étant donné cette situation, il estimait qu’il était important que le plaignant soit examiné à l’hôpital.
Le TC no 4 a vu que le plaignant devenait violent, belliqueux et non coopératif alors qu’il tentait d’empêcher les policiers de le fouiller. Les deux policiers ont ensuite emmené le plaignant dans la rue, face contre terre; il a continué à se débattre, pendant que les policiers lui menottaient les mains dans le dos. Le TC no 4 a indiqué que le plaignant était en colère parce qu’il croyait que l’AT no 1 l’avait blessé à l’épaule tandis qu’il le menottait. Le plaignant ne coopérait toujours pas lorsqu’on l’a placé sur la civière et il a dû y être attaché à l’aide de trois sangles, deux sur les jambes et une autour de la taille. Le plaignant demandait continuellement qu’on lui enlève les menottes afin qu’il puisse se battre avec l’AT no 1.
Une fois placé à l’arrière de l’ambulance, le plaignant a continué de se tortiller, de sorte qu’il a pu retirer ses jambes des deux sangles inférieures, après quoi il a donné un violent coup de pied sur le défibrillateur, lequel était monté sur un support métallique au-dessus des pieds du plaignant. Selon l’AI, le plaignant essayait en fait de lui donner un coup de pied, mais il a plutôt heurté l’écran du défibrillateur. Le plaignant a continué de donner des coups de pied sur le défibrillateur jusqu’à ce que celui-ci se détache de sa base et se heurte à la porte arrière de l’ambulance, atterrissant au pied de l’AI. Le TC no 4 a indiqué qu’il craignait que le plaignant ne se blesse lui-même ou ne blesse l’AI s’il continuait à donner de violents coups de pied de la sorte.
Le TC no 4 a fait savoir que l’AI s’est alors avancé très calmement, qu’il a placé sa main gauche sur la poitrine du plaignant et qu’il a donné deux petits coups de poing sur le côté gauche du menton et de la mâchoire du plaignant. Le plaignant s’est immédiatement calmé et s’est mis à pleurer, se plaignant que l’AI lui avait brisé la mâchoire. Le TC no 4 a indiqué qu’il croyait qu’il était possible que la mâchoire du plaignant soit cassée, précisant toutefois que ce dernier a continué de parler et que son élocution est demeurée la même. Le TC no 4 a déclaré que l’AI lui a dit qu’il avait frappé le plaignant pour le calmer et l’empêcher de causer d’autres dommages. Le TC no 4 a ajouté qu’à son avis, les actions de l’AI étaient appropriées et justifiées dans les circonstances.
Une fois à l’hôpital, le plaignant est demeuré belliqueux et le TC no 4 l’a entendu affirmer qu’il souhaitait se battre avec les policiers de nouveau; il a aussi menacé de cracher sur les policiers.
La version des événements donnée ci-dessus, établie à partir des entrevues menées auprès de tous les témoins civils, est conforme à celle fournie par l’AI dans sa déclaration écrite, et par l’AT no 1 lors de son entrevue.
De plus, l’AT no 2 a fait savoir qu’une fois à l’hôpital, l’AI lui a révélé que lorsque le plaignant avait repris connaissance dans la rue, il avait refusé de révéler son identité et qu’il était devenu agité, agressif et rébarbatif à son endroit et envers l’AT no 1, leur crachant dessus. Le plaignant a ensuite été arrêté pour ivresse dans un lieu public, une infraction à la Loi sur les permis d’alcool, et menotté. L’AI a aussi dit à l’AT no 2 qu’une fois à l’intérieur de l’ambulance, le plaignant avait donné un coup de pied sur le support du défibrillateur, faisant tomber ce dernier au sol, et qu’il avait donc frappé le plaignant près de la bouche pour atténuer son comportement agressif.
Suivant sa première visite à l’hôpital – et après avoir refusé d’être examiné ou traité par le personnel médical –, le plaignant a été remis à la garde de la police, à 21 h 37. Le plaignant a ensuite été transporté par les agents au commissariat de police; en route, il a commencé à donner des coups de pied dans les vitres de la voiture. Par conséquent, les policiers ont dû utiliser un dispositif pour restreindre les mouvements de ses pieds. Puis, au commissariat, lorsqu’on a vu que le plaignant avait, apparemment, perdu conscience de nouveau, qu’il transpirait et que de l’écume sortait de sa bouche, on a appelé encore une fois les services médicaux d’urgence, qui ont ramené le plaignant à l’hôpital.
Enfin, à 8 h 22 le lendemain, le plaignant a été examiné à l’hôpital; on a radiographié sa mâchoire et on a déterminé qu’il avait subi une fracture mandibulaire sur le côté droit de sa mâchoire et au niveau de l’os nasal. Par la suite, le plaignant a dû subir une intervention chirurgicale parce que ses dents n’étaient pas alignées correctement; on lui a mis un appareil orthodontique sur les dents supérieures et inférieures et on lui a fermé la mâchoire avec du fil métallique. Le médecin qui a pratiqué l’intervention chirurgicale a indiqué que le pronostic du plaignant était bon et qu’il s’attendait à ce que sa mâchoire guérisse bien.
Pour sa part, le plaignant avait du mal à se rappeler les événements avec précision. Il a admis qu’il avait bu une bouteille de gin et fumé de la marijuana avant de se réveiller au milieu de la route et d’être fouillé et frappé par deux policiers. Le plaignant a dit se souvenir qu’un policier lui avait enfoncé un doigt derrière l’oreille droite, entre sa mâchoire et son cou, ce qui, selon lui, avait peut-être causé la fracture de sa mâchoire; il n’en était pas certain. Le plaignant croyait également qu’il avait été heurté par une voiture ou qu’il était tombé de sa bicyclette, et se rappelait avoir eu une coupure au dessus de l’œil droit et quelques éraflures.
Le plaignant s’est rappelé avoir été menotté et placé à l’intérieur d’une ambulance avant d’être transporté à l’hôpital, et il a reconnu qu’il était tellement en colère qu’il a donné un coup de pied sur le défibrillateur dans l’ambulance.
Le plaignant ne se souvenait pas d’avoir été frappé par l’AI dans l’ambulance; il se rappelait plutôt qu’une fois à l’hôpital, tandis qu’il était attaché au lit, il avait craché au visage de l’un des policiers, après quoi on lui avait dit qu’on lui ferait du mal s’il crachait de nouveau sur eux. Le plaignant s’est souvenu qu’à ce moment, il avait craché une nouvelle fois au visage de l’agent et qu’on lui avait alors mis un masque anti-crachats et que l’un des agents lui avait asséné un coup de poing au visage. Le plaignant estimait possible que sa mâchoire ait été fracturée à ce moment-là, et non précédemment.
À la lumière de l’ensemble de la preuve, il est difficile de déterminer exactement à quel moment le plaignant a été blessé, car les hypothèses sont nombreuses. En effet, outre la possibilité qu’il ait été heurté par une voiture, il y a aussi ses nombreuses chutes sur le sol gelé, dont au moins une lui a causé une blessure au côté droit du visage, comme en témoignent la coupure et le sang remarqués au-dessus de son œil droit, le moment où il a tenté de se jeter devant une voiture et celui où il a sauté dans un fossé, le coup ou les deux coups de poing au côté gauche de sa mâchoire que le policier lui a donnés dans l’ambulance de même que tout ce qui a bien pu se produire avant que le plaignant soit aperçu par les témoins civils, les agents de police et les ambulanciers paramédicaux qui ont voulu lui venir en aide.
Le plaignant a peu de souvenirs des événements de l’après-midi et de la soirée du 23 novembre. Apparemment, il ne se rappelle pas s’il a été heurté par une voiture ou s’il est simplement tombé de sa bicyclette. De même, il fait erreur quant à l’identité du policier qui l’a accompagné dans l’ambulance, a indiqué qu’il était possible que sa mâchoire ait été fracturée parce qu’un policier lui a enfoncé un doigt derrière l’oreille, entre le cou et la mâchoire, ce qu’aucun des nombreux témoins civils et ambulanciers paramédicaux présents lors de l’arrestation du plaignant n’a vu, et a fait savoir qu’il avait été frappé par l’AI après avoir craché au visage de l’agent à deux reprises à l’hôpital. Je fais remarquer que ce dernier souvenir, celui d’avoir reçu un coup de poing au visage à l’hôpital, est contredit par ce qu’ont dit tous les autres témoins qui étaient présents à ce moment, y compris les ambulanciers et les autres agents de police.
Le plaignant croyait que sa mâchoire était peut-être déjà cassée lorsqu’un policier l’a fouillé sur la rue Beech, ce qui m’amène à penser qu’il éprouvait déjà de la douleur à la mâchoire au début des événements de cette soirée. D’ailleurs, même si le plaignant a une nouvelle fois éprouvé de la douleur lorsqu’il a reçu un coup de poing de la part de l’AI – le TC no 4 a entendu le plaignant indiquer, à ce moment, qu’il croyait avoir la mâchoire cassée –, le TC no 4 n’a remarqué aucun changement par la suite dans l’élocution du plaignant ou sa capacité de parler; il devient donc d’autant plus difficile de déterminer si l’AI a causé la blessure ou si le coup qu’il a donné du côté gauche de la mâchoire du plaignant a simplement fait prendre conscience à ce dernier, de nouveau, de la douleur ressentie auparavant.
De plus, si l’AI a indiqué qu’il avait asséné un coup de poing au côté gauche du visage du plaignant et que le TC no 4 a lui aussi fait savoir qu’il en avait été ainsi, alors que la fracture mandibulaire se trouvait du côté droit, je tiens à souligner qu’un autre élément vient brouiller davantage les pistes, soit le fait que le plaignant avait déjà, clairement, une blessure au côté droit du visage avant l’intervention des policiers.
Je fais également remarquer que le médecin qui a pratiqué l’intervention chirurgicale sur le plaignant a indiqué que le coup à l’origine de la fracture du côté droit de la mâchoire du plaignant n’avait pas nécessairement été infligé dans cette région, précisant que pour provoquer ce type de blessure, il faut simplement appliquer une certaine forme de pression, mais pas forcément au point de fracturation. Le médecin a indiqué qu’étant donné que l’os de la mâchoire agit comme un levier, la force nécessaire pour provoquer la fracture est moins grande plus l’on s’éloigne de l’endroit où survient ultimement la fracture. Le médecin a également fait savoir que ce type de blessure est le plus souvent observé chez les personnes qui sont tombées dans un escalier ou en pelletant de la neige, ajoutant qu’elle pouvait tout de même être provoquée par coup de poing.
Lorsqu’on lui a demandé directement si un coup de poing du côté gauche de la mâchoire avait pu causer une fracture du côté droit de celle-ci, le médecin a répondu que c’était possible, mais que si cela avait été le cas, il se serait attendu à déceler une fracture secondaire.
D’après l’ensemble de la preuve, il paraît très probable que le plaignant se soit blessé en tombant, peut-être lorsqu’il est tombé de sa bicyclette sur le sol gelé, se blessant également au côté supérieur droit du visage, comme l’ont observé tous les témoins civils avant l’arrivée des policiers et des ambulanciers paramédicaux, lorsqu’il a été heurté par une voiture – si cela s’est produit –, qu’il a tenté de se jeter devant une voiture ou qu’il a sauté dans un fossé, atterrissant sur la tête et sur le ventre, ou encore lors d’une des nombreuses autres occasions où il est tombé, soit sous le regard de témoins civils, soit plus tôt alors qu’il n’y avait pas de témoin.
De toute évidence, les occasions de se blesser, lorsqu’il s’agit d’un homme qui est à la fois en état d’ébriété et sous l’influence de la marijuana, et qui roule à vélo dans des rues glacées, sont innombrables. Bien que le médecin ait indiqué que la blessure pouvait aussi être attribuable à un coup de poing sur le côté gauche de la mâchoire, en l’absence de la fracture secondaire à laquelle se serait attendu le médecin, il semble beaucoup plus probable que la blessure ait été causée par une chute que par un coup de poing.
Dans le présent dossier, je ne suis pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve à ma disposition, qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le plaignant a subi sa blessure lorsqu’il a reçu un coup de poing sur le côté opposé du visage de la part de l’AI, dans l’ambulance. Si, toutefois, le coup de poing a bien provoqué la fracture, je tiens alors compte de l’avis d’expert du chirurgien, à savoir que la force utilisée par l’AI, étant donné la distance entre l’endroit où le coup a été donné et la fracture, était beaucoup moins importante que ce qui aurait été nécessaire pour fracturer la mâchoire avec un coup appliqué directement où la fracture est ultimement survenue. Par conséquent, si l’AI a causé la fracture, je conclus qu’il n’a pas utilisé une force excessive pour le faire.
Toutefois, que le coup ou les deux coups de poing rapides donnés par l’AI au plaignant aient ou non causé la blessure grave de ce dernier, je dois évaluer les actions de l’agent pour déterminer si ce ou ces coups équivalaient à un usage excessif de la force dans les circonstances.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, un agent de la paix est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à employer la force nécessaire dans l’exercice de ses fonctions légitimes. Ainsi, pour que l’AI soit admissible à la protection contre les poursuites prévue à l’article 25, il doit être établi qu’il exerçait ses fonctions légitimes, qu’il agissait en se fondant sur des motifs raisonnables et qu’il n’a pas employé une force supérieure à celle requise.
Tout d’abord, en ce qui concerne le caractère licite de l’arrestation du plaignant, il ressort clairement de ce qu’ont observé tous les témoins présents, que ce soit les civils, les ambulanciers paramédicaux ou les policiers, que le plaignant était en état d’ébriété dans un lieu public, donc en violation du paragraphe 31(4) de la Loi sur les permis d’alcool, et qu’il pouvait être arrêté pour cette raison. En outre, il est clair que le plaignant n’était pas en mesure de prendre soin de lui-même et qu’on ne pouvait pas le laisser dans la rue, alors qu’il était blessé et qu’il perdait parfois connaissance, simplement parce qu’il refusait d’être examiné ou aidé par les ambulanciers et la police. Ainsi, puisque l’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant était en état d’ébriété dans un lieu public, il a agi dans le cadre de ses fonctions légitimes et en fonction de motifs raisonnables lorsqu’il a placé le plaignant en état d’arrestation.
De même, lorsque le plaignant était sous la garde la police, il incombait aux policiers de veiller à ce qu’il reçoive les soins médicaux dont il avait besoin. Par conséquent, autant l’arrestation du plaignant que son transport à bord d’une ambulance vers l’hôpital en vue d’y recevoir un traitement médical étaient justifiés aux yeux de la loi.
En ce qui concerne la force employée à l’égard du plaignant, je suis d’avis, en m’appuyant sur tous les éléments de preuve recueillis – et malgré l’affirmation contraire du plaignant –, que seule la force nécessaire a été utilisée. Il s’agit en l’occurrence de la force employée pour menotter le plaignant sur les lieux de l’incident et l’attacher à la civière, et de celle utilisée plus tard, dans l’ambulance, à savoir le ou les deux coups de poing rapides assénés sur le côté gauche du visage du plaignant après que celui-ci eut donné un coup de pied sur le défibrillateur – et détaché celui-ci de support –, continuant par la suite à agiter ses jambes furieusement. J’estime, en me fiant au témoignage du TC no 4, que, dans l’espace exigu à l’arrière de l’ambulance à bord de laquelle étaient les trois hommes, le risque de blessure aurait été grand pour le plaignant ou l’AI, ou les deux, si l’on avait laissé le plaignant continuer de se comporter de manière aussi violente et tumultueuse.
J’accepte d’établir, en me fondant sur le témoignage du TC no 4 – qui concorde en tous points avec le témoignage de l’AI –, qu’après avoir donné un ou deux coups de poing rapides, qui ont mené le plaignant à cesser de se débattre et d’agiter ses jambes pour donner des coups, l’AI n’a plus eu recours à la force.
J’ai aussi tenu compte des observations du TC no 4 selon lesquelles l’AI n’était ni en colère ni animé par un souhait de vengeance lorsqu’il s’est calmement approché du plaignant pour lui donner le coup ou les deux coups de poing rapides. En m’appuyant sur ce témoignage, j’accepte d’établir que l’AI n’était pas animé par la vengeance ou la hargne, mais qu’il faisait simplement et calmement son travail, qui, à ce moment, demandait qu’il empêche le plaignant de causer d’autres blessures, à lui-même ou à d’autres.
Compte tenu de ces faits – et bien que le plaignant ait été menotté à la civière à ce moment-là –, je me range à l’avis du TC no 4, selon lequel les actions de l’AI étaient justifiées et appropriées, en ce sens qu’elles visaient à éliminer le risque que le plaignant allait continuer de représenter pour les trois hommes si on ne l’empêchait pas d’agir de façon violente et tumultueuse. Ainsi, même si je devais conclure que l’AI a causé la blessure au plaignant – ce dont je ne suis pas convaincu d’après les éléments de preuve –, je ne peux établir que ses actes constituaient un recours excessif à la force dans ces circonstances.
Donc, en m’appuyant sur ces faits – et malgré la blessure qu’a malheureusement subie le plaignant –, je ne peux que conclure que les actions de l’AI ne constituaient rien de plus que ce qui était nécessaire et justifié dans les circonstances. Pour en arriver à cette conclusion, je tiens compte de ce que prévoit le droit, tel que l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206 :
Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :
[TRADUCTION] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]
De plus, j’ai examiné la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), selon laquelle on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Dans le présent dossier, il est clair que la force employée par l’AI était la seule option viable qui s’offrait à lui pour empêcher le plaignant de continuer d’agir de façon violente et, éventuellement, de causer des blessures ou d’autres dommages matériels. Si le plaignant n’avait pas agi comme il l’a fait, l’AI n’aurait pas eu besoin de recourir à la force pour mettre fin à son comportement violent et désamorcer la situation.
En somme, je ne suis pas convaincu, à la lumière des éléments de preuve fiables qui m’ont été présentés, que les actions de l’AI ont été la cause des blessures du plaignant ni qu’elles ont dépassé les limites prévues par le droit criminel. Je n’ai ainsi aucun motif de porter une accusation criminelle, et aucune accusation de ce type ne sera portée.
Date : 23 octobre 2018
Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Note:
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