Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OCI-017

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures subies par un homme de 44 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 27 janvier 2020, à 18 h 35, le Service de police régional de Durham a avisé l’UES de ce qui suit.

Le 26 janvier 2020, à 21 h 20, des agents ont été dépêchés à une résidence de la rue Bloor Ouest à Oshawa. Un inconnu avait pénétré dans une résidence et attaqué une femme. Des agents ont retrouvé l’homme, soit le plaignant, dans la cuisine de la résidence. Il s’est montré agressif envers les agents et une arme à impulsions a été déployée. Le plaignant a continué d’avancer vers les agents et il y a eu une deuxième décharge d’arme à impulsions. Le plaignant est alors sorti de la résidence par la porte arrière et un troisième agent a déployé son arme à impulsions. Après le troisième déploiement, le plaignant a dit aux agents qu’il aimait la sensation. Le plaignant a été conduit à l’Hôpital d'Oshawa (Lakeridge Health) vu qu’un état de confusion aigu était soupçonné. Le 27 janvier 2020, à 17 h 30, des radiographies ont amené à poser un diagnostic de fracture de la mâchoire.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Plaignant :

Homme de 44 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue


Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

Les lieux, qui n’ont pas été préservés, se résument à la cuisine et au terrain d’une résidence sur la rue Bloor Ouest, à Oshawa.

Éléments de preuves médicolégaux


Données téléchargées à partir des armes à impulsions

Arme à impulsions de l’AT no 5

Le 26 janvier 2020 à 21 h 34 min 1 s, déploiement pendant 8 secondes.
Le 26 janvier 2020 à 21 h 34 min 9 s, déploiement pendant 8 secondes.
Le 26 janvier 2020 à 21 h 34 min 18 s, déploiement pendant 5 secondes.

Arme à impulsions de l’AI

Le 26 janvier 2020 à 21 h 36 min 8 s, déploiement pendant 5 secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’enregistrements vidéo ou audio et de photographies, mais sans succès.

Enregistrements des communications de la police


Rapport des communications


Le rapport des communications et le rapport de l’appel téléphonique ont été examinés, mais ils n’ont été d’aucune utilité pour l’enquête.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police régional de Durham :
  • le sommaire du système de répartition assisté par ordinateur pour l’incident en question;
  • l’enregistrement des communications audio;
  • la directive donnant les lignes directrices relatives aux arrestations légitimes;
  • la directive donnant les lignes directrices relatives à l’usage de la force;
  • le rapport d’incident général imprimé pour l’incident;
  • le rapport d’incident général imprimé pour l’incident – déposition de l’AT no 1;
  • les notes de tous les AT;
  • les données de l’arme à impulsions de l’AT no 5 pour le 26 janvier 2020;
  • les données de l’arme à impulsions de l’AI pour le 26 janvier 2020.

Éléments obtenus d’autres sources

En plus des éléments obtenus du Service de police régional de Durham, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • les dossiers médicaux du plaignant.

Description de l’incident

Les événements pertinents en question sont relativement clairs, d’après les renseignements réunis par l’UES, notamment des entrevues avec le plaignant, l’AI et plusieurs témoins civils et agents témoins. À environ 21 h 30 le 26 janvier 2020, l’AI est arrivé à une résidence sur la rue Bloor Ouest à Oshawa après un appel au 911 fait à partir de la résidence signalant une introduction par effraction en cours. Quelques minutes plus tôt, un intrus avec les facultés très affaiblies, soit le plaignant, est entré dans la maison par la porte coulissante en verre à l’arrière, qui n’était pas verrouillée. Une fois à l’intérieur, le plaignant est arrivé face à face avec les propriétaires, c’est à-dire les TC nos 1 et 3, et plusieurs locataires. Ils lui ont demandé de quitter les lieux, mais celui-ci a refusé. Il a commencé à donner des coups de pied sur le réfrigérateur, il s’est servi du vin ou du champagne et il a suivi le TC no 3 à l’étage, puis il l’a attaquée pendant qu’elle appelait la police.

Les voies de fait sur le TC no 3 étaient sérieuses. Le plaignant est entré dans la chambre du TC no 3 et a fracassé sa télé sur un mur, puis il l’a sortie de la pièce contre son gré tout en la mordant. Le TC no 1 et un des locataires, soit le TC no 2, se sont portés au secours du TC no 3 pendant que le plaignant la tirait par les cheveux pour tenter de lui faire descendre l’escalier. L’homme a frappé le plaignant à la tête et à d’autres endroits avec ses poings et un petit aspirateur portatif en plastique. Le plaignant ne s’est pas laissé dissuader, mais il a couru en bas de l’escalier à l’arrivée de la police.

L’AT no 5 est arrivé à la résidence avant l’AI. Il est entré en passant par la porte en verre coulissante à l’arrière et il a confronté le plaignant au bas de l’escalier. Celui-ci tenait toujours la TC no 3 par les cheveux en essayant de lui faire descendre l’escalier. Le plaignant a donné des coups de pied à l’AT no 5, puis il s’est approché de l’agent, qui était en bas de l’escalier, en relâchant le TC no 3. L’AT no 5 a reculé jusqu’à un certain point, puis les deux hommes se sont engagés dans un combat à mains nues pendant que le plaignant continuait d’avancer vers l’agent. Avec sa main droite, l’AT no 5 a frappé le plaignant dans le haut de la poitrine, du côté gauche, et dans le cou. Les deux hommes ont lutté et ont fini par traverser la porte en verre coulissante à l’arrière pour se retrouver dans l’arrière-cour. À ce stade, l’AT no 5 avait déployé son arme à impulsions à trois reprises contre le plaignant, sans résultat chaque fois. C’est alors que l’AI est arrivé et s’est mêlé à la bagarre.

Le plaignant a réussi à s’enfuir des agents en direction du coin nord-ouest du terrain, où il a escaladé une clôture pour arriver sur le terrain d’un voisin.

L’AI a couru vers l’avant de la résidence, où il s’est remis à se bagarrer avec le plaignant. Le plaignant, en furie, a refusé d’obtempérer à l’ordre de l’AI de s’étendre au sol et il a reçu une autre décharge d’arme à impulsions lorsqu’il s’est avancé vers l’agent. Encore une fois, la décharge n’a pas permis d’immobiliser le plaignant. Lorsque le plaignant est arrivé à environ 1 mètre de là où se trouvait l’AI, celui-ci s’est servi de sa main droite, qui tenait toujours l’arme à impulsions, pour frapper le plaignant à la tête, près de l’œil gauche.
Le coup a fait tomber le plaignant, qui ne s’est pas calmé pour autant. Il s’est ensuivi une bagarre au sol, durant laquelle le plaignant s’est mis à agiter son corps dans tous les sens et à battre des jambes et il a refusé de se laisser prendre les bras pour être menotté. L’AI a donné un coup de genou sur le torse du plaignant. D’autres agents sont arrivés sur les lieux et sont venus prêter main-forte à l’AI. Sauf pour ce qui est d’une lutte qui visait à attraper le plaignant, il ne semble pas que d’autres coups aient été donnés au plaignant, à l’exception d’une série de coups de poing sur le bras droit du plaignant par l’AT no 1. Peu après ces coups, les agents ont réussi à attraper les bras du plaignant et à lui passer les menottes pour le mettre sous garde.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été arrêté par des agents du Service de police régional de Durham dans la soirée du 26 janvier 2020 et, par la suite, une fracture de la mandibule droite a été diagnostiquée. L’AI était parmi les agents ayant participé à l’arrestation et il a été identifié comme agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, j’ai la conviction qu’il n’existe aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec l’arrestation du plaignant et sa blessure.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Le plaignant était entré par effraction dans une résidence et il avait attaqué violemment les occupants. Son arrestation était de toute évidence légitime.

Pour ce qui est de la force employée par les agents, qui se résume à quatre décharges d’arme à impulsions, un coup de genou et une série de coups de poing à la tête, au torse et au bras droit, je considère qu’elle était légitime. Le plaignant était surexcité et très violent lorsqu’il s’est retrouvé devant la police. Il était en train d’attaquer le TC no 3 lorsque l’AT no 5 a déployé son arme à impulsions contre lui pour la première fois. Cette décharge d’arme à impulsions et trois autres par la suite n’ont à peu près pas atténué le degré de violence du plaignant. C’est aussi vrai pour les deux coups de poing, donnés respectivement par l’AT no 5 et l’AI. Même si le deuxième a suffi à faire tomber le plaignant au sol, il a continué de résister vigoureusement à son arrestation. Ce n’est qu’après l’arrivée d’agents supplémentaires, lorsqu’il a reçu un coup de genou au torse et deux coups de poing au bras droit, que le plaignant a finalement été maîtrisé et arrêté. Au vu du dossier, je considère que la force employée par les agents était mesurée, proportionnelle et raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

La cause exacte de la fracture de la mâchoire du plaignant demeure inconnue. Il est fort possible, d’après les éléments de preuve, qu’elle soit survenue lorsque les TC nos 1 et 2 ont lutté avec le plaignant pour défendre le TC no 3. Quoi qu’il en soit, j’ai la conviction que l’AI et le reste des agents qui se sont bagarrés avec le plaignant ont agi légalement du début à la fin et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est donc clos.


Date : 25 mai 2020

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.