Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PVI-119

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures subies par un homme de 24 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 22 mai 2020, à 22 h 27, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de la blessure du plaignant et donné le rapport suivant :

Ce jour-là, à 19 h 28, le centre des communications de la Police provinciale a reçu un message radio transmis par l’agent impliqué (AI) disant qu’il lançait une poursuite pour une infraction d’excès de vitesse dans le secteur de Wooler Road.

À 19 h 28, l’AI a de nouveau contacté le Centre des communications pour dire qu’il avait mis fin à la poursuite et immobilisé son véhicule de police sur l’accotement de la route. À 19 h 29, le sergent du centre des communications lui a donné l’autorisation de reprendre la route en direction de la voiture en fuite.

À 19 h 31, l’AI a annoncé sur la radio de la police que la voiture en fuite avait fait un tonneau. La voiture était dans un fossé et les deux occupants étaient coincés à l’intérieur. Le conducteur [maintenant déterminé comme étant le plaignant] est sorti du véhicule et a tenté de s’enfuir à pied. Le conducteur et le passager ont été arrêtés sur les lieux [1].

Le plaignant et le passager ont été conduits à un hôpital des environs. Le plaignant a reçu un diagnostic de fracture de l’épaule. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires assignés : 2

Plaignant :

Homme de 24 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue 

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue


Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé sur Stockdale Road, à Trenton. La zone d’intérêt était au nord de McCauley Road et au sud de West Lake Road. La limite de vitesse affichée à cet endroit est de 80 km/h. Stockdale Road est orientée nord-sud.

Stockdale Road est une route à deux voies, l’une pour la circulation vers le nord et l’autre pour la circulation vers le sud. Les deux voies sont délimitées par une ligne médiane jaune. Des accotements de gravier meuble bordent la chaussée pavée. Un fossé et une zone marécageuse sont visibles du côté est de la route.

La zone d’intérêt peut être décrite comme étant un long tronçon de route rectiligne. Les premières marques de pneus étaient au sud de l’emplacement d’une Honda. Cette partie de la chaussée était plus élevée que l’endroit où se trouvait la Honda. Des marques de pneus longues et séparées étaient visibles sur la chaussée, sur l’accotement meuble du côté est et dans certaines parties du fossé. Plusieurs rainures fraîches de différentes tailles étaient visibles dans le fossé sur le côté est. De nombreux débris jonchaient le fossé près de l’endroit où la Honda était immobilisée. La distance entre le début des marques de pneu et l’endroit où la Honda était renversée était d’environ 400 mètres.


Le véhicule accidenté


Il s’agissait d’une Honda Civic 2010 grise à quatre portes portant une plaque d’immatriculation de l’Ontario. Elle était dans le fossé du côté est de Stockdale Road, face à l’ouest. La Honda était sur son toit et présentait d’importants dommages intérieurs et extérieurs. Un schéma à l’échelle des lieux a été réalisé. La Honda a finalement été retournée et examinée plus en détail. Les enquêteurs ont téléchargé les données d’accident de son enregistreur interne.


Véhicule de la Police provinciale


Il s’agissait d’un véhicule utilitaire sport GMC à quatre portes portant les inscriptions et le numéro du parc automobile de la Police provinciale et une plaque d’immatriculation de l’Ontario. Ce véhicule a été examiné et aucun dommage apparent n’a été constaté en lien avec cet incident.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuves médicolégaux


Données du système de positionnement global (GPS) du véhicule de police de l’AI


  • 19 h 24 min 32 s : l’AI est arrêté sur la bretelle d’accès de Wooler Road à l’autoroute 401, à Quinte West;
  • 19 h 24 min 44 s : le véhicule de l’AI roule à 60 km/h en direction est sur la bretelle d’accès à l’autoroute 401;
  • 19 h 25 min 12 s, le véhicule de l’AI roule à 166 km/h en direction est sur l’autoroute 401 à l’approche de Stockdale Road;
  • 19 h 26 min 4 s : le véhicule de l’AI roule à 34 km/h vers le sud sur la bretelle d’accès de la route 33 à l’autoroute 40, à Trenton;
  • 19 h 26 min 26 s : le véhicule de l’AI roule à 121 km/h vers le sud sur la route 33;
  • 19 h 26 min 54 s : le véhicule de l’AI roule à 106 km/h en direction sud-ouest sur la route 33 et approche de Stockdale Road;
  • 19 h 27 min 26 s : le véhicule de l’AI roule à 164 km/h en direction nord sur Stockdale Road au nord de l’autoroute 401;
  • 19 h 28 min 7 s : le véhicule de l’AI roule à 151 km/h en direction nord sur Stockdale Road au nord de l’intersection de Miron Road;
  • 19 h 28 min 25 s : le véhicule de l’AI a ralenti et roule maintenant à 19 km/h en direction du nord sur Stockdale Road, au sud de Brundage Road et, à 19 h 28 min 49 s, il s’arrête; il reste immobile jusqu’à 19 h 29 min 50 s [2];
  • 19 h 29 min 50 s : le véhicule de l’AI redémarre et roule à 55 km/h vers le nord sur Stockdale Road. Sa vitesse moyenne est de 52 km/h jusqu’à ce qu’il s’arrête à 19 h 31 min 2 s sur Stockdale Road, au sud de West Lake Road, soit au site de l’accident de la Honda.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, et ont trouvé ce qui suit :
  • Photos prises par le TC no 5;


Photos prises par le TC no 5


Ces photos se sont avérées sans pertinence pour l’enquête de l’UES.

Enregistrements des communications


Enregistrements des communications de la police


Il s’agit d’enregistrements du 22 mai 2020 qui ont capturé ce qui suit :

19 h 31 min 3 s : un téléphoniste du 9-1-1 appelle le répartiteur de la Police provinciale pour l’informer d’un rapport d’accident de véhicule devant le 880 Stockdale Road. Un seul véhicule est impliqué; il a fait un tonneau sur Stockdale Road, entre Lock Road et West Lake Road. Le téléphoniste du 9-1-1 ajoute qu’il y a peut-être déjà un agent de police sur les lieux. Le répartiteur de la Police provinciale répond que oui, il y a un agent sur les lieux et qu’il y a eu une poursuite avec le véhicule accidenté. Le téléphoniste du 9-1-1 dit qu’il est possible qu’une personne soit coincée dans le véhicule et que deux ambulances et les pompiers sont en route.

19 h 33 min 18 s : un répartiteur de la Police provinciale appelle le centre de répartition des services médicaux d’urgence et demande qu’on envoie une ambulance à Stockdale Road, juste au sud de West Lake Road. Une personne est piégée dans le véhicule et les agents de police qui sont sur les lieux demandent l’aide d’une ambulance. Le répartiteur des SMU demande s’il y a d’autres blessés. Le répartiteur de la Police provinciale répond par la négative et précise qu’il y avait deux occupants dans le véhicule accidenté, mais que l’un [maintenant déterminé comme étant le plaignant] s’est échappé du véhicule tandis que l’autre est toujours à l’intérieur. Le répartiteur des SMU dit que l’ambulance et les pompiers sont en route.

À sept minutes et 55 secondes du début de l’enregistrement, l’AT no 1 appelle le centre des communications de la Police provinciale et parle brièvement avec le répartiteur. Le répartiteur met l’AT no 1 en communication avec le sergent d’état-major des communications. L’appel est passé et les enregistrements prennent fin.

À 19 h 34 min 16 s, un agent de police du centre des communications de Smiths Falls appelle le Centre provincial des opérations de la Police provinciale pour leur donner une mise à jour de la poursuite et de l’accident. Il explique qu’on lui a dit qu’un agent [maintenant déterminé comme étant l’AI] avait lancé une poursuite d’un véhicule qui ne s’était pas arrêté pour une infraction au Code de la route. Les vitesses avaient été élevées. L’AI avait mis fin à la poursuite, puis avait immobilisé son véhicule sur le bord de la route et avait donné son kilométrage. Ensuite, l’agent du centre des communications avait dit à l’AI qu’il pouvait continuer dans la direction du dernier itinéraire connu du véhicule en question. C’est donc ce que l’AI a fait et il a découvert que le véhicule avait eu un accident, avait fait un tonneau sur Stockdale Road et qu’il y avait des blessés. La gravité des blessures était en cours d’évaluation et une ambulance était en route. Le conducteur [maintenant déterminé comme étant le plaignant] était en état d’arrestation et une autre personne était coincée dans le véhicule renversé.

À trois minutes et 22 secondes du début de l’enregistrement, l’agent de police appelle l’AT no 1 qui est sur les lieux. L’AT no 1 dit à l’agent du centre des communications que le passager est sorti de la Honda et conscient. De la drogue et de l’argent jonchent le sol. Le plaignant et le passager sont en état d’arrestation et vont être conduits en ambulance à l’hôpital de Trenton. À dix minutes et 39 secondes du début de l’enregistrement, l’agent de liaison de la Police provinciale avec l’UES appelle l’agent du centre des communications. Ce dernier lui donne des détails sur la poursuite et ajoute que l’AI a mis fin à la poursuite de lui-même parce que la raison initiale de la poursuite était « des vitesses élevées ». L’AI a mis fin à la poursuite au bout de 20 à 30 secondes et s’est arrêté au bord de la route pendant environ une minute. Il est reparti à la recherche du véhicule et s’est dirigé vers le nord sur Stockdale Road. À peine une minute plus tard, l’AI a découvert le véhicule qui avait fait un tonneau. L’agent de liaison de la Police provinciale avec l’UES dit à l’agent du centre des communications qu’il a avisé le commandant du détachement de Quinte West et qu’il attend une mise à jour sur les blessures.

À 17 minutes et 25 secondes du début de l’enregistrement, l’agent de liaison de la Police provinciale avec l’UES appelle l’agent du centre des communications et lu dit que l’UES a été avisée et qu’il a besoin des détails horaires précis de l’incident. L’agent du centre des communications lui répond que l’AI a lancé la poursuite à 19 h 27 min 43 s et qu’il y a mis fin à 19 h 28 min 47 s À 19 h 29 min 577, l’AI été autorisé par le centre des communications à reprendre ses patrouilles pour rechercher le véhicule. L’AI a signalé avoir trouvé le véhicule accidenté à 19 h 31. L’AI était le seul agent impliqué dans la poursuite.

À 21 minutes et 9 secondes du début de l’enregistrement, un deuxième agent du centre de communications appelle l’AI et lui demande la vitesse maximale qu’il a atteinte pendant la poursuite. L’AI lui répond qu’il ne sait pas vraiment et que la Honda conduisait de façon téméraire. Il ajoute qu’il avait dû rouler à plus de 150 km/h pour rattraper la Honda,. L’AI précise qu’au départ, il avait roulé aux environs de 160 km/h. Il mentionne que son radar avait chronométré la Honda à 152 km/h et que c’était la raison pour laquelle il avait décidé de l’intercepter. L’AI ne pensait pas avoir vraiment engagé une poursuite avant d’être derrière la Honda, et que c’est à ce moment-là qu’il avait appelé. À partir de là, selon l’AI, il avait parcouru quatre kilomètres avant de mettre fin à la poursuite.

À 37 minutes et 44 secondes du début de l’enregistrement, l’AT no 2 appelle la deuxième agente du centre des communications pour l’informer des blessures. Le passager était maintenant en cellule et avait reçu un diagnostic d’ecchymoses, de lésions de tissus mous, de blessures à l’aine et aucune fracture. Le conducteur – le plaignant – avait une fracture du cou (une épaule fracturée au niveau du cou).


Communications radio


19 h 26 min 47 s : l’AI appelle le répartiteur pour une priorité. Il dit qu’un véhicule a pris la fuite en direction nord sur Stockdale Road. Il dit que le véhicule est très loin devant lui et qu’il cesse momentanément de le suivre. Il précise qu’il est en direction nord sur Stockdale Road et qu’il avait essayé de rattraper le véhicule pour lire sa plaque d’immatriculation. Il ajoute qu’il s’agit d’une Honda Civic grise et qu’elle roule dangereusement. Pour cette raison, l’AI a cessé de la poursuivre et s’est arrêté sur le bord de la route. Le répartiteur demande la raison de la poursuite et l’AI répond qu’il s’agissait d’une infraction au Code de la route. L’AI dit qu’il met fin à la poursuite à l’endroit où il se trouve présentement sur Stockdale Road, à mi-chemin de Frankford. Il précise que son kilométrage est « 200862 ».

À une minute et 40 secondes du début de l’enregistrement, l’AI dit qu’il a immobilisé son véhicule, mais demande la permission de se rendre à Frankford et de patrouiller dans le secteur. Le répartiteur lui dit d’attendre un peu et lui demande s’il y a des blessés ou des véhicules endommagés. L’AI lui répond qu’il n’y a pas de blessés et qu’il n’y a eu aucun contact entre les véhicules. Il dit que le véhicule suspect est une Honda Civic gris bleuâtre d’un modèle relativement ancien.

À deux minutes et 25 secondes du début de l’enregistrement, le répartiteur autorise l’AI à reprendre sa route dans la même direction que la Honda et en respectant la limite de vitesse affichée pour rechercher des signes d’accident possible. L’AI lui répond qu’il comprend.

À trois minutes et 15 secondes du début de l’enregistrement, l’AI dit qu’il vient d’arriver à la hauteur d’un accident et que s’il y a des blessés, il le signalera au centre des communications.

À trois minutes et 55 secondes du début de l’enregistrement, l’AT no 1 arrive sur les lieux. Il demande une ambulance, car une voiture a fait un tonneau. La police a une personne – le plaignant – en état d’arrestation. L’AT no 1 ajoute que la Honda est totalement détruite. Le reste de l’enregistrement ne contient rien de quelque valeur probante et se termine à 23 h 54 min 59 s

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents suivants du détachement de Quinte Ouest de la Police provinciale :
  • Chronologie des événements (système de répartition par ordinateur);
  • Données GPS – 22 mai 2020;
  • Notes (tablette de bord) – AT no 1;
  • Notes – l’AI (y compris des photos des lieux);
  • Notes – les deux ATs;
  • Rapport d’incident;
  • Enregistrements des communications de la Police provinciale;
  • Rapport d’entrevue par la Police provinciale – TC no 7;
  • Déclaration de la Police provinciale concernant les données GPS;
  • Liste des témoins de la Police provinciale;
  • Déclaration de témoin à la Police provinciale – TC no 6;
  • Déclaration de témoin à la Police provinciale – TC no 3;
  • Enregistrement audio – 911 et services médicaux d’urgence (SMU);
  • Enregistrement audio – communications téléphoniques de la répartition;
  • Enregistrement audio – centre de communications de la Police provinciale;
  • Enregistrement audio – radio; et
  • Enregistrements concernant l’utilisation de Google Earth pour afficher des fichiers .KMZ.

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

En plus des documents et autres éléments reçus du détachement de Quinte West de la Police provinciale, l’UES a obtenu auprès d’autres sources les documents suivants qu’elle a examinés :
  • Rapport médical – rapport d’incident des SMU;
  • Dossier médical – Hôpital Memorial de Trenton; et
  • Photos prises par le TC no 5;

Description de l’incident

Les faits importants en question ressortent assez clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprenaient des déclarations du plaignant et de plusieurs civils qui ont été témoins de certaines parties de la poursuite ou de la collision. L’enquête a également bénéficié d’un examen des enregistrements des communications de la police et des données GPS du véhicule de police de l’AI. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, comme c’est son droit, mais a remis une copie de ses notes sur l’incident.

Dans la soirée du 22 mai 2020, le plaignant et un complice roulaient vers l’est, à bord d’une Honda Civic, sur l’autoroute 401 en direction de Trenton. À un certain moment, à l’est de l’échangeur de Wooler Road, la Civic a accéléré puis s’est engagée sur la rampe de sortie de la route 33 vers Trenton.

L’AI était au volant de son véhicule de police (un VUS) immobilisé sur la bretelle en direction est de l’autoroute 401, à Wooler Road. Il effectuait des contrôles de vitesse lorsqu’il a chronométré la Honda Civic à 152 km/h. L’AI s’est engagé sur l’autoroute derrière la Civic afin de l’intercepter pour excès de vitesse. L’AI a allumé ses feux d’urgence pour signaler sa présence et dépasser d’autres véhicules et s’est placé dans la voie de dépassement derrière la Civic qu’il a alors vu virer brusquement vers la droite pour prendre la bretelle de sortie de la route 33. Comme il avait dépassé la bretelle de sortie, l’AI s’est engagé sur la bretelle d’accès de la route 33 à l’autoroute 401, circulant à contre-sens avant de s’engager dans les voies en direction sud de la route.

Une fois sur la route 33 vers le sud puis vers l’ouest en direction de Stockdale Road, la Civic a continué à rouler à vive allure pour échapper au véhicule de police. Son conducteur a ignoré quelques panneaux d’arrêt et a dépassé un camion à semi-remorque sur la droite, par l’accotement de la route. L’AI, ses feux d’urgence activés, a continué sa route pour tenter de rattraper la Civic et est passé dans la voie de circulation opposée pour dépasser le même camion à semi-remorque.

La Civic et le véhicule de police ont franchi un rond-point et accéléré vers le nord sur Stockdale Road. La poursuite a brièvement continué au même rythme pendant un bref moment jusqu’à ce que l’AI voit la Civic dépasser une Chevrolet Impala en direction nord en empruntant la voie opposée, évitant de justesse une collision avec un véhicule roulant en direction du sud. L’AI s’est alors arrêté sur le bord de la route entre Lock Road et McAuley Road.

Après avoir dépassé le Chevrolet, la Civic est arrivée à la hauteur d’une Hyundai Sonata roulant aussi vers le nord, qu’elle a contournée en utilisant l’accotement est de la chaussée. Ce faisant, le conducteur de la Civic a perdu le contrôle de son véhicule qui s’est enfoncé dans un fossé herbeux et a fait plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser sur son toit, sur une clôture.

Le plaignant est parvenu à sortir de la voiture démolie et a erré dans le champ d’une ferme voisine. Quelques minutes plus tard, il a été arrêté par l’AI qui était arrivé sur les lieux après avoir été autorisé reprendre sa patrouille après avoir mis fin à la poursuite.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de l’humérus gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 320.13 (2) du Code criminel – Conduite causant des lésions corporelles 

320.13 (2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

 

Paragraphe 128(13) du Code de la route – Véhicule de pompiers ou de police

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

(b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions.


Analyse et décision du directeur

Le 22 mai 2020, le plaignant a été grièvement blessé dans un accident de la route. Comme le plaignant fuyait la police au volant de son véhicule à ce moment-là, l’UES a été avisée de l’incident et a ouvert une enquête. L’AI avait poursuivi le plaignant quelques instants avant l’accident et a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’accident et la blessure du plaignant.

L’infraction à prendre en considération est la conduite dangereuse causant des lésions corporelles, une infraction visée par le paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. [3] La culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. R. c. Beatty, [2008] 1 RCS 49; R. c. Roy [2012] 2 RCS 60. Bien que certains aspects de la conduite de l’AI puissent soulever des questions, les preuves sont insuffisantes pour conclure raisonnablement que l’agent a transgressé les limites de prudence prescrites par le droit criminel.

L’AI était en droit de chercher à intercepter la Civic pour excès de vitesse après l’avoir chronométrée à 152 km/h sur son radar. En s’engageant sur l’autoroute 401, l’AI a fait un usage judicieux de ses feux d’urgence pour dégager la circulation devant lui tout en réduisant la distance le séparant de la Civic. Il a laissé ses feux d’urgence en marche sur la route 33. Environ deux à deux kilomètres et demi après avoir pris la sortie de Stockdale Road au rond-point, l’AI a mis fin à sa poursuite de la Civic. Ayant vu la Civic ignorer des panneaux d’arrêt et dépasser d’autres véhicules imprudemment, la décision de l’AI était sage. Malheureusement, le conducteur de la Civic a continué de conduire dangereusement sur un kilomètre de plus sur Stockdale Road jusqu’à l’accident.

Au cours de la poursuite, l’AI a conduit d’une manière qui pourrait être qualifiée de dangereuse. Par exemple, selon les données GPS, il a atteint 160 km/h une première fois sur l’autoroute 401, puis de nouveau pendant un bref moment en direction nord sur Stockdale Road. Sa vitesse sur la route 33, à environ 100 km/h pendant un certain temps, dépassait également largement la limite de vitesse. L’AI a roulé à contre-sens sur la bretelle d’accès de la route 33 aux voies Est de l’autoroute 401, puis de nouveau en dépassant un véhicule alors qu’il tentait de suivre la Civic. Enfin, l’AI aurait dû tenir son centre de communications au courant de la situation plus fréquemment qu’il ne l’a fait. Une telle communication, exigée par les politiques des services de police, vise à permettre à un officier de rang supérieur à prendre des décisions éclairées sur la nécessité de continuer la poursuite ou, au contraire, d’y mettre fin. À part une communication faite peu avant qu’il s’arrête sur Stockdale Road, durant laquelle il a dit vers où il se dirigeait et qu’il tentait de rattraper un véhicule, l’AI n’a fait aucune autre transmission radio au sujet de la poursuite.

Ces exemples de comportement objectivement risqué doivent cependant être considérés dans leur contexte. L’AI était dans l’exercice légitime de ses fonctions et, par conséquent, était exempt des limites de vitesse en vertu du paragraphe 128 (13) du Code de la route. Même si cette disposition ne donne pas carte blanche aux agents pour rouler à n’importe quelle vitesse sans égard à la sécurité publique, elle leur confère une certaine immunité lorsque, de bonne foi, ils jugent nécessaire de dépasser la limite de vitesse dans l’exercice de leurs fonctions. Les vitesses atteintes par l’AI sur l’autoroute 401 découlaient aussi, dans une certaine mesure, de ce qui était nécessaire pour rattraper la Civic, qui était déjà loin devant lui au moment où il a décidé de s’arrêter.

Les dangers associés à la vitesse de l’AI tout au long de la poursuite ainsi qu’à sa décision de rouler à contre sens à certains moments, ont néanmoins été atténués par le fait qu’il avait allumé ses feux d’urgence et que cet écart était relativement bref, tant en durée qu’en distance. Cela ne serait pas le cas d’un agent qui aurait eu amplement le temps d’apprécier un risque clair et évident, mais l’aurait ignoré avant qu’il ne soit trop tard. Au contraire, en l’espèce, il semblerait que l’AI ait pris des mesures opportunes pour mettre fin à la poursuite environ trois kilomètres après être sorti de l’autoroute. Pendant ce temps, rien n’indique qu’un véhicule civil n’ait dû réagir brusquement pour éviter une collision avec le véhicule de police. En fait, il semble que certains automobilistes, alertés par les feux d’urgence du véhicule de l’AI, aient pu se ranger sur le côté en toute sécurité pour lui laisser la voie libre.

Enfin, rien n’indique que l’AI ait poussé ou incité indûment le conducteur de la Civic à conduire de manière imprudente dans les dernières étapes de la poursuite. Comme je l’ai déjà mentionné, l’AI avait mis fin à la poursuite et était loin derrière la Civic au moment de l’accident. Le conducteur de la Civic avait eu amplement le temps d’ajuster sa façon de conduire si telle avait été son intention.

En conséquence, je ne suis pas convaincu, pour des motifs raisonnables, que la manière dont l’AI a conduit son véhicule équivalait à un écart marqué par rapport à un niveau de prudence raisonnable dans les circonstances. L’AI aurait dû tenir son centre de communications mieux informé de ce qu’il faisait. Il a également atteint des vitesses incroyablement élevées et a roulé à contre-sens sur de courtes distances, exposant les autres usagers de la route à un certain danger, mais pas au point de mettre indûment en péril la sécurité publique. Finalement, l’AI a agi prudemment en décidant de cesser de poursuivre la Civic à plus d’un kilomètre du lieu de l’accident. Dans ces circonstances, dans une poursuite menée par beau temps et sur des routes sèches, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a conduit dangereusement au point de commettre une infraction criminelle. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 23 novembre 2020

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le passager a refusé d'être interrogé par l'UES, comme tous les témoins civils en ont le droit. [Retour au texte]
  • 2) Selon les données de la répartition assistée par ordinateur, à 19 h 28 min 47 s, l'AI a avisé le centre des communications qu'il mettait fin à la poursuite et indiqué que son kilométrage était alors «200862». [Retour au texte]
  • 3) L'AT no 2 est arrivé sur les lieux de l'accident et a aidé l'AI à arrêter le plaignant. Selon l'AT no 2, il a frappé le plaignant une fois pour surmonter sa résistance et le menotter. Il y avait aussi des éléments de preuve selon lesquels l'AI a donné un à trois coups de pied au plaignant quand il l'a confronté sur Stockdale Road après l'accident et l'a placé sous garde. Étant donné que que les circonstances immédiates entourant l'arrestation du plaignant n'étaient pas au centre de l'enquête de l'UES, je ne les ai pas traitées dans ma décision. Cela dit, d'après les éléments de preuve recueillis par l'UES, je n'aurais pas eu de motifs raisonnables de croire que le plaignant ait été victime de voies de fait illégales. Compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve, qui n'appuient pas tous la suggestion que le plaignant a été frappé lors de son arrestation, il ne semble pas y avoir de fondement raisonnable pour conclure qu'une force excessive a été utilisée pour placer le plaignant sous garde. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.